Voici quelques raisons d'être un bon et un mauvais médecin généraliste : une journée trop chargée où j'ai vu sans doute trop de malades, mais qui pourra dire que la médecine générale n'a aucun intérêt ?
Cette journée n'est pas représentative de mes activités habituelles (il est des jours où je travaille moins et des jours où je travaille plus, ma moyenne annuelle étant de 31 actes par jour travaillé), pas représentative car une infime partie de mes activités se sont retrouvées par hasard en cette journée (de nombreux épisodes annuels sont manquants et surtout le travail accumulé sur chacun de ces nombreux patients que je connais depuis longtemps, sur chacun de tous ces autres patients ici qui m'ont inspiré pour cette journée là... mais j'ai pensé que me livrer à cet exercice de reconstitution (forcément incomplète et subjective car j'aurais dû écrire beaucoup plus de 12 heures pour rapporter les 12 heures de travail...) un intérêt documentaire.
(Il ne s'agit pas d'un verbatim car sinon il m'aurait fallu des pages et des pages pour tout recenser... En rouge, ce sont des notes...)
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Je commence les rendez-vous à 8 H 30 (je suis arrivé à 8 H 15 et la secrétaire à 8 H, et mon associée arrivera vers 8H 45). Madame A, 52 ans, 30 ans de clientèle, (C1), est la première patiente inquiète parce qu'elle doit passer demain une fibroscopie en raison de brûlures épigastriques post prandiales tardives qui n'ont pas cédé sous IPP. Elle veut un arrêt de travail pour aujourd'hui car son angoisse l'a empêchée d'aller travailler. Je l'interroge sur ses problèmes de boulot "Toujours pareil... Pourquoi voulez-vous que cela change ?...", la réorganisation, dit-elle, la rentabilité, ajoute-t-elle, faut-il la croire ?, et je finis par "tomber" sur les raisons de son angoisse : sa mère est morte d'un cancer de l'oesophage il y a quelques années. Elle ne m'en avait jamais parlé. Elle me raconte en plus qu'il y avait des métastases partout et qu'elle a beaucoup souffert. Nous parlons de métastases, de chimiothérapie, d'Helicobacter Pylori, et surtout du fait que je pense qu'elle n'a pas grand chose. (I) Monsieur A, 27 ans, deuxième fois que je le vois, (C2), est angoissé pour deux raisons : des problèmes de travail (une chef qui lui veut du mal, dit-il) et sa femme qui est partie sans donner de nouvelles il y a quelques jours (et avec leur petit garçon d'à peine 2 ans). Il revient parce qu'il ne va pas mieux, il me redonne des détails sur sa situation professionnelle, je lui fais mon numéro habituel sur les conflits du travail, le harcèlement, le fait qu'il ne faut pas déclarer ses troubles en maladie professionnelle, le fait qu'il vaudrait mieux en parler au médecin du travail (au cas où sa chef serait connue dans cette grande entreprise pour des faits similaires) et à l'inspection du travail en raison de la gravité des faits rapportés (II). Et, en plus, me dit-il, "J'ai la grippe." Le patient a autant la grippe que moi mais nous continuons de parler de ce qu'il faut faire ou ne pas faire vis à vis de sa chef "qui ne l'aime pas." Le troisième rendez-vous, (C3), Madame A, 49 ans, 20 ans de cabinet, me tend les résultats de sa prise de sang avec beaucoup d'inquiétude car il y a des croix partout. (Que l'on me permette de dire un mot sur les critères de normalité dans les résultats de prises de sang : c'est une source d'incompréhension infinie. Ne parlons pas des données fantaisistes comme la limite supérieure de la glycémie qui, dans 90 % des cas, ne correspond à rien de tangible en termes de décision diagnostique ; sans compter les commentaires sur le degré de l'insuffisance rénale, les patients ne comprenant rien et s'attribuant des insuffisances indues, sans compter les facteurs de risque pour le cholestérol...). Cette patiente n'a pas de cholestérol (je fais exprès d'utiliser une expression triviale) et n'est pas diabétique. Mais elle n'est pas contente parce qu'elle n'est pas rassurée. Pourquoi y a-t-il des croix si tout va bien ? Le laboratoire ne peut se tromper (III). Son médecin, si. Je lui donne des CHD (conseils hygiène-diététiques) et une prise de sang à faire dans trois mois (entre temps j'ai pris la PA...). Madame A, 84 ans, (C4), a toujours été pimpante et enjouée depuis que je la connais, 4 ans de cabinet, elle est vive, elle marche bien, elle est hypertendue diabétique bien équilibrée et la seule chose qui l'embête, et que la prescription d'un IPP a améliorée (hors AMM, cela va sans dire, ou presque hors AMM, c'est plus précis), c'est une hypersalivation et des renvois acides. On a cherché, on a regardé, on a ORLé, on a gastroentérologisé, et nous sommes convenus avec la patiente qu'il n'y avait rien à faire et qu'il ne servait à rien de continuer les investigations ou de donner des médicaments qui ne servaient à rien. Echec de la médecine générale qui aurait dû confier la patiente à des spécialistes professeurs parisiens ou constat que tout ne peut être fait et qu'il existe une part de douleur dans la vie humaine qu'il est impossible de combattre ? Ou faute majeure de ne pas combattre la douleur, la souffrance, le mal être par tous les moyens ? A vous de choisir (voir LA et LA sur l'anhédonie). Le jeune Monsieur A, 23 ans, 23 ans de cabinet avec des interruptions de contact liées à la PMI, (C5), est asthmatique et depuis qu'il a eu droit à plusieurs engueulades et des démonstrations à n'en plus finir sur la façon de se servir d'un aérosol (voir ICI), ne fait pratiquement plus de crises. Il a droit à une ordonnance pour six mois et revient deux fois par an sauf aujourd'hui parce qu'il a la diarrhée. Interrogatoire habituel, pas de TIAC, CHD habituels pour lui et pour son entourage, lavage des mains et alimentation et il ressort, déçu, avec un jour d'arrêt de travail et du pinaverium. Monsieur A, 32 ans, et 32 ans de cabinet, (C6) arrive en portant des lunettes noires de star qui cachent une conjonctivite bilatérale pour laquelle je tente, bien malencontrueusement, de rechercher une origine virale ou bactérienne, je ne fais pas de prélèvements, je donne des CHD (il a deux enfants et une femme) et je prescris du sérum physiologique et du tobrex. Ah, j'oubliais un truc : il a été arrêté par mes soins, il doit venir vendredi pour enlever les fils, au décours d'un accident de travail (plaie de l'index doit avec trois points de suture, l'interne des urgences n'ayant pas jugé bon de lui faire un arrêt de travail, le Monsieur A lui a pourtant dit qu'il travaillait les mains dans l'huile de vidange, mais Monsieur l'interne de l'hôpital, dont le nom est illisible sur le certificat médical initial, n'a pas jugé bon d'en tenir compte. L'interne est un zêlé défenseur des économies) (IV). A vendredi. Monsieur A, 60 ans, 29 ans de cabinet, (C7), comptable, travaille en mi-temps thérapeutique depuis six mois et attend sa retraite avec impatience. Cet homme est charmant, ainsi que sa femme et que ses enfants, mais je ne crois pas qu'il aurait obtenu cela s'il avait travaillé dans une petite boîte. Ce n'est pas un jugement, seulement une constatation : on dit que les arrêts de travail entretiennent les douleurs. Pourquoi pas ? Nous parlons de kinésithérapie, il continue des séances de kinésithérapie du rachis cervical, il rechigne en revanche pour mes conseils d'auto kinésithérapie, mon dada, et tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Il est content. Le médecin conseil a accepté. Le médecin du travail itou. La DRH a l'air également contente. Madame A, 25 ans, (C8), un an de cabinet, a mal au pied : elle présente un durillon rétrocapital et le port de semelles n'y a rien fait. Elle est d'accord pour se faire opérer malgré le fait qu'elle va perdre de l'argent, elle est femme de ménage et son mari est dans le même métal (homme de ménage), avec deux enfants en bas âge et la convalescence post opératoire est souvent longue. J'écris un courrier pour le chirurgien de l'hôpital parce qu'elle ne veut pas payer de dépassements à la clinique (V). Madame A, 76 ans, est une femme que j'aime beaucoup, dix ans de cabinet, (C9), et dont le principal souci, hormis une hypertension équilibrée, un diabète de type II équilibré (HbA1C à 7,8 -- et que les puristes ne me cassent pas les pieds avec le 7,8, je veux dire les diabétologues, les ophtalmologues, les cardiologues et les néphrologues, en me disant que cela pourrait être mieux), une arthrose généralisée, des douleurs musculaires (mais oui, on a arrêté les statines, mais oui les CPK sont normales) et un "vieux" diagnostic de jambes sans repos fait il y a quelques années par un neurologue de l'hôpital qui avait été "sensibilisé" par la campagne pharmaceutique d'un médicament "étudié pour", dont le principal souci, dis-je, est son isolement par rapport à ses enfants, vivant très loin de Paris, et le fait que ses voisins n'aient pas son niveau d'exigences intellectuelles. Je passe mon temps à pratiquer de la psychothérapie de soutien. J'ai appris, au cours de ces années, des détails de biographie sur cette femme qui pourraient permettre à des journalistes malins d'écrire des articles de sociologie pendant des semaines et à des romanciers en mal d'inspiration d'écrire au moins un livre dans le flux. Je l'aime bien mais je ne peux pas faire grand chose pour elle, c'est à dire soulager vraiment ses douleurs squelettiques et ses douleurs morales. Je la vois donc tous les 15 jours pour des séances de psychothérapie de soutien. Madame A, 43 ans, 33 ans de cabinet, (C10), fait une angine. Je regarde sa gorge, je n'annonce pas angine mais pharyngite (il s'agit en fait d'une angine rouge), je l'examine, j'écoute ses poumons, je regarde ses oreilles, je prescris du rhinotrophyl et du paracétamol, je réponds avec gentillesse à sa question "Ca n'irait pas un peu plus vite avec des antibiotiques ?" et elle repart au travail. Tout prêt du cabinet. Non sans m'avoir demandé un certificat indiquant qu'elle est bien venue consulter, son chef, dit-elle, et non sans m'avoir rappelé que son ancien chef, que je connaissais, c'était autre chose, exigeant qu'elle se justifie (et que je la justifie) (VI). C'est l'époque qui veut cela, en avons-nous conclu. Le petit A, neuf mois, première fois au cabinet, (CMNO11), mais je connais sa mère, est suivi à la PMI. Aujourd'hui il est enrhumé et à peine fébrile, ses vaccins sont à jour (toute la cavalerie), une petite trace de bécégéite à la face interne du bras doit (jamais déclarée au CRPV), allaitement mixte, bon, y a rien à dire, rien à faire, quelques CHD. Je n'ai même pas eu besoin de dire qu'il n'y avait pas besoin d'antibiotiques tant la maman était persuadée qu'il n'avait rien et qu'elle avait seulement besoin d'être rassurée. Monsieur A, 34 ans, une dizaine d'années de cabinet, (C12), est mon malade hypochondriaque préféré. La liste de ses maux est impressionnante. La liste de ses symptômes est quasiment inaudible. A part cela, c'est un charmant garçon, marié, père de deux enfants, mais il souffre de son corps et cette somatisation, facile à dire, depuis le temps que je le connais, par ignorance vraisemblablement, je n'ai jamais pu la faire remonter au cerveau. Son inconscient se bloque. Et le mien fait la même chose. J'ai déjà confié le patient à mon associée et à mon ex associé. Ils n'ont pu débloquer la situation. Le dernier rendez-vous de la matinée, je le reçois en retard de 15 minutes : Monsieur A, 49 ans, 7 ans de cabinet, (C13), est toujours désagréable mais je me demande bien pourquoi parce qu'il n'est ni bête ni méchant. Asthmatique sévère, il consulte pour des douleurs du dos qui s'avèrent être une lombalgie gauche associée à de vagues irradiations fessières. Il a mal. Ce n'est pas la première fois, il a fait un effort bénin, un faux mouvement et la douleur s'est déclenchée. Je suis un bon interrogateur dans les lombalgies et les lombo-sciatalgies car j'ai été à bonne école mais surtout parce que j'ai déjà souffert d'une sciatique mixte L4L5 et L5S1. (Mon expérience en ce domaine peut être considérée comme doublement interne, mon expérience de praticien et mes propres douleurs. Je ne veux pas dire que l'on ne peut connaître une pathologie que si on l'a subie, cela rendrait l'exercice de la médecine difficile, ce que je veux dire : lorsque j'ai eu un mal de chien, que j'ai posé des questions ici ou là, un rhumatologue, un neurologue, un médecin généraliste, un radiologue, enfin, des confrères, j'ai été surpris de la diversité des réponses et, finalement, je suis allé faire un tour sur le net, d'abord les publications, ensuite les cours et, enfin, je me suis refait, je devrais dire fait l'anatomie vertébrale en détail, l'espace foraminal et tutti quanti et, à la fin, je me suis fait ma propre idée, une idée subjective, cela va sans dire, et cette idée subjective m'a fait remettre en cause les dogmes et les avis d'experts que j'avais entendus et lus ici ou là. Je n'ai donc plus jamais regardé un patient de la même façon et les questions que je lui posais sur la nature de ses douleurs, c'était du vécu. J'ai été impressionné par un médecin du sport qu'un collègue m'avait conseillé de voir, une consultation de réassurance, un type très cool, et j'en ai conclu : pas d'intervention sauf urgence du siècle, pas de kinésithérapie mais de l'auto kinésithérapie. Bien entendu que j'ai vu des opérations qui se sont bien passées et pour lesquelles l'indication urgente n'était pas évidente, mais cette expérience unique m'a à la fois fortifié et inquiété : fallait-il que pour chaque pathologie je me mette à réapprendre l'anatomie, à contester les recommandations, à me faire ma propre idée ?... On voit que cette journée de travail que je décris, et dont vous n'avez vu que les premiers 13 patients, rendrait mon existence intenable si je devait TOUT réapprendre...) J'ai donc interrogé, examiné ce patient, je lui ai prescrit des médicaments, AINS et antalgiques, je lui ai fait un arrêt de travail jusqu'à la fin de la semaine et je me suis rendu compte qu'il était midi moins le quart.
Il y avait des papiers à signer, un bon de transport à remplir (un patient se rendant à la Salpêtrière), un carnet de santé à regarder et un appel téléphonique à recevoir de la CPAM.
Il y avait des papiers à signer, un bon de transport à remplir (un patient se rendant à la Salpêtrière), un carnet de santé à regarder et un appel téléphonique à recevoir de la CPAM.
J'ai vérifié qu'il ne manquait rien dans ma sacoche.
La première visite, disons que je ne peux pas détailler, parce que les gens se reconnaîtraient. Disons que c'est une visite particulière, parce qu'il y a une grand-mère de 91 ans que je connais depuis 33 ans (V+MD14) (ICI) et deux adultes, dont un ne peut se déplacer (C15 et C16). Le patient 16 se déplace régulièrement à mon cabinet mais en profite quand je viens voir sa mère pour que je "renouvelle" ses médicaments ou autre. (VII).
La deuxième visite est un poème. Monsieur A, 78 ans, (V+MD17), connu par moi depuis 20 ans, est hypertendu diabétique (je ne rajoute pas qu'il est bien équilibré, mais j'ai les chiffres, parce que je vais me faire rougir et que les lecteurs vont finir par ne pas me croire si je leur dis que tous mes diabétiques sont équilibrés, c'est bien entendu faux, mais disons que je tombe bien aujourd'hui), souffre d'une AC/ FA et est porteur d'un cancer de la prostate évolué localement. Il vient d'être opéré d'une hernie inguinale bilatérale, il sort de la clinique, il est paumé. Il était traité par antivitamine K, previscan (non, ne râlez pas, il était équilibré à sa sortie de son hospitalisation en cardiologie il y a 3 ans, et il l'est resté, je n'ai pas prescrit de coumadine, et voir plus bas C32 et la note afférente XIV), et, sorti le samedi, ne pouvant pas aller chez le pharmacien avant le lundi, c'est sa voisine qui le fait, il n'avait donc ni previscan, ni rien (lovenox, on le verra plus tard) pour l'anticoaguler... J'ai piqué une crise et j'attends encore, au moment où j'écris ces lignes, que la clinique me rappelle... Je signale que c'est l'infirmière à domicile qui a apporté les boîtes de lovenox... Bon, on rattrape, on rattrape.
Un petit sandwich acheté à la boulangerie : formule à 6 euro avec jambon gruyère + éclair au café + coca zéro. Un café bu au cabinet.
13H30.
Les deux enfants A, 4 ans et 27 mois, (C18 et C19) sont accompagnés par leurs deux parents et ont une rhino-pharyngite banale. Poids, mensurations, vérification du carnet de santé, bien que je les connaisse bien tous les deux. Prescription minimaliste. Puis c'est Madame A, 67 ans, environ 8 ans de cabinet, (C20), très sourde, inappareillable, "De toute façon je ne peux pas payer un appareil." (VIII). Elle vient pour "ses" médicaments et "son" vaccin contre la grippe (IX). Elle est allergique à tout. Son ordonnance est immuable. Elle a peur de changer de marque de génériques. Mais il y a un point curieux : le rhumatologue lui a prescrit un jour un produit inutile, voire dangereux, le chondrosulf, non remboursé, et elle continue de l'acheter malgré le fait qu'elle doive le payer... Elle présente depuis des années de grosses lésions dermatologiques liées à son allergie mais elle a fini par comprendre qu'il n'était pas nécessaire de s'exciter, il fallait faire avec... Madame A, 27 ans, première fois au cabinet, (C21) a attendu une heure et demie devant ma porte puis dans la salle d'attente, son médecin traitant ne pouvant lui accorder un rendez-vous, pour un rhume et une toux. Elle ne m'a même pas demandé d'arrêt de travail car elle ne travaille pas le lundi. Elle m'a payé en chèque (je veux dire, pour les grincheux : ce n'était pas une CMU) (X). Je n'ai pas traîné. Je ne lui ai pas prescrit : derinox ou rhinadvil, pas plus que toplexil, pas plus que maxilase ou de solupred... Monsieur A, 27 ans, 27 ans de cabinet, (C22), consulte pour diarrhée / vomissements. Il sait pourquoi : il a fait réchauffer de la viande qui était conservée depuis 24 heures à l'extérieur. On discute de choses et d'autres et je lui dis que son rappel de DTPolio est pour l'année prochaine. Monsieur A, 35 ans, 5 ans de cabinet, (C23), a lui aussi des douleur abdominales et ne vomit pas. C'est une gastro-entérite probablement virale. L'examen est sans particularité. Nous parlons de son fils qui présente un retard psychomoteur qui est en train de se combler. Une prescription de CHD. Du paracétamol. Deux jours d'arrêt de travail. Mademoiselle A, 17 ans, première fois au cabinet, (C24), elle vient d'arriver dans le coin, est enceinte et veut avorter. Mais elle ne veut pas, mineure, que ses parents le sachent. Nous parlons de la date des dernières règles (elle est dans les clous), nous parlons du test de grossesse qu'elle a fait en pharmacie, nous parlons des conditions de survenue (elle n'avait plus de pilule, le préservatif a éclaté), nous parlons des IST, elle dit oui à tout ce que je lui dis, facile, la vie. (XI) Je téléphone au centre 'Aide Ados' de mon coin, nous sommes en milieu d'après-midi, à la deuxième sonnerie une voix de femme me répond, très douce, je lui explique le cas, je lui demande si je dois programmer une échographie, elle me dit que non, et elle donne un rendez-vous pour mercredi 11 heures. "Cela vous convient ? - Oui." J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé ensuite mais il est probable que je ne reverrai jamais cette jeune fille qui avait choisi mon cabinet au hasard. Le jeune A, 5 semaines, deuxième fois au cabinet (la première fois, c'était mon associée), (CMNO25), est enrhumé. L'examen montre effectivement une petite rhinite, j'en profite pour expliquer, ré expliquer, comment on administre le sérum physiologique, j'interroge sur l'allaitement (maternel), et bla bla bla et bla bla bla (vitamines). C'était une consultation de courtoisie au cas où. Je n'ai pas eu besoin de prescrire les vaccins du deuxième mois, mon associée l'avait fait. Monsieur A, 32 ans, 32 ans de cabinet, est le père du précédent (C26). Il en "profite" pour son renouvellement : il est asthmatique et est traité par le pneumologue, enfin, le pneumologue lui a prescrit cela il y a deux ans et il ne fait plus de crises ou presque sous seretide. J'aime bien lui faire un peak flow à ce jeune père de famille c'est son premier enfant, parce qu'il a un peak flow d'enfer quand il va bien : 750 ml. Il faut donc en tenir compte quand il va mal : les valeurs de base sont élevées. Mademoiselle A, 32 ans, 25 ans de cabinet, (C27), est fatiguée, pense qu'elle a perdu du poids, alors que, comme elle dit, "tout roule..., je travaille, j'ai un copain..." La connaissant depuis, donc, 25 ans, je sais qu'elle traverse parfois des périodes d'intranquillité, je ne sais pas comment dire autrement, je la rassure, je lui mesure sa PA, basse comme d'habitude, je palpe et ausculte sa thyroïde, je surveille depuis 4 ans une augmentation modérée de volume et plusieurs kystes infra centimétriques, elle est cliniquement euthyroïdienne, je l'interroge sur ses dysménorrhées et ses spanioménorrhées qui persistent malgré la prise d'oestroprogestatifs, et je cède à sa demande, mais ce n'est pas totalement injustifié, de prescrire une numération et une tsh. "Vous pouvez me prescrire des vitamines ? - Heu, tu sais, (XII), les vitamines, ça sert pas à grand chose..." et de me remettre en position disque rayé sur les CHD pour "mieux vivre" : alimentation sommeil et tout le tralala. Sa gynécologue lui fait faire un frottis tous les 2 ans (XIII). Madame A, 26 ans, 3 ans de cabinet, (C28), mais avec des intermittences, elle aime bien changer, présente à n'en pas douter un syndrome viral des voies respiratoires hautes mais elle préfère consulter, dit-elle, parce qu'elle est enceinte de 4 mois. Elle a attendu longtemps. Je l'examine avec le plus grand sérieux, elle me dit qu'elle a pris du doliprane, "je pouvais ?", je lui conseille le site du CRAT (Centre de Références sur les Agents Tératogènes, LA) en lui expliquant, bla bla, et elle ressort avec du paracétamol, du sérum physiologique et des bonnes paroles (et un arrêt d'une journée). Monsieur A, 61 ans, 14 ans de cabinet, est un homme charmant (contre transfert quand tu nous tiens), (C29), dépendant de l'alcool, qui a déjà consulté moult addictologues, moult centres de désintoxication, un homme cultivé et intelligent et travaillant comme préparateur de commande chez un grand transporteur, avec lequel nous tentons de tuer les démons. Nous avançons pas à pas et commençons à déchiffrer. Pas de baclofène prévu (XIV) : ce patient veut, comme il dit, "extirper la bête". C'est son droit. Sort sans ordonnance.
16 H 30 : Départ de notre secrétaire. Nous répondons au téléphone, mon associée et moi. Et nous ouvrons le portier.
Monsieur A, 45 ans, au cabinet depuis 10 ans, (C30), est un disco-lombalgique chronique qui travaille comme préparateur de commande (c'est le deuxième de la journée). Il travaille bien qu'il souffre mais il n'a pas le choix, dit-il. Kinésithérapie abandonnée depuis longtemps et remplacée par auto kinésithérapie, piscine et antalgiques à la demande (paracétamol / codéine). A part cela : hémorroïdes. Madame A, 83 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, (C31), forme olympique en général, bien qu'un peu amaigrie ces derniers temps, aucune pathologie chronique à signaler (elle ne prend aucun médicament), consulte pour des douleurs abdominales accompagnées d'une vague diarrhée. Le ventre est souple, la pression artérielle normale : CHD + pinaverium. Monsieur A, 84 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, le mari de la précédente, (C32), tient avec du scotch (c'est une expression) depuis des années et on peut se demander s'il tient grâce à sa résistance naturelle, grâce aux médicaments ou en dépit des médicaments ; mais certainement en raison de l'entente fusionnelle avec sa femme que je perçois à chaque consultation (voilà que je sentimentalise). Je résume : infarctus du myocarde (à une époque où on ne revascularisait pas tout de suite) ; HTA ; dyslipidémie depuis 20 ans ; AC / FC ; antécédents d'embolie pulmonaire ; pace maker ; obésité morbide ; vous voulez autre chose ? Ils reviennent de vacances. Avant les vacances le cardiologue avait suggéré que l'on remplace le previscan (cf. plus haut pour la coumadine et V+MD17) (XV) par dabigatran. Nous sommes convenus que puisque l'INR était stable depuis des années, et qu'il était difficile de savoir ce qui pouvait se passer avec le dabigatran, et en raison de la "fragilité" de ce patient, que nous continuerions avec previscan. Mademoiselle A, 14 ans, 14 ans de cabinet, (C33), se présente avec un impétigo sur peau propre. On discute avec le papa qui accompagne. Je réponds aux questions. Je m'aperçois que j'aurais dû prendre une photographie. Je remplis le carnet de santé. Je prescris des antibiotiques. je donne des CHD. Mademoiselle A, 15 ans, 11 ans de cabinet, (C34), vient pour une simple ampoule à la face interne du pied droit attrapée à la patinoire. La cicatrisation commence. Traitement local : protection. Nous parlons de ses problèmes de poids qu'elle est en passe de résoudre. L'intervention de la diététicienne (première consultation 45 euro et la deuxième 25 non remboursées) a été très contributive. Vaccins à jour. Ni hépatite B, ni gardasil. Monsieur A, 51 ans, sportif vétéran de haut niveau, au moins 30 ans de cabinet, (C35), a fait une chute de vélo à l'entraînement (sur le côté droit). Je ne peux manquer de l'embêter à propos d'Armstrong et consorts (XVI). Nous en avons parlé si souvent... Problèmes : six mois après la chute et bien qu'il s'entraîne normalement, il a une zone d'insensibilité étendue sur la face externe de cuisse, qui a tendance à s'améliorer mais qui le gêne (je connais le phénomène, je lui explique; je lui dis qu'en revanche je ne sais pas quand cela disparaîtra : encore une fois des choses nous échappent et nous devons les accepter) et son poignet droit est sensible en hyper extension. Il existe un point douloureux exquis au niveau cubital. Je demande une IRM. Les sportifs ont besoin de réponses. Les sportifs de haut niveau, et j'en ai peu l'expérience, mais les sportifs passionnés en général, considèrent que leur corps est un outil qui doit être en parfait état de marche et les performances sont très affectées par le moindre doute de leur cerveau sur l'intégrité de cet outil (on voit que la journée avance et que les truismes font flores). Monsieur A, 23 ans, depuis 2 ans au cabinet, mesure deux mètres zéro trois, (C36), est une victime du business system américain : après une fracture de fatigue d'un métatarsien alors qu'il avait été drafté par une équipe universitaire américaine, on l'a fait reprendre trop tôt, il n'a plus pu jouer et il a dû partir, ruiné, pour la France, il est Sénégalais, et on essaie de le traiter. Il recommence à shooter, il court un peu à l'entraînement. Il vient parler avec moi en anglais de la NBA pour oublier ses soucis, prendre des médicaments (le secret médical m'interdit de dire lesquels), et demander des séances de kiné balnéothérapie. Mademoiselle A, 22 ans, 22 ans de cabinet, (C37), présente une drépanocytose hétérozygote, elle est Française d'origine sénégalaise, des spanioménorrhées qui n'arrangent pas son taux d'hémoglobine, et voudrait continuer à faire du sport (hand ball). Elle a besoin d'un certificat. Elle a également besoin de sa contraception oestro-progestative, qu'elle prend mal, qu'elle oublie, elle n'aime pas les comprimés en général (dans son dossier, au chapitre Allergie il y a noté "gélules et comprimés"), et refuse un implant (les progestatifs utilisés auparavant (levonorgestrel) avaient, en outre, provoqué des spottings très gênants. Madame A, 29 ans, 8 ans de cabinet, (C38), revient de vacances au Maghreb, nous en profitons pour parler de la façon dont elle voit la situation là-bas, j'écoute, j'enregistre, j'interviens à peine, et elle présente une classique diarrhée du retour. CHD et antinauséeux. Un jour d'arrêt de travail. Pour le frottis : l'année dernière. Mademoiselle A, 24 ans, 24 ans de cabinet, ne paie jamais, non, j'exagère, paie rarement les maigres 6,90 € que je lui demande au titre du tiers payant, (C39) (XVII), et vient ce soir pour une poussée d'herpès labial. Je prescris local et hors AMM et lui renouvelle sa pilule (remboursée). Mademoiselle A, 32 ans, et 18 ans de cabinet, (C40), est radieuse mais malade. Radieuse parce que le conflit du travail qu'elle avait eu avec une de ses collègues, conflit qui, avant les vacances, aurait pu la mener à la démission tant elle était angoissée, voire à la limite de la déprime (nous étions convenus de lui donner des anxiolytiques "légers"), le conflit s'est donc terminé par le licenciement de sa collègue. (XVIII). Malade en raison d'une banale virose des voies aériennes supérieures ne requérant, bien entendu, que des soins "légers" sans vasoconstricteurs nasaux, sans dérivés opiacés pour calmer la toux, sans corticothérapie... Mademoiselle A, 14 ans, malade fréquentant le cabinet depuis 14 ans, (C41), revient pour des douleurs abdominales intermittentes et récurrentes, basses, sans troubles du transit, sans signes urinaires, qui ne cèdent pas sous pinaverium. La jeune fille n'est pas réglée et il pourrait s'agir de dysménorrhées... J'examine, je temporise et je rassure. On discute de choses et d'autres et, tout d'un coup, la maman se rappelle qu'elle a eu le même genre de douleurs avant d'avoir ses règles. Cela ne rassure pas la jeune fille mais il s'agit d'une réaction que je décrypte ainsi (d'habitude la jeune fille vient seule et j'ai souvent discuté de ses problèmes --mineurs-- par rapport à sa maman) : je ne veux pas ressembler (trop) à ma maman. Monsieur A, 26 ans, malade du cabinet depuis quatre ans, (C42), a besoin de son traitement que je lui prescris habituellement tous les six mois : il présente un diabète insipide. Je lui remplis également un certificat pour qu'il puisse pratiquer le tennis de table. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués.
Il est 19 H 45. Je ferme la porte. Je fais la recette, c'est à dire que je compte les chèques et les cartes bancaires et cela correspond à ce que me dit l'ordinateur. J'imprime la liste pour la secrétaire demain. Je télétransmets, ce qui met un peu moins de trois minutes. Je ferme mon poste. Je me rends dans le bureau de mon associée qui est partie vers 19 heures, déconnecte les utilisateurs et sauvegarde. Je commence à fermer les volets. Je mets le répondeur. J'éteins le fax. Je retourne dans mon bureau consulter mèls et tweets que je n'ai cessé de regarder tout au long de la journée. Pendant que les malades se déshabillent, se rhabillent... La sauvegarde s'est bien passée sur le disque dur. Je sauve sur la clé USB. Je ferme tout. Je pars et il est 20H 5.
Epilogue : je vous assure que j'ai pris cette journée de lundi au hasard, il y avait longtemps que j'avais envie de le faire.. J'ai mis toute cette journée de jeudi, mais je n'ai pas fait que cela, pour la rapporter. Sera-ce un épouvantail pour les jeunes générations ? Je n'ai pas tout raconté, pas tout dit, ce n'est pas possible, mais on peut se rendre compte qu'au delà du temps passé avec les patients, il y a des connaissances accumulées, de l'expérience, du travail, de la réflexion en arrière-plan, cela s'appelle le métier. Je crois que je ne recommencerai plus : trop épuisant mais c'était aussi très intéressant pour moi de me retourner. Car le moindre des gestes que nous faisons, la moindre des attitudes que nous montrons à nos patients, jouent un rôle dans notre métier. A vous de juger.
Dernière précision : je me suis installé le 5 septembre 1979.
(I) Au moment où j'écris ces lignes j'ai eu le résultat de la fibroscopie : rien de chez rien. Nous pourrions, si nous en avions le temps, aborder la surconsommation délirante d'IPP chaque fois qu'une aigreur d'estomac est ressentie, chaque fois qu'un patient digère mal, et la surconsommation de fibroscopies négatives... Je rajoute le 29/10/12 : une étude américaine montre la surconsommation d'IPP à l'hôpital (LA)
(II) Le problème du harcèlement au travail demande une certaine clairvoyance et un certain recul vis à vis des déclarations des travailleurs, un certain recul vis à vis de notre propre conception du monde (idéologie, patronat, syndicat), un certain recul vis à vis de notre empathie / antipathie (cf. contre transfert), un certain recul vis à vis des attitudes stéréotypées à la mode dans la menée de la consultation : entretien motivationnel, psychothérapie de soutien, approche analytique, et cetera...). J'ai abordé ICI ou LA ces problèmes et il est difficile de ne pas être informé sur le droit (par exemple ICI), avoir lu les classiques de la question puisque les malades les ont lus soit directement, soit indirectement sur le net ou dans les médias audiovisuels : ICI. Question annexe : que doit dire le médecin généraliste à son patient ? Jusqu'où doit-il l'informer de ses droits ? Non, n'écarquillez pas les yeux : certains médecins généralistes font le minimum pour ne pas se substituer au patient, pour ne pas être celui qui induit le recours au médecin du travail ou à l'inspection du travail, il faut rester neutre et ne nous occuper que des conséquences médicales de ce conflit. Je ne fais pas cela. (voir aussi la note XVIII)
(III) Les laboratoires d'analyse médicale (qui vont bientôt disparaître physiquement grâce (?) au SROSS) sont obligé de fournir des valeurs limites lors de la remise des résultats. Or, pour de nombreuses valeurs (voir plus haut), c'est faux, cela inquiète, cela déroute, cela rend floue la décision du médecin qui peut faire ce qu'il veut selon qu'il est activiste, attentiste, alarmiste, normal ou négligent (mais la négligence de certains médecins est souvent bénéfique pour le patient)
(IV) Vaste débat sur les forums pour comprendre pourquoi : a) les hôpitaux et les spécialistes libéraux rechignent à faire des arrêts de travail et renvoient vers les médecins traitants. Explication 1 : ils ne veulent pas que les arrêts de travail entrent dans leurs profils (c'est faux car leurs profils d'IJ -- Indemnités Journalières) ne sont pas étudiés par la CPAM) ; Explication 2 : ce sont des flemmards ; Explication 3 : ils agissent ainsi pour que le médecin traitant soit au courant (hum, hum) ; Explication 4 : ils sont tellement habitués au à moi à toi des hôpitaux et des cliniques qu'ils pensent que cela fera plaisir au médecin traitant de faire un acte deplus... b) les bons de transport pour aller à l'hôpital : voir les explications plus haut.
(V) Les dépassements d'honoraires, nous avons, nous les glorieux médecins généralistes du secteur 1 qui ne pratiquons jamais de dépassements (et nous ne nous en vantons pas, nous constatons), à les gérer dès que nous adressons un malade à un spécialiste. Et j'exerce dans un coin où il existe encore des zones de non dépassement, mais cela devient rare. Il faut donc que nous fassions la part entre ce que peut admettre le patient (et ce n'est pas toujours évident de juger bien que 18 % des actes que j'effectue le sont en CMU), ce que je peux admettre moi-même (en fonction de mon opposition de principe aux dépassements mais aussi à la compréhension que je peux avoir de la nécessité de dépassements en consultation dans des spécialités non techniques comme la psychiatrie -- temps passé en consultation-- ou techniques comme l'ophtalmologie -- matériel à amortir et à changer), ce que je juge être raisonnable, ce que je juge en valoir le coup, et cetera, et cetera...)
(VI) D'aucuns de mes collègues prétendent que c'est la CPAM et ses annexes qui les envahissent de paperasserie tatillonne et inutile, plus qu'il y a cent ans, c'est évident, mais c'est plutôt la société civile qui nous contraint : certificats en tout genre pour l'école, la mairie, la crèche, les clubs de sport les plus farfelus, l'employeur, et cetera.
(VII) Les visites à domicile sont un vaste problème qui mettent en jeu différents points de vue (disons, pour déclarer mes liens d'intérêt, que je fais partie des médecins généralistes qui ont fait beaucoup, beaucoup, de visites, jusqu'à 13 par jour en moyenne -- et j'étais atypique dans mon coin -- ; c'était une autre époque que les moins de 30 ans ne peuvent pas comprendre et je ne regrette vraiment pas alors que je fais, grosso modo 7 visites par semaine désormais) : certains médecins généralistes ne font jamais de visites (par principe, parce que les spécialistes d'organes n'en font pas, parce que les malades n'ont qu'à se déplacer, parce que c'est de la mauvaise médecine, parce que cela prend du temps, parce que cela n'st pas assez rémunéré...) et je pense qu'il n'est pas possible, je répète et je souligne, pas possible, de faire de la médecine générale sans faire de visites ; certains médecins généralistes en font le moins possible pour les mêmes raisons que précédemment et ils ont probablement raison, d'autres continuent d'en faire beaucoup (parce qu'ils n'ont pas su s'arrêter ou en raison de la structure de leur clientèle ?) ; il paraît, selon la CPAM, qu'il faut faire moins de visites à domicile, inutiles cela va sans dire, pour des raisons d'économie... Convenons que nombre de visites à domicile sont des visites de convenance (même en n'en faisant que 7 par semaine) mais qu'il n'est pas possible de faire autrement pour les malades isolés, pour les malades en fin de vie, pour les malades impotents (à moins de faire exploser le budget transports de la CPAM), et que la vision de l'habitat du patient, de son habitus en général, est parfois très instructive et évite certaines erreurs de jugement. N'oublions pas qu'un des sport favoris de Docteur House est d'envoyer des enquêteurs sur le terrain. Mais il faudrait écrire un post entier sur la question...
(VIII) Il est tragique de constater dans ce beau pays que pour trois des valeurs de base de la santé et de l'hygiène de l'être humain, entre autres, les dents, la vue et l'audition, les soins ne sont pratiquement pas remboursées par le panier de soins ordinaire... Si l'on pense que la marge brute des médicaments est d'environ 95 %, que dire de celle des prothèses dentaires, optiques ou auditives ?... Au moment où les mutuelles complémentaires, que l'on devrait plutôt appeler des mutuelles supplémentaires (ICI), font de la publicité sur les ondes pour le remboursement de l'ostéopathie ou des consultations de diététique, le remboursement oculodentoditif n'est toujours pas assuré... au contraire des anti Alzheimer inefficaces, des strippings de varice à but esthétique ou des chambres individuelles dans les hôpitaux (dans ce cas le problème est aux hôpitaux qui n'ont pas de chambres individuelles)...
(IX) Les habitués de ce blog connaissent sans doute ma position sur la vaccination anti grippale chez les personnes de plus de 65 ans : elle est peu efficace. Il est amusant de constater que les vaccinologues patentés ont changé d'argumentation : avant que l'on ne vienne voir leurs dossiers, le vaccin marchait chez les personnes de plus de 65 ans, ensuite, le vaccin marche moins bien chez les personnes de plus de 65 ans que chez les adultes sains, et, maintenant, cela ne marche que dans 50 % des cas mis il faut le faire en cas de grande épidémie car c'est mieux que rien... ICI, un document savoureux et brut de décoffrage, d'un des spécialistes mondiaux (français) de la vaccinologie. Pour en revenir à "ma" patiente. Je lui ai expliqué (en hurlant, car elle est sourde) que le vaccin était peu efficace, que si elle avait envie de le faire, je le lui ferai, et que si elle ne le faisait pas cela n'avait pas une grosse importance. Elle a été vaccinée.
(X) Il est possible que cette patiente ait pu répondre, lors d'un sondage sur la qualité des soins en France, qu'elle a eu des difficultés à se faire soigner, voire, qu'elle a failli renoncer à des soins (urgents ?) pour cause d'encombrement dans les cabinets médicaux.
(XI) Pour connaître, un peu, mon avis sur l'IVG, voir sur ce blog : ICI. Mais cela mérite de longs développements.
(XII) Question que je n'ai pas encore résolue : Faut-il tutoyer les nourrissons, les enfants, les jeunes gens et donc, comme je les suis jusqu'à l'âge adulte, continuer de le faire ? Françoise Dolto, qui a dit beaucoup de khonneries, affirmait qu'il fallait vousoyer les enfants, fussent-ils nourrissons. Je ne l'ai jamais fait mais ce conseil lacano-doltoïen m'a toujours interrogé. Les parents me regardent déjà d'un drôle d'air quand je parle aux nourrissons, avant de les examiner, en leur disant ce que je vais leur faire, écouter leur coeur, regarder leurs tympans, je dis dans le désordre, regarder leur moineau, mâle ou femelle, les mesure, les peser, et cetera... Les parents qui me regardent étonnés quand je leur demande s'ils ont prévenu le nourrisson qu'il allait se faire vacciner, quand je parle au nourrisson pour lui annoncer que j'allais le vacciner contre la diphtérie... et pas contre l'hépatite B. Mais c'est un autre problème... Quoi qu'il en soit, je commence à vouvoyer les enfants / adolescents que je n'avais jamais vus auparavant à partir, disons, il n'y a pas de règle, de 16 ans. Pour les autres, ceux que j'ai tutoyés plus tôt, je continue, sauf quand le mari de la patiente n'apprécie pas. Enfin, il ne me viendrait pas à l'idée de tutoyer mes patients adultes comme on le voit sur certains blogs (LA).
(XIII) Les gynécologues médicales vont manquer. Les rendez-vous sont difficiles à obtenir chez elles. Mais si elles ne faisaient pas faire des frottis tous les ans pour certaines, tous les deux ans pour d'autres, alors que le consensus est tous les 3 ans quand tout va bien...
(XIV). Baclofène : nous sommes en pleine irréalité. En gros, à mon avis, et il arrive que je ne le partage pas, j'attends le résultat des études. Nous avons tellement été trompés par le passé sur des médicaments et des procédures qui résolvaient tout, surtout entre les mains de leurs prescripteurs et opérateurs, médicaments et procédures sans effets indésirables, bien entendu, que je me méfie. Ensuite, et là, j'avoue, c'est mal de penser ainsi, j'ai un peu de mal avec l'arrogance, le mépris pour les autres et la personnalité pour le moins alambiquée de son promoteur Olivier Ameizen, (LA). Puis, il est amusant de constater que ceux qui contestent en général les utilisations de médicaments hors AMM (sous la houlette de Big Pharma) utilisent désormais les arguments inverses pour dire qu'il faut utiliser le baclofène hors AMM parce que Big Pharma ne fait pas d'essais. Quitte à passer pour un passéiste incapable d'applaudir au progrès, mais surtout incapable de croire que l'alcoolisme est seulement un problème de récepteurs (les neuroscientistes, holà !), j'attends et je vois.
Un petit sandwich acheté à la boulangerie : formule à 6 euro avec jambon gruyère + éclair au café + coca zéro. Un café bu au cabinet.
13H30.
Les deux enfants A, 4 ans et 27 mois, (C18 et C19) sont accompagnés par leurs deux parents et ont une rhino-pharyngite banale. Poids, mensurations, vérification du carnet de santé, bien que je les connaisse bien tous les deux. Prescription minimaliste. Puis c'est Madame A, 67 ans, environ 8 ans de cabinet, (C20), très sourde, inappareillable, "De toute façon je ne peux pas payer un appareil." (VIII). Elle vient pour "ses" médicaments et "son" vaccin contre la grippe (IX). Elle est allergique à tout. Son ordonnance est immuable. Elle a peur de changer de marque de génériques. Mais il y a un point curieux : le rhumatologue lui a prescrit un jour un produit inutile, voire dangereux, le chondrosulf, non remboursé, et elle continue de l'acheter malgré le fait qu'elle doive le payer... Elle présente depuis des années de grosses lésions dermatologiques liées à son allergie mais elle a fini par comprendre qu'il n'était pas nécessaire de s'exciter, il fallait faire avec... Madame A, 27 ans, première fois au cabinet, (C21) a attendu une heure et demie devant ma porte puis dans la salle d'attente, son médecin traitant ne pouvant lui accorder un rendez-vous, pour un rhume et une toux. Elle ne m'a même pas demandé d'arrêt de travail car elle ne travaille pas le lundi. Elle m'a payé en chèque (je veux dire, pour les grincheux : ce n'était pas une CMU) (X). Je n'ai pas traîné. Je ne lui ai pas prescrit : derinox ou rhinadvil, pas plus que toplexil, pas plus que maxilase ou de solupred... Monsieur A, 27 ans, 27 ans de cabinet, (C22), consulte pour diarrhée / vomissements. Il sait pourquoi : il a fait réchauffer de la viande qui était conservée depuis 24 heures à l'extérieur. On discute de choses et d'autres et je lui dis que son rappel de DTPolio est pour l'année prochaine. Monsieur A, 35 ans, 5 ans de cabinet, (C23), a lui aussi des douleur abdominales et ne vomit pas. C'est une gastro-entérite probablement virale. L'examen est sans particularité. Nous parlons de son fils qui présente un retard psychomoteur qui est en train de se combler. Une prescription de CHD. Du paracétamol. Deux jours d'arrêt de travail. Mademoiselle A, 17 ans, première fois au cabinet, (C24), elle vient d'arriver dans le coin, est enceinte et veut avorter. Mais elle ne veut pas, mineure, que ses parents le sachent. Nous parlons de la date des dernières règles (elle est dans les clous), nous parlons du test de grossesse qu'elle a fait en pharmacie, nous parlons des conditions de survenue (elle n'avait plus de pilule, le préservatif a éclaté), nous parlons des IST, elle dit oui à tout ce que je lui dis, facile, la vie. (XI) Je téléphone au centre 'Aide Ados' de mon coin, nous sommes en milieu d'après-midi, à la deuxième sonnerie une voix de femme me répond, très douce, je lui explique le cas, je lui demande si je dois programmer une échographie, elle me dit que non, et elle donne un rendez-vous pour mercredi 11 heures. "Cela vous convient ? - Oui." J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé ensuite mais il est probable que je ne reverrai jamais cette jeune fille qui avait choisi mon cabinet au hasard. Le jeune A, 5 semaines, deuxième fois au cabinet (la première fois, c'était mon associée), (CMNO25), est enrhumé. L'examen montre effectivement une petite rhinite, j'en profite pour expliquer, ré expliquer, comment on administre le sérum physiologique, j'interroge sur l'allaitement (maternel), et bla bla bla et bla bla bla (vitamines). C'était une consultation de courtoisie au cas où. Je n'ai pas eu besoin de prescrire les vaccins du deuxième mois, mon associée l'avait fait. Monsieur A, 32 ans, 32 ans de cabinet, est le père du précédent (C26). Il en "profite" pour son renouvellement : il est asthmatique et est traité par le pneumologue, enfin, le pneumologue lui a prescrit cela il y a deux ans et il ne fait plus de crises ou presque sous seretide. J'aime bien lui faire un peak flow à ce jeune père de famille c'est son premier enfant, parce qu'il a un peak flow d'enfer quand il va bien : 750 ml. Il faut donc en tenir compte quand il va mal : les valeurs de base sont élevées. Mademoiselle A, 32 ans, 25 ans de cabinet, (C27), est fatiguée, pense qu'elle a perdu du poids, alors que, comme elle dit, "tout roule..., je travaille, j'ai un copain..." La connaissant depuis, donc, 25 ans, je sais qu'elle traverse parfois des périodes d'intranquillité, je ne sais pas comment dire autrement, je la rassure, je lui mesure sa PA, basse comme d'habitude, je palpe et ausculte sa thyroïde, je surveille depuis 4 ans une augmentation modérée de volume et plusieurs kystes infra centimétriques, elle est cliniquement euthyroïdienne, je l'interroge sur ses dysménorrhées et ses spanioménorrhées qui persistent malgré la prise d'oestroprogestatifs, et je cède à sa demande, mais ce n'est pas totalement injustifié, de prescrire une numération et une tsh. "Vous pouvez me prescrire des vitamines ? - Heu, tu sais, (XII), les vitamines, ça sert pas à grand chose..." et de me remettre en position disque rayé sur les CHD pour "mieux vivre" : alimentation sommeil et tout le tralala. Sa gynécologue lui fait faire un frottis tous les 2 ans (XIII). Madame A, 26 ans, 3 ans de cabinet, (C28), mais avec des intermittences, elle aime bien changer, présente à n'en pas douter un syndrome viral des voies respiratoires hautes mais elle préfère consulter, dit-elle, parce qu'elle est enceinte de 4 mois. Elle a attendu longtemps. Je l'examine avec le plus grand sérieux, elle me dit qu'elle a pris du doliprane, "je pouvais ?", je lui conseille le site du CRAT (Centre de Références sur les Agents Tératogènes, LA) en lui expliquant, bla bla, et elle ressort avec du paracétamol, du sérum physiologique et des bonnes paroles (et un arrêt d'une journée). Monsieur A, 61 ans, 14 ans de cabinet, est un homme charmant (contre transfert quand tu nous tiens), (C29), dépendant de l'alcool, qui a déjà consulté moult addictologues, moult centres de désintoxication, un homme cultivé et intelligent et travaillant comme préparateur de commande chez un grand transporteur, avec lequel nous tentons de tuer les démons. Nous avançons pas à pas et commençons à déchiffrer. Pas de baclofène prévu (XIV) : ce patient veut, comme il dit, "extirper la bête". C'est son droit. Sort sans ordonnance.
16 H 30 : Départ de notre secrétaire. Nous répondons au téléphone, mon associée et moi. Et nous ouvrons le portier.
Monsieur A, 45 ans, au cabinet depuis 10 ans, (C30), est un disco-lombalgique chronique qui travaille comme préparateur de commande (c'est le deuxième de la journée). Il travaille bien qu'il souffre mais il n'a pas le choix, dit-il. Kinésithérapie abandonnée depuis longtemps et remplacée par auto kinésithérapie, piscine et antalgiques à la demande (paracétamol / codéine). A part cela : hémorroïdes. Madame A, 83 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, (C31), forme olympique en général, bien qu'un peu amaigrie ces derniers temps, aucune pathologie chronique à signaler (elle ne prend aucun médicament), consulte pour des douleurs abdominales accompagnées d'une vague diarrhée. Le ventre est souple, la pression artérielle normale : CHD + pinaverium. Monsieur A, 84 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, le mari de la précédente, (C32), tient avec du scotch (c'est une expression) depuis des années et on peut se demander s'il tient grâce à sa résistance naturelle, grâce aux médicaments ou en dépit des médicaments ; mais certainement en raison de l'entente fusionnelle avec sa femme que je perçois à chaque consultation (voilà que je sentimentalise). Je résume : infarctus du myocarde (à une époque où on ne revascularisait pas tout de suite) ; HTA ; dyslipidémie depuis 20 ans ; AC / FC ; antécédents d'embolie pulmonaire ; pace maker ; obésité morbide ; vous voulez autre chose ? Ils reviennent de vacances. Avant les vacances le cardiologue avait suggéré que l'on remplace le previscan (cf. plus haut pour la coumadine et V+MD17) (XV) par dabigatran. Nous sommes convenus que puisque l'INR était stable depuis des années, et qu'il était difficile de savoir ce qui pouvait se passer avec le dabigatran, et en raison de la "fragilité" de ce patient, que nous continuerions avec previscan. Mademoiselle A, 14 ans, 14 ans de cabinet, (C33), se présente avec un impétigo sur peau propre. On discute avec le papa qui accompagne. Je réponds aux questions. Je m'aperçois que j'aurais dû prendre une photographie. Je remplis le carnet de santé. Je prescris des antibiotiques. je donne des CHD. Mademoiselle A, 15 ans, 11 ans de cabinet, (C34), vient pour une simple ampoule à la face interne du pied droit attrapée à la patinoire. La cicatrisation commence. Traitement local : protection. Nous parlons de ses problèmes de poids qu'elle est en passe de résoudre. L'intervention de la diététicienne (première consultation 45 euro et la deuxième 25 non remboursées) a été très contributive. Vaccins à jour. Ni hépatite B, ni gardasil. Monsieur A, 51 ans, sportif vétéran de haut niveau, au moins 30 ans de cabinet, (C35), a fait une chute de vélo à l'entraînement (sur le côté droit). Je ne peux manquer de l'embêter à propos d'Armstrong et consorts (XVI). Nous en avons parlé si souvent... Problèmes : six mois après la chute et bien qu'il s'entraîne normalement, il a une zone d'insensibilité étendue sur la face externe de cuisse, qui a tendance à s'améliorer mais qui le gêne (je connais le phénomène, je lui explique; je lui dis qu'en revanche je ne sais pas quand cela disparaîtra : encore une fois des choses nous échappent et nous devons les accepter) et son poignet droit est sensible en hyper extension. Il existe un point douloureux exquis au niveau cubital. Je demande une IRM. Les sportifs ont besoin de réponses. Les sportifs de haut niveau, et j'en ai peu l'expérience, mais les sportifs passionnés en général, considèrent que leur corps est un outil qui doit être en parfait état de marche et les performances sont très affectées par le moindre doute de leur cerveau sur l'intégrité de cet outil (on voit que la journée avance et que les truismes font flores). Monsieur A, 23 ans, depuis 2 ans au cabinet, mesure deux mètres zéro trois, (C36), est une victime du business system américain : après une fracture de fatigue d'un métatarsien alors qu'il avait été drafté par une équipe universitaire américaine, on l'a fait reprendre trop tôt, il n'a plus pu jouer et il a dû partir, ruiné, pour la France, il est Sénégalais, et on essaie de le traiter. Il recommence à shooter, il court un peu à l'entraînement. Il vient parler avec moi en anglais de la NBA pour oublier ses soucis, prendre des médicaments (le secret médical m'interdit de dire lesquels), et demander des séances de kiné balnéothérapie. Mademoiselle A, 22 ans, 22 ans de cabinet, (C37), présente une drépanocytose hétérozygote, elle est Française d'origine sénégalaise, des spanioménorrhées qui n'arrangent pas son taux d'hémoglobine, et voudrait continuer à faire du sport (hand ball). Elle a besoin d'un certificat. Elle a également besoin de sa contraception oestro-progestative, qu'elle prend mal, qu'elle oublie, elle n'aime pas les comprimés en général (dans son dossier, au chapitre Allergie il y a noté "gélules et comprimés"), et refuse un implant (les progestatifs utilisés auparavant (levonorgestrel) avaient, en outre, provoqué des spottings très gênants. Madame A, 29 ans, 8 ans de cabinet, (C38), revient de vacances au Maghreb, nous en profitons pour parler de la façon dont elle voit la situation là-bas, j'écoute, j'enregistre, j'interviens à peine, et elle présente une classique diarrhée du retour. CHD et antinauséeux. Un jour d'arrêt de travail. Pour le frottis : l'année dernière. Mademoiselle A, 24 ans, 24 ans de cabinet, ne paie jamais, non, j'exagère, paie rarement les maigres 6,90 € que je lui demande au titre du tiers payant, (C39) (XVII), et vient ce soir pour une poussée d'herpès labial. Je prescris local et hors AMM et lui renouvelle sa pilule (remboursée). Mademoiselle A, 32 ans, et 18 ans de cabinet, (C40), est radieuse mais malade. Radieuse parce que le conflit du travail qu'elle avait eu avec une de ses collègues, conflit qui, avant les vacances, aurait pu la mener à la démission tant elle était angoissée, voire à la limite de la déprime (nous étions convenus de lui donner des anxiolytiques "légers"), le conflit s'est donc terminé par le licenciement de sa collègue. (XVIII). Malade en raison d'une banale virose des voies aériennes supérieures ne requérant, bien entendu, que des soins "légers" sans vasoconstricteurs nasaux, sans dérivés opiacés pour calmer la toux, sans corticothérapie... Mademoiselle A, 14 ans, malade fréquentant le cabinet depuis 14 ans, (C41), revient pour des douleurs abdominales intermittentes et récurrentes, basses, sans troubles du transit, sans signes urinaires, qui ne cèdent pas sous pinaverium. La jeune fille n'est pas réglée et il pourrait s'agir de dysménorrhées... J'examine, je temporise et je rassure. On discute de choses et d'autres et, tout d'un coup, la maman se rappelle qu'elle a eu le même genre de douleurs avant d'avoir ses règles. Cela ne rassure pas la jeune fille mais il s'agit d'une réaction que je décrypte ainsi (d'habitude la jeune fille vient seule et j'ai souvent discuté de ses problèmes --mineurs-- par rapport à sa maman) : je ne veux pas ressembler (trop) à ma maman. Monsieur A, 26 ans, malade du cabinet depuis quatre ans, (C42), a besoin de son traitement que je lui prescris habituellement tous les six mois : il présente un diabète insipide. Je lui remplis également un certificat pour qu'il puisse pratiquer le tennis de table. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués.
Il est 19 H 45. Je ferme la porte. Je fais la recette, c'est à dire que je compte les chèques et les cartes bancaires et cela correspond à ce que me dit l'ordinateur. J'imprime la liste pour la secrétaire demain. Je télétransmets, ce qui met un peu moins de trois minutes. Je ferme mon poste. Je me rends dans le bureau de mon associée qui est partie vers 19 heures, déconnecte les utilisateurs et sauvegarde. Je commence à fermer les volets. Je mets le répondeur. J'éteins le fax. Je retourne dans mon bureau consulter mèls et tweets que je n'ai cessé de regarder tout au long de la journée. Pendant que les malades se déshabillent, se rhabillent... La sauvegarde s'est bien passée sur le disque dur. Je sauve sur la clé USB. Je ferme tout. Je pars et il est 20H 5.
Epilogue : je vous assure que j'ai pris cette journée de lundi au hasard, il y avait longtemps que j'avais envie de le faire.. J'ai mis toute cette journée de jeudi, mais je n'ai pas fait que cela, pour la rapporter. Sera-ce un épouvantail pour les jeunes générations ? Je n'ai pas tout raconté, pas tout dit, ce n'est pas possible, mais on peut se rendre compte qu'au delà du temps passé avec les patients, il y a des connaissances accumulées, de l'expérience, du travail, de la réflexion en arrière-plan, cela s'appelle le métier. Je crois que je ne recommencerai plus : trop épuisant mais c'était aussi très intéressant pour moi de me retourner. Car le moindre des gestes que nous faisons, la moindre des attitudes que nous montrons à nos patients, jouent un rôle dans notre métier. A vous de juger.
Dernière précision : je me suis installé le 5 septembre 1979.
***************
Notes :(I) Au moment où j'écris ces lignes j'ai eu le résultat de la fibroscopie : rien de chez rien. Nous pourrions, si nous en avions le temps, aborder la surconsommation délirante d'IPP chaque fois qu'une aigreur d'estomac est ressentie, chaque fois qu'un patient digère mal, et la surconsommation de fibroscopies négatives... Je rajoute le 29/10/12 : une étude américaine montre la surconsommation d'IPP à l'hôpital (LA)
(II) Le problème du harcèlement au travail demande une certaine clairvoyance et un certain recul vis à vis des déclarations des travailleurs, un certain recul vis à vis de notre propre conception du monde (idéologie, patronat, syndicat), un certain recul vis à vis de notre empathie / antipathie (cf. contre transfert), un certain recul vis à vis des attitudes stéréotypées à la mode dans la menée de la consultation : entretien motivationnel, psychothérapie de soutien, approche analytique, et cetera...). J'ai abordé ICI ou LA ces problèmes et il est difficile de ne pas être informé sur le droit (par exemple ICI), avoir lu les classiques de la question puisque les malades les ont lus soit directement, soit indirectement sur le net ou dans les médias audiovisuels : ICI. Question annexe : que doit dire le médecin généraliste à son patient ? Jusqu'où doit-il l'informer de ses droits ? Non, n'écarquillez pas les yeux : certains médecins généralistes font le minimum pour ne pas se substituer au patient, pour ne pas être celui qui induit le recours au médecin du travail ou à l'inspection du travail, il faut rester neutre et ne nous occuper que des conséquences médicales de ce conflit. Je ne fais pas cela. (voir aussi la note XVIII)
(III) Les laboratoires d'analyse médicale (qui vont bientôt disparaître physiquement grâce (?) au SROSS) sont obligé de fournir des valeurs limites lors de la remise des résultats. Or, pour de nombreuses valeurs (voir plus haut), c'est faux, cela inquiète, cela déroute, cela rend floue la décision du médecin qui peut faire ce qu'il veut selon qu'il est activiste, attentiste, alarmiste, normal ou négligent (mais la négligence de certains médecins est souvent bénéfique pour le patient)
(IV) Vaste débat sur les forums pour comprendre pourquoi : a) les hôpitaux et les spécialistes libéraux rechignent à faire des arrêts de travail et renvoient vers les médecins traitants. Explication 1 : ils ne veulent pas que les arrêts de travail entrent dans leurs profils (c'est faux car leurs profils d'IJ -- Indemnités Journalières) ne sont pas étudiés par la CPAM) ; Explication 2 : ce sont des flemmards ; Explication 3 : ils agissent ainsi pour que le médecin traitant soit au courant (hum, hum) ; Explication 4 : ils sont tellement habitués au à moi à toi des hôpitaux et des cliniques qu'ils pensent que cela fera plaisir au médecin traitant de faire un acte deplus... b) les bons de transport pour aller à l'hôpital : voir les explications plus haut.
(V) Les dépassements d'honoraires, nous avons, nous les glorieux médecins généralistes du secteur 1 qui ne pratiquons jamais de dépassements (et nous ne nous en vantons pas, nous constatons), à les gérer dès que nous adressons un malade à un spécialiste. Et j'exerce dans un coin où il existe encore des zones de non dépassement, mais cela devient rare. Il faut donc que nous fassions la part entre ce que peut admettre le patient (et ce n'est pas toujours évident de juger bien que 18 % des actes que j'effectue le sont en CMU), ce que je peux admettre moi-même (en fonction de mon opposition de principe aux dépassements mais aussi à la compréhension que je peux avoir de la nécessité de dépassements en consultation dans des spécialités non techniques comme la psychiatrie -- temps passé en consultation-- ou techniques comme l'ophtalmologie -- matériel à amortir et à changer), ce que je juge être raisonnable, ce que je juge en valoir le coup, et cetera, et cetera...)
(VI) D'aucuns de mes collègues prétendent que c'est la CPAM et ses annexes qui les envahissent de paperasserie tatillonne et inutile, plus qu'il y a cent ans, c'est évident, mais c'est plutôt la société civile qui nous contraint : certificats en tout genre pour l'école, la mairie, la crèche, les clubs de sport les plus farfelus, l'employeur, et cetera.
(VII) Les visites à domicile sont un vaste problème qui mettent en jeu différents points de vue (disons, pour déclarer mes liens d'intérêt, que je fais partie des médecins généralistes qui ont fait beaucoup, beaucoup, de visites, jusqu'à 13 par jour en moyenne -- et j'étais atypique dans mon coin -- ; c'était une autre époque que les moins de 30 ans ne peuvent pas comprendre et je ne regrette vraiment pas alors que je fais, grosso modo 7 visites par semaine désormais) : certains médecins généralistes ne font jamais de visites (par principe, parce que les spécialistes d'organes n'en font pas, parce que les malades n'ont qu'à se déplacer, parce que c'est de la mauvaise médecine, parce que cela prend du temps, parce que cela n'st pas assez rémunéré...) et je pense qu'il n'est pas possible, je répète et je souligne, pas possible, de faire de la médecine générale sans faire de visites ; certains médecins généralistes en font le moins possible pour les mêmes raisons que précédemment et ils ont probablement raison, d'autres continuent d'en faire beaucoup (parce qu'ils n'ont pas su s'arrêter ou en raison de la structure de leur clientèle ?) ; il paraît, selon la CPAM, qu'il faut faire moins de visites à domicile, inutiles cela va sans dire, pour des raisons d'économie... Convenons que nombre de visites à domicile sont des visites de convenance (même en n'en faisant que 7 par semaine) mais qu'il n'est pas possible de faire autrement pour les malades isolés, pour les malades en fin de vie, pour les malades impotents (à moins de faire exploser le budget transports de la CPAM), et que la vision de l'habitat du patient, de son habitus en général, est parfois très instructive et évite certaines erreurs de jugement. N'oublions pas qu'un des sport favoris de Docteur House est d'envoyer des enquêteurs sur le terrain. Mais il faudrait écrire un post entier sur la question...
(VIII) Il est tragique de constater dans ce beau pays que pour trois des valeurs de base de la santé et de l'hygiène de l'être humain, entre autres, les dents, la vue et l'audition, les soins ne sont pratiquement pas remboursées par le panier de soins ordinaire... Si l'on pense que la marge brute des médicaments est d'environ 95 %, que dire de celle des prothèses dentaires, optiques ou auditives ?... Au moment où les mutuelles complémentaires, que l'on devrait plutôt appeler des mutuelles supplémentaires (ICI), font de la publicité sur les ondes pour le remboursement de l'ostéopathie ou des consultations de diététique, le remboursement oculodentoditif n'est toujours pas assuré... au contraire des anti Alzheimer inefficaces, des strippings de varice à but esthétique ou des chambres individuelles dans les hôpitaux (dans ce cas le problème est aux hôpitaux qui n'ont pas de chambres individuelles)...
(IX) Les habitués de ce blog connaissent sans doute ma position sur la vaccination anti grippale chez les personnes de plus de 65 ans : elle est peu efficace. Il est amusant de constater que les vaccinologues patentés ont changé d'argumentation : avant que l'on ne vienne voir leurs dossiers, le vaccin marchait chez les personnes de plus de 65 ans, ensuite, le vaccin marche moins bien chez les personnes de plus de 65 ans que chez les adultes sains, et, maintenant, cela ne marche que dans 50 % des cas mis il faut le faire en cas de grande épidémie car c'est mieux que rien... ICI, un document savoureux et brut de décoffrage, d'un des spécialistes mondiaux (français) de la vaccinologie. Pour en revenir à "ma" patiente. Je lui ai expliqué (en hurlant, car elle est sourde) que le vaccin était peu efficace, que si elle avait envie de le faire, je le lui ferai, et que si elle ne le faisait pas cela n'avait pas une grosse importance. Elle a été vaccinée.
(X) Il est possible que cette patiente ait pu répondre, lors d'un sondage sur la qualité des soins en France, qu'elle a eu des difficultés à se faire soigner, voire, qu'elle a failli renoncer à des soins (urgents ?) pour cause d'encombrement dans les cabinets médicaux.
(XI) Pour connaître, un peu, mon avis sur l'IVG, voir sur ce blog : ICI. Mais cela mérite de longs développements.
(XII) Question que je n'ai pas encore résolue : Faut-il tutoyer les nourrissons, les enfants, les jeunes gens et donc, comme je les suis jusqu'à l'âge adulte, continuer de le faire ? Françoise Dolto, qui a dit beaucoup de khonneries, affirmait qu'il fallait vousoyer les enfants, fussent-ils nourrissons. Je ne l'ai jamais fait mais ce conseil lacano-doltoïen m'a toujours interrogé. Les parents me regardent déjà d'un drôle d'air quand je parle aux nourrissons, avant de les examiner, en leur disant ce que je vais leur faire, écouter leur coeur, regarder leurs tympans, je dis dans le désordre, regarder leur moineau, mâle ou femelle, les mesure, les peser, et cetera... Les parents qui me regardent étonnés quand je leur demande s'ils ont prévenu le nourrisson qu'il allait se faire vacciner, quand je parle au nourrisson pour lui annoncer que j'allais le vacciner contre la diphtérie... et pas contre l'hépatite B. Mais c'est un autre problème... Quoi qu'il en soit, je commence à vouvoyer les enfants / adolescents que je n'avais jamais vus auparavant à partir, disons, il n'y a pas de règle, de 16 ans. Pour les autres, ceux que j'ai tutoyés plus tôt, je continue, sauf quand le mari de la patiente n'apprécie pas. Enfin, il ne me viendrait pas à l'idée de tutoyer mes patients adultes comme on le voit sur certains blogs (LA).
(XIII) Les gynécologues médicales vont manquer. Les rendez-vous sont difficiles à obtenir chez elles. Mais si elles ne faisaient pas faire des frottis tous les ans pour certaines, tous les deux ans pour d'autres, alors que le consensus est tous les 3 ans quand tout va bien...
(XIV). Baclofène : nous sommes en pleine irréalité. En gros, à mon avis, et il arrive que je ne le partage pas, j'attends le résultat des études. Nous avons tellement été trompés par le passé sur des médicaments et des procédures qui résolvaient tout, surtout entre les mains de leurs prescripteurs et opérateurs, médicaments et procédures sans effets indésirables, bien entendu, que je me méfie. Ensuite, et là, j'avoue, c'est mal de penser ainsi, j'ai un peu de mal avec l'arrogance, le mépris pour les autres et la personnalité pour le moins alambiquée de son promoteur Olivier Ameizen, (LA). Puis, il est amusant de constater que ceux qui contestent en général les utilisations de médicaments hors AMM (sous la houlette de Big Pharma) utilisent désormais les arguments inverses pour dire qu'il faut utiliser le baclofène hors AMM parce que Big Pharma ne fait pas d'essais. Quitte à passer pour un passéiste incapable d'applaudir au progrès, mais surtout incapable de croire que l'alcoolisme est seulement un problème de récepteurs (les neuroscientistes, holà !), j'attends et je vois.
(XV) Qui pourra m'expliquer pourquoi les cardiologues français n'aiment pas la coumadine. Ce n'est pas une question de prix, alors ?
(XVI) Un blogueur connu a une opinion très tranchée sur le dopage et je ne comprends pas son point de vue : ICI. J'y repense en parlant avec Monsieur A.
(XVII) Bon, je vous entends d'ici, les conseilleurs et pas les payeurs, c'est le cas de le dire, pourquoi continuer à la recevoir ? Je ne sais pas. Nous avons nos pauvres et, dans le quartier, ce n'est pas ce qui manque, disons que nous avons nos pauvres favoris, et que Mademoiselle A, elle a fait trois heures de queue, elle sait que je l'engueule toujours parce qu'elle ne prend pas bien ses médicaments (elle a fait un paludisme gravissime et on l'a rattrapée par les cheveux), parce qu'elle oublie sa pilule, parce qu'elle oublie les préservatifs, parce que, parce que... Parce que je connais sa famille, son père, sa mère, sa belle-mère, ses frères et soeurs, ses neveux...
(XVIII en complément de la note II) Dans les conflits du travail la seule mesure véritablement efficace est d'exfiltrer le salarié de l'entreprise, non seulement en lui faisant un arrêt de travail mais en lui demandant de couper tout lien (mèl, téléphone). Et ensuite on voit au coup par coup.
(Photographie : grève des internes à Strasbourg)
(XVI) Un blogueur connu a une opinion très tranchée sur le dopage et je ne comprends pas son point de vue : ICI. J'y repense en parlant avec Monsieur A.
(XVII) Bon, je vous entends d'ici, les conseilleurs et pas les payeurs, c'est le cas de le dire, pourquoi continuer à la recevoir ? Je ne sais pas. Nous avons nos pauvres et, dans le quartier, ce n'est pas ce qui manque, disons que nous avons nos pauvres favoris, et que Mademoiselle A, elle a fait trois heures de queue, elle sait que je l'engueule toujours parce qu'elle ne prend pas bien ses médicaments (elle a fait un paludisme gravissime et on l'a rattrapée par les cheveux), parce qu'elle oublie sa pilule, parce qu'elle oublie les préservatifs, parce que, parce que... Parce que je connais sa famille, son père, sa mère, sa belle-mère, ses frères et soeurs, ses neveux...
(XVIII en complément de la note II) Dans les conflits du travail la seule mesure véritablement efficace est d'exfiltrer le salarié de l'entreprise, non seulement en lui faisant un arrêt de travail mais en lui demandant de couper tout lien (mèl, téléphone). Et ensuite on voit au coup par coup.
(Photographie : grève des internes à Strasbourg)
Bonsoir,
RépondreSupprimerMerci d'avoir partager cette journée, je me retrouve dans bcp de choses dans ce texte en particulier et dans votre blog en général... quand je lis certains blog , je pense parfois que je ne pratique pas la médecine comme il semble etre à la "mode" du moment....
La médecine de papa est décidement une bonne médecine pour moi ;)
Je lis très régulièrement les posts du Docteurdu16 .
RépondreSupprimerMa première réaction : que c'est long, que je vais mettre du temps à lire , mais vais le lire du fait de la longueur ? ( à ce propos si c'est long à lire , c'est encore plus long à écrire !!!)
J'ai lu.
J'ai aimé
J'ai ris par moment ( cycliste et dopage sans doute parce que je fais la même chose avec un patient)
Cela m'a été utile
Merci sincèrement
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerD'autres remarques maintenant que des énormes averses m'ont convaincu de ne pas aller m'entrainer...
RépondreSupprimerA) A propos des épigastralgies de tout poil, ça n'est pas mon coeur de métier et j'ai une vision déformée par mon travail d'anesthésiste dans un centre de cancéro digestive de soins tertiaires (bcp d'estomac/oesophage)
1) les FOGD pour rien, c'est vraiment angoissant pour moi, il n'y a pas de petite AG et j'ai un collègue interne (qui remplaicait à la clinique) qui supporte sur ses épaules le poids d'un décès pour une complication grave au décours d'une FOGD faite pour une anémie à .... 12 g/l
(cf http://www.nfkb0.com/2011/12/18/o-rage-o-desespoir/ )
2) mon lieu d'activité me fait voir moults adénocarcinome du bas oesophage ou autres saloperies gastriques (linite, néo chez des jeunes) et difficile de ne pas allez vérifier qu'un drame n'est pas en train de se jouer... Quid de l'intrication d'un terrain neurotonique/angoissé favorisant ou pas... Bref un vrai problème de Médecine quand même
3) Il y a quelques irréductibles gaulois hospitaliers qui n'aiment pas non plus les IPP à gogo, j'essaye de prêcher ce message dans un univers où les internes/CCA/PH prescrivent ça comme des smarties
http://www.nfkb0.com/2012/08/14/ipp-evil/
B) les AT. Je constate pour la fainéantise hospitalière que
1) peu de spécialistes récupèrent tout simplement les documents pour prescrire un AT (je n'ai vu que les obstétriciens le faire pour les MAP) (<- comprendre tous les spés ne sont pas des fainéants ;) ) mais je suis d'accord qu'ils ne font pas d'effort pour le faire
2) bon nombre de confrères hospitaliers pensent vraiment que le patient n'ira pas voir son MG et que l'AT sera ce qui l'amènera là bas et permet une sorte de transmission des infos... à titre personnel je n'y crois pas trop... c'est un peu le même débat pour le relais avk/héparine que je prescris moi même
http://www.nfkb0.com/2011/12/30/le-relais-avk-heparine-pour-une-chirurgie/
3) vu le déferlement de conneries (à tous les niveaux) dans les SAU si les AT sont faits au SAU, c'est la porte ouverte à toutes les fenêtres comme dirait l'autre
4) par contre dans mon activité de consultation je remplis les bons de transport quand les patients me le demande, je ne sais pas faire (dans le sens où je ne maitrise pas le sujet de A à Z) mais j'essaye de remplir correctement (<- comprendre tous les spés ne sont pas des fainéants ;) )
C) les visites à domicile ave cle SMUR me pètent toujours autant à la gueule tant la violence des drames humains couplés à l'insalubrité de certains lieux visités sont poignantes. Très instructif.
D) oui et spécifiquement en chirdent, les soins de gencives qui ne sont pas du tout pris en compte alors que l'est la partie immergée de l'iceberg...
E) depuis que la vie m'a confié la responsabilité d'un nourrisson et que je vois les progrès qu'ils font en quelques semaines j'ai compris qu'ils comprennent beaucoup... Même débat pour la parole aux patients en réa et comble du truc tordu : je cause sérieusement à mes patients endormis. Mais là faudrait un post entier là dessus.
A bientot,
nfkb anesthésiste qui essaye de réhabiliter cette profession aux yeux du docdu16 ;)
PS je ne lirai plus jamais vos billets au petit matin
Bravo pour votre boulot et merci pour vos patients.
RépondreSupprimerQuand je vois la journée décrite et la formule à 6€ j'ai du mal à vous lire dire "me remettre en position disque rayé sur les CHD pour "mieux vivre" : alimentation sommeil et tout le tralala."
Peut-être faut-il aussi que le médecin mène sa propre vie pour pouvoir être un conseiller écouté? Et le jogging alors, vous le faites quand?
Mince alors...
RépondreSupprimerTout à coup je me rends compte qu'on pratique tout à fait le même métier vous et moi.
Moi qui pensais que vous naviguiez dans de hautes sphères, bien plus "illichiennes" et évidence-basediennes que ma toute petite sphère à moi, je dois avouer que votre journée présente une furieuse ressemblance avec la mienne. Hormis que je vois moins de patient pour l'instant.
Vous idéalisais-je ?...
Suis-je encore en quête du père parfait à mon âge ?...
Les gens bien ressemblent-ils comme deux gouttes d'eau aux gens moins bien ?...
Voilà un post qui me mets un peu de baume au coeur, et me conforte dans le fait que ce métier est fait pour moi, et que je suis fait pour ce métier.
Sauf la formule à 6 euros, là c'est du suicide : faites vous des pâtes au pesto le soir, que vous mangerez froides dans un tupperware le midi, vous y gagneriez en "mieux vivre" je pense (quoique...). C'est un CHD.
Je serais curieux de connaître la teneur de vos conseils "d'auto kinésithérapie". Ces pratiques ont elles été étudiées, et leur bénéfice validé ?
Je vous soupçonnerait presque d'entretenir un lien d'intérêt avec une kinésithérapeute...
Cordialement,
Frédéric
Docteurdu16, vous comprenez mal le point de vue du bloggeur cité sur le dopage. Moi non plus, je trouve qu'il n'utilise pas de bons arguments. C'est pourtant simple : dopage, tous complices !
RépondreSupprimer''Il n'y a pas de dopage dans le foot'' dira la ministre des sports en juillet 1998 car ''tous les contrôles effectués au cours de la Coupe du monde à Paris étaient négatifs''. Mais ils le furent aussi sur le Tour de France et personne n'a fouillé dans les valises des équipes nationales de foot. Elle va s'extasier sur les matchs : ''Quel niveau de jeu !'' sans s'étonner de l'intensité produite par de nombreuses équipes après une saison longue et difficile. Un an plus tard, la France aura à disputer 2 matchs qualificatifs pour l'Euro 2000 dont le dernier contre Andorre. Laurent Blanc se plaindra d'avoir à disputer de tels matchs en fin de saison ...
En 1998 on nous disait que c'étaient les sponsors qui étaient responsables du dopage car ils veulent des résultats. Comme si les Nations et les États n'en voulaient pas ! Chacun sait ce que faisait l'Allemagne de l'Est par exemple dans ce domaine, sans parler de l'URSS et de la Chine et de l'exploitation idéologique des médailles obtenues.
Le cyclisme vit des spectateurs non payants qui vont au bord des routes avec les enfants pour regarder passer la caravane publicitaire qui distribue des cadeaux. Il y aurait autant de spectateurs sinon plus si les coureurs allaient moins vite. Le foot vit de spectateurs payants et de téléspectateurs (droits énormes à payer pour les télés) qui se lasseraient vite de matchs joués au ralenti.
En un mot, le cyclisme n'a pas besoin que les coureurs aillent le plus vite possible, à mon avis bien au contraire car le spectacle serait plus humain et de ce fait plus attrayant. Le foot de haut niveau ne peut pas se contenter de matchs poussifs. Tous, spectateurs, commentateurs, organisateurs, ligues de football, politiques demandent aux joueurs de l'intensité, tous les 3-4 jours et pendant tout le match. Exemple, le fameux match retour contre l'Irlande pour aller disputer la Coupe du monde en 2010. La France avait largement dominé l'Irlande et gagné 1-0 dans le chaudron de Dublin annoncé comme l'Enfer pour les Français. Match retour à Paris 4 jours après avec les mêmes joueurs dans les 2 équipes : il n'y a qu'une seule équipe sur le terrain, celle d'Irlande (avec un entraîneur italien). Les joueurs irlandais, qui étaient largement dominés physiquement et techniquement par les joueurs français à Dublin, dominent totalement les joueurs français dans les duels. Personne ne s'est posé de question sur cette étrange et soudaine mutation, la fameuse main de Thierry Henry arrivant fort à propos pour l'éclipser.
Alors on tape sur les cyclistes qui vont trop vite, c'est suspect (sans aucun doute) mais les mêmes -à tous les niveaux, y compris au ministère- tapent sur les footballeurs s'ils ne font pas des matchs assez intenses... Alors, pour se donner bonne conscience on a soudain organisé la chasse au Virenque puis au Pantani qui en est mort (non du dopage mais de la chasse lancée contre lui). Ceci dit, je n'ai pas pour autant l'intention de prendre la défense d'Armstrong.
@BG finalement je ne comprends pas votre message
RépondreSupprimerC'est pourtant simple : dopage, tous complices à tous les niveaux ! Le dopage c'est pas bien, c'est sûr mais la lutte antidopage pose aussi beaucoup de problèmes. Il ne suffit pas de s'opposer à quelque chose de mauvais pour être bon et chacun veut du spectacle.
RépondreSupprimerOn préfère taper sur des cyclistes. Pourquoi ? Parce qu'il est organisé par équipes de marques. Septembre 98, scandale en Italie : le laboratoire d’État chargé des analyses du contrôle antidopage pour le foot ne faisait aucune analyse. On trouve les fioles intactes dans les frigos. Pour faire oublier ce scandale l'Italie lance la chasse au Pantani, un cycliste … On le réveillera à 4 heures du matin, juste avant la dernière étape du Giro qu'il va gagner. Il est positif, on le traitera comme un malfaiteur et on continuera à mettre les footballeurs au pinacle ...Plus tard, Pantani mourra d'une overdose de drogue. Virenque témoignera de ce qu'il avait pu ressentir comme une très grande injustice.
La lutte antidopage n'est pas du tout homogène entre les sports, particulièrement le foot et le cyclisme. Le président de la FIFA déclarera sans rire qu'il n'y avait pas de dopage dans le foot car c'est un sport technique !!! Le premier qui arrive sur le ballon a quand même un petit avantage et pourquoi Zidane n'a pas joué jusqu'à 50 ans, la technique ça ne s'oublie pas !
En un mot, la lutte antidopage est truffée d'hypocrisies, ce qui ne justifie pas pour autant le dopage bien sûr.
Pour la comparaison des mérites respectifs des footballeurs et des cyclistes, puis-je me permettre une remarque ? Ce sera celle-ci : qu’est-ce que je m’en fiche ! Mais vraiment à un point… Les footballeurs sont une bande de gogos qui s’agitent autour d’un ballon tandis que les cyclistes s’agitent sur un vélo. Le dopage change une seule chose : que ce sont des gogos dopés qui s’agitent autour d’un ballon ou sur une bicyclette. Je n’ai jamais compris l’un des passe-temps préférés des mâles de la planète : commenter et regarder le sport que font les autres. Si on aime le sport il faut en faire soi-même. Si les hommes consacraient le temps qu’ils passent à regarder et commenter le sport à en faire eux-mêmes, la France serait peuplée d’athlètes de haut niveau.
RépondreSupprimerParlons de choses plus intéressantes, le post de Jean-Claude Grange. C’est un véritable document. Un beau document à conserver.
Cela m’inspire quelques réflexions.
Voila un médecin qui travaille beaucoup, qui connaît bien ses patients, et qui, à la différence de beaucoup de ses confrères, prescrit peu de médicaments, choisis par lui, et qui prend le temps de prodiguer des conseils hygiéno-diététiques.
La première réflexion c’est que la proportion d’évènements indésirables déclarés trouvée dans ton étude (ici : http://docteurdu16.blogspot.fr/search/label/EFFETS%20INDESIRABLES )doit être minorée par rapport à ce qu’aurait trouvé un médecin généraliste moyen, parce que tu prescris moins de médicaments et que tu les sélectionnes davantage. La sous-déclaration des effets indésirables graves serait donc plutôt de 1 pour plusieurs milliers, alors qu’officiellement elle est de 1 pour 10 environ.
La deuxième réflexion que je me fais c’est que la médecine générale est la seule spécialité qui accueille tous les patients, quel que soit leur problème et qui est capable de considérer les patient dans sa globalité. Si on y réfléchit, dans toutes les autres spécialités, il faut que le patient corresponde à l’offre du médecin, à son offre de spécialiste et à son offre technique. S’il ne correspond pas, le médecin sera tenté de le faire entrer de force dans ses cases en lui surprescrivant des actes et en le surtraitant. DONC LA MEDECINE GENERALE EST LA SEULE QUI PEUT S’ADAPTER AU PATIENT ET NE PAS EXIGER DE LUI QU’iL S’ADAPTE A L’OFFRE MEDICALE . Il en résulte que l’adressage des patients ne devrait pas être à sens unique. Les spécialistes d’organe devraient aussi adresser aux généralistes, ce qui est rarement le cas pour des raisons idéologiques : la médecine de spécialité, parce qu’elle est très technique, serait le bout du chemin, le nec plus ultra, et donc il n’y a rien au delà.
Une troisième réflexion est que, m’étant amusée à compter le nombre de patients ayant des problèmes en rapport avec leur travail, j’ai trouvé que sur 41 patients ayant consulté ce jour là, si 16 n’étaient pas en âge de travailler, il en restait 25 en âge de travailler mais qui ne travaillaient pas tous forcément. Sur ces 25, 7 se plaignaient de problèmes engendrant de la souffrance dans leur travail, un peu moins du tiers. Cela nécessiterait de longs développements sur la souffrance au travail, mal du siècle ? sur la médicalisation des maux sociaux etc.
Une quatrième réflexion est sur les IPP (inhibiteurs de la pompe à protons, prescrits dans les problèmes d’ »acidité » gastrique, de reflux, d’ulcère gastro-duodénal) et l’Inexium (énoméprazole) en particulier. Pur produit marketing, ce médicament est surprescrit à l’hôpital, pour des raisons diverses, entre autres de petits arrangements entre amis gagnant-gagnant entre les pharmacies hospitalières et, ici le laboratoire Astra Zeneca. Conservé en ville, par des généralistes respectueux des prescriptions hospitalières il est sans doute responsable d’une grosse partie de l’augmentation modérée des dépenses de ville (puisque, comme je l’avais dit ailleurs, ce sont maintenant les dépenses hospitalières et les médicaments de niche qui tirent les dépenses médicamenteuses). L’Inexium était, en effet, en 2010 en France, le deuxième médicament le plus remboursé http://www.mypharma-editions.com/le-classement-des-medicaments-les-plus-rembourses-en-france-en-2010 après le Tahor,hypocolestérolémiant et comptait en 2010 pour 329 millions d’euros de remboursement par la sécu. Sans surprise, en 2010, parmi les 10 médicaments les plus remboursés il y avait 4 anticorps monoclonaux, totalisant à eux seuls près de 1 milliard des dépenses de médicaments remboursables. Cela ne représente pas la totalité des dépenses pour ces médicaments car ils sont financés par différents mécanismes hors sécurité sociale. Pour en revenir à l’Inexium, la seule étude qui avait comparé ce médicament à l’ancien IPP, le Mopral (oméprazole), l’avait fait à des doses différentes, autrement dit on a comparé des choses non comparables et on en a tiré des conclusions riches de conséquences marketing mais sans fondement scientifique http://www.grouperechercheactionsante.com/pleinlavue.htm . La revue prescrire confirmait l’absence de supériorité de cet IPP sur les plus anciens : http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierEsomeprazole.php .
RépondreSupprimerConstatant les dérives hospitalières sur la prescription de cet IPP, les pouvoirs publics ont courageusement décidé de ne pas s’attaquer au mal à la racine (en finir avec les arrangements entre amis qui coûtent cher ) et de faire porter la responsabilité du recul de la prescription d’Inexium sur les généralistes en incluant la prescription d’IPP génériques parmi les objectifs du P4P.
La boucle est bouclée si l’on considère que la raison des gênes éprouvées par les patients est justifiant la prescription d’IPP sont liées à l’hygiène de vie car les facteurs favorisants, notamment de reflux mais aussi d’ulcères sont la prise de certains médicaments, notamment anti-inflammatoires, l’obésité, le tabagisme…
Une cinquième réflexion est sur l’intérêt qu’on peut trouver dans son travail. La médecine générale est un métier intéressant. A condition de rester en éveil et de s’impliquer dans son travail. Si on ne reste pas en éveil on peut tomber dans l’automatisme des prescriptions en fonction des plaintes du patient. Or, la plainte initiale n’est pas forcément le problème à traiter. En médecine on essaye de louvoyer entre deux risques : en faire trop c'est-à-dire surestimer les risques et surmédicaliser, et ne pas en faire assez, c'est-à-dire le risque de passer à côté de quelque chose ou de traiter insuffisamment. Le médecin est comme un détective. Il doit essayer de soutirer les informations au patient pour évaluer le problème qui l’amène. Cela demande du temps et une implication relationnelle. Car il arrive souvent que le patient « lâche » une information qui se trouve être la pièce manquante du puzzle, celle qui va éclairer tout le tableau d’un jour nouveau, quand il a pu commencer à se détendre et à parler de chose et d’autre. La durée d’une consultation est en moyenne de 16mn d’après la DREES. http://www.irdes.fr/Publications/Qes/Qes144.pdf
Sur cette durée, un élément curieux mais significatif, est qu’elle augmente avec le niveau socio-économique du patient. Or, on sait que ce sont les patients défavorisés qui ont le plus de problèmes de santé. Il faut sûrement y voir un phénomène d’identification inconscient qui va à contre-sens de la logique du soin, c'est-à-dire passer plus de temps avec ceux qui en ont le plus besoin. On retrouve ce problème dans les situations de maltraitance sur enfants : plus les parents ont un niveau socio-économique élevé moins les médecins voient la maltraitance, car ils ont tendance à s’identifier aux parents les plus aisés.
RépondreSupprimerIl y aurait aussi une adaptation de la durée de consultation en fonction du revenu souhaité par le médecin. Le médecin tendrait à adapter la durée de consultation en fonction d’un revenu de référence qui peut varier au cours de sa carrière.
Et cela nous mène aux revendications des internes en médecine. Les médecins se plaignent d’une revalorisation insuffisante de leur revenu. Mais d’après « que choisir » le revenu réel des médecins, hors inflation, aurait augmenté de 50% depuis 1980. C'est-à-dire bien plus vite que le salaire réel moyen du public et du privé. Celui-ci a augmenté de 14% entre 1982 et 2002. Pour les généraliste l’augmentation s’est fait en grande partie par des revalorisations du C. Pour les spécialistes par des dépassements d’honoraires.
Cela pose des problèmes d’accès aux soins, en particulier pour les spécialistes, d’après « que choisir ». L’accès aux soins spécialisés en libéral est difficile pour plus de 50% de la population en gynécologie, pour 45% de la population pour les ophtalmos et pour 29% de la population pour les pédiatres, même dans les zones surdotées, en raison des dépassements d’honoraires.
Tout se passe comme si, le C du généraliste ayant été revalorisé plus rapidement que celui des spécialistes, ceux-ci avaient tendu à maintenir un différentiel en multipliant les dépassements d’honoraires.
D’autre part le revenu moyen des médecins français se situe dans la moyenne en rapport au PIB par habitant. Ce revenu est de 2,8 fois le PIB par français. Ce rapport est plus faible dans les pays noridques, et il est plus important dans les pays plus inégalitaires comme l’Allemagne (3,7), les Etats Unis (4,4) ou le Royaume Uni (3,8). Autrement dit la différence de revenu, comme je le disais ailleurs, entre les médecins et le reste de la population n’est ni plus ni moins que le reflet des tendances inégalitaires d’un pays. L’Allemagne cumule la plus faible durée moyenne de consultation (7 mn) et un revenu des médecins très élevé.
Je pense que la médecine générale du futur se situera quelque part entre ton exercice et le mien : c'est-à-dire plus de pluridisciplinarité, plus de travail en équipe, plus de prévention, et moins de travail en solo.
Ou alors elle tendra à disparaître sous la pression d’une logique commerciale.
"Je pense que la médecine générale du futur se situera quelque part entre ton exercice et le mien : c'est-à-dire plus de pluridisciplinarité, plus de travail en équipe, plus de prévention, et moins de travail en solo."
RépondreSupprimerça fait 10 ans qu'on en finit plus avec ce lieu commun ...
lgbertompoil
Pardonnez-moi, je vais peut-être faire un peu long.
RépondreSupprimerJe suis spécialiste, OPH S1. Quand je lis votre journée de consultation je constate qu'à certains égards la mienne est assez semblable. Relativement peu de prescriptions médicamenteuses,beaucoup de sérum phy, peu d'AB et beaucoup d'antiseptiques (surtout sur les conjonctivites en première intention), des explorations complémentaires triées (par exemple dans les OVCR, où on pourrait aller très loin), pas mal de discussion quand même car vous n'imaginez pas le nombre de CS amenées par les conditions de travail, l'école (+++), et la vie de tous les jours tout simplement (les CS pour larmoiement et/ou sécheresse oculaire des patientes agées notamment sont parfois instructives sur leur solitude et la vie familiale par exemple). La relation avec les MG est assez dense que ce soit par adressage direct avec courrier, indirect et sans courrier (allez voir l'OPH!),dans un parcours de soin (les FO diabétiques explosent), ou parce que j'appelle (pour connaitre le statut médical d'un patient,pour signaler un syndrôme de CBH, une névralgie du V, une céphalée non OPH, ..., exemples de cette semaine).
Je suis, comme Zigmund et encore quelques autres, un dinosaure médical: OPH à pratique médicale exclusive (càd sans pratique de bloc avec anesthésiste; médecine, lasers, explorations OPH, petite chirurgie), je ne pratique pas la chirurgie réfractive, je suis installé en zone semi-rurale, j'ai réussi à batir mon cabinet pour faire le maximum d'explorations tout de suite et sur place (CV, angio, OCT, topo, etc...) sans m'obliger, ainsi que mes patients à parcourir 55 km AR à la grande ville pour celà. Je travaille pour, outre assurer mon revenu et l'interêt de mon quotidien de semaine, payer tout celà au bénéfice également de mes patients.
Nous sommes de moins en moins dans ce profil et dans 15 ans plus du tout. La suppression des CES il ya 30 ans puis la faible évolution du nombre de postes d'internes ont mené à la formation d'OPH peu nombreux à vocation technique et chirurgicale exclusive. La culture médicale universitaire est peut-être meilleure (il me semble que les jeunes médecins sont mieux formés que nous l'avons été) mais la pratique médicale est radicalement différente dans l'abord du patient et la conception de la fonction. Majoritairement, on forme des prestataires d'actes. Ces médecins ne sont pas les premiers et seuls responsables de cet état. Ils sont ce que la société les a faits, ils sont ce que nous tous, médecins, patients, libéraux,fonctionnaires,contribuables et non contribuables,..., les avons faits.
Pour revenir à mon propos initial, je voudrais dire qu'une de mes principales gratifications dans ce métier est de penser que les gens autour de mon cabinet savent que s'ils ont un problème ils peuvent venir immédiatement. De sentir suffisament souvent qu'ils sont confiants dans le fait que je suis accessible et que je ferai en sorte de les tirer d'affaire au mieux et rapidement.Y compris pour de la lunette cassée, on pourrait parler longuement de la question de l'accessibilité pour examen de réfraction... Il aurait fallu que Que Choisir (auquel je suis abonné ;-)) fasse son testing sur le l'urgence globale plutôt que sur de la CS de routine.Je me permets de souligner que pour un médecin de ville le vrai problème d'accessibilité est celui de l'hopital public. Sur ce point je vous invite à compter le nombre de PU-PH et de services de CHU en OPH dans une agglomération comme Lyon, par exemple, et à réfléchir sur le nombre de missions qu'on peut remplir avec de tels effectifs. Ils sont débordés et on le comprend facilement (si on est de la partie je vous l'accorde, tentez d'y voir clair).
@CMT Je suis petit joueur, je m'arrête alors que j'aurais beaucoup à dire sur le post de JCG comme sur vos commentaires toujours intéressants et documentés. Respect à tous les deux.
A lgbertompoil
RépondreSupprimerVous avez totalement raison. C’est un affreux lieu commun et je n’y crois pas vraiment.
A NP
Comme d’habitude, dès qu’on émet une critique, même constructive, envers une profession, il existe d’une part un reflexe corporatiste, d’autre part se sentent surtout visés ceux qui ne sont pas concernés. Ceux qui sont concernés s’en fichant complètement. Et c’est bien là le problème.
Vous dites que ce n’est pas la faute des jeunes médecins. Mais je les trouve un peu trop idéalistes ces jeunes. Ce qu’ils refusent c’est qu’on plafonne leurs revenus. http://www.liberation.fr/societe/2012/10/17/plafonner-les-depassements-d-honoraires-nuit-a-la-qualite-des-soins-et-empeche-le-renouvellement-du-_853919. Ils se placent ainsi d’emblée dans une perspective où les revenus escomptés seront l’alpha et l’oméga de leur pratique. Ce serait la faute à qui si ce n’est pas la leur ? A leurs parents qui les ont poussés à faire de grandes études pour gagner beaucoup d’argent ? A l’Education Nationale, qui reproduit les classe sociales à l’identique générant des dynasties de privilégiés qui pensent qu’ils ont naturellement droit à être mieux traités que le reste de la population ?
Objectivement, le sentiment des médecins d’être lésés financièrement ne correspond à aucune réalité. Ce sont leurs exigences qui augmentent. Le focus de leur intérêt pour la médecine n’a cessé de se déplacer du travail lui-même vers les revenus, au fur et à mesure que leurs revenus augmentaient plus rapidement que pour le reste de la population. Les médecins sont en train de se désolidariser de la population. Et comme la capacité de s’identifier aux patients joue aussi un rôle dans leur capacité à soigner, la qualité des soins en sera de plus en plus affectée. D’autant que ces jeunes médecins ont baigné à l’hôpital dans un univers très technique et scientiste, où on leur a fait croire que l’amélioration de la qualité des soins n’était tributaire que des progrès techniques.
Quand « que choisir » dit que les revenus des médecins ont augmenté de 50% (hors inflation et HORS DEPASSEMENTS D’HONORAIRES),elle ne cite pas ses sources, ce qui est très mal. Toutefois, hors machettes spectaculaires des journaux et revues, il existe des gens qui se sont penchés scientifiquement sur ces questions. Ainsi, pour ce travail de Brigitte Dormont, économiste émérite, comparant les revenus des cadres et des médecins généralistes depuis la fin des années 70 http://dmgparis13.fr/Docs/Debuts%20professionnels/Est%20il%20profitable%20etre%20MG_Drees_fevrier2011.pdf. Elle démontre, au-delà de toute discussion possible, que pour les cohortes installées à a partir du milieu des années 80, les revenus des médecins généralistes ont augmenté beaucoup plus rapidement que ceux des cadres. Cette augmentation de revenus compense très largement la durée plus longue des études (encore faut-il pouvoir se permettre de faire de longues études, ce qui n’est pas donné à tout le monde). Les spécialistes, quant à eux, ont des revenus de 65% supérieurs, en moyenne, à ceux des généralistes. Par exp en 2005 un généraliste gagnait 5400 euros et un spécialiste 8 600 en moyenne.
La conclusion est simple pour B. Dormont : » Ainsi,
RépondreSupprimerles médecins libéraux les plus mal lotis sont-ils aussi bien rémunérés que les cadres
supérieurs du privé les mieux payés : les cadres auxquels nous comparons les médecins
de notre échantillon ont le statut de cadre dès leur première embauche. »
La seule différence à prendre en compte aurait été le temps de travail. Cette différence est difficile à évaluer, car les médecins travaillant en libéral n’ont pas de limite nette entre leur temps de travail et leur temps de loisir. Du coup ils ont tendance à inclure dans leur temps de travail tout ce qui n’est pas loisir et à surévaluer leur temps de travail par rapport à un salarié. Alors que de l’autre côté, de plus en plus de cadres sont amenés à travailler à domicile.
Le rôle joué par beaucoup de syndicats me paraît très délétère dans cette affaire.
Les médecins, jeunes internes, demandent qu’on rémunère de plus en plus leur haute technicité, alors que les études, les comparaisons entre différents pays et en leur sein, montrent que la haute technicité n’est pas un facteur essentiel d’amélioration de la qualité des soins. Que là où l’on consomme beaucoup de technique, les patients sont moins bien soignés. (cf article américain dont j’avais parlé « the cost conodrum » d’Atul gawande dans The New Yorker http://www.newyorker.com/reporting/2009/06/01/090601fa_fact_gawande)
Donc, les médecins voudraient qu’on les rémunère davantage pour des services dont la population n’a pas besoin. De la même manière que les Pharmas veulent, et obtiennent, l’augmentation de leurs profits, pour des « innovations » dont la population n’a pas besoin.
C’est une des grandes « forces » des société inégalitaires de s’arranger pour faire diverger les intérêts des uns et des autres.
A cet égard, Que choisir joue un rôle ambigu, lorsque cet organisme se réjouit du fait que les patients sont satisfaits de leurs médecins. La satisfaction est un élément subjectif et manipulable. Un patient peut-être très satisfait, parce que le médecin lui a prescrit X médicaments différents dont il n’avait pas besoin, parce qu’on a effectué chez lui X explorations hautement techniques, dont il aurait pu se passer avantageusement.
La qualité de la médecine ne se mesure pas à la satisfaction du patient/consommateur.
@ Frédéric.
RépondreSupprimerEh oui, les clientèles sont les mêmes, mais ce sont les points de vue qui peuvent être différents. Etre illichien, ce que je ne suis pas, disons, avoir lu et compris Illich signifie être prêt à la dé prescription et à la dé croissance de la médecine... Illich m'a préparé à la notion de sur diagnostic et de sur traitement mais il l'avait écrit tellement longtemps avant...
Ma formule à 6 euro me plaît.
Quant à l'auto kinésithérapie, ce n'est pas lié à une kinésithérapeute, mais à mon expérience personnelle et à l'inutilité de séances de groupe dans les cabinets de kinésithérapie. Ce n'est donc pas validé...
Bonne journée.
Je ne voulais pas m'incruster ici : mon premier commentaire sur ce blog commençait par '' Je viens juste pour …'' Mais je suis désolé, je ne peux pas laisser dire ... pas pour moi qui devrait supposer que je fais des commentaires dignes du café du commerce mais parce que le problème est bougrement important et même des plus fondamental. Je n'ai d'ailleurs jamais comparé les mérites des cyclistes et des footballeurs mais dit qu'il existait une très grosse différence dans la lutte antidopage entre ces 2 sports et suggéré quelques raisons à cela.
RépondreSupprimerEn effet, si on définit le dopage comme le recours à des moyens nocifs aux effets ''favorables'' transitoires pour tenter de dépasser notre état ordinaire d'être humain, on découvre qu'il est vieux comme le monde, omniprésent dans toutes les activités et dans toutes les cultures et que l'idée du dopage est sans doute présente en chacun de nous.
On a découvert il n'y a pas si longtemps en Amérique du Sud une population de race indienne qui mâche à longueur de journée des feuilles de coca pour tenter de trouver un autre état d'être. Van Gogh et Baudelaire usaient du haschisch pour créer des œuvres qu'on fait admirer aux jeunes. Les bandes dessinées usent abondamment du mythe de superman comme Asterix et la potion magique. Certes elle est inoffensive et c'est pour lutter contre les méchants mais ce ne sont que des bandes dessinées. Le principe du recours systématique à une substance stimulante y est quand même très présent et c'est destiné aux jeunes. Après avoir vaincu son cancer, Armstrong s'est envolé dans les cols tel Pegase le cheval ailée. Cette image a pu donner de l'espoir à des centaines de milliers de cancéreux. Même s'il n'est pas défendable on peut comprendre que certains veuillent prendre sa défense pour ne pas casser l'image et donc l'espoir qu'il donnait ainsi.
Par l'alcool, le tabac voire le café qui est un excitant et non une nourriture, le dopage est très présent dans les fêtes, les banquets, les mariages et même en famille ou dans l'exercice d'une profession. On le retrouverait sans doute aussi dans les marathons électoraux ou dans les concours aux grandes écoles où les candidats jouent leur avenir.
Suite ...
Suite et FIN
RépondreSupprimerQuand De Gaulle a voulu décorer Anquetil de la légion d'honneur, ses conseillers lui ont dit que ce n'était pas possible car il se dopait. Le général aurait répondu qu'il avait souvent fait résonner la Marseillaise et que pour lui c'était cela qui comptait. Une chose est certaine, il l'a décoré.
En 98 les Champs Elysées furent noir de monde pendant 8 jours et on a pu voir des jeunes d'origine algérienne brandir le drapeau tricolore (l'effet Zidane). Nos politiques ont alors réalisé qu'une équipe black blanc beur triomphante pouvait être un important facteur d'intégration. C'est mieux que les CRS il faut le reconnaître et ça peut couter moins cher. Encore faut-il qu'elle gagne, même si pour cela il faudra peut-être fermer les yeux au nom de l'intérêt supérieur de l’État. Comme tous les autres États ont les mêmes intérêts de victoire de leur équipe de foot pour mettre le peuple en liesse et faire oublier le quotidien ou la crise et que seul le foot peut réaliser cela, c'est un constat, on pourrait expliquer ainsi bien des hypocrisies et des injustices de la lutte antidopage.
La question n'est pas de savoir si on s'en fiche, on a le droit de ne pas aimer le sport ou le spectacle sportif mais ce n'est pas le problème, la question s'impose à nous et devrait s'imposer encore plus aux médecins généralistes : le ministre de l'éducation nationale a parlé il y a peu d'un débat sur la dépénalisation du cannabis pendant que le président de l'Agence mondiale de lutte contre le dopage proposait (il y a 2 jours) une amnistie générale pour repartir à zéro.
Le vaccin ''dope notre système immunitaire'' nous dit la propagande. Mais remplacez ''vacciné'' par ''dopé'' : il est obligatoire de doper les nourrisson contre la diphtérie et la semaine de la vaccination présentait un costaud qui bombe le torse, dopé par des vaccins devenus des fortifiants ! Derrière les vaccins il y a des labos, comme pour les produits dopants. L'EPO ne se fabrique pas dans un garage, ce qui laisse supposer une porte de sortie par derrière... A première vue il paraitrait plus facile de contrôler la production des labos que de rechercher l'EPO parmi des milliers de sportifs. Le procès Festina avait révélé que l'EPO avait été testé sur des sportifs avant d'être utilisé dans les hôpitaux et que c'étaient des hommes en blanc qui étaient venus vers les cyclistes pour leur proposer des produits et superviser leur utilisation. C'est ''scientifiquement'' plus intéressant que de tester sur M et Mme Tartempion !
Du dopage on pourrait en parler pendant des jours. Il fait partie intégrante de la vie, de notre vie et depuis toujours. C'est pour cela qu'il est si important de l'étudier et qu'il sera très difficile à éradiquer.
FIN pour moi sur le dopage ici, j'en ai assez dit.
A BG,
RépondreSupprimerLa pollution est un problème, l’alcoolisme est un problème, tout autant que le dopage. Mais je voulais juste vous faire remarquer, avec tact et diplomatie, que vous étiez totalement hors sujet en développant longuement l’idée que les cyclistes dopés seraient moins bien traités que les footballeurs dopés. Je voulais relancer le débat autour du post de JCG, qui me semblait mériter un débat plus approfondi et ciblé.
Ce que disait NP au sujet de la ressemblance entre sa journée et celle de JCG me paraît important.
Cela me renvoie à l’instinct grégaire et à la tendance naturelle des humains à se regrouper. On se regroupe selon des critères faciles à appréhender pour des raisons pratiques, mais qui s’avèrent non pertinents après analyse. Le principe est simple : ceux qui sont dans mon groupe bénéficient d’un à priori favorable, ceux qui sont à l’extérieur du cercle, dans un autre groupe, sont suspects. Ce sera donc peau blanche contre peau noire, catholiques contre musulmans, généralistes contre spécialistes.
Après avoir lu NP, je me dis qu’il a certainement beaucoup plus de choses en commun avec JCG que ne l’ont beaucoup d’ophtalmologues avec lui. Et réciproquement pour JCG.
Ce qu’ils ont en commun, que je pense avoir en commun avec eux, est difficile à définir, mais cela joue un rôle fondamental dans la manière de faire le travail de médecin. Faute de mieux, j’aurais envie d’appeler ça « état d’esprit ». Cela fait longtemps que je pense que, au-delà des procédures, des outils, des méthodes il y a quelque chose qui est plus fondamental pour déterminer la qualité du travail et c’est l’état d’esprit.
Et je trouve l’état d’esprit des bébés médecins qui manifestent pour qu’on ne puisse pas plafonner leurs dépassements d’honoraires, tout en prétendant, avec un cynisme abouti, que c’est dans l’intérêt de la qualité des soins, je trouve leur état d’esprit déplorable.
Je pense que cet état d’esprit les rend incapables d’être autre chose que des « prestataires d’actes », des techniciens. C'est-à-dire incapables d’apporter quelque chose aux patients et à la santé publique.
Alors qu’ils croient être malins et faire preuve d’indépendance ils montrent le niveau le plus élevé d’asservissement à l’idéologie dominante dans laquelle « l’homme se réunifie dans la construction du sujet économique, invité désormais à se penser comme une entreprise à l’affût des opportunités de profit » comme le théorise Wendy Brown.
Le prix à payer pour l’avènement de cette société, qui serait le règne des individus calculateurs, devenus incapables d’être ou même de concevoir autre chose que les rapports basés sur l’intérêt, où chacun vit sur l’espoir qu’il va arriver à obtenir plus pour lui-même au détriment des autres, alors même que l’expérience nous montre que le nombre de bénéficiaires de ce type de société se réduit sans cesse, le prix à payer c’est la disparition de l’intérêt général et de la démocratie.
RépondreSupprimerEt j’ajoute que le rôle d’associations comme « que choisir » est ambigu, parce qu’ils ne prônent pas un changement de paradigme, mais simplement l’idée, qui s’accommode très bien d’individus calculateurs, que le consommateur roi veut en avoir pour son argent. Le rôle de cette association est simplement de donner des outils aux consommateurs pour que les critères du « en avoir pour son argent » ne soient pas dictés uniquement par la publicité et le marketing.
Le problème n’est pas l’existence de cet état d’esprit qui a toujours existé. Le problème c’est que le management de l’opinion, la société de consommation, le néo-libéralisme rendent cet état d’esprit HEGEMONIQUE et empêchent d’imaginer autre chose. « Plus qu’une nouvelle politique économique, c’est une nouvelle normativité politique et morale qui s’impose : une normativité politique et morale apolitique et amorale. »
L’individu ainsi guidé et « managé » « « est moins récalcitrant par rapport à son propre assujettissement, tout en participant davantage à sa propre subordination«. Donc tire lui-même sur la corde qui l’étrangle. Et il tire d’autant plus fort que les inégalité s’accroissent et qu’il se sent en compétition avec tous les autres individus.
C’est d’une grande perversité. Et c’est ce que nous vivons.
La disparition annoncée de la médecine générale n’est qu’un aspect de cette histoire.
J’aurais tout de même aimé avoir l’opinion des patients sur les critères qui les rendent « satisfaits » de leur médecin. Se sont ils posés des questions à ce sujet ?
Bon la qustion pour moi qui arrive difficilement à lire tous les blogs et commentaires et lire aussi les références de Docteur du 16 après des journées qui me semblent moins remplies que les siennes c'est Docteur du 16 se dope-t-il pour tenir un tel rythme? je vois pas comment il peut faire autrement
RépondreSupprimerBonjour.
RépondreSupprimerAlors en tant que patient....
31 actes ? sur une journée de 13 heures ? Environ trois par heure donc ?
Chapeau bas!
Je sors de chez une "jeune" de vos confrères qui prend un client, pardon, pigeon, toutes les 10 minutes, avec un retard cumulé de plusieurs heures, et qui comptent ses chèques et monnaies avec son dernier patient...
Incapable de remplir un papier ou un certificat....
Qui a bénéficié du départ en retraite de eux confrères à son installation, et s'est retrouvée à la fois débordée, et conquise par l’appât d'un gain facile.
Et a qui il manque cruellement de connaissances et de pratique, et risque un jour de se retrouver arec un patient mort, par ignorance ou faute de temps.
De prête à écouter ses patients, elle s'est retrouvée en moins de 6 mois à ne plus voir ses enfants, débordée....
A contrario, un nouveau médecin, un "ancien", débonnaire, avec une vraie secrétaire, efficace et complice de son activité, qui prend le temps (une heure environ), n'est jamais bousculé, et vous reçoit sous 48 heures.
Et qui trouva en deux minutes ou se situait le problème qui existait depuis plus de trente ans (jamais vu par une dizaine de précédents médecins ou spécialistes); vous allez rire (pas moi) : une allergie au gluten......
A contrario, un chirurgien spécialiste de l'opération systématique, qui palpe un poignet et la main attachée à icelui :" non ce n'est pas cassé"; "vous êtes sur?"; il regarde la radio. "Ah oui, peut être........oui c'est cassé, on immobilise, vous revenez dans trois semaines"
Ah, Bon!
"Vous pourriez aussi regarder mon orteil qui vient de se prendre l'aspirateur ? il est tout noir "
"Non je n'ai pas le temps "(c'est vrai que la file d'attente de consultation à midi était prodigieuse, mais nous étions la en urgence)
"bon allez , vous allez me faire mourir".....
"non, il n'est pas noir, je vous en montrerai moi des noirs; il n'est pas cassé" 'ni touché ni palpé.
Nous sommes retournés voir le lendemain ce "bon généraliste" qui a vu d'une part que le poignet et certains doigts étaient cassés, qu'il y avait une déminéralisation accrue des os (quasi transparents, important de le savoir pour une autre maladie soupçonnée), que de plus il y avait un tassement de vertèbres en bas du dos (le poignet étant cassé suite à une chute dans l'escalier), mais qu'en plus, bien qu'il n'y ait rien à faire, l'orteil était cassé.
Cerise sur le gâteau l'attelle fournie par la clinique ne correspondait pas du tout à ce qu'il fallait ce qui a comprimé la main en appuyant sur les endroits cassés.....heureusement que ce médecin généraliste expérimenté a suffisamment de connaissances pour voir ce genre d'inepties.
C'est d'ailleurs lui qui nous avait orienté vers la clinique et ce chirurgien : pour avoir des radios sans devoir aller à l'hôpital : le service des urgences ne veut plus de nous, suite aux diverses visites que y avons faites, toujours suivies d'allergies carabinées....(je ne digresserais pas sur ce service d'urgences, largement en dessous du niveau de qualité requise....); sans doute pas pour rien que cet hôpital a du subir une seconde visite visite de la HAS?
Bref merci à ces soignants ou spécialistes qui en veulent, sans doute la majorité, malheureusement englués comme tout le monde dans un carcan politique, économique, social, et humain.
RépondreSupprimerMerci à lui d'avoir trouvé la première partie du problème, en lisant correctement une analyse de sang (en deux minutes). Combien ai je vu d'analyses de sang parcourues en deux secondes pour déclarer que tout était normal....
Combien ai je vu aussi de médecins donner le l'avlocar....alors même que le pouls est normal et le coeur aussi??? Mais c'est à la mode en ce moment.
Bon, j'arrête la, car j'en aurais beaucoup à dire.
Accessoirement, un bon médecin : il écoute, analyse, conseille et donne les médicaments nécessaires. Et il explique, surtout. Il ne considère pas le patient comme un numéro désincarné, mais comme un être humain. Et s'il peut ne pas savoir, ne pas comprendre, il doit admettre que le patient qui dit souffrir à mal.
Enfin, quant au harcèlement moral, oui, nous avons besoin de vous (je suis accessoirement défenseur syndical). Nous avons besoins de vous.
Le médecin du travail peut difficilement déclarer inapte un salarié à tout bout de champ.
L'inspection du travail a des difficultés pour intervenir en urgence.
Et le salarié ne sait à quel saint se vouer.
Maintenant, "extirper" le salarié de l'entreprise n'est pas si facile.
Il existe quelques possibilités, ou le médecin peut accompagner le salarié. Mais souvent les médecins vont refuser ces possibilités. Reste alors l'arrête de travail pour dépression réactionnelle. Mais pour combien de temps?
Un plaisir de vous lire.
Sincèrement. Bruno Delferrière
1. Merci pour cet article, où l'on voit que derrière son côté provocateur, et l'agitation de concepts peu connus et dérangeants, JCG est un médecin "normal", dans les actes duquel on peut oser se reconnaître !(je n'en doutais pas). Jugeons sur les actes...
RépondreSupprimerJCG ( et CMT aussi d'ailleurs), avec leurs capacités d'analyse, de lecture critique, leurs références bibliographiques, gagneraient à intégrer des structures telles que ANSM ou HAS ( oui, j'ai osé proféré ces "gros" mots !).
Loin de leur posture affirmant que tous les experts sont corrompus ou le deviendront, que toutes ces instances sont à la solde du lobby politico-médiatico-industriel, je pense que de tels électrons libres peuvent faire entendre officiellement leur voix, et que ces lourdes institutions ne seront pas forcément uniquement renversés par une révolution et une contestation extérieure.
Oui, ces administrations cherchent des "experts" de terrain sans conflit d'intérêt.
On peut aussi faire des révolutions de l'intérieur ( c'est mon côté trotskiste...).
Cette idée est-elle aussi dérangeante que certains concepts illichiens ?
2. Pour Inexium : esoméprazole, il suffit de savoir qu'il s'agit de l'énantiomère actif de l'oméprazole ( vendu donc initialement en mélange racémique), et la messe est dite. Vous extrayez l'énantiomère inactif, l'efficacité biologique est donc obtenue pour un dosage deux fois moindre, vous collez un joli nom sur l'étiquette, et le reste n'est qu'un tour de passe-passe marketing.
3. En réponse à CMT qui se plaint que les médecins ne voient que leur revenus comme déterminant de leur installation, je me permets de modérer ces propos. Je pense que les conditions de travail comptent tout autant.
Offrez à de jeunes médecins un "confort de travail" (secrétariat sur place, assistant ou infirmier au cabinet,etc), je suis sûr que cela serait efficace. Mais actuellement, le seul moyen de s'offrir ces services est de garantir un chiffres d'affaires conséquent dans notre pseudo-système libéral à la française. Pour les jeunes médecins qui ne veulent plus pratiquer la course aux actes comme certains de leurs aînés, cela passe par une revendication continuelle de revalorisation de leur profession.
Une autre piste d'explication possible réside peut-être dans la considération que les futurs médecins ont reçue pendant leur formation initiale avec un esprit revanchard, corporatiste hors de propos, une fois installés dans la vie active.
cf :
http://bertrand.gilot.over-blog.com/article-le-pays-soigne-bien-mal-ses-medecins-le-cas-de-l-ecn-2011-76172441-comments.html#anchorComment
A Pr mangemanche
RépondreSupprimerJ’adore les enfants et j’ai beaucoup de sympathie pour les jeunes. Mais je les déteste quand ils se comportent comme des vieux bedonnants aigris et égoïstes. Je ne parlais donc pas des étudiants en médecine en général, mais de ceux du principal syndicat représentatif des internes, qui sont sortis manifester et ont argumenté devant les médias sur leur refus de plafonner les dépassements d’honoraires. C’est en tous cas ainsi que les médias ont présenté leurs revendications
http://www.liberation.fr/societe/2012/10/17/plafonner-les-depassements-d-honoraires-nuit-a-la-qualite-des-soins-et-empeche-le-renouvellement-du-_853919
http://www.lequotidiendumedecin.fr/dossier/reforme-en-vue-pour-les-depassements-d-honoraires
Ce n’est tout de même pas banal pour des jeunes.
Ils ont beau être jeunes, ils ne peuvent pas ignorer que cette position a une incidence directe sur l’égalité d’accès aux soins. On peut en conclure qu’ils pensent que ce n’est pas leur problème, et qu’ils ont déjà décidé que leur principal motivation pour travailler comme médecins réside dans le fait qu’il est possible d’y gagner beaucoup d’argent.
Là-dessus ils ont raison. Je citais un travail de Brigitte Dormont , dont j’avais déjà lu d’autres travaux, qui est une pointure comme économiste spécialiste des thèmes de santé, et qui montre que leur inquiétude ainsi que celle des médecins en général, est d’autant moins justifiée, leurs revendications d’autant moins acceptables, que non seulement le revenu des médecins les place dans la catégorie des 2% les plus aisés mais que ce revenu, depuis une trentaine d’années, augmente bien plus vite que celui des cadres. Alors que les revenus des cadres et des médecins étaient équivalents vers 1978, depuis 1986 il y a eu un décrochage des revenus des médecins par rapport à celui des cadres car le revenu des médecins s’est mis à augmenter bien plus vite. Dès les années 90, un médecin, à expérience égale gagnait 40 à 60% de plus qu’un cadre. Bien avant 40 ans les médecins généralistes ont rattrapé le « handicap » dû à des études plus longues de cinq ans par rapport aux cadres supérieurs en termes de revenu cumulé. Cette comparaison était effectuée par rapport à des généralistes sachant que les spécialistes gagnent 65% de plus que les généralistes en moyenne.
Donc, si les internes se sentent lésés, c’est totalement subjectif et cela ne repose sur rien.
Comme en médecine il faut bien faire la différence entre le perçu et ce qui est objectivement mesurable.
Vous me mettez en avant la « souffrance » des médecins.
Moi aussi j’ai été une virtuose du scotch, entre ma troisième et ma sixième année de médecine, à raison de 6 matinées par semaine et avec des vacances de 5 semaines par an. Moi aussi j’ai touché des indemnités dérisoires, j’ai fait beaucoup d’urgences et donc j’ai dormi d’innombrables fois dans des chambres miteuses ou sur des brancards. Cela ne m’a pas rendue cynique pour autant.
Je n’ai vraiment aucune envie de leur trouver des excuses.
RépondreSupprimerQuant à la supposée mixité des étudiants en médecine, elle n’existe que dans l’imagination de ceux qui veulent bien y croire « 45 % des futurs médecins sont des enfants de cadres supérieurs (14% dans la pop active), 17 % de professions intermédiaires (26% dans la pop active), 15 % d’artisans commerçants (3,8% dans la pop active) » http://www.carnetsdesante.fr/+Demographie-medicale-et-origine+
Il faut aussi faire un lien entre la manière de pratiquer la médecine et l’intérêt pour l’argent. Moins un médecin trouve de satisfaction personnelle dans son travail, plus il l’exerce de manière irréfléchie et automatique, comme un « prestataire d’actes » plus il cherchera une compensation dans les gains financiers. Nous avons ici parlé de motivation intrinsèque et extrinsèque. C’est de cela même qu’il s’agit.
Je ne dis pas que cela concerne tous les médecins, mais il y a des tendances qu’il faut relever et le motif pour lequel des étudiants en médecine sortent manifester dans la rue est hautement significatif de leur état d’esprit.
Pour la question de l’expertise, quelqu’un m’avait dit quelque chose de semblable au sujet d’une éventuelle participation à une agence (mais cela relève de la science fiction).
Ceci dit, depuis le temps que je m’intéresse à ces questions, j’ai compris que le mal est très profond. J’ai passé en revue quelques aspects dans les commentaires : déni des effets secondaires des médicaments et des vaccins, fixation des prix des médicaments totalement déconnectée de leur intérêt réel, arrangements entre amis à l’hôpital si l’on veut rester en France.
Hors le cas de la médecine, l’exemple récent de l’étude de G-E Seralini montre à quel point la pseudo-science est devenue un argument marketing, à quel point elle est dénaturée, à quel point il est difficile de faire valoir l’intérêt général et mener des études allant dans ce sens.
Personne ne s’est offusqué quand les industriels ont établi l’innocuité des OGM qui vont être consommés par des centaines de millions de personnes sur la base d’études de 3 mois dont ils gardent jalousement les données afin que personne ne puisse contrôler leur sérieux. Mais lorsqu’un chercheur sort une étude sur deux ans, qui en a pris 6 en réalité, qu’il a dû mener dans la clandestinité afin qu’elle ne soit pas arrêtée, dans les mêmes conditions expérimentales que les études des industriels et avec des fonds de fortune, toutes les académies scientifiques montent au créneau pour dire à quel point cela est inacceptable. Et, on finit par admettre qu’il faut refaire une étude sur fonds publics mais uniquement pour « redonner confiance » à la population dans les OGM.
Si je pensais que dans cette ambiance, je pourrais venir avec mes petits bras musclés arriver et renverser la table à l’ANSM ou à la HAS , c’est que je serais plus que naïve, je serais mythomane.
Si on accepte d’intégrer ces structures on ne peut que cautionner des choses qui nous dépassent largement, qui sont dues à un rapport de force bien installés dont le symptôme est l’omniprésence des conflits d’intérêts.
Dans ces conditions on ne peut que se soumettre ou se démettre. Me connaissant un peu je pense que je ne tiendrais pas une semaine dans ces agences.
@mabruetorka. Vous vous trompez : j'ai vu 42 patients en 12 heures. Merci pour le reste.
RépondreSupprimer@Pr Mangemanche. Je ne crois pas qu'il soit raisonnable que je devienne expert. D'abord, je déteste les réunions (sauf quand c'est moi qui parle, bien entendu) ; ensuite, je n'ai pas envie d'être lié à une institution, docteurdu16 de l'HAS... Je veux garder ma liberté de parole. Je pense également comme CMT que le combat est inégal et que les experts patentés ont des divisions derrière eux. Enfin, je ne suis pas compétent : je suis un asticoter, un féroce relecteur mais pas un leader d'opinion.
Remarquons que les grandes avancées contre les institutions sont le fait de généralistes. Les merdeux de la faculté.
Bonne soirée, professeur.