Monsieur A, 37 ans, consulte pour "j'ai la grippe".
J'ouvre le dossier et je découvre un courrier d'un chirurgien orthopédiste datant de mai dernier qui a été scanné par la secrétaire et que je n'avais pas lu. Pendant que le malade s'assied, et cetera, je lis : "... Il y avait effectivement une rupture du tendon d'Achille mais le patient n'a pas souhaité se faire opérer car il repartait pour l'étranger..."
Je ne me sens pas à l'aise d'être passé à côté du diagnostic alors que je me rappelle avoir recherché la rupture avec la méthode habituelle (patient sur le ventre, le pied dépassant du lit d'examen...)
Monsieur A est un expatrié qui travaille en Tunisie.
Retour en arrière avec reconstitution de l'historique.
- Au mois de mai 2012 Monsieur A arrive de Tunisie vingt jours après qu'il s'est amoché le pied en tombant sur un chantier. Voici ce qu'il me dit (il faut toujours être prudent) : "Ils m'ont fait une radio et ils m'ont dit que c'était un claquage". Il a toujours mal. Je l'examine et je note dans le dossier "Tendinite achiléenne avec élongation du mollet." Je prescris les trucs habituels (dont une chaussure de marche, dont des conseils d'auto kinésithérapie et dont des antalgiques) et une échographie du tendon d'Achille.
- L'échographiste (je précise que je n'ai vu ni l'échographie ni le compte rendu de l'échographie et qu'il s'agit du verbatim du patient) dit qu'il y a une rupture du tendon d'Achille et qu'il faut aller voir le chirurgien qui, comme par hasard, consulte ce jour là (et j'ajouterai : c'est le meilleur de la clinique à mes yeux).
- Le patient consulte le chirurgien hors parcours de soins (cf. plus haut le courrier). Le patient me dit : "Le chirurgien m'a dit que c'était un peu tard pour opérer mais qu'il aurait fallu..."
- Je demande donc au malade qui est retourné travailler dans son bureau d'études tunisien et qui revient en décembre, "Comment ça va, le tendon ?" Il me regarde étonné : "Mais je n'ai plus mal. J'ai juste une petite boule derrière..." Je comprends mieux qu'il ne m'en veuille pas d'être passé à côté de la "rupture".
J'ai examiné le patient, il a effectivement tout récupéré.
Quelques enseignements ?
Le médecin traitant, même quand il se trompe, mais me suis-je trompé ?, sert à quelque chose.
Le parcours de soins (mais il s'agissait d'un cas particulier, celui d'un expatrié) est bafoué par le radiologue et, j'ajouterais, les radiologues parlent toujours trop.
Le parcours de soins peut éviter le copinage spécialiste / spécialiste (et j'écrirai un jour un post sur le rôle délétère des hôpitaux et des cliniques sur le point du copinage et de l'absence de choix des patients).
Heureusement que le chirurgien n'a pas opéré.
(Le combat d'Ulysse et d'Ajax)
Le Médecin traitant dans son rôle est d'une efficacité redoutable. Mon exemp. rapidement : Toux, me sens oppressée sur la poitrine, je consulte pour une bronchite, j'attends qq médicaments... et j'ai une lettre de recommandation pour les urgences cardio de Mondor, examens, prises de sang, coronarographie et pose de stent !!! Merci à vous, je respire bien maintenant !!!
RépondreSupprimerBonsoir,
RépondreSupprimeril s'agit d'un commentaire du commentaire et puis je m'étends un peu :
Marisol vient de nous dire dans l'un des chapitres de ses 12 propositions quinquénales pour reverdir les déserts : "il faut accélerer les transferts de compétences".
Dans votre cas, prochainement la bronchite d'allure banale (puisque c'est vous qui le dîtes) ne necessitera plus qu'un entretient avec l'infirmiére en affection saisonniére ou bien une consultation de pharmacien pour dire "avec ou sans sirop pour la toux ?"
En reproduisant à l'identique ma vieille peinture,mon peintre me disait lorsque je m'extasiais devant le résultat: " eh oui, la peinture c'est un metier" ... la medecine c'est pareil, c'est un METIER.
Marisol Touraine accepte volontier de transferer les compétences de bases,cela aura un coût financier et humain. Par ailleurs rien du tout sur la revalorisation du metier... Ils croient que les docs marchent encore à l'eau de rose et aux senteurs bénites de la déontologie. Quand viennent les factures et la vie tout court, il y a des additions cruelles.
Cordialement
Mais voyons...tout le monde sait que la vérité se trouve dans l'image(rie). D'ailleurs les contes pour enfant en parlent bien --Miroir! mon beau miroir...! dis moi quelle est l'anomalie?-- Le raisonnement clinique a de beaux jours devant lui. Clairement. Le retentissement fonctionnel, le mécanisme traumatique, l'examen physique sont indispensables. Mais il faut du temps et une approche humaine. L'outils restera l'outils quelque soit le pouvoir qu'on veut bien lui donner. Le radiologue est avant tout un médecin/technicien, qui voit le patient à un moment T... sur une indication. Il manipule une réalité imagée et non celle de la fonction et encore moins de la personne. Attirante...l'image...hypnotique...mais gare! Le médecin traitant veille. Lumière!
RépondreSupprimerDocteurdu16, si je comprends bien (?)le tendon d'Achille de votre patient a effectivement été rompu puis s'est - disons- ressoudé de lui-même : ça arrive fréquemment sur ce genre de tendons ?
RépondreSupprimer@ dernier anonyme. Non, je ne crois pas. Je vous répète que je n'ai pas vu l'échographie. Je pense qu'il devait y avoir une rupture partielle pour laquelle l'indication d'une reconstruction chirurgicale pouvait être envisagée. S'il s'était agi d'un sportif on aurait opéré. Dans ce cas la nature a fait le boulot.
RépondreSupprimerBonne soirée.
OK merci de cette mise au point.
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