Je pensais continuer de travailler ensuite trois jours par semaine pour assurer la continuité des soins au cabinet, pour conforter l'avenir du dit cabinet et pour ne pas "abandonner" en rase campagne les patients que, pour certains et à cette époque, j'aurais connus depuis 39 ans...
Croyez-vous que je vais vous parler d'honoraires ? Croyez-vous que je vais vous parler de cette méchante Assurance maladie ? De la CARMF (la caisse de retraite des médecins) ? De l'URSSAF ? Du Trésor Public ?
Non.
Je vais vous parler de la médecine que je ne peux exercer. Ou que je ne peux exercer qu'au prix d'efforts surhumains
Ne croyez pas que je sois blanc bleu, que je fasse pas perdre de temps à mes collègues. C'est loin d'être le cas. Interrogez mes collègues dans le voisinage, ils auront des choses à dire sur moi. Interrogez mes patients ils auront aussi des histoires à raconter. J'ai déjà fait assez d'autocritique pour ne pas en rajouter. Pour faire le malin ou pour montrer combien je sais reconnaître mes erreurs.
Voici un aperçu minimaliste de mes petites peines de médecin. Je dis "petites peines" car ce ne sont que des petites peines comparées à celles qu'endurent les patients.
Voici un aperçu minimaliste de mes petites peines de médecin. Je dis "petites peines" car ce ne sont que des petites peines comparées à celles qu'endurent les patients.
- Parce que je passe trop de temps à informer les patientes (et certainement pas assez), quand elles ont reçu la convocation de l'ADMY (l'association des médecins des Yvelines qui gère l'affaire), sur le rapport bénéfices/risques du dépistage organisé du cancer du sein (ce qui, en toute logique, et dans un pays démocratique devrait incomber aux promoteurs de ce dépistage et non aux médecins traitants, surtout quand ils doivent dire la médecine en contradiction avec ce qui est raconté partout dans les media grands publics)... Et que les documents d'information, au lieu d'être le fait de la puissance publique, sont produits par des médecins indépendants (voir ICI par exemple).
- Parce que je passe trop de temps à informer les patients (et certainement pas assez), quand ils ont reçu la convocation de l'ADMY (l'association des médecins des Yvelines qui gère l'affaire), sur le rapport bénéfices/risques du dépistage organisé du cancer colorectal (ce qui, en toute logique, et dans un pays démocratique devrait incomber aux promoteurs de ce dépistage et non aux médecins traitants)... Et que les documents d'information, au lieu d'être le fait de la puissance publique, sont produits par des médecins indépendants (voir ICI)
- Parce que je passe trop de temps, en contradiction avec ce qui est raconté presque partout dans les media grands publics, à informer les patients qui désirent que je leur prescrive un dosage de PSA... sur le rapport bénéfices/risques de cet examen qui n'est pas recommandé comme dépistage systématique. Et que les documents d'information, au lieu d'être le fait de la puissance publique, sont produits par des médecins indépendants (voir ICI)
- Parce que je me lasse de découvrir que l'on a dosé le PSA à l'un de mes patients (à l'insu de son plein gré) lors de son passage à l'hôpital ou chez un spécialiste bien intentionné (je ne parle pas des urologues dont le métier est de doser le PSA), ou à la médecine du travail, ou dans les centres d'examens périodiques de santé, pour un cor au pied, un rhume, voire une spondylarthrite ankylosante, que l'on a fait doser le PSA, comme ça, sans prévenir le patient... et sans l'informer du rapport bénéfices/risques de cet examen (cf. supra).
- Parce que j'en ai assez de constater que nombre de patientes sont convoquées tous les trois mois par leur gynécologue pour renouvellement de pilule et tous les ans pour frottis du col utérin contrairement à toute logique et à toute preuve scientifique. Et de devoir leur expliquer (perdre mon temps) que l'on peut prescrire la pilule pour un an et que le délai entre deux frottis est de trois ans.
- Parce que j'en ai assez que les consultations de mémoire aboutissant à un diagnostic d'Alzheimer chez "mes" patients se terminent dans 99,9 % des cas par la prescription d'un prétendu médicament anti Alzheimer par les spécialistes de la question... (on me dit dans l'oreillette que pour cause de trop grande efficacité ces médicaments sont sur le point d'être déremboursés).. et parce que je passe trop de temps à expliquer la famille, le plus souvent en vain, que les médicaments prétendûment anti Alzheimer sont à la fois inefficaces et potentiellement dangereux. "Vous en ont-ils parlé quand le médicament a été prescrit ? - Non."
- Parce que j'en ai assez que les patients soient obligés, au décours d'un passage aux urgences, chez le dentiste, chez le dermatologue, le cardiologue ou le rhumatologue, de venir me voir parce qu'on leur a dit que ces professionnels de santé ne faisaient pas d'arrêt de travail et qu'ils devaient aller en demander un à leur médecin traitant, ce qui nous gâche la vie.
- Parce que j'en ai assez que les patients, après avoir consulté les centres anti douleurs où ils ont à peine été interrogés/examinés, ressortent avec des ordonnances stéréotypées de pregabaline et consorts.
- Parce que j'en ai assez de constater que les patients sortant des centres de cardiologie post infarctus soient (encore) traités par procoralan, crestor, tahor, exforge, c'est à dire passer du temps à aller à l'encontre de la prescription d'un de mes confrères. Lassitude.
- Parce que j'en assez de devoir surveiller les INR flottants de patients qui ont reçu du sintrom ou du previscan à la sortie de l'hôpital au lieu de la bonne vieille coumadine, produit le plus prescrit dans le monde.
- Parce que j'en ai assez que des patients étiquetés BPCO par des pneumologues n'aient pas de BPCO et que je doive supprimer des traitements inefficaces, c'est à dire passer du temps à aller à l'encontre de la prescription d'un de mes confrères.
- Parce que j'en ai assez que le pharmacien ou le médecin du travail (le docteur S sur twitter se reconnaîtra) dise qu'il est nécessaire de prescrire un appareil de mesure de glycémie capillaire à un patient diabétique non id.
- Parce que j'en ai assez que les consultations de cardiologie passent presque systématiquement par la case échographie, épreuve d'effort, voire scintigraphie d'effort, voire coronarographie, voire dilatation, voire stents, voire... chez des patients qui ne le méritaient pas.
- Parce que j'en ai assez que la prévention des risques évitables soit en France aux abonnés absents (alcool, tabac, junk food, par exemple) et que je doive passer mon temps à lutter, en mon cabinet, contre les différents lobbys qui ont pignon sur rue dans tous les media... et au risque de passer pour un ringard...
- Parce que j'en ai assez de devoir me désoler que... mes confrères, mes consoeurs, et cetera...
- Et je n'ai pas parlé de l'oncologie, des soins dits palliatifs, de l'hospitalocentrisme et de l'excès de lutte contre l'incertitude. Voir le blog....
Je remercie ici tous les médecins qui m'ont permis de me délivrer un peu de la gangue de l'enseignement de la faculté de médecine qui m'a appris des choses capitales mais qui m'a aussi appris à ne pas exercer mon esprit critique et à croire à l'enseignement descendant, paternaliste, et cetera. Mais c'était sans doute il y a longtemps. Et je remercie aussi La Revue Prescrire.
Je ne les remercie pourtant pas car ils ont rendu l'exercice de la médecine générale impossible car je dois passer mon temps à dire le contraire des avis autorisés des autorités de santé et, finalement, à faire le travail de ceux qui sont payés, par l'industrie et par leur ego démesuré (le pouvoir, le pouvoir), pour dire une médecine qui va à l'encontre, selon moi, de l'intérêt des citoyens.
C'est bien triste de vous voir partir.
RépondreSupprimerC'a fait quelque temps que je suis votre blog et je peux vous assurer que vous êtes (étiez...?) le médecin que j'aurais bien aimé consulter...
Oui mais voilà, la médecine n'est devenue (et on s'en aperçoit tous les jours) qu'une machine à faire du fric à la la solde de tous les lobbies pharmaceutiques. Ce qui explique pourquoi, hélas mille fois hélas, les gens comme vous n'ont plus leur place dans cette médecine-là.
Je connais bien le calvaire des gens (moi aussi à mon niveau je fais mon petit colibri...) qui vont à contre-courant de la pensée unique distillée par toutes les hautes instances médicales (et politiques...) plus prompt à écouter les lobbies qui les finances qu'à travailler pour l'intérêt de l'humanité.
Bonne retraite à vous, que je souhaite longue et bien remplie...
En tant que jeune installé et recrutant - va savoir pourquoi - une patientèle plutot jeune, je suis encore peu, ou très rarement sollicité sur les dépistages. Par contre je ressens bien comme toi la dificulté à faire face à des prescriptions qui me semblent absurdent de gd professeurs ou chers spécialistes parisiens, et ce d'autant plus qu'à la brieveté de ma relation avec les patients qui me toisent encore s'ajoute une très grande inexpérience. Ton blog comme tu le sais a été et reste une source irremplaçable dans mon éducation médicale et j'ose espérer que ta voix continuera de se faire entendre longtemps.
RépondreSupprimerEn résumé, tu en as marre des conneries ;-) C'est vrai que ça use à la longue.
RépondreSupprimerTu as oublié "J'en ai marre que l'on vienne me consulter pour une ordonnance de Doliprane pour la colo ou les scouts, parce que sinon "il n'a pas le droit d'en prendre s'il a mal à la tête".
RépondreSupprimeret le Gardasil!
RépondreSupprimeret les certifalaknon!
alouette, alouette!!!
merci pour ce coup de gueule
j'éspère qu"il y en aura encore!
kristof
Bonsoir JCG
RépondreSupprimerJe te conseille un petit changement avant ta retraite :
- n'écoute pas la plainte des patients et interromps-les dès 18 secondes après leur arrivée
- reste centré sur le biomédical
- renouvelle sans te questionner les prescriptions de tes confrères spécialistes
- prescris tes ordonnances pour 3 mois maxi
- et des bilans de dépistage tous les 6 mois, quelque soit l'âge
- avec des PSA
- limite ta durée de consultation à 5 minutes
- facture des DE pour toutes les urgences ou tous les patients chiants
- mange avec le VM
- réfléchis pendant les consults aux placements financiers que tu pourrais faire en défiscalisant
- arrête ton abonnement à Prescrire (de toutes façons ce sont des ayatollahs)
alors tu ressentiras la sérénité !
Hommage à Nicolas B. Il se reconnaitrait s'il lisait ton blog : il fait tout ça, et pire encore ; je n'ai jamais connu d'homme plus serein :)
amicalement
pierre
Yes on pourrait prolonger la liste mais l'essentiel de tous les jours est bien là
RépondreSupprimerMa dernière "trouvaille" est le communiqué de Prescrire sur la vaccination HPV
La Revue ©Prescire ouvre la parapluie ?
Début 2016, selon une étude de grande ampleur menée en France, des cas de syndrome de Guillain-Barré, maladie rare mais grave touchant les nerfs périphériques, ont semblé liés à la vaccination anti HPV: environ 1 à 2 cas supplémentaires de syndrome de Guillain-Barré pour 100 000 filles vaccinées. Ce résultat est cependant fragile.
Dans ces conditions, il est raisonnable que des jeunes filles choisissent d'être vaccinées en espérant réduire le risque de cancer. Il est raisonnable aussi que d'autres choisissent de ne pas être vaccinées, redoutant le syndrome de Guillain-Barré malgré sa rareté.
http;//www.prescrire.org/fr/3/31/52058/0/NewsDetails.aspx
Prescrire rappelle qu'on ne connaîtra pas avant longtemps l'effet de cette vaccination sur le risque de cancer du col de l'utérus.
L'important c'est de résister.
RépondreSupprimerOn a à priori encore deux ans de mine d'or à découvrir ici - sauf si tu craques avant ce qui semble concevable.
RépondreSupprimerOn peut aussi espérer que la retraite du cabinet ne soit pas la retraite de ton blog... ?
En tout cas à lire tes derniers articles le ras-le-bol était en effet plus que palpable.
Merci pour cet incommensurable travail que je et beaucoup d'entre nous n'auraient pas eu le courage de réaliser, j'y ai appris énormément sur ma pratique quotidienne et sur les fondements de notre métier. Si c'est une fermeture définitive il va y avoir un grand vide dans mon monde médical :(
Et puis où CMT va-t-elle pouvoir poster des commentaires en 4 blocs ? (et où pourrons nous lire ses évangiles ?)
Avec tout mon respect confraternel
Concernant l'information sur le dépistage du cancer du sein, notre collectif CANCER ROSE, représentée par le Dr Cécile BOUR, a été reçu par le Ministère de la Santé la semaine dernière. Les hauts fonctionnaires qui le représentent (Pierre Buttet, bureau des maladies chroniques somatiques, Mme Saline de l’INVS et Patrick Amboise, Chef du bureau de la santé des populations à la direction générale de la santé) nous ont assurés que la communication sur le dépistage allait être revue, celle émanant du ministère et des pouvoirs publics. Interrogés sur l'encadrement de la la com' OCTOBRE ROSE qui sévit partout en France,ils ont répondu qu' il s’agissait de liberté d’expression (les médecins apprécieront).
RépondreSupprimerMr Buttet a affirmé qu'ill ne comprenait rien au document de la Cochrane. Et tous les fonctionnaires ont réaffirmé en coeur que "plus c'est détecté tôt, mieux c'est". Nous avons réclamé l'abrogation de l’arrêté ministériel du 29 septembre 2006 encadrant le dépistage du cancer du sein : le Ministère a répondu que "l’arrêté serait fortement « dépoussiéré »". Et Ils attendent tous le CR de la "concertation citoyenne" qui a consisté à demander à de professionnels des femmes désinformées comment "améliorer le dépistage". Le gouvernement laisse, au nom de la liberté d'expression, la rue, les citoyennes désinformées, les associations subventionnées ou les Mairies, la responsabilité de la communication autour du dépistage du cancer du sein. Voilà donc un bel exemple de démocratie sanitaire : la rue décidera. Les fabricants de matériel d'imagerie, les actionnaires de Roche et le chirurgiens qui pratiquent les mastectomies "préventives" ("nous allons vous soigner d'une maladie que vous n'avez pas encore", dixit un médecin lors d'une émission il y a quelques mois sur ARTE je crois.. ) ont de beaux jours devant eux si la rue en redemande.
@ Annette Lexa
RépondreSupprimerCe que vous nous racontez est lamentable.
Le niveau d'ignorance, de bêtise et de duplicité de ce personnel du Ministère de la Santé est à pleurer.
Qu'ils ne soient pas d'accord, on peut le comprendre, mais qu'ils ne puissent même pas argumenter car ne connaissant pas le dossier ou parce qu'ils n'ont pas les neurones pour l'étudier, va au delà des pires hypothèse que l'on pouvait formuler.
On ne peut pas dire qu'il s'agit du pouvoir hollandien, il s'agit du lobby santeo-industriel qui a décidé une fois pour toutes ce qui était bon pour les finances et qui n'accepte les actions de la société civile que lorsqu'elles vont dans leur sens (et l'aggrave.
Merci pour ce témoignage qui ne nous réconforte pas.
Bonsoir, et merci.
RépondreSupprimerPas pour cet article, hein, pour le reste.
Tout ce dont tu nous dis en avoir assez, tu as contribué pour beaucoup d'entre nous à être fier de ramer pour nos patients, d'être au moins des gardiens locaux.
On est fier de jouer les cons de généralistes, qui ont leur mot à dire.
Et par ta publicité, c'est contagieux.
Tu n'as pas sauvé le système, ce n'est pas possible, personne ne le peut. Mais tu ne le laisses pas gagner. Tu (toi parmi d'autres) nous convaincs de ne pas abandonner, de toujours garder un regard critique (critique = toi bien plus que d'autres) sur ce système.
Je comprends que tu en ais assez. Moi pas encore. Et ton blog, cet article et les autres, me donnent envie de ne pas être un "banal généraliste" façon Pelloux, ou autres khonfrères khondescendant. Ils ne passeront pas. Même si tu t'arrêtes.
C'est un peu gnangnan, mais j'avais envie de dire ça.
Bonne continuation, et au plaisir !
Et puis ce médecin qui prescrit du Naprosyne 500mg pour une douleur musculaire au niveau de la clavicule de son patient alors que ce dernier est en pleine période d'allergies liées à de l'asthme.
RépondreSupprimerLa clairvoyance est un don. Tu es guidée docteurdu16 et j'espère que ton ascension ne s'arrête pas à cet article parce que Dr C. a tenu plus que toi si tu fléchis prématurément.
Je souhaite remercier tes efforts sincères que tu mets à la disposition des gens (maladroits, musulmans, stupides, attardés, athées, chrétiens, agnostiques, déistes, immoraux, insolents et arrogants voire même hautains...), merci aussi de ta patience à endurer les réactions de mauvais augures.
Dans 1 an après Ramadhan, tu devras poser quelques jours de repos pour venir visiter la clinique de dialyse au Maroc, elle ouvre ses portes dans les jours avenirs.
Merci de l'amour que tu as à la médecine.
bonjour, je suis étudiante en 2ème année sur le tard et ayant une vie professionnelle antérieure assez longue, je comprends très bien ce que vous dénoncez. je fais la promesse de me rappeler qu'il faudra résister. je mets votre blog dans mes favoris ! merci
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerJe lis régulièrement votre blog et pourtant je suis un (de ces affreux)
visiteur médical "grassement payé" (comme beaucoup le croient... et pourtant si vous connaissiez mon salaire et mes primes vous seriez surpris mais ceci comme disait Kipling est une autre histoire) par mon employeur un labo pharmaceutique (et oui je ne suis qu un simple employé qui essaie de s accrocher aux ranches d ici la retraite...).
Souvent vous critiquez , attaquez, dites ce que vous pensez et c'est votre droit..
Mais je voudrais savoir s il y a eu des motifs de satisfaction, des moments de joie et des bonheur...ou des décisions administratives , ministérielles etc...qui vous font espérer...
Cela aménerait un peu de "positif" à ce blog...
Un visiteur médical de 51 ans...qui n ' a pas toutes les connaissances mais qui a un certain recul et expérience de la vie...
Bonjour anonyme VM.
RépondreSupprimerSachez que je n'ai rien contre les VM en tant que personnes.
Le problème de ce blog est qu'il propose peu de choses concrètes, me dites-vous.
Vous avez sans doute raison.
Disons que j'essaie, parfois avec alacrité, de soulever des points qui me déplaisent, qui vont contre l'éthique, qui vont à l'encontre, me semble-t-il, de la Santé publique.
J'essaie donc de pratiquer en opposition à ce que je dénonce mais ce n'est pas facile pour des raisons culturelles (les études que j'ai suivies)et institutionnelles (le système dans lequel j'exerce.
Quant à mes joies et mes bonheurs, permettez que je les garde pour moi.
Bonne journée.
Cela a été long mais je suis enfin prête à dire mes évangiles (les évangiles selon Sainte Claudina).
RépondreSupprimerJe vous rassure : ce sera toujours aussi long, mais peut-être un peu moins travaillé, faute de loisir pour faire toutes les vérifications et contre-vérifications que je fais habituellement.
Il me semble que ce que ce post met en avant c’est surtout les efforts qu’un médecin généraliste soucieux d’exercer son métier au bénéfice des patients doit déployer pour résister aux pratiques nuisibles pour le patient. Pratiques qui ont fondamentalement deux causes : le mercantilisme et l’ignorance, l’un et l’autre se confortant mutuellement dans une vraie synergie. Influence d’intérêts mercantiles sur les politiques de santé publique (recommandations inadaptées, informations et études biaisées), sur le comportement des médecins (inciter à la surconsommation médicale et médicamenteuse, surtraiter, faire revenir le patient quand ce n’est pas nécessaire…).
Je m’étonne toujours que les « alternatifs », les « naturalistes » (trouvez moi un terme plus adapté, cela recouvre une faune hétérogène dont la caractéristique commune est la promotion de l’obscurantisme et de la superstition) croient que ce blog leur donne raison : non, ses critiques et réflexions s’adressent principalement à la médecine conventionnelle parce que c’est son objet. Mais le sujet est tout de même, je crois, le combat contre les formes modernes de promotion de l’ignorance et de l’obscurantisme en matière de santé, aussi bien dans son aspect scientiste et technophile qui caractérise l’évolution récente de la médecine conventionnelle que dans son aspect irrationnel et mystique qui est celui des thérapies dites alternatives.
La forme moderne de la médecine conventionnelle et les médecines alternatives ont bien des choses en commun et se potentialisent mutuellement : détournement et falsification des méthodes scientifiques au service d’une idéologie, promotion des peurs et disease mongering (équilibre acido-basique, ying et yang, ou autres balivernes pour les médecines alternatives) à des fins mercantiles, maintien du patient dans une position d’extrême dépendance et, surtout, consumérisme effréné.
Le patient (parent) qui vient me voir et me demande toutes les informations chiffrées et détaillées sur les vaccins puis sort du bureau et s’en va, sans aucun état d’âme, voir l’ostéopathe, ne se comporte pas comme un patient rationnel mais comme un consommateur, quelqu’un qui veut une solution magique, commode à la moindre difficulté rencontrée. Et qui en réalité est tout à fait prêt à se contenter de l’impression d’avoir trouvé une solution pourvu que cela puisse se résoudre et se résumer en un acte de consommation.
Il n’y a pas une bonne crédulité, une bonne ignorance et un bon obscurantisme, sous prétexte que les médecins douces seraient anodines. C’est cet état d’esprit, consumériste, se complaisant dans l’ignorance et la crédulité qui est dangereux pour le patient lui –même.
...
SUITE
RépondreSupprimerEt malheureusement il n’y a aucune raison d’espérer tant que les médecins et aussi, surtout, les associations de patients n’atteindront pas l’âge de raison et cesseront de croire tout ce qu’on leur raconte, de prendre l’argent de Big Pharma, qui n’est jamais gratuit, de se sentir flattées par les partenariats qu’on leur propose.
Ce qui nous attend dans le futur immédiat est l’adaptive pathway c'est-à-dire la diffusion en population de médicaments, aux effets indésirables graves ; puisqu’il s’agira souvent de biomédicaments, non évalués.
Je mets ici deux commentaires que j’avais fait il y a un an, l’un en anglais car il était pour le BMJ et voici la position de la revue Prescrire et d’un collectif d’associations indépendantes à ce sujet http://ec.europa.eu/health/files/committee/stamp/2015-10_stamp3/3c_prescrire_position_paper.pdf
e qu’il faudrait c’est une véritable révolution culturelle. Parce que les patients vont voir les médecins lorsqu’ils ont un problème et veulent une solution rapide. La médecine ambulatoire est ainsi conçue, et beaucoup d’intérêts coïncident pour que cela ne change pas.
On pourrait tout de même imaginer que cela change et qu’un jour les patients viennent voir le médecin pour lui dire : « que pouvez-vous faire et quels conseils pourriez vous me donner pour m’éviter d’avoir à prendre des traitements ou d’avoir à subir des investigations et procédures lourdes ? »
Malheureusement, si révolution il y a, la seule en vue est pour l’instant totalement orchestrée par Big Pharma.
La révolution à venir est motivée par le changement de business model de l’industrie pharmaceutique : du blockbuster au nichebuster. C'est-à-dire au lieu de vendre des quantités massives d’un médicament avec des marges modérées à un très grand nombre de personnes (exps antidiabétiques, antihypertenseurs etc) vendre des quantités plus faibles de médicaments issues des biotechnologies à des sous-populations sélectionnées mais à des prix très élevés assurant des marges défiant toute concurrence (exp Sovaldis).
La diffusion limitée, au départ, du médicament, est le prétexte avancé pour supprimer toute évaluation préalable à la commercialisation selon le principe de l’ »adaptive pathway ». L’expérimentation se ferait donc directement sur la population sélectionnée avec une évaluation dont les critères et les règles sont encore plus flous qu’ils n’étaient jusqu’ici. Quelqu’un, je ne sais plus qui, a dit avec beaucoup de justesse, qu’on inversait ainsi la proposition qui est à la base de la médecine pharmacologique et thérapeutique : on ne rechercherait plus le bon médicament pour un patient donné mais le bon patient pour un médicament donné . Une fois le médicament lancé, Big Pharma se fait forte de faire ce qu’elle fait le mieux depuis bien longtemps, étendre la prescription du médicament à des populations de plus en larges, sans aucune justification médicale , en baratinant médecins et patients jusqu’à plus soif. Le résultat sera beaucoup de risques pris, d’effets indésirables inutiles, pour aucun bénéfice réel.
...
SUITE
RépondreSupprimerIl est même en projet d’inventer des outils statistiques adaptés à cette nouvelle approche d’AMM à priori.
En fait, tout simplement, le monde, les patients et les mathématiques doivent se plier aux expectatives de bénéfices de Big Pharma. Or, on sait que ces expectatives sont illimitées. Tels seront donc les sacrifices qui seront exigés pour les satisfaire.
Ce qui change aussi ce sont les types de médicaments concernés : il s’agit de biomédicaments dont le potentiel iatrogène est bien plus grand que celui des médicaments classiques.
La population pédiatrique est une population de choix pour ce genre de produits « porteurs d’espoir ». Des essais cliniques sont en cours pour traiter des dermatites atopiques (eczéma) par des anticorps monoclonauxhttp://ansm.sante.fr/S-informer/Travaux-de-l-Agence-Europeenne-des-Medicaments-EMA-Comite-des-medicaments-pediatriques-PDCO/Avis-et-recommandations-du-Comite-des-medicaments-pediatriques-PDCO-de-l-Agence-europeenne-des-medicaments-EMA-d-avril-2015-Point-d-information . Bien entendu l’EMA a donné son accord. J’avais déjà expliqué que les anticorps monoclonaux sont une famille de biomédicaments dont les effets indésirables sont extrêmement graves.
Ainsi, nous sommes en train de revenir 50 ans en arrière sur la sécurité des médicaments. La première étape de la destruction progressive de toute garantie de sécurité dans le cadre des procédures de mise sur le marché des médicaments a été de reporter l’évaluation de sécurité à des études post-commercialisation, même lorsque des effets indésirables graves avaient été relevés lors des essais cliniques. L’étape actuelle est de reporter également les études d’efficacité après la mise sur le marché des médicaments.
Ce qui veut dire que tout le potentiel de diffusion d’un médicament va exclusivement reposer sur la capacité d’enfumage de Big Pharma et sur sa capacité à générer des conflits d’intérêts et à contourner les tentatives de contrôle de ses produits, et qu’il n’y aura donc plus de données solides sur lesquelles s’appuyer pour prescrire (il y en avait déjà si peu)...
SUITE
RépondreSupprimeret aussi, un commentaire que j'avais fait dans le BMJ au même moment:
These considerations have much to do with the new regulations that are being prepared at the European Medicines agency, which are referred to as “adaptative pathways approach”http://www.ema.europa.eu/ema/index.jsp?curl=pages/regulation/general/general_content_000601.jsp&mid=WC0b01ac05807d58ce . This new approach could rapidly shape all the regulation processes. The exception would then become the rule and could lead to the massive and permanent marketing of new expensive drugs without any proven effectiveness on the basis of their “promising” statushttp://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cpt.59/pdf . What is a « promising medicine »? This is another world to define.
So far, only medicines considered essential for “unmet needs” can access conditional approval in the UE. Nevertheless the promoters of adaptative pathways, mainly pharmaceutical companies and their cronies, would like to change the concept of “unmet needs” by the concept of “window of opportunity” much more vague and large.
Although adaptative pathway is supposed to apply only to targeted populations the promoters hope that it would soon become the standard “regulation” pathway for new medicines.
We understand how large this concept is, and how large the targeted groups could be when the article makes it clear that, for the Alzheimer’s disease the promoters of the “adaptative pathway” approach think that the patients should be treated (with monoclonal antibodies which are highly toxic drugs) 15 to 20 years before manifestation of clinical symptoms. That means treating all the healthy 40 to 50 years old population, or maybe a more limited group of this population selected by biomarkers just fot the sake of seeing if this would finally bring some reduction of Alzheimer’s disease symptoms for some of them. This would really be an innovative approach to medicine.
This emphasizes the need to clearly define what we are talking about. A first step for choosing wisely.
Merci Claudina.
RépondreSupprimerOn peut à ce propos des AMM accélérées filer la métaphore sur l'EBM.
J'ai déjà écrit plusieurs billets sur la question de l'EBM.
En résumé : 1) l'EBM a été créée pour lutter contre la commercialisation de molécules mal testées, pour encourager les médecins à se former, pour faire entrer le patient en tant qu'individu dans la décision de soins. 2) Big pharma s'y est d'abord opposé car cela signifiait faire des essais cliniques selon des règles de l'art qui compliquaient sa tâche (vendre du médicament) puis s'y est consacré avec une énergie extrême, c'est à dire en gonflant artificiellement les coûts pour éliminer la concurrence de small pharma ou des agences gouvernementales et en favorisant des start-up prenant des risques pour les racheter ensuite quand les molécules étaint prometteuses, mais aussi en arrosant les médecins expérimentateurs avec des honoraires faramineux et en multipliant des essais bidons (d'implantation) tout en arrosant les agences de régulation (FDA, EMA) et, enfin, la concurrence ayant été brisée (et big pharma s'entendant entre firmes sur les zones d'influence), big pharma remet en cause tout cela au profit de "petites" études dites "individualisées" pour contourner les guide lines désormais contraignantes. 3) les médecins se sont opposés à l'EBM pour des raisons de pouvoir, éliminant le volet patient, et critiquant le volet études randomisées prétextant que ce n'était pas adapté à leur pratique. 4) les patients n'ont pas profité de l'aubaine et n'y ont vu qu'une source de prébendes.
L'EBM est donc mort né.
Bonjour ,
RépondreSupprimerDepuis bien longtemps , je suis d ' accord avec votre jugement sur l ' évolution de la médecine (pertinence des avis de DOC du 16 et de CMT; mais je ne vous lis presque plus ni la revue PRESCRIRE car tout cela me sape le moral !! il n ' est tout simplement plus possible d ' exercer LA MEDECINE ... cette Me... comme disait CÉLINE. A 58 ans, j ' ai quitté la MG en début d ' année avec grand soulagement ! je suis salarié en SSR polyvalent . là aussi je vois passer des chimios inutiles et destructrices , des prescriptions scandaleuses de certains de mes confrères ( statines inutiles , mélanges détonnants de psychotropes , d ' antalgiques ; d 'anti - ostéoporotiques et j ' en passe... ) . Mais j ' ai quand même davantage le temps de m ' entretenir avec les malades et de les examiner ce qui est satisfaisant ; je finirai ma carrière plus serein et sans regret;
Merci sincèrement de vos prises de position courageuses , d ' avoir tenu ce blog si longtemps ; j ' espère que lorsque nous serons malades , nous trouverons encore quelques médecins de bon sens pour nous soigner et nous éclairer avec humanité ; bon vent à tous
Massouerg
Cher MASSOUERG,
RépondreSupprimerMerci de vos observation et clairvoyance.
Il est rare de lire des médecins dénoncer leur profession.
Cette honnêteté n'arrange rien. Cette médecine perdurera de mal en pis, malheureusement.
II y a beaucoup à dénoncer et plusieurs à pointer du doigt.
Je pense qu'il ne faut pas consommer les produits médicamenteux pour ne pas voir son état s'aggraver mais je sollicite les malades consulter leur médecin.
Il faut essayer de patienter face aux douleurs et surtout avoir le contrôle de son alimentation.
En réalité, on sait l'essentiel mais on reste insouciant.
Je suis désespéré
RépondreSupprimerPouvez-vous m'indiquer un blog où s'exprimerait un médecin heureux, qui a accompagné ses patients en limitant son nombre d'actes de façon raisonnable pour garder une vie de famille et assurer la qualité ?
Un médecin qui rencontrerait en fin de carrière des grand mères à qui il a fait les vaccins de l'adolescence ?
Qui aurait échangé avec des confrères compétents et désintéressés dans des formations indépendantes de Big Pharma (peut être pas des syndicats il est vrai) ?
Qui saurait travailler en interdisciplinarité auprès de ses patients dépendants ?
Qui pourrait dire aux jeunes qui vont débuter dans la carrière que son exercice est tel qu'on le décide, d'autant que la demande est plus forte que l'offre, qu'on ne s'ennuie jamais, qu'on crée des liens très forts avec les patients ?
Ça me remonterait le moral !
Je me suis toujours demandé où cet homme trouvait le temps pour entretenir ce Blog avec des documents aussi pointus et diversifiés ( CMT ne fait pas tout), tout en continuant à consulter... y compris le samedi matin ..élargi !!, moi qui m'écroule lamentablement le soir après avoir modestement essayé de lutter, comme lui, contre la désinformation politico médiato big pharma cienne. Je me demande ce qu'il va faire de tout ce temps libre à la retraite, des livres comme l'ami Dupagne? des conférences? j'ai moi aussi plus beaucoup de temps à tirer avant celui de ma révérence, mais il me serait très très agréable de profiter encore de ce Blog pour tenir le coup. Merci et chapeau l'artiste.
RépondreSupprimerj'espère de tout coeur que Docteurdu16 aura fait des émules lorsqu'il décidera de lever le pied. Nous avons besoin de personnes de cette trempe. Il y a excessivement peu de contre-pouvoir intelligent et argumenté, dans le domaine de la santé en France
RépondreSupprimerje viens de découvrir une association de patients "Life is Rose", soutenue par Roche et Pfizer, dont le but est de "lutter contre la précarité sociale générée par le cancer". Objectif louable à priori .
Moins quand on découvre un lien qui renvoie vers le site de PFIZER et son PActOnco , une expériences "ludique " (SIC) de "parcours onco virtuel", histoire de dédramatiser et rendre fun la chimio.
Mais là où on décroche le pompom, c'est quand on découvre la promotion d'une cuvée de rosé, (Chez Lionel Osmin & Cie nous avons pensé créer cette cuvée « Life is Rose – Edition Limitée 2016 NoémieCaillault » pour soutenir la démarche hors du commun de l’association « Life is Rose ») http://www.lifeisrose.fr/actualites
Lorsque je leur ai lécrit que j'allais porter plainte auprès de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) et le signaler leur opération à l'Agence Nationale de Prévention de l'alcoologie et de l'addictologie, j'ai vu sortir du bois un certain "Docteur Alain TOLEDANO, Cancérologue Radiothérapeute, Chef du Pôle Médecine et Cancérologie de l'Hôpital Américain de Paris
, Président du conseil médical de l'Institut d'Oncologie des Hauts de Seine, Directeur médical de l'Institut de Radiochirurgie de Paris- Centre Hartmann, prêt à donner un coup de main . Il a répondu " "Nous organiserons l'argumentaire scientifique proportionné
La discussion est toujours utile". Ce monde est totalement devenu fou.
Merci encore une fois Docteurdu16 (et aussi encore à CMT) pour votre blog. Merci de nous informer, nous éclairer, nous aider à mieux comprendre, à mieux argumenter.
Je souhaite à toutes et à tous un bel été bien arrosé avec la Cuvée Noémie Caillault! Pfizer vous en remercie par avance
Merci,merci,merci.
RépondreSupprimerJe vous ai trouve quand j ai commence a douter de mes prescriptions "types" et vous m avez aide a tenir bon.
c'est tout vrais sa monsieur bravo docteur
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