Happy Valley : Sara Lancashire. La bienveillante. |
Je vais vous raconter une histoire simple, telle que je l'ai reconstituée, ne venez pas m'ennuyer sur les détails techniques.
Une jeune femme mineure, vraiment mineure, vient aux urgences accompagnée de sa mère.Elle est examinée par l'interne.Elle est interrogée.Le senior revient une demi-heure après." Est-ce que vous avez déjà eu des rapports ?"Question qui a déjà été posée auparavant.Gêne."Non, bien sûr que non."Le senior a dans la poche un test de grossesse positif.Il s'agit d'une grossesse extra-utérine qui est une urgence chirurgicale pouvant mettre en jeu la vie de la patiente.
Cette histoire est racontée sur twitter.
Les défenseurs des patients réagissent très vite.
Je résume : "Il est intolérable de pratiquer un test de grossesse sans le consentement de la patiente."
Les médecins rient. Je résume: "Elle aurait pu mourir, donc, il n'y a pas de discussion."
Les messages s'enveniment.
Les médecins ne comprennent pas que l'on puisse discuter une seule seconde le fait d'avoir pris la bonne décision, à savoir faire un test de grossesse à une femme qui dit ne jamais avoir eu de rapports sexuels, pour lui sauver la vie.
Vous imaginez que si j'écris ce billet c'est parce que je me pose des questions, ce n'est pas parce que je pense que les défenseurs du consentement sont des demeurés.
Ma première réaction était instinctive et fondée sur l'expérience : on a tous entendu parler d'histoires de ce genre ou on en a même tous vécu et personne ne nous a jamais parlé d'un problème moral dans cette attitude. C'est une urgence. Point.
Vous assistez à un accident de la circulation et vous agissez rapidement pour sauver une personne inconsciente, vous n'allez quand même pas fouiller ses poches, interroger un éventuel fichier national pour savoir si la personne souhaite ne pas être réanimée.
Dans le cas du test de grossesse qui nous préoccupe il est aussi vraisemblable que, malgré les dénégations de la jeune femme, le fait de ne pas avoir pratiqué le test pourrait être considéré, professionnellement comme une faute et pourrait être reproché juridiquement aux praticiens.
Donc, les propos violents lus à propos des médecins posent question.
Pourquoi et comment en est-on arrivés là ?
Je ne vais pas vous écrire l'histoire du paternalisme. C'est long, c'est compliqué, c'est contradictoire, c'est controversé.
Je suis allé voir un billet de JP Devailly (LA) en son blog (ICI) toujours bien informé mais souvent un peu compliqué dans son expression et catégorique dans ses conclusions, dont le titre est "Le soignant, le patient et le système - Le paternalisme dans tous ses états". J'ai retenu ceci comme définition générale : « Le paternalisme, c’est l’interférence d’un État ou d’un individu avec une autre personne, contre sa volonté, et justifiée ou motivée par la croyance qu’elle s’en portera mieux ou qu’elle sera protégée d’un mal » d'après Gerald Dworkin, un texte de 2016 (LA). Et ceci de JP Devailly : "Le vieux modèle paternaliste de la relation médecin patient est obsolète. Certains soutiennent que l'absence totale de paternalisme est illusoire mais que les formes coercitives et fortes en sont les plus difficiles à justifier sur le plan éthique ("Paternalisme, biais cognitifs et politiques publiques favorables à la santé")."
Il faudrait dire ceci : il y aura toujours une relation asymétrique médecin/patient ou médecin/malade ou soignant/soigné mais il ne faut pas envisager cet aspect du seul point de vue des connaissances scientifiques mais aussi selon celui de la dépendance intellectuelle, financière, spirituelle, émotionnelle, et pas toujours dans le sens escompté : le patient/malade est parfois en position dominante vis à vis du médecin/soignant... Il y aura toujours ne signifie pas qu'il ne faille pas lutter contre...
Il existe un vieux mythe, sur une idée de Georges Duhamel, écrivain et médecin du "colloque singulier entre médecin et malade" qui aurait été à une certaine époque un modèle rassurant d'humanisme partagé. Je n'y crois pas une seconde. Le colloque singulier existe toujours, sans doute, je n'aime pas les consultations à trois, par exemple, je veux dire deux médecins et un patient, dans l'autre sens, cela me dérange moins bien que cela signifie une certaine forme de censure. Et il y a des éléphants dans la pièce que sont les représentants de la société de consommation.
Dans les tweets que j'ai consultés, et on ne dira jamais assez combien la forme twitteriale est agaçante par sa brièveté, par son agressivité innée et par sa volatilité, des mots et expressions sont apparues : bienveillance, serment d'Hippocrate, empathie, sympathie, neutralité, eh bien, à mon avis signifiant et signifié ne collent pas bien.
Dans notre cas précis on a aussi du mal à envisager que cette jeune femme débarquant aux urgences puisse être un patient expert, un patient ressource ou un expert profane. Si vous souhaitez sur la question lire des choses très mauvaises, j'ai trouvé une mine : le professeur André Grimaldi : ICI et LA.
Passons.
Donc, les propos violents lus à propos des médecins posent question.
Pourquoi et comment en est-on arrivés là ?
Je ne vais pas vous écrire l'histoire du paternalisme. C'est long, c'est compliqué, c'est contradictoire, c'est controversé.
Je suis allé voir un billet de JP Devailly (LA) en son blog (ICI) toujours bien informé mais souvent un peu compliqué dans son expression et catégorique dans ses conclusions, dont le titre est "Le soignant, le patient et le système - Le paternalisme dans tous ses états". J'ai retenu ceci comme définition générale : « Le paternalisme, c’est l’interférence d’un État ou d’un individu avec une autre personne, contre sa volonté, et justifiée ou motivée par la croyance qu’elle s’en portera mieux ou qu’elle sera protégée d’un mal » d'après Gerald Dworkin, un texte de 2016 (LA). Et ceci de JP Devailly : "Le vieux modèle paternaliste de la relation médecin patient est obsolète. Certains soutiennent que l'absence totale de paternalisme est illusoire mais que les formes coercitives et fortes en sont les plus difficiles à justifier sur le plan éthique ("Paternalisme, biais cognitifs et politiques publiques favorables à la santé")."
Il faudrait dire ceci : il y aura toujours une relation asymétrique médecin/patient ou médecin/malade ou soignant/soigné mais il ne faut pas envisager cet aspect du seul point de vue des connaissances scientifiques mais aussi selon celui de la dépendance intellectuelle, financière, spirituelle, émotionnelle, et pas toujours dans le sens escompté : le patient/malade est parfois en position dominante vis à vis du médecin/soignant... Il y aura toujours ne signifie pas qu'il ne faille pas lutter contre...
Il existe un vieux mythe, sur une idée de Georges Duhamel, écrivain et médecin du "colloque singulier entre médecin et malade" qui aurait été à une certaine époque un modèle rassurant d'humanisme partagé. Je n'y crois pas une seconde. Le colloque singulier existe toujours, sans doute, je n'aime pas les consultations à trois, par exemple, je veux dire deux médecins et un patient, dans l'autre sens, cela me dérange moins bien que cela signifie une certaine forme de censure. Et il y a des éléphants dans la pièce que sont les représentants de la société de consommation.
Dans les tweets que j'ai consultés, et on ne dira jamais assez combien la forme twitteriale est agaçante par sa brièveté, par son agressivité innée et par sa volatilité, des mots et expressions sont apparues : bienveillance, serment d'Hippocrate, empathie, sympathie, neutralité, eh bien, à mon avis signifiant et signifié ne collent pas bien.
Dans notre cas précis on a aussi du mal à envisager que cette jeune femme débarquant aux urgences puisse être un patient expert, un patient ressource ou un expert profane. Si vous souhaitez sur la question lire des choses très mauvaises, j'ai trouvé une mine : le professeur André Grimaldi : ICI et LA.
Passons.
Certains des messages sont passés par le serment d'Hippocrate. Il y avait longtemps que je n'y étais pas allé faire un tour.
C'est quand même d'une sacrée débilité anachronique.
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire2 abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.
Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille3, je la laisserai aux gens qui s'en occupent.
Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.
Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! ».
Ensuite, voici la version du Conseil de l'Ordre de 2012.
« Au moment d'être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité.Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité.J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité.Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j'y manque. »
Donc, on raye, c'est tellement à mourir de rire et décalé de la réalité quotidienne. Comme on dit sur twitter : trop faux.
Je suis allé faire un tour sur l'excellent blog du docteur Niide (LA) où il a écrit un billet intitulé "Care is not benevolence" (ICI) qui nous permet de mieux comprendre les différentes attitudes que nous avons décrites plus haut et d'éviter de lire des âneries (notamment sur l'Evidence Based medicine) comme celles de Gérard Reach (LA) considéré pourtant comme une sommité sur la question.
Revenons à nos moutons.
Je voudrais citer cette phrase de Jean-Pierre Dupuy à propos du conséquentialisme en l'adaptant à notre test de grossesse : "Cet argument éthique (c'est à dire doser les beta HCG sans demander son avis à la patiente) est dit conséquentialiste : lorsque l'enjeu est important, les normes morales que l'on nomme déontologiques - au sens où elles expriment le devoir que l'on a de respecter des impératifs absolus, quoi qu'il en coûte et quelles qu'en soient les conséquences - doivent s'effacer devant le calcul des conséquences." (Dupuy Jean-Pierre. La marque du sacré. Champs essais. Paris : Flammarion, 2008) Il parlait des justifications américaines (aujourd'hui largement réfutées) pour le largage des bombes sur Hiroshima et Nagasaki. Excusez la comparaison.
Je rappelle la définitionn wiki du conséquentialisme :"Le conséquentialisme fait partie des éthiques téléologiques et constitue l'ensemble des théories morales qui soutiennent que ce sont les conséquences d'une action donnée qui doivent constituer la base de tout jugement moral de ladite action."
Allons plus loin avec le livre de Ruwen Ogien et Chrisine Tappolet : "« Faut-il être conséquentialiste ? ». Il ne s’agit donc pas de passer en revue tous les concepts de l’éthique, mais de défendre la plausibilité de la théorie conséquentialiste en comprenant plus précisément comment doivent s’articuler ces deux concepts essentiels que sont les normes d’une part et les valeurs, d’autre part. En un mot : faut-il, avec les défenseurs du conséquentialisme, considérer que ce que je dois faire (la norme) dépend en dernière instance des valeurs que présente le monde ? Ou faut-il supposer au contraire, avec les approches déontologiques, que la norme prime sur la valeur, c’est-à-dire qu’il y a des choses que je dois faire, quelles que soient les conséquences qui en résultent ?" J'ai repris ce texte sur le site Raison Publique. fr (LA).
Nous sommes au coeur du débat.
Les défenseurs des patients disent que la déontologie, même en ce cas, est plus forte que le conséquentialisme.
Les médecins pensent le contraire pour des raisons sans doute liées à leur formation. Pas tous, bien entendu.
Il existe certainement des situations moins claires mais si, en ce cas précis, les défenseurs des patients prennent une position aussi tranchée, il n'est même pas nécessaire de parler de cas moins évidents ou plus litigieux.
Le débat est ouvert.
Les deux concepts ne s'opposent que dans des cas rarissimes !
RépondreSupprimerIl y a plutôt opposition entre paternalisme et infantilisme.
Le paternalisme qui veut que le soignant s'estime légitime à outrepasser les positions de ses patients avec pour but affiché la meilleure option MAIS sans donner d'importance à la méthode pour y parvenir.
L'infantilisme qui vise à voir comme acquise la méthode optimale MAIS ne s'inquiète pas le moins du monde des options.
C'est en fait une guerre d'incompétences, celle à convaincre honnêtement contre celle à relativiser l'importance de sa propre opinion. Les deux s'entretiennent.
C'est un débat passionnant, je tiens à signaler qu'à coté du conséquentialisme et du déontologisme, il existe une troisième position, plus antique mais qui revient "à la mode", c'est celle de l'éthique des vertus (ou arétisme). Dans cette théorie, l'individu, s'il a cultivé ses valeurs morales, peut prendre une décision dans une situation de choix éthique, en fonction de son ressenti.
RépondreSupprimerCertes, ça laisse la place à des abus (on imagine bien le médecin, ou toute autre personne, dire "j'ai pris cette décision parce que je sentais que c'était la bonne" afin de s'affranchir de tout débat), mais ça permet également des positions plus nuancées que les deux positions également insupportables mentionnées plus haut, que ce soit celle qui consiste à laisser la gamine mourir de sa GEU parce qu'elle avait décidé de ne pas parler de sa sexualité, ou celle qui consiste à dire que le médecin parce qu'il "sait" a tous les droits.
A part ça, rien à voir, j'aime bien ton blog mais en tant qu'enseignant en MG, ça me choque toujours un peu de lire en tête de ce blog que notre spécialité n'est pas enseignée ;-) !
2 commentaires brefs :
RépondreSupprimertwitter : le tout à l'égo (ce n'est pas de moi)
sujet de philo : la fin justifie t'elle les moyens ?
Commentaires commentés :
twitter ou comment avoir un avis sur tout, la vacuité de l'opinion. Une autre façon d'exister.
En ce qui concerne l'illustration du problème, il y a trop d'approximation : il n'y a pas de colloque singulier puisqu'il s'agit d'une mineure accompagnée d'une parente. Les protagonistes sont trop clivés : les défenseurs des patients (dont professionnels de santé ?) et les médecins (on se croirait dans une fiction de martin winkler).
Il ne s'agit ici en fait ni de fin ni de moyens, simplement quelqu'un souffre et vient chercher une réponse (mais à nouveau la problématique du parent comme tiers). Au delà des non dits, le professionnel peut percevoir la possibilité du diagnostic en cause, et a devoir à explorer cette situation puis à l'exposer à la patiente.
L'exemple en question ne prête pas à confusion, la polémique n'est que théorique et n'implique nullement les protagonistes de cette situation, mais les twitpeople confortablement installés derrière leur clavier.
@hexdoc
RépondreSupprimerJe crois quand même que c'est plus compliqué que cela.
Les situations cliniques sont toujours approximatives. Il n'y a pas de situations cliniques théoriques qui entreraient dans un cadre pré établi...
J'ai lu des avis sur des forums, j'ai eu des messages privés, et je n'ai pas assisté à la "situation clinique".
Je ne parlerai pas des commentaires graveleux, ben oui, il y en a eu. Plutôt machistes et idiots.
Je dirai que l'impression générale sur cette situation est la suivante :
Il fallait isoler le jeune femme de sa mère.
Il fallait lui parler et lui présenter les options. Sans oublier le caractère urgent de l'affaire.
Elle aurait sans doute accepté le dosage.
Et, sinon, il était, dans le cadre d'une obligation de moyens, faire le diagnostic et l'empêcher de mourir, nécessaire de pratiquer le dosage et de faire une échographie (il y a des faux positifs, même avec des beta hcg).
Et il n'aurait pas fallu revenir à la charge devant la mère.
J'imagine que le refus de dire à sa mère qu'elle avait eu des rapports avait ausi une signification.
Bonne soirée.
L'objectif : confirmer un diagnostic de GEU
RépondreSupprimerMethode A : Madame, votre fille fait une GEU je prescris un dosage hormonal.
Methode B : Madame, je pense que votre fille fait une GEU,si c'est le cas c'est une urgence et ça se vérifie rapidement par un dosage hormonal. Si ce n'est pas le cas, ce qui est très improbable, de toutes façons il faut faire une échographie pour déterminer ce que c'est.
Methode C : Est-il possible de discuter seul à seul avec vous Mademoiselle (et là il faut savoir convaincre la MAMAN ) ? Si la réponse est non : échographie pour trouver ce que c'est , si c'est oui: en colloque singulier "Mademoiselle, vous faites une GEU, c'est une urgence et ça se vérifie par un dosage hormonal. Si ce n'est pas le cas, de toutes façons il faut faire une échographie pour déterminer ce que c'est. Est-ce que vous voulez faire une écho, un dosage et une écho, en parler à votre mère ou est-ce que vous préférez garder ça secret et faire seulement un dosage dans un premier temps (empathie, écoute, psychologie...)?
Methode D : impro, comme d'hab.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Errare_humanum_est,_perseverare_diabolicum
Dans ce débat je partage plutôt l’avis d’hexdoc. Il est question de twitter dans le titre et de relations patients/médecins. Les réseaux sociaux ont une grande conductivité pour les émotions, qui peuvent diffuser en leur sein comme une traînée de poudre et en ont une très faible pour la réflexion, qui ne fait pas recette.
RépondreSupprimerL’exemple choisi est bien peu illustratif d’un dilemme éthique. En revanche les réactions sur twitter doivent, à mon avis, être analysées comme le symptôme d’une incompréhension croissante, voire d’un antagonisme, entre médecins et patients, dont le cas évoqué n’est que le prétexte. Car on comprend bien que ceux qui réagissent de manière péremptoire ne cherchent à aucun moment à trouver des solutions, ni même à comprendre le problème mais, pour les uns, les patients, à récriminer et à dénoncer l’arrogance médicale, pour les autres, les médecins à affirmer la supériorité intrinsèque que leur confère leur profession et leur mission qui n’est rien d’autre que de sauver des vies. Pour les uns et pour les autres, les affirmations péremptoires et le partage des émotions n’est qu’un moyen d’affirmer son appartenance à l’un ou l’autre de ces camps et de ces visions présupposées irréconciliables.
Pour le camp des patients, il est clair que ce n’est pas le cas lui-même mais ce qu’il symbolise, à savoir l’arrogance médicale, qui est insupportable.
J’ai envie alimenter le débat en posant deux questions et en clarifiant des points qui ne semblent pas toujours clairs.
Première question : qu’est-ce qui détermine la réponse à apporter dans une telle situation ?
Deuxième question, beaucoup plus large, qu’est-ce qui se joue en ce moment entre médecins et patients ?
Pour cette deuxième question, je vais faire appel à un texte, d’une grande finesse, le texte d’une patiente qui, ayant fréquenté les médecins et les services médicaux et chirurgicaux pendant des années, pour différents symptômes et défaillances, ayant rencontré des médecins parfois bienveillants, parfois dubitatifs, parfois odieux, avant de se voir diagnostiquer une maladie de Lyme, trouve en elle les ressources nécessaires pour essayer de comprendre empathiquement les médecins et fait une grande découverte, que je laisse en suspens...
SUITE
RépondreSupprimerPour la première question. Ce qui détermine la décision à prendre, c’est d’abord la loi, et non le bon vouloir du médecin. Je suis assez légaliste par tempérament, et il se trouve qu’ici la loi traduit deux grands principes qui me tiennent à cœur. L’un est la protection due aux mineurs, l’autre est le droit inaliénable des patients à disposer d’eux-mêmes et de refuser des soins.
Concernant la protection des mineurs, il s’agit ici d’une adolescente. Je doute qu’aucun des patients qui s’indignent twitter auraient souhaité, en tant que parents, que le médecin écoute l’adolescente, qui était dans une attitude défensive, au risque de passer à côté du diagnostic. La loi dit très clairement que la décision appartient au détenteur de l’autorité parentale, donc à la mère.
Deux ou trois notions apprises, au sujet des adolescents par leur fréquentation, au travail et à la maison, et quelques lectures ou formations permettront de mieux comprendre l’intérêt du respect du principe de l’autorité parentale.
L’adolescent est un être particulier et fragile, instable, avec une tendance à la transgression, à l’expérimentation et à la dramatisation. Il est pris entre l’enfance et l’âge adulte, dans un conflit de loyauté envers ses parents, qu’il craint encore de décevoir. La hiérarchisation de ses priorités apparaîtra comme absurde aux yeux des adultes : un adolescent affirmera sans mentir préférer mourir que de perdre la face aux yeux de ses pairs ou décevoir ses parents. Un adolescent mettra toute son énergie à faire croire qu’il ne veut pas de l’aide dont il a désespérément besoin.
Il ne s’agit pas de dire qu’il ne faut tenir aucun compte de ce que souhaite l’adolescent. Il s’agit de dire qu’il faut, avec beaucoup de diplomatie et de doigté, le ramener à une certaine réalité et au cadre de la loi, qui sera somme toutes rassurant pour lui, même s’il le nie. « Je comprends bien ce qui te préoccupe mais la loi m’oblige à t’apporter des soins. ».
Tout parent normalement constitué, c'est-à-dire la très grande majorité des parents, aura tendance à se remettre en question face à une telle situation et à se demander ce qu’il peut améliorer dans la relation avec son enfant pour que celui-ci ne se mette pas inutilement en danger. Si ce n’est pas sa réaction première, le médecin peut l’aider à amortir le choc et à appréhender la situation en ce sens.
Si et seulement si, il ne se fut pas agi d’un mineur, la loi est là aussi très claire : le patient a le droit de refuser des soins. ..
SUITE
RépondreSupprimerMais la force de Megan O’Roorke, c’est de s’être aperçue que les patients ne sont pas seuls à éprouver du désarroi, les médecins partagent le même sentiment, quand ils osent se l’avouer.
La lecture des livres de ces médecins désabusés révèle une crise dont les origines ne sont pas seulement dans les problèmes de financement et les coûts croissants, mais dans la signification même et la structure du soin.
A aucun moment l’expérience vécue par les patients et les médecins n’est discutée dans les débats sur le système de santé. Et cela a de l’importance, parce que la manière dont les patients perçoivent les soins qu’ils reçoivent a une influence sur leur efficacité, et que les émotions ressenties par les médecins concernant leur travail, influencent aussi la qualité des soins qu’ils prodiguent.
Et elle cite cette phrase d’un gériatre, Terrence Hill : « n’importe quel patient dans un hôpital, quand nous lui enlevons ses vêtements et l’allongeons sur un lit, commence à perdre son identité, après quelques jours ils se confondent tous en un unique corps passif, que l’on ne distingue que par la pathologie qui l’a fait hospitaliser ».
Le système de santé américain est fondé principalement sur le paiement à l’acte, qui rémunère les médecins pour faire le plus possible, plutôt que de les rémunérer pour délivrer les meilleurs soins possibles.
Un autre médecin dit : « les médecins ne se voient plus eux-mêmes comme les piliers d’une communauté mais comme des techniciens dans une chaîne de production ».
En 2012 80% des médecins étaient pessimistes sur le devenir de leur profession, contre 85% qui étaient heureux du choix de leur profession en 1973. En 2008 6% décrivaient leur moral comme bon.
Le gros problème est le temps : tout le système est organisé pour que les médecins n’en aient pas assez. Dans les hôpitaux les médecins passent 12 à 17% de leur temps avec les patients. Les médecins vont vite, ils savent qu’ils vont trop vite, alors ils font appel à des spécialistes pour se couvrir. C’est un système qui mène à une inflation permanente des actes médicaux.
Les médecins sont stressés et ils se défoulent sur les patients pour faire face au stress et au ressentiment. L’empathie disparaît.
Mais l’empathie n’est pas un luxe. Elle n’est pas seulement essentielle pour l’humanité des médecins et la dignité des patients, elle peut êre aussi une clé de l’efficacité médicale....
SUITE
RépondreSupprimerUn médecin note que les complications chez les diabétiques qui ont des médecins empathiques sont 40% moins fréquentes que chez d’autres médecins.
L’empowerment des patients joue aussi un rôle dans le surtraitement : on part du principe qu’il faut toujours en faire le plus possible, pour se couvrir.
Il y a, à l’origine de cette défiance réciproque un ensemble de peurs et de besoins non énoncés.
Les médecins ont perdu une partie de leur pouvoir, qui leur a été enlevé par les patients, les administrations et les assureurs. Les patients ont des attentes contradictoires, et sont défiants car ils se savent dépendants vis-à-vis des médecins.
« Et donc chacun exerce son pouvoir passivement, ou sur un mode passif agressif. »
A la différence du consommateur, le patient n’a pas forcément raison.
La balance du pouvoir penche encore en faveur des médecins, et les patients doivent se battre pour exercer des droits élémentaires.
Megan O’Roorke fait donc l’apologie de la « slow medicine », celle où les médecins prennent le temps d’écouter les patients, et qu’elle n’a trouvé que dans des hôpitaux pour public défavorisés.
La médecine actuelle valorise l’intervention bien plus qu’elle ne valorise le soin , dit-elle .
Des médecins qui se réalisent dans leur travail font des patients satisfaits.
Finalement l’incompréhension entre patients et médecins est à la fois une lutte de pouvoir et une recherche de sens face à des évolutions organisationnelles et techniques qui tendent à devenir le but et non le moyen. Les médecins ont tendance à penser que le sens de la médecine se construit et existe indépendamment du patient.
Megan O’Roorke montre que la médecine ne peut-être exercée, ne peut avoir du sens et être efficace qu’en étroite coopération avec le patient.
C'est assez triste de voir que l'industrialisation de la médecine suit les mêmes voies que celle de l'agriculture : spécialisation, uniformisation, perte de la relation de confiance, clivage sociétal, glissement but/moyen, technicisation, déshumanisation... et la liste est longue. Il y a certes un décalage dans le temps, l'agriculture en étant arrivée à un taux de suicide bien plus significatif, mais les enjeux sont les mêmes.
RépondreSupprimerA Jean-Claude
RépondreSupprimerIl y a encore un de mes commentaires qui a sauté,le deuxième, celui où je donnais les liens (vers la loi du 4 mars 2002 et vers ml'article) ce qui fait que je suppose qu'on n'y comprend plus grand chose. Je le rajouterai plus tard.
A Louis,
l'éléphant dans la pièce, l'éléphant invisible, est l'idéologie néolibérale, dont j'avais parlé à propos d'un très bel article de Georges Monbiot, journaliste, intellectuel, écologiste, dont je ne donne pas le lien mais le titre : "neoliberalism, the idology at the root of all our problems", article paru dans The Guardian et très partagé.
Parmi beaucoup de choses très lucides et clairvoyantes il dit: " le néolibéralisme voit la compétition comme la caractéristique définissant les relations humaines".
On commence alors à percevoir, comment d'une définition implicite et non formulée aussi réductrice de l'être humain,intégrée comme une loi biologique incontournable peuvent découler des organisations qui enferment dans des schémas mentaux et génèrent énoremément de souffrance, parce que donner et se sentir utile est aussi essentiel pour la majorité des êtres humains que de gagner et recevoir.
Oui, le néolibéralisme est un biais cognitivo-comportemental bien plus qu'une idéologie. C'est une atrophie de l'être qui se perpétue et se renforce dans la volonté de dominer les faibles comme on a été dominés étant petits.
RépondreSupprimercette partie du commentaire introduit l'article de Megan O'Roorke, et vient après celui de 23h18.Cette partie du commentaire est une traduction résumée de l'article. J'ai enlevé les liens mais on peut facilement le retrouver sur internet.
RépondreSupprimer« Le recueil du consentement du patient est obligatoire et son droit de refuser des soins est légalement prévu à l’article L. 1111-4 du Code de la Santé Publique : «Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment».
Cela est illustré par le classique problème des témoins de Jehova refusant une transfusion.
Dans le cas d’un mineur, c’est toujours la protection de la santé du mineur qui s’impose en cas d’urgence, même contre l’avis des parents en cas de refus de soins de leur part.
C’est la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients, qui a défini les réponses à apporter à ces situations .
Quand un patient décide de refuser des soins c’est au médecin de se débrouiller, éventuellement, avec son irrépressible besoin de sauver des vies.
Concernant la deuxième question, celle de l’antagonisme croissant entre patients et médecins, un article écrit par une patiente américaine Megan O’Roorke, sur « the atlantic » , éclaire beaucoup le débat.
L’article écrit par Megan O Roorke, s’intitule : « les médecins disent tout, et c’est mauvais » (Doctors tell all, and it’s bad) , avec en sous titre « une moisson de livres écrit par des médecins désabusés révèlent que c’est une relation corrosive entre médecins et patients, qui est à l’origine de la crise du système de santé ».
Je ne peux pas tout traduire, mais, comme je le disais, il s’agit d’une patiente de quelques 30 ans, qui a dû fréquenter pendant une quinzaine d’années différents services de santé, en raison de symptômes étranges et répétitifs, qui se sont avérés, in fine, être dus à une maladie de Lyme non diagnostiquée.
Ses symptômes et maux étaient traités avec diligence par les médecins, au coup par coup, sans que l’un d’eux songe, avant 2012, à s’asseoir avec la patiente, à tout reprendre depuis le début, pour essayer de comprendre la cause initiale qui reliait tous ces symptômes entre eux, pour finalement faire un diagnostic.
Suite à cette expérience, et à la lecture de plusieurs livres de médecins complètement désabusés, elle en vient à se demander pourquoi il est devenu si difficile pour les patients et les médecins de communiquer entre eux.
« Notre système de santé-dit-elle- est technologiquement performant mais émotionnellement déficient. »
« Pour un système qui invoque sans cesse les soins centrés sur les patients, comme un mantra, notre médecine moderne est étonnamment inattentive, parfois activement indifférente, aux besoins des patients. »...