Je ne vais pas revenir au fond, c'est à dire les arguments scientifiques alimentant la controverse sur l'évaluation des résultats du dépistage du cancer du sein, vous pouvez consulter "mon" dossier (très incomplet) ICI, je vais vous parler de la (lourde) machine qui a été mise en place pour contrer les "déviants", c'est à dire Bernard Junod pour les épidémiologistes, Marc Girard pour les pharmacovigilants ou Rachel Campergue pour les "profanes".
Les trente-troisièmes journées de la Société Française de Sénologie et de Pathologie mammaire se tiennent les 9, 10 et 11 novembre à Marseille, voir ICI, journées consacrées (et annoncées à grands coups de trompe) aux problèmes du sur diagnostic et du sur traitement, c'est le thème de ce Congrès. Vous pouvez vous extasier devant le programme (LA) et remarquer le nom des sponsors (page 5) ainsi que vous pouvez voir qu'il s'agit de journées à la gloire exclusive de Brigitte Séradour, dont vous pourrez constater sur Pub Med (ICI) l'étendue de ses publications internationales, puisqu'elle a droit à un forum le 9 novembre dans la matinée, à un poster à la pause, et à un forum l'après-midi. Bien entendu, il n'était pas question d'inviter les dissidents ou les refuzniks (permettez moi cette incursion dans le monde politique en espérant que vous ne penserez pas que j'atteins le point Godwin), il fallait rester dans "l'entre soi", celui des instances gouvernementales (avec la DGS en fer de lance), celui du Syndicat Officiel de la Prévention et du dépistage (auxquels appartiennent, dans le désordre, les oncologues, les gynécologues, les radiologues, les radiothérapeutes, les fabricants de mammographes, les fabricants de chimiothérapie, les fabricants de radiothérapie, et j'en passe...), celui de la CNAM (Brigitte Séradour a publié des articles avec Hubert Allemand, le Directeur médical, on se demande bien pourquoi le dépistage du cancer du sein est un item du CAPI...), celui des Agences Gouvernementales comme l'INVS, le joujou de la DGS et de Big Pharma, et j'en passe encore...
Et voilà que je tombe sur un article du Quotidien du Médecin, je reçois la news letter en push, revue dépendante s'il en est, LA. Un article extrêmement démonstratif et signé qui arrive, en quelques lignes, à aborder le problème du dépistage, à citer un "outlaw", Bernard Junod, une "déviante", Rachel Campergue, et à rassurer de façon convaincante sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une épidémie de cancers du sein. La journaliste cite l'épidémiologiste Agnès Rogel, de l'INVS et de l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire), voir la présentation de la chercheuse ICI, qui affirme que le nombre de diagnostics du cancer du sein n'a pas évolué entre 2004 et 2008, qu'il est même en légère baisse, et, pour couronner le tout et de façon à rassurer tout le monde Ces données issues de la base nationale du dépistage organisé « concordent avec les données observées par l’assurance-maladie » Autant comparer des données biaisées avec des données faussées... La journaliste rapporte les propos de Brigitte Séradour qui "répond" aux objections (rapportées) de Bernard Junod (qui n'a pu défendre ses positions) affirmant que le surdiagnostic concernerait 5 à 10 % des cancers diagnostiqués de cette façon : « aucune évaluation nationale précise du surdiagnostic n’a encore été publiée ». On rappelle quand même que Brigitte Séradour était coordinatrice du suivi national du dépistage entre 2007 et 2010 : elle avait d'autres trucs à faire que de s'occuper du sur diagnostic qui est une donnée connue depuis des siècles... On croit rêver... Il est vrai qu'une de ses publications datant de 2004 (avant qu'elle ne devienne coordinatrice nationale, il fallait qu'elle donne des gages qu'elle ne ruerait pas dans les brancards, cela n'a pas l'air d'être son genre) et publiée dans la Revue du Praticien, revue de formation pour doctorants et docteurs, dont vous pouvez lire le résumé en anglais, ne s'intéressait qu'aux faux négatifs, pas aux faux positifs...
[Breast cancer: generalised screening in France from now on].
[Article in French]
Source
Groupe technique national auprès de la Direction générale de la santé, Association Arcades, hôpital de la Timone, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille 5. arcades.marseille@wanadoo.fr
Erratum in
- Rev Prat. 2004 May 31;54(10):1104.
Abstract
With the first randomised screening trials for breast cancer having proved in the 1980s the efficacity of screening, a more ambitious programme has been put in place in France from 1989 to 2001. Based on existing radiological structures, it consists of one image per breast, 2 readings, every 3 years. The management is departmental. It is rapidly completed by quality assurance programmes of the radiology companies. The evaluation of the screening programme has been undertaken by the VS since 1998 and uses the European indicators of efficacity. The results, heterogenous at the beginning, later improved: from 1990 to 1998, the percentage of small size invasive cancers or those equal to 10 mm increased from 30% to 35%, and the second reading has permitted, according to the departments, the detection of 10% to 25% of supplementary cancers. In 1999, the screening was modified: 2 images per breast, 2 readings [corrected] The protocol published in 2001 involves a clinical examination by a radiologist, 2 (or 3) images per breast, 2 readings if the examination is normal [corrected] The second reading is centralised and made by a specialised radiologist [corrected] The place for ultrasound and numerical mammography hasn't yet been defined. Since the beginning of 2004, the generalisation of the screening programme has been effective in France.
- PMID:
- 15274453
- [PubMed - indexed for MEDLINE]
Cela dit, notre journaliste naïve, finit par écrire que le taux de faux positifs est passé de 10 à 7 % entre 2004 et 2008 : Madame Séradour ne connaissait-elle pas ces chiffres ?
Je suis aussi allé sur google voir ce que la toile disait sur la dame en question : c'est une radiologue, elle a écrit de nombreux livres et, last but not least, elle a été membre de la DGS, tiens, tiens, et un de ses livres sort le 24 novembre 2011, livre dont le titre est exactement celui du Congrès marseillais... Ce ne sont plus des renvois d'ascenseurs...
Nous nous rendons compte une fois de plus que chaque fois que nous nous intéressons à un sujet, nous ne pouvons que ne pas être d'accord avec la façon de procéder des experts et qu'une enquête superficielle, même un journaliste pourrait la faire, nous renvoie à la collusion des organismes gouvernementaux entre eux, pour des raisons qui ne sont que trop évidentes et qui nous glacent d'effroi. Hier soir j'entendais Xavier Bertrand, faisant le fanfaron dans une émission télévisée, dire que l'on préparait une liste d'experts indépendants estampillés par le gouvernement pour oeuvrer à l'AFFSAPS : LOL.
Mais en réalité, le pourquoi du comment de ce post, outre le fait que le lobby politico-administrativo-industriel s'auto reproduit, pratique l'inceste et étale au grand jour et ses liens et ses conflits d'intérêt, c'est le commentaire (le seul) que j'ai trouvé à propos de l'article du Quotidien du Médecin (le mien devant être en train d'être modéré), et il était "gratiné". Le voici : « Pourquoi laisse-t-on une kiné parler d'un tel problème médical ? . Et, c'est noté : Profession : Médecin. Ce médecin a dû tomber de l'arbre il y a peu de temps. Il a dû passer son diplôme de médecine à Oulan-Bator (Mongolie). Il doit penser qu'une femme ne doit pas sortir de sa cuisine et le kiné de sa salle de soins...
C'était notre rubrique : nous ne sommes pas encore arrivés au fond de la piscine.
Merci pour cet article docteur du 16.
RépondreSupprimerJe ne comprends pas pourquoi vous dites que les données de l'assurance maladie sont faussées: elles proviennent des accords de prise en charge à 100% pour les remboursements de soins en rapport avec le cancer du sein. Vu le coût des traitements (radiothérapie chirurgie chimiothérapie) il est extrêmemnt peu probable que l'assurée garde le ticket modérateur à sa charge ou à celui de sa mutuelle. De plus le hôpitaux demandent que le 100% soit déclenché pour leur tiers payant.
RépondreSupprimerVous pouvez lire l'article de Madame Séradour (association pour le dépistage des cancers du sein, du col et colorectaux) et de H Allemand (Médecin Conseil National de la CNAMTS) ici:
http://www.jle.com/e-docs/00/04/49/E1/vers_alt/VersionPDF.pdf
Bien cordialement.
@ Ha-Vihn
RépondreSupprimerJe vous remercie d'avoir mis l'article en copie. J'invite les lecteurs à s'y référer. Il nous apprend que la principale cause de baisse des diagnostics des cancers du sein depuis ces dernières années est l'arrêt du THS (je recommande cet article à Ignorantin). Je rappelle ceci : 1) jamais les responsables du dépistage du cancer du sein en France n'ont alerté les femmes sur les dangers du THS alors que l'étude américaine WHI study (http://www.nhlbi.nih.gov/whi/background.htm) démontrait la relation entre THS et cancer ; 2) la baisse des diagnostics est donc liée à l'arrêt (incomplet) du THS, incomplet car dû aux conflits d'intérêt des gynéco-obstétriciens français ; 3) chacun sait que l'utilisation du THS rendait la lecture des mammographies encore plus difficiles chez les femmes ménopausées et la source de faux positifs ; 3) les bases de données CNAM concernant l'ALD sont des données qui ne tiennent pas compte des faux positifs, des taux de rappel post mammographie, et ne sont initiés qu'en cas de diagnostics positifs incluant les surdiagnostics... les chiffres d'ALD sont donc, à mon sens, des données fantaisistes car non validées.
Mais je peux me tromper.
@ Ha-Vinh Je me permets de rajouter ceci : http://www.medecinews.com/3053/dr-brigitte-seradour.html. Il s'agit d'une video montrant que Madame séradour défend encore les hormones (THS) après la ménopause. C'est un danger puiblic. Elle ne cite pas non plus les chiffres américains de la WHIS !
RépondreSupprimerJe ne considère pas qu'elle fasse du bon travail.
@Docteurdu16: Les données de l'assurance maladie peuvent sur estimer les cancers du sein dans le sens où un surdiagnostic est déclaré à l'assurance maladie (et accepté par cette dernière) comme un cancer du sein.
RépondreSupprimerEn tout cas je ne pense pas que les données de l'assurance maladie sous estiment les cancers du sein.
je me demande pourquoi y a une baisse des diagnostics des cancers du sein aujourd'hui et pourtant si le nombre de cas diagnostiqués diminue, le taux de mortalité augmente.
RépondreSupprimerL’AVASTIN,bévacizumab du laboratoire ROCHE, anticorps monoclonal, s’est vu retirer le 18 novembre l’autorisation par la FDA pour l’utilisation dans le cancer du sein métastasé http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/11/18/etats-unis-l-avastin-anticancereux-le-plus-vendu-au-monde-retire-du-marche_1606301_3222.html , qu’il avait obtenu en 2008. La décision avait été prise en décembre 2010 mais Roche, le détenteur de la licence, avait fait appel. La décision a été confirmée à la quasi unanimité par le comité scientifique d’experts indépendants consultés par la FDA car plusieurs grandes études ont clairement démontré que le gain de survie apporté par l’Avastin n’est pas significatif tandis que les effets secondaires sont très graves (hémorragies, infarctus, crises hypertensives pouvant être mortels). En Europe l’Avastin a été autorisé en janvier 2005 et est toujours autorisé pour le cancer du sein métastasé. Mais il est surtout UTILISE TRES LARGEMENT HORS AMM DANS LA DEGENERESCENCE MACULAIRE LIEE A L’AGE (DMLA) dont plusieurs centaines de milliers de personnes sont atteintes en France. Et cela malgré les risques. Pour cette indication, l’Avastin, mis au point par Genentech, entre en compétition avec le Lucentis (Ranibizumab), également mis au point par Genentech. Le Lucentis est 40 fois plus cher que l’Avastin alors qu’il présente le même mécanisme d’action.
RépondreSupprimerMais GENENTECH APPARTIENT DEPUIS 2009 A ROCHE qui l’a racheté pour 43 milliards de dollars. Malgré les demandes récentes de l’AFSSAPS, Roche refuse de demander une AMM pour l’Avastin dans l’indication de la DMLA.
La raison que donne le laboratoire est que l’Avastin aurait bien plus d’effets secondaires graves que le Lucentis http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Points-d-information/Avastin-donnees-recentes-sur-l-utilisation-hors-AMM-en-ophtalmologie-Point-d-information .
Néanmoins en sous mais une intense campagne de communications est menée pour faire passer le message que la seule différence entre les deux traitements est le prix http://sante.lefigaro.fr/actualite/2011/05/09/10861-avastin-lucentis-seul-prix-ferait-difference .
Ainsi Roche JOUE SUR TOUS LES TABLEAUX, en maintenant un prix élevé pour le Lucentis, il pousse à la prescription de l’Avastin hors AMM et en récolte les bénéfices tout en s’exonérant de toute responsabilité sur le plan judiciaire. La responsabilité retombera, en revanche, sur les médecins prescripteurs contre lesquels les patients pourront se retourner.
Pharmacritique signale (http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2012/01/06/colloque-surmedicalisation-surdiagnostics-et-surtraitements.html ) la tenue d'un colloque intitulé "Surmédicalisation, surdiagnostics et surtraitements" qui se tiendra le 27 et 28 avril à la Faculté de Médecine de Bobigny .
RépondreSupprimerExtrait :
"Nous ne pourrons pas tout aborder. Aussi éviterons nous de nous intéresser aux faits les mieux admis, sauf peut être pour rappeler que certains d’entre eux furent longtemps ignorés ou niés, avant d’être admis au catalogue des savoirs établis.
Nous mentionnerons seulement les controverses actuelles, comme celle qui occupe une place croissante à propos du dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes entre 50 et 75 ans. Dans la période de six mois, en France [3], ce sujet qui était passé sous silence depuis des années, est l’objet de trois réunions scientifiques promues par différentes organisations, dans des contextes très différents. Ceci nous impose de regarder les circonstances de ces rencontres, la nature des débats et des arguments avancés et les conclusions consensuelles ou contradictoires qui en résulteront. Cela nous semble plus intéressant que d’engager nos moyens très limités dans une controverse pour laquelle des collègues bien plus compétents produiront l’essentiel de l’argumentation. Nous voudrons là être plus témoins que contributeurs actifs.
C’est sur d’autres points du domaine médical que nous porterons collectivement notre attention.
Nous pensons que nous pourrions avec votre aide établir une liste non exhaustive des faits bien documentés concernant la surmédicalisation, les surdiagnostics et les surtraitements."
Je ne sais pas pourquoi mais en étant femme, j'ai toujours très peur de cette maladie.
RépondreSupprimerJohanne de http://www.mutuelles.org