Programme alléchant sur l'évaluation des médicaments et le malade d'aujourd'hui et le malade de demain.
(Je n'ai pas très bien compris la signification du titre.)
Ce que je savais avant la Rencontre :
- Il existe une crise de l'évaluation des médicaments : critiques multiples des essais randomisés et mise en avant des études en vie réelle par les industriels et leurs employés pour obtenir des commercialisations de leurs molécules plus rapidement (FDA>EMA pour la permissivité).
- Il existe une remise en cause par les industriels et par les agences gouvernementales de la taxonomie des preuves en fonction de leur poids.
- La décision partagée est une vaste rigolade. L'information des patients est biaisée en raison des points 1) et 2) et par l'asymétrie originelle des relations médecins/patients.
- Les agences gouvernementales sont internationalement infiltrées par l'industrie, dont la HAS.
- Les maladies rares sont à la fois peu étudiées, et bien que les médicaments soient hors de prix, mais la pratique du disease mongering est majeure : extension des indications depuis des maladies rares jusqu'à des maladies moins rares.
- Les associations de patients souffrent d'un manque de représentativité, de financements, d'indépendance et sont trop souvent le bras armé des gouvernements et/ou des industriels. Et donc d'un manque de confiance.
La réunion est animée par Pierre Chirac, inamovible prescririen qui ne posera pas une seule question gênante aux invités. Puisqu'il les a invités, c'est qu'ils sont bons.
DPI : Puisque l'auto-citation est punie par la loi implicite de ceux qui n'ont jamais rien écrit ou qui n'écrivent pas les articles qu'ils publient (mais comme je me tamponne des points récoltés) et révérée par la Revue Prescrire qui adore cela, je vous conseille de relire ce que j'ai déjà relaté sur les réunions Prescrire (1). C'est méchant. Mais ce sont mes liens d'intérêts. La note (2) complète mes observations.
Avant de vous relater la rencontre je peux préciser quand même que j'ai été déçu en bien.
Photo : docdu16 |
Vous pouvez bien entendu regarder la réunion dans son ensemble. Mais pour que vous soyez tenté de le faire je vais vous faire un résumé de l'affaire.
La réunion en video est LA.
******
Je vous conseille de commencer par regarder l'intervention de Florian Naudet car elle met les points sur les i des essais cliniques. Son intervention est d'une grande clarté et vous verrez, comme pour les autres participants, qu'il complètera ses propos dans la partie Débat et dans la partie Questions.
La video est ICI.
Un méthodologiste de l'évaluation des médicaments : Florian Naudet.
Sa présentation est explicite, concise et permet en peu de temps de se faire une idée des enjeux sur la méthodologie des essais cliniques. C'est connu des spécialistes de ces essais mais c'est un bon rappel pour ces spécialistes qui sont à la fois payés par leurs employeurs respectifs, qu'ils soient industriels dans la majorité des cas ou publics, et portés par leur ego de chercheurs. J'en conclus : "Un bon spécialiste des essais cliniques est un spécialiste qui arrive à atteindre le nirvana, c'est à dire la significativité : p < 0,05)".
La bibliographie de Florian Naudet sur le sujet de la méthodologie de la méthodologie des essais cliniques est éloquente, vous la retrouverez sur Pubmed (LA).
Cet exposé intéressera bien entendu les profanes mais aussi les méthodologistes qui connaissent tout sur ce qu'il dit, et les médecins qui participent aux essais cliniques en tant que concepteurs ou recruteurs de patients.
J'ai retenu plusieurs points ce cette intervention et des interventions qu'il a faites dans la section Débat et Questions.
1) Florian Naudet parle des essais en vie réelle, la vraie vie, et cetera. Il dit d'abord ceci : "Nous, les méthodologistes, ça nous intéresse plus, ce genre d'essais, parce qu'il faut plus réfléchir que dans les cas des essais randomisés". Il exagère à moins qu'il ne pense que certains initiateurs d'essais contrôlés ne réfléchissent pas beaucoup quand ils conçoivent ces essais.
Il dit aussi : "les essais en vie réelle... c'est du marketing... du marketing méthodologique... la vraie vie, c'est un slogan d'Auchan..."
Parce que, quand on utilise les bases de données pour mener ces essais en vie réelle, dit-il, on n'arrive pas à identifier les vrais malades, on le fait par approximation, en fonction des médicaments prescrits, par exemple. Ce qui est pour le moins problématique.
2) Florian Naudet insiste sur la notion de flexibilité des essais cliniques, c'est à dire que l'on ne devrait pas y recourir : on devrait définir dans le protocole initial quels sont les critères de jugements principaux et/ou secondaires que l'on prendra en compte, que l'on analysera et ne pas se lancer dans des études post hoc de sous-groupes.
3) Il plaisante, mais il ne devrait pas, sur la tendance à considérer que les maladies non rares deviennent des maladies rares, c'est à dire que les critères moins stricts appliqués aux protocoles pour les maladies rares (difficulté de faire des essais comparatifs, seuils des critères d'efficacité abaissés) le sont pour des maladies plus courantes. Il prend l'exemple de l'eskétamine qui est tout à fait étonnant : les psychiatres nient la notion de dépressions résistantes et proposent des essais sur les dépressions résistantes en abaissant les seuils d'efficacité. D'où l'affaire eskétamine.
4) Il souligne la nécessité dès le début de la conception des essais que des spécialistes de la synthèse des preuves, des méthodologistes, des patients (faisabilité de l'essai, pertinence clinique, qualité de vie) et des cliniciens habitués aux essais ainsi que des membres des agences soient impliqués dans un souci de transparence.
5) Dans la partie Débat, à partir de 21'12, il parle de l'effet parachute qui est utilisé à tort et à travers dans des situations où il n'y a pas besoin de parachute, de l'impossibilité de mener de vraies études post commercialisation en double-aveugle contre placebo en affirmant que les preuves viendront après, en prenant l'exemple du baclofène pour lequel les patients participants pouvaient se le procurer en ville sans le dire,
6) et du fait que la transparence est nécessaire mais qu'elle est difficile à obtenir : il donne l'exemple de données demandées à l'EMA depuis 2017 et qui arrivent tous les 45 jours depuis cette période (le temps de refus/acceptation des industriels). Et, paradoxalement les industriels donnent plus de données que les académiques !
La deuxième vidéo que je vous propose de regarder est celle de Charlotte Roffiaen.
Il faut coupler son intervention à celles qu'elle a faites dans le Débat et dans les Questions car elle précise son propos avec beaucoup d'acuité.
La vidéo est LA.
La représentante d'une association de patients (ELLyE) :
Exposé clair.
L'association ELLyE (ICI) s'intéresse particulièrement aux malades touché.e.s par les lymphomes, la leucémie lymphoïde chronique et la maladie de Waldenströmm.
L'association, on le reverra, est "aidée" dans des proportions que je ne connais pas, par 20 firmes pharmaceutiques (on le reverra plus loin dans la partie Débat).
Voici ce que l'on peut retenir des propos de Charlotte Roffianen :
1) Il est difficile de faire entendre la voix des patients lors de l'élaboration des protocoles et que les patients, par exemple à l'EMA, sont tenus par la confidentialité. Elle rapporte la complexité des procédures des essais cliniques qui peuvent obliger des patients à venir 4 fois par mois à l'hôpital pour des analyses qui ne sont pas obligatoirement pertinentes.
2) Le problème des associations est celui de la confiance qu'on ne leur accorde pas toujours en raison des financements qu'elles reçoivent.
(Je passe sur le fait qu'elle pense que le fait d'avoir plusieurs sponsors est un atout, - commentaire personnel : trop de corruption tue la corruption-, mais que le plus dangereux est le la proximité, le verre pris au bar avec un représentant d'une firme... - commentaire très juste-)
3) Elle souligne le problème de la difficile validation externe des essais cliniques dans la mesure où, par exemple dans le lymphome, les patients sont âgés et présentent de nombreuses comorbidités qui sont des facteurs d'exclusion des protocoles cliniques. Or ce sont aux patients poly morbides et polytraités que les molécules vont être prescrites.
4) Elle insiste sur les études de qualité de Vie qui ne sont pas la cerise sur le gâteau mais la dernière roue du carrosse des essais cliniques.
Commentaire personnel : Dans un système où la majorité des 71 molécules anti cancéreuses (tumeurs solides réfractaires et/ou métastase et/ou avancées) qui ont obtenu de la part de la FDA une autorisation de mise sur le marché augmentent l'espérance de vie globale de 2,1 mois (LA) ! Il est clair que l'appréciation de la qualité de vie durant cette (très) courte période est primordiale pour informer le patient dans le cadre d'une décision partagée.
5) Elle nous fait remarquer que les essais cliniques sont parfois le seule façon pour les patients d'accéder à des traitements. Voir dans les questions, celle d'une journaliste de UFC Que choisir : a-t-on intérêt à participer à des essais cliniques ?
6) Les représentants des patients sont trop souvent mal informés pour l'élaboration des essais ou pour l'analyse de ces essais car on ne leur fournit pas des dossiers complets.
7) Les patients ont un manque d'information sur les protocoles mais surtout la décision partagée se réduit, dit-elle, chez certains médecins à une explication desdits protocoles et no à une information éclairée sur les choix possibles (moi : selon les valeurs et les préférences des patients).
8) Elle souligne, à l'instar de Florian Naudet, qu'il est très difficile de retirer du marché une molécule qui n'a pas fait ses preuves.
J'ai été impressionné par la qualité des éclairages qu'elle a donnés.
Le "représentant" de la HAS
Plaidoyer pro domo pour la HAS qui est belle, intelligente, intègre, efficace, efficiente, qui sait gérer les industriels mais qui a du mal quand même. Où sont les patients ?
Le rôle de la HAS pour accélérer les autorisations rapides de mise sur le marché des médicaments et l'allusion à la fameuse tribune (ICI) où les liens d'intérêts ont été peu déclarés et à la contre tribune (LA) qui reprend nombre de propos que l'on n'a pas entendus lors de la réunion Prescrire (j'en reparlerai au moment des questions).
La petite musique sur la Santé publique, que l'on avait déjà entendue dans l'intervention précédente, fait un peu rire quand on sait qui décide de développer des molécules : les industriels.
Une comparaison entre les patients et les avions dont nous avons déjà dénoncé la stupidité mille fois et nous citerons un blog (LA) pour montrer combien c'est inapproprié.
Des propos lénifiants sur la surveillance post AMM dont on sait qu'elle ne sert à rien. Adam Cifu et Vinay Prasad sont des lectures mises à l'index par la HAS : Medical Reversal.
Rappelons également mais quand j'ai pris la parole pour poser des questions, le modérateur ne pouvait me laisser parler trop longtemps, et donc que je n'ai pu mentionner que la HAS est, d'une part, critiquée constamment par le Revue Prescrire pour ses publications sur la prise en charge des maladies (guides...) et d'autre part mise en cause pour son manque d'indépendance par le Formindep (LA)...
Nous avions un bisounours. Il a tenu un discours de bisounours.
Le "représentant" des patients de l'AFM (Téléthon)
Beau plaidoyer sur les maladies rares, orphelines, et là il est dans son domaine.
1) Il souligne que dans les maladies rares il est possible de remettre en cause, en raison de cette rareté, les études randomisées vs placebo, notamment quand les maladies sont rapidement mortelles, quand la taille d'effet est forte et il prend l'exemple de l'amyotrophie spinale chez le tout petit enfant.
2) Mais aussi que les critères intermédiaires, dans ce type de maladies, sont parfois pertinents et suffisent.
3) Il met en avant des études en vie réelle qui sont dans le cas de ces maladies nécessaires.
4) Il souligne l'intérêt de l'accès compassionnel aux médicaments...
5) Remarque personnelle Il est intéressant de noter que la remise en cause de la taxonomie des preuves en fonction de leur poids peut et parfois doit se justifier dans les maladies rares.
Il ne vous reste plus qu'à visualiser les deux dernières vidéos
Le débat (entre les participants).
La video est LA.
Les questions de la salle.
Conclusion :
Notes :
(1)
Octobre 2014 : Les prix Prescrire : ICI
Janvier 2015 : Le palmarès Prescrire 2014 : LA
(2) Je n'aurais pas l'impudence de rappeler que les rencontres-débats Prescrire ont invité dans le passé, et en grande pompe, Michèle Rivasi, alors députée européenne et qui se vantait, entre deux affirmations péremptoires et erronées sur les médicaments et notamment les vaccins, d'avoir initié bla-bla-bla, la déclaration des événements indésirables par les patients et qui se vantait un peu moins d'avoir confié, entre autres, la pharmacovigilance européenne aux seules firmes... Paix à son âme. C'est LA et pour ceux qui n'iraient pas cliquer :
Lors des questions de la salle l'incontournable députée européenne Michèle Rivasi a mis en avant la possibilité qu'ont désormais les patients européens de signaler eux-mêmes les effets indsésirables en oubliant de préciser que l'Europe avait lâché la pharmacovigilance à l'industrie dans le cadre vide d'EudraVigilance (LA) (le fameux Paquet pharmaceutique de 2008). Un intervenant pharmacovigilant a souligné combien la déclaration par les patients des effets indésirables était de la poudre aux yeux qui allait augmenter le bruit de fond et empêcher de recueillir les vrais signaux. Bruno Toussaint n'a pas été d'accord. Le père de Marion Larat, victime de Méliane, est intervenu pour dire combien les choses avançaient et il a semblé très optimiste pour la simple raison que les informations étaient désormais données aux médecins. Il ne connaît sans doute pas l'inertie du milieu médical. Le professeur Giroux, pharmacologue à la retraite, a souligné combien la pharmacologie clinique n'était pas enseignée à la faculté et, en privé, m'a dit que cela allait en se détériorant. Irène Frachon a parlé, à la suite de Sophie Le Pallec,
Bonsoir Jean Claude
RépondreSupprimerMerci pour ce résumé de la rencontre débat Prescrire 2024.
Si j'ai bien compris, dis moi si je me trompe; mais les spécialistes des études cliniques vous ont expliqué que les études cliniques en médecine sont de qualité médiocre à nulle.
Que l'on sait ce qui doit être fait pour qu'elles soient de bonne à très bonne qualité, mais que jamais cela n'est réalisé.
Et donc la conclusion qui s'impose est que la médecine actuelle soigne les patients sur des données de mauvaise qualité en expliquant que cette médecine basée sur de la mauvaise qualité, réussit l'exploit d'être de qualité pour les patients.
Vraiment quel exploit !!!
Et que dire de tous ces "grands scientifiques" qui ne jurent que par cette science médicale "problématique" et appellent à censurer tout esprit critique : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/reseaux-sociaux-medias-mettons-fin-a-la-propagation-impunie-de-fausses-informations-medicales-LDQ7GCFEBBEQNHDY44TC6P3MZA/ ?
Mais quelle tristesse tout cela !!!
Bien amicalement