mardi 8 février 2011

UN DIABETE VITE FAIT : HISTOIRES DE CONSULTATION 67

La ville de Sucre (Bolivie)

Monsieur A, 58 ans, dont je suis le médecin traitant, vient consulter après qu'il a vu un confrère généraliste pendant les vacances de Noël. J'étais remplacé et il ne voulait pas voir un remplaçant. Il est allé chez le médecin du copain qui a vu le copain parce qu'il avait mal au dos : le docteur B.
Cela fait donc à peu près six semaines.
Eh bien, le docteur B, c'est un rapide.
Monsieur A me montre le bilan que lui avait demandé de faire le docteur B (pour son mal de dos ?). Monsieur A me dit qu'il est diabétique.
Le bilan est délirant. A mes yeux. Pour un malade qu'il n'avait jamais vu et dont il savait qu'il avait un médecin traitant. NFS, VS, CRP, glycémie à jeun, HbA1C, créatininémie, bilan d'une anomalie lipidique, urée, sodium, potassium, SGOT, SGPT, GGT, TP, ECBU et... PSA.
Ainsi monsieur A a-t-il été déclaré diabétique avec une glycémie à jeun à 1,20 (g/l), une HbA1C à 6,8 % (demandée dès la première analyse). Le patient (j'ajoute que je connais ce malade depuis des lustres et que je le soigne habituellement pour des riens, sinon des rhumes, des lombalgies et une grippouillette hivernale) est inquiet et voudrait savoir ce qu'il doit faire. Encore une chose : le docteur B a prescrit un anti diabétique oral (il ne se rappelle pas le nom sur le moment et il me téléphonera une fois revenu chez lui qu'il s'agit de la metformine) que le malade a acheté mais n'a pas consommé parce qu'il avait peur de prendre des médicaments pour le diabète. Le docteur B a aussi prescrit du paracétamol pour les douleurs du dos. Il est dix-huit heures, Monsieur A a pris son dernier repas à midi, léger m'a-t-il dit. La glycémie capillaire est à 0,80 dans mon bureau.
Je lui affirme qu'il n'est pas diabétique, qu'il pourrait en revanche faire un peu de régime (il a déjà commencé) en mangeant moins calorique et moins sucré.
Mais l'affaire n'est pas terminée : le docteur B a aussi, sans être le médecin traitant, fait une demande d'ALD, l'a envoyée et le malade est à 100 % ! En deux coups de cuillères à pot.

Vous voulez une explication de texte :
  1. Je connais de réputation le docteur B comme un fanatique des prescriptions, des bilans et, accessoirement des vaccins (je ne parle pas du PSA).
  2. C'est en plus un escroc en prescrivant autant d'examens à un malade qui venait le voir parce qu'il avait mal au dos. Voulait-il élargir sa clientèle ou son ego ?
  3. On a un exemple parfait de disease mongering de terrain, une knockerie ordinaire : le docteur B a fait de Monsieur A un diabétique imaginaire en élargissant les critères du diabète, en lui prescrivant des médicaments avant de lui prescrire un régime, en rendant diabétique un patient bien portant : j'avais déjà écrit un post sur ce sujet : ICI.
  4. Le docteur B a non seulement prescrit des génériques (il entrera au paradis des bons médecins) mais aussi les molécules ad hoc selon les recommandations : metformine pour le diabète de type 2 et paracétamol comme antalgique. Nous avons donc un cas de disease mongering recommandable.
  5. Monsieur A a désormais la trouille d'être vraiment malade et si un jour il devient diabétique il dira : "Le docteur B me l'avait bien dit."
  6. La CPAM du coin, mon coin, a fait feu de tout bois pour qu'un non diabétique le devienne et puisse désormais bénéficier de soins gratuits.
J'aime pas le docteur B.

4 commentaires:

  1. Tu devrais adresser un courrier au médecin conseil de ton coin, pour t'étonner :
    - que le 100% ait pu être attribué à un patient dont tu es le MT sans aucune intervention de ta part
    - que le 100% ait pu être attribué sur des critères erronés (le médecin conseil doit avoir accès à historique pro; il verra que les 2 glycémies > 1,26 manquent, que l'hbA1c est normale. Tu pourrais contester sa décision, ce serait amusant :-)

    Tu devrais adresser un courrier au Conseil de l'Ordre pour t'étonner des mêmes motifs et de la conduite inadmissible du Dr B.

    Tu devrais écrire au Dr B, même si tu ne l'aimes pas pour lui dire tout le bien que tu penses de sa conduite scientifique et éthique.

    En fait, tout le monde aura deviné que le Dr B ne s'appelle pas B, mais K. Comme Knock !

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  2. Merci Michel.
    Je crois que je vais suivre tes conseils. A ma manière.
    Je dois dire que je suis un peu surpris. Mais ce n'est pas la première fois que j'ai des soucis avec ce médecin généraliste.
    Je te tiens au courant.

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  3. "Aaaaaaaarrrrggghhhhhh !!!!!!!!!!"
    râle le Docteur B, tandis que le Docteurdu16 lui empoigne le cou et lui broie la glotte des deux mains, le visage déformé dans un rictus sadique...

    Pardon, mon imagination s'égare ;)

    Frédéric

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  4. tout à fait en phase avec vous , mais il aurait pu faire pire : demander un scanner du rachis lombaire ,faire un TR...
    par contre je suis surpris que le Dr B. ait revu votre patient avec sa biologie : dans ma campagne on renvoie toujours le patient au medecin traitant . Il est vrai que la densité medicale n'est pas celle de Paris ;-))

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