jeudi 28 février 2013

Le Pandemrix est coupable de narcolepsie et les Autorités françaises continuent de dormir..



Un travail anglais rétrospectif effectué sur une population anglaise d'enfants âgés de 4 à 18 ans atteints de narcolepsie suggère qu'il existe une forte corrélation entre le vaccin adjuvé Pandemrix et la survenue de narcolepsies dans les six mois suivant la vaccination. (ICI)
Le risque de survenue de la maladie chez les vaccinés est multiplié par 14,4 et 16,2 fois plus selon le délai entre la vaccination et  la maladie  (quel que soit le délai ou dans les 6 mois). Le risque est estimé à une narcolepsie pour 57 000 doses.
Les auteurs anglais prennent d'énormes précautions dans la Discussion (Glaxo veille) mais il n'y a plus de doutes.
Ces éléments confirment les données qui avaient été produites sur des populations finlandaises (le risque était multiplié par 13 dans la même catégorie d'âge et à peu près dans les mêmes délais de survenue après vaccination) (LA). Mais aussi celles d'une étude française (NarcoFlu) que j'avais largement commentée : ICI.
Mais les analyses les plus détaillées et les plus précoces sont celles-ci : L’affaire Pandemrix a été parfaitement analysée par Marc Girard dès la fin août 2010 (LA) et surtout le  9 septembre 2010 (ICI) et le 26 septembre (LA) alors que les premiers communiqués de presse suédois et finlandais dataient respectivement du 17 et du 24 août... Je vous invite à lire ce qu’il avait écrit : il constatait, il comprenait et il anticipait même les réponses de la future ANSM à ce fameux rapport NarcoFlu. 

Je ne ferais pas l'injure à nos grands experts indépendants vaccinologues et pharmacologues de leur rappeler ce qu'ils n'ont cessé de dire et écrire sur la question, à savoir l'innocuité absolue des adjuvants, mon post le plus ancien retrouvé datant d'octobre 2009 (ICI) et JJ Fraslin me rappelle sur Twitter (@Fraslin) ce qu'il a écrit de façon précise en novembre 2009 (LA). Et voici aussi des propos d'un généraliste (Le blog du toubib) (@DrGomi sur twitter) qui parle de squalènes (ICI) et d'adjuvants (septembre 2009) : LA. Quand on ne vous cesse de vous dire que les médecins généralistes sont en première ligne.

Je ne vous parlerai pas non plus des commentaires de la revue de pharmacovigilance BIP 31 (LA) sur une étude chinoise de qualité médiocre et farcie de conflits d'intérêts (ICI) qui "innocentaient" Pandemrix (ICI).

Voici le premier communiqué imaginaire que j'avais attribué le 31 mars 2011 à Daniel Floret après les premières révélations finlandaises :
"Le vaccin Pandemrix est un vaccin sûr. Les données dont nous disposons en France indiquent que la narcolepsie n'a pas franchi les frontières, qu'elle est restée cantonnée en Finlande, en Suède et en Islande. La narcolepsie ne passera pas, pas plus qu'une éventuelle toxicité adjuvante squalénique ne peut contaminer notre pays. Le dossier d'AMM de Pandemrix est limpide. La pharmacovigilance française, que le monde entier nous envie, n'a pas constaté de phénomènes similaires. Pas d'inquiétudes à avoir : les virus sont bien gardés."

Qu'y aurait-il à y changer ?

Tout va bien.
La France peut dormir tranquille.
Daniel Floret est toujours Président du Comité Technique des vaccinations.
La conférence de presse du 8 octobre 2009 tenue au ministère de la Santé avec Bachelot, Floret et Perronne, entre autres, donne des frissons dans le dos mais pas a priori aux intervenants de l'époque : droits dans leurs bottes ? Si vous voulez la voir, c'est ICI.
N'oublions pas que des enfants ont été exposés et que les dossiers d'AMM étaient vides, sinon 7 morts inexpliqués dans celui de l'Agence Européenne...

dimanche 24 février 2013

Euthanasie active. Histoire de consultation 144.


Madame A, 55 ans, revient de Bordeaux où sa mère vient de mourir à l'hôpital. Elle est choquée. Elle tente de ne pas le montrer, du moins au début, elle consulte pour vérifier que son hypertension est contrôlée par le traitement qui lui est prescrit, mais, qui ne serait pas choqué par la mort de sa mère à l'hôpital ?
Je la laisse parler.
Je ne connaissais pas l'histoire et elle commence par me raconter les faits médicaux. C'est un cancer du poumon opéré. Qui a métastasé. Au cerveau, notamment, mais pas seulement.
Ce qui la choque (la consultation, la dernière des rendez-vous, aura pris du temps car elle a du mal à savoir ce qui est ou non important, en raison bien entendu de son implication) c'est que les médecins ont été à la fois terriblement optimistes, c'est à dire terriblement interventionnistes, voire jusqu'au boutistes, puis incroyablement défaitistes. Elle s'est sentie exclue de ces deux attitudes. Ou en décalage.
Je crois, en l'écoutant, qu'elle s'est sentie déphasée.
Il y a d'abord eu les premiers médecins qui ont laissé entendre qu'il n'y avait plus rien à faire (c'était dans un hôpital général). Puis la recherche d'un hôpital plus spécialisé (un CHU de Bordeaux) où les médecins ont dit qu'il y avait quelque chose à faire. Grâce à la pose d'un stent la maman de la patiente a gagné trois mois en très bonne santé. Puis le stent s'est bouché, retour d'abord à l'hôpital général où les médecins qui avaient annoncé que tout était fichu ont laissé entendre "qu'ils lui avaient bien dit que c'était fichu" et la dame de penser "avec trois mois en très bonne santé", puis il y a eu un nouveau transfert au CHU où les médecins ont dit qu'il fallait changer le stent, ce qui a été fait, mais avec de moins bons résultats. La maman a finalement vécu cinq jours après l'intervention mais dans de mauvaises conditions.
Mais le plus choquant arrive : la malade, la veille du décès, entre dans la chambre de sa mère et une infirmière lui apprend qu'on lui a donné un peu de morphine pour qu'elle ne souffre pas. Puis, en douce, une autre infirmière lui dit que, malgré la faiblesse des doses, il sera difficile de lui parler à nouveau. Et la patiente meurt le lendemain au petit matin. La fille demande à l'infirmière : "Mais elle souffrait tant que cela ?" Et elle : "Ce matin elle nous a dit qu'elle en avait assez."
Stupeur.
"Ce matin" me dit ma patiente "j'ai dit à mon mari que j'en avais assez de ces allers et retours à l'hôpital, je ne me suis pas méfiée, et il m'a planté un couteau dans le ventre pour me soulager."
Je la regarde. J'essaie de ne rien dire. Je pense qu'elle a raison d'être choquée.
"J'avais encore des choses à dire à ma mère. Ils ne m'ont pas demandé mon avis. Ils ont pris une décision hâtive. Ce n'est pas bien. Jamais elle ne m'avait dit qu'elle en avait assez. Je ne sais si elle voulait combattre ou non, si elle y croyait encore, si elle avait seulement envie de se laisser glisser, elle avait de grosses difficultés respiratoires, de l'eau dans la poumons, il lui arrivait de suffoquer, mais jamais, au grand jamais, elle ne m'a parlé d'abandonner, jamais elle ne m'a dit, ma petite fille je n'en peux plus, j'en ai marre de la vie, je ne veux plus lutter, mes derniers instants sont arrivés, je voulais vous dire que je vous aime, et cetera... et là, des inconnus, des personnes qui ne la connaissaient pas, qui ne connaissaient pas sa vie, qui ne connaissaient pas ses rapports avec ses enfants, avec moi, avec la vie, qui ne connaissaient ni ses croyances philosophiques, qui en aurait parlé avec elle ?, ni sa conception de l'existence, des inconnus, donc, ont décidé pour elle, ont décidé pour moi et je n'ai jamais pu lui reparler, je n'ai jamais pu l'entendre répondre à mes questions ou exprimer une demande... Je suis terrifiée. Je ne dors plus, je me réveille la nuit en sueurs, je fais des cauchemars, je vois la seringue qui s'enfonce dans le bras de ma mère qui lui dit c'est fini, qui lui dit 'puisque vous en avez marre, il faut en terminer avec la vie...', c'est quand même incroyable, mais pour qui se sont-ils pris ?, pour qui se prennent-ils ?, pour le bon Dieu... est-ce que le bon Dieu serait même capable de cela ?... "

Je ne suis pas un spécialiste des questions de fin de vie. Avant que de commencer à écrire cette histoire de consultation j'aurais dû m'informer plus avant sur les termes exacts de la loi Leonetti (ICI), sur les propositions de ceux qui veulent légiférer sur l'euthanasie, sur ceux qui sont déçus qu'on ne le fasse pas, sur les avis et futurs avis du Comité Consultatif National d'Ethique (LA) mais mon expérience interne, cet exemple comme deux autres que je vais vous détailler brièvement, me font dire que l'euthanasie active est courante dans les établissements de soins et à l'insu du plein gré de tout le monde.

Il y a donc une profonde hypocrisie sociétale : dans les faits "on", c'est à dire l'institution médico-hospitalière constituée en norme (locale ?, locorégionale ?, nationale ?, politique ?, confessionnelle ?, idéologique ?, bobooïque ?), décide de ce qui doit être fait et non fait sur de simples constatations, sur de vagues impressions, sur des propos de fin de nuit en établissement hospitalier, entre le bassin et la distribution des médicaments, entre la toilette et le bruit des sabots dans les couloirs, sans demander l'avis ni du malade (dans le cas que j'ai décrit) et encore moins (si c'est possible) de la famille du malade, des personnels hospitaliers constitués en démocratie d'opinion, en web 1.0 de l'hôpital, qui décident (dans la salle de soins l'interne ou le senior ou le chef de clinique ou le chef de service, allez savoir, il passe parfois, qui jette à la cantonade un 'Madame A, elle est fichue' et tout le monde de prendre des mines et de préparer le geste qui tue pour soulager des souffrances terrestres une malade condamnée... qui a dit l'autre matin qu'elle en avait assez de mal dormir), des personnels hospitaliers qui ne reverront jamais la famille, avec qui ils ne discuteront plus, dont ils ne connaîtront pas le destin ou la "vraie" vie à l'extérieur de l'hôpital...

Je parle avec Madame A et nous reprenons un à un les éléments de cette discussion et j'essaie de distinguer ce qui touche à l'information elle-même sur le pronostic de la maladie dont sa mère souffrait, le déphasage entre ce qu'elle a perçu et ce que voulaient dire les "soignants", de son désarroi, du fait qu'elle se raccrochait au moindre sourire de la moindre agent hospitalière, au moindre rictus de la moindre aide-soignante, au moindre clignement des yeux du moindre médecin pour se faire une opinion, j'essaie de distinguer le reste, c'est à dire le pronostic lui-même et la désinvolture de l'équipe soignante quand il s'est agi de prendre la décision activiste de l'euthanasie sans le dire...
Une euthanasie médiatisée avec des débats sans fin et des décisions privées et minables prises dans le dos des patients et des familles. Du bla bla pour amuser la galerie.

(Deux autres exemples : la famille s'aperçoit qu'un patch a été collé sur la peau  du patient sans que personne n'ait été informé ; une autre famille s'entend dire que de l'hypnovel a été administré et aucun dialogue, aucune discussion n'a précédé ce geste. La politique du fait accompli, comme si la morale hospitalière se substituait à la morale privée des familles, une sorte de prise de pouvoir sauvage. Au nom de quoi ? Ainsi, des familles demandent et en sont pas écoutées et d'autres ne demandent rien et sont privées de leur réflexion.)

L'arrogance de l'Institution qui dit la morale pour les autres.

(Précisions importantes : il ne s'agit pas d'un hôpital de Bordeaux ; il ne s'agit pas d'un service de pneumologie ; il s'agit d'une famille)

PS du 19 mai 2013 : une famille porte plainte : LA

mardi 19 février 2013

Des endroits sans désert médical. Histoire de consultation 143.


Je reçois l'autre jour et pour la première fois une charmante dame de 79 ans, le style Je ne fais pas mon âge mais demandez le moi, pour voir comme je ne le fais pas, accompagnée de sa fille que j'ai connue dans une autre vie (elle a déménagé) : Madame A arrive de Cannes pour se rapprocher de sa famille.
(C'est une journée chargée car l'informatique fait des siennes depuis que nous avons dû changer les trois ordinateurs du cabinet pour cause de modification de la pharmacie HelloDoc passer de XP à Windows 8, me rendre compte que mon lecteur de carte vitale ne pouvait plus fonctionner en raison du port non USB, qu'il y avait un Bug sur Windows 8 qui empêchait HelloDoc de fonctionner correctement, plus les imprimantes, déjà anciennes, qui n'étaient pas reconnues, j'en passe et des meilleures... l'enfer en quelque sorte... C'était l'acmé de la crise informatique...)
La première consultation est, comme vous le savez tous, médecins comme patients, le moment où de nombreuses choses se jouent.
Madame A a donc un médecin traitant, un cardiologue, et un endocrinologue pour la suivre.
Elle m'a apporté un dossier complet avec des examens complémentaires, des lettres, des échographies.
Voici mes constatations.
  1. La patiente a été opérée du coeur en 2001 (remplacement d'une valve aortique) et elle consulte  "son" cardiologue tous les trois mois car il contrôle échographiquement (clichés merdriques) des plaques carotidiennes "préoccupantes" selon la patiente. Il rédige tous les trois mois une ordonnance "cardiologique": Tahor 80 mg, pradaxa 150, et, cinq anti hypertenseurs différents : loxen, furosémide, micardis, sectral, et hyperium (la PA est à 120 / 80)
  2. La patiente est suivie par "son" endocrinologue pour insuffisance thyroïdienne (thyroïdectomie totale en 1990) et diabète de type II et rédige une ordonnance tous les trois mois comportant levothyrox, januvia, hemidaonil et metformine (HbA1C à 7,2) et de mande des dosages d'HbA1C et de TSH tous les trois mois sans contrôler le reste.
  3. La patient voit "son" médecin généraliste tous les mois qui lui vérifie "la tension".
Elle est pas belle la vie cannoise ?
J'ai expliqué à ces deux femmes que cela n'allait pas se passer comme cela ici.
"Vous ne me faites pas une lettre pour un cardiologue et un endocrinologue ? - On verra."
J'ai expliqué aussi que j'allais tenté de simplifier cette petite entreprise.
J'ai expliqué que nombre de médicaments ne me plaisaient pas.
Je n'ai pas fait d'ordonnances, elle avait fait le plein avant de venir.
Je ne sais pas si elle va revenir mais cela me plairait bien...
Une telle accumulation de curiosités médicales et de non sens est savoureuse et inquiétante.

mardi 5 février 2013

Nous marchons sur la tête. Histoire de consultation 142.



(Post scriptum du 5 mars 2020 : la HAS enfonce le clou : laissez le plus souvent les enfants tranquilles : ICI)

Le jeune A, 5 mois et 7 jours, est amené en consultation par sa jeune mère et sa jeune grand-mère parce qu'il tousse.
C'est la première fois que j'aperçois A et cela fait bien cinq ans que je n'ai pas vu la jeune mère (qui avait 13 ans à l'époque) et la jeune grand-mère qui a aujourd'hui 41 ans. Ils ont déménagé dans un département voisin où, m'a-t-on dit plusieurs fois, les médecins se font rares et ne veulent pas accueillir de nouveaux patients.
A ressemble beaucoup à son oncle, qui a 16 ans, même forme de visage, même forme de crâne.
J'entre la carte vitale dans le sabot et je crée automatiquement le nouveau dossier.
Le gamin est très coopérant, il se laisse manipuler, déshabiller, examiner, il sourit et l'auscultation retrouve quelques sibilants, le rythme respiratoire est normal, les tympans sont parfaits et la gorge est dans le même métal. Je ne parle pas du tonus, je le prends et il est droit comme un i, toujours aussi  peu effarouché et je note tout cela dans le carnet de santé qui, de loin et dans le brouillard, a l'air rempli. La jeune mère a surtout envie que je pèse et que je mesure son enfant. Je l'interroge sur les éventuelles régurgitations la moquette, les doudous dans le lit, le vieil interrogatoire des "allergiques" et des "reflueurs"
Je signale aux deux femmes que le port de tête de A indique qu'il a un petit torticolis (on me l'a dit, on nous l'a dit) et qu'il existe une (petite) plagiocéphalie (qui me rappelle celle de l'oncle). Je l'écris dans le carnet et je donne quelques conseils classiques (position de couchage en fonction de la forme de la plagiocéphalie, mouvements de décontraction du cou avec ébauches de roulade, et cetera) avant d'entendre la jeune grand-mère me demander :"Ce n'est pas la peine d'aller voir un ostéopathe ?" et cela me rappelle furieusement une autre consultation de nourrisson qui m'avait laissé un mauvais goût dans la bouche (ICI). Je lui donne ma position sur l'ostéopathie, ce que d'aucuns appelleraient un avis d'expert, et j'entends dire la jeune mère, qui travaille comme vendeuse à La Grande Braderie et dont le compagnon (je l'apprends après mais je le dis tout de suite) est à la recherche d'un emploi... que, de toute façon, à 50 euro la consultation non remboursée, ce n'était pas possible...
Bon.
Je mesure A, je le pèse sur ma (vieille) balance de bébé non électronique (un conseil : manipulez vous même le nourrisson et ne le confiez pas à la maman ou au papa pour le déposer sur le plateau : dans le premier cas le bébé ne pleure pas et, dans le second, il pleure...) et je tourne les pages des vaccins : l'enfant n'a aucun vaccin !
Je regarde la jeune mère, la jeune grand-mère, je feuillette le carnet où je vois le cachet d'un médecin généraliste et celui d'un pédiatre... et, de ma voix calme d'hypocrite absolu : "Comment se fait-il que A n'ait pas été vacciné ?" La jeune mère regarde la jeune grand-mère qui me regarde : "Le médecin généraliste que nous consultons n'a pas eu le temps de les faire et il a dit, la dernière fois, que ce n'était pas pressé."
Le monde à l'envers.
Il se trouve que je connais de nom le médecin généraliste (c'était dans une autre vie) et, à moins qu'il se soit laissé tenter par une secte anti vaccin, je ne me le rappelais pas d'un anti conformisme absolu : il était plutôt je fais tout dans les règles.
"Et la pédiatre, il n'a pas vacciné ?" osais-je. La grand mère : "Elle était surtout préoccupée de nous envoyer chez l'ostéopathe..."Moi : "Ah bon ? - Oui, elle nous a dit que si nous ne faisions rien A pouvait avoir des problèmes de développement neurologique. - Hum. - Je lui ai parlé de ma fille qui avait eu le même genre de déformation et qui n'avait pas eu de problèmes et elle m'a dit 'Oui, mais les filles, cela se remet mieux' et je lui ai parlé de mon autre fils... et elle n'a plus rien dit" 
Voilà pourquoi A ressemblait à son oncle : c'était la plagiocéphalie... Et, effectivement, à l'époque, j'avais beaucoup hésité à le faire consulter un pédiatre de l'hôpital... C'était il y a 16 ans... Il aurait peut-être échappé à l'ostéopathe...
Nous nous réinstallons de part et d'autre de mon bureau et je note cette fois dans l'ordinateur ce que j'ai écrit dans le carnet de santé... Je suis sur le point de rédiger l'ordonnance des vaccins quand la jeune mère me dit qu'elle les a déjà mais qu'elle ne les a pas apportés car son bébé toussait.
Rien n'est simple.
Au moment de payer et pendant que je vois la jeune grand-mère (qui est ouvrière d'usine) sortir son carnet de chèques je leur dis que ce n'est pas la peine, que je me ferai payer en consultation de nourrisson. 
La jeune mère n'en revient pas.
Il est possible que les problèmes financiers l'aient fait reculer pour certaines consultations, même remboursées.
J'ai fini par leur donner deux adresses de médecins situés dans leur coin en leur disant qu'ils pouvaient  se recommander de moi.

(Illustration : à partir d'un blog parlant de déformations délibérées des têtes dans les civilisations pré colombiennes pour des raisons culturelles et familiales : ICI)

PS du 17 mai 2015 : Le site de l'ostéopathie est un endroit où l'on peut lire des choses, disons, délirantes, au sens clinique du terme. LA.

dimanche 3 février 2013

Un gynéco-obstétricien qui décide. Histoire de consultation 141.


Madame A, 29 ans, a pris rendez-vous à 9 heures 30, est arrivée avant l'heure et a été reçue à l'heure.
Elle a accouché il y a six semaines d'un enfant que j'ai vu au huitième jour, au premier mois et que je reverrai au deuxième.

Tout va bien, c'est la routine habituelle de la médecine générale, de la bobologie classique selon Bernard Kouchner et Patrick Pelloux, c'est le chemin vicinal de cette médecine générale si banale, si ras des paquerettes, qui devrait s'estimer heureuse d'exister (on s'occupe à la détruire), c'est la route départementale de cette médecine générale qui devrait s'incliner devant les experts, dire amen aux anticholinestérasiques, aux Diane fussent-elles non chasseresses, aux "nouveaux" anti diabétiques, aux indicateurs et autres critères intermédiaires et / ou de substitution, aux listes nominatives de malades hypertendus communiqués à la CNAM, aux mammographies sur diagnostiquantes, aux dosages du PSA dont seuls les urologues en voient l'intérêt, aux "nouveaux" anticoagulnts prescrits comme des bonbons et hors AMM, le quotidien de la bobologie si éloigné des autoroutes hospitalières, si éloigné des avenues majestueuses des cliniques de chirurgie esthétique, si éloigné des boulevards de la cancérologie médiatique encensée par Brigitte Fanny-Cohen sur le service public, si éloigné des prodiges de la PMA, mais nous y reviendrons... et je prie le lecteur de ne pas s'offusquer du fait que je parle des patients qui arrivent à l'heure, qui ne vont pas mourir dans la minute ou pour lesquels un problème majeur de consultation incluant la morale, l'éthique, la (bonne) lecture de Prescrire, le cercle des amis, l'expérience interne toujours étonnante (i.e. le sens clinique), les demi aveux de ses erreurs, la mise en avant de ses qualités intrinsèques et réticulées (les amis, les copains, les emmerdes, les ennemis je m'en charge), toutes ces circonstances qui font que le bon médecin généraliste, le bon blogueur généraliste cela va sans dire, est celui qui se montre, celui qui hystérise sa pratique (et son corps parfois) au point de briser son propre secret médical (ma grippe, mes maux de ventre), le bon médecin généraliste blogueur est celui qui, toujours menacé du burn out (l'épuisement moral et physique en français) en raison de la malveillance (voir ICI) des patients (qui sont en retard, qui posent des lapins, qui ne comprennent rien, qui déforment les mots, qui ne connaissent même pas le vocabulaire médical, qui sont exigeants, ne prennent pas leurs traitements, ou mal, qui se font des idées sur tout, qui sont sales, impolis, mal aimables, revendicateurs, qui, au bout du compte, ne "respectent" pas les x années d'études des grands docteurs spécialistes en médecine générale), menacé du burn out parce que son empathie n'est pas empathiquement perçue, menacé du burn out parce que, tout simplement, adversaire ou ami de l'analyse freudienne, mais, dans les deux cas y étant peu ou pas formé, le médecin généraliste spécialiste n'arrive pas à gérer (personne ne dira que c'est facile) les problèmes inhérents à l'entretien singulier (sur lequel je reviendrai un jour) qui s'appellent tout simplement les phénomènes transférentiels et contre transférentiels (on a dit : pas les gros mots !), et donc, le bon médecin généraliste blogueur (le blogueur se présentant comme le truchement du pauvre médecin généraliste non blogueur, celui qui n'arrive pas à exprimer sa douleur, celui qui, ne montant pas sur l'estrade médiatique, caché dans son coin et, par surcroit, non geek, ne peut s'en sortir puisqu'il ne peut parler, écrire, tutoyer ses malades, dire des gros mots, sauver des petites vies et... le faire savoir) est victime également de la méchante administration (l'Assurance maladie), de la vicieuse société civile (ah, les certificats...), eh bien, pour en finir, le bon médecin généraliste blogueur est au final celui qui s'en sort et qui évite si intelligemment le burn out grâce à ses capacités de copying (en anglais ça fait chic), d'adaptation au terrain, de capacités personnelles à éviter tous les écueils de la solitude, et qui, finalement, l'as des as, passe de la situation de victime isolée à celle de docteur conquérant et écrivain. Le médecin blogueur, volontiers jeune, celui dont les trains arrivent toujours en retard, ne supporte pas les "anciens" qui ont fait de la médecine à la papa et qui sont contents de leur boulot, contents mais fatigués, les modèles types de l'aliéné qui se contentent (le verbe est à double sens) de leurs pratiques, qui n'ont pas besoin de travailler en équipe pour être crevés, qui, donc, s'ils n'ont pas le blues (le blues de la blouse blanche) sont forcément mauvais et devraient consulter un confrère avant l'issue fatale... Mais revenons à Madame A...

Madame A : "Je voudrais que vous me prescriviez la pilule... - Mais je croyais que vous aviez vu le docteur B... - Oui, il a refusé de me la prescrire. - Comment ?"

Retour en arrière.

Madame A a été suivie par le docteur B pour infertilité. Cela a duré 7 ans avant que l'enfant, dont je vous ai parlé au début, ne naisse. Naissance par ICSI (voir ICI pour les détails sur l'Injection intra cytoplasmiques de spermatozoïdes), c'est à dire que je vous passe sur les détails (que j'ai connus incidemment, pas de courriers, pas d'informations, le médecin traitant n'est pas dans l'éprouvette) de ce long  parcours du combattant (il vaudrait mieux dire de la combattante), d'examens complémentaires multiples et variés, de souffrances, de faux espoirs, d'angoisses, d'insomnies, de désespérance et de lassitude, jusqu'à la naissance sans encombre d'un beau bébé.
Il est à noter que cette jeune femme a subi une IVG à l'âge de 18 ans alors qu'elle prenait la pilule (elle avait oublié...), qu'elle a eu plusieurs fausses couches spontanées au cours des années...

Madame A, que je n'ai pas quittée des yeux en tentant de garder mon calme, est donc assise en face de moi.
"Il n'a pas voulu me prescrire la pilule car il m'a dit qu'après tous les efforts que j'ai faits, s'il y en avait un deuxième, je serais contente..." Son non verbal et éloquent. " Mais j'ai insisté et lui ai dit que je n'étais pas d'accord, que je ne voulais plus d'enfant... Pour le moment."
Le gynéco-obstétricien ne l'a pas écoutée, il a décidé pour elle (c'est le moins nisand culturel).
Nous avons parlé ensemble et nous sommes convenus que je lui prescrirai la pilule.
Ah, j'oubliais, le couple dispose de 9 embryons congelés.


(Crédit photographique : Baby Blog)
(Crédit graphique : ICI)