vendredi 29 avril 2011

Bronchiolite : que faire ? Rien !


Je rappelle ici que la bronchiolite du nourrisson est une infection virale respiratoire du nourrisson touchant les petites bronches et due dans 80 % des cas au Virus Respiratoire Syncitial. Le diagnostic est ainsi généralement défini par un premier épisode de sifflements bronchiques dans une ambiance virale (rhume et / ou fièvre) chez un enfant de moins de deux ans. L'infection des bronchioles conduit à un oedème des voies aériennes, une inflammation, un épaississement muqueux, une nécrose, tous phénomènes qui entraînent une obstruction des voies aériennes.

C'est une maladie fréquente et l'infection virale la plus fréquente du bas appareil respiratoire chez le nourrisson de moins d'un an. Les chiffres de fréquence sont variables selon les auteurs : certaines sources parlent de 2 à 3 % et d'autres de 10 % dans la tranche d'âge.
Quoi qu'il en soit cette infection virale est le plus souvent bénigne même si elle entraîne 10 % d'hospitalisations. 99 % des décès (0,2 à 0,5 %) surviennent dans les pays en voie de développement. Les facteurs de risque induisant une plus grande sévérité sont : la prématurité, une affection pulmonaire chronique et une maladie cardiaque congénitale.
Les essais les plus récents, dont vous trouverez le recensement dans l'article ICI, n'arrivaient pas à montrer l'efficacité des bronchodilatateurs, de l'adrénaline, de l'oxygène inhalé, des anticholinergiques et des corticostéroïdes.
La majorité des Recommandations ne conseille pas les bronchodilatateurs et déconseille fortement les corticostéroïdes, des antiviraux (palivizumab) et des antibiotiques.

Petit historique.
Quand j'ai commencé la médecine générale, on se posait peu de questions (enfin, je me posais peu de questions) : le traitement était, je prends ma respiration, antibiothérapie, corticothérapie per os à doses fortes (2 à 3 mg / kg), désinfection rhinopharyngée, fluidifiant bronchique, ventoline en sirop, aspegic ou paracétamol pour la fièvre, kinésithérapie ! Je ne mens pas. L'EBM était un mot inconnu. C'était l'étape numéro 1.

Et maintenant que l'EBM a été popularisé, enfin, je plaisante, l'EBM est encore un OMNI (Objet Médical Non Identifié) pour nombre de médecins qui pensent qu'il s'agit simplement de prendre en compte le résultat des essais contrôlés randomisés pour "traiter" les patients ; ou pour nombre de médecins qui pensent que c'est une intrusion scientiste intolérable dans le "colloque singulier" avec le malade ; ou pour nombre de médecins qui pensent que seuls les essais contrôlés ont une valeur décisionnelle ; ou pour nombre de médecins qui pensent que leur expérience personnelle (expérience interne) vaut mieux que tout questionnement ; ou pour nombre de médecins qui pensent que l'avis des patients (valeurs et préférences) n'est rien par rapport à leurs agissements.

Quoi qu'il en soit, la prise en charge des bronchiolites du nourrisson a changé : les experts (étape numéro 2) ont dit la médecine : les antibiotiques sont inutiles (on le savait plus ou moins mais à l'époque il était de bon ton, pour certains, de dire : qu'il y avait des risques de surinfection, que chez le nourrisson on ne savait jamais, que c'était grâce à l'antibiothérapie systématique que l'on voyait moins de complications, que l'on hospitalisait moins, et autres fadaises que certains faisaient semblant de croire...) ; la corticothérapie pas plus (certains ont eu du mal à abandonner le célestène en gouttes) ; le sirop de ventoline ne sert à rien et, qui plus est, peut être dangereux, il est donc à proscrire (cette injonction ayant été rendue plus facile par la suppression du sirop en question) ; il ne faut plus utiliser l'aspirine chez le nourrisson en raison du risque de syndrome de Rye ; paracétamol utilisable à doses plus fortes : 50 à 60 mg / kg ; pas de kinésithérapie (nous sommes le seul pays du monde à penser .

Etape 3 : les praticiens ont eu du mal à s'adapter et ce, d'autant, qu'au fur et à mesure qu'ils se conformaient aux données de la science, les ordonnances de sortie des urgences hospitalières comportaient de nouveau de la corticothérapie per os et à des doses quasiment toxiques... Par
ailleurs, des campagnes d'information grand public soulignent le rôle majeur de la kinésithérapie dans le cas des bronchiolites du nourrisson avec installation des urgences kinésithérapiques dans chaque département... Et, cerise sur le gâteau, il n'est plus possible de prescrire des sirops quels qu'ils soient chez des enfants de moins de deux ans...

Etape 4. Donc, le "bon" docteur généraliste, quand il diagnostique aujourd'hui une bronchiolite, il évalue certes l'intensité de la maladie puis, après avoir éliminé une hospitalisation en urgence, rassure les parents tout en prenant un air contemplatif et en conseillant quand même : la désinfection rhinopharyngée avec démonstration sur le lit d'examen, prescription éventuelle d'un mouche-nez, des conseils de couchage et du paracétamol pour la fièvre avec, en raison de la pression médiatique (cf. plus haut), une prescription à tout hasard de quelques séances de kinésithérapie respiratoire. Que pourrait-il faire d'autre qui ne soit médicalement correct ?

Avant de vous faire un cours sur la bronchiolite à partir de l'Etat de l'Art actuel, je voulais aussi vous rappeler les propos contradictoires des pédiatres et pneumo-pédiatres, voire des allergo-pédiatres (ça existe... on a trouvé un nid à l'hôpital Robert Debré de Paris), sur la bronchiolite qui a) n'est surtout pas de l'asthme, b) qui est surtout de l'asthme, c) mais que l'on doit annoncer avec prudence aux parents... car on n'en sait rien. Enfin, en ville, il est assez difficile de faire la part de ce qui revient à la bronchiolite proprement dite et à la bronchite sifflante (wheezing) dont l'étiologie n'est pas univoque mais volontiers asthmatique... On comprend donc que depuis mon installation en 1979 (je suis désolé de ce commentaire autocentré mais mon histoire de la bronchiolite a commencé le jour de mon installation, la Faculté de médecine Cochin-Port-Royal n'ayant pas jugé bon de me former sur le sujet sinon en trois minutes et demie) tout le monde, des experts aux spécialistes en pneumologie en passant par les spécialistes en pédiatrie et les spécialistes en médecine générale, ait hésité et que les traitements soient fluctuants, non seulement en fonction de l'ignorance des intervenants (moi, moi et moi) mais aussi des croyances, des publications sur un coin de table ici et là dans le monde et, désormais, des différentes publications existantes de bon niveau mais aussi en fonction des résultats de cette méta analyse cochranienne qui ne semble pas régler grand chose (surtout en lisant le courrier des lecteurs du BMJ qui, je le rappelle, n'est pas modéré).

Je lis donc dans le BMJ une méta-analyse (4897 patients et 13 comparaisons) analysant le traitement des bronchiolites par les stéroïdes et les bronchodilatateurs chez les enfants de moins de deux ans (ICI).

Par où commencé-je ?

La conclusion de l'article (traduction personnelle) : "Il existe des preuves montrant l'efficacité et la supériorité de l'adrénaline (inhalée) sur les critères cliniques les plus pertinents chez les patients présentant une bronchiolite aiguë et encore des preuves tirées d'un seul essai pour la combinaison de l'adrénaline et de la dexamethasone)."
Dans le détail, voici ce que l'on peut retenir de cette méta analyse : 1) Chez les patients ambulatoires les doses répétées d'adrénaline inhalée réduisent le taux d'admission le même jour ; 2) chez les patients passant par les urgences, l'association adrénaline inhalée aux urgences + dexamethasone per os pendant cinq jours (analyse vs placebo) réduisent significativement le risque de réadmission dans les 7 jours suivants (ce qui est d'autant plus intéressant que les résultats antérieurs montraient l'inefficacité de la dexamethasone seule).
Les critiques : 1) C'est une méta analyse avec des critères d'inclusion peu clairs selon les essais et, surtout, peu opérationnels en médecine générale : comment faire la différence entre une bronchiolite et une simple bronchite sifflante ? 2) Pourquoi éliminer des enfants ayant déjà fait un épisode de bronchiolite alors que 30 % des patients admis aux urgences sont "récidivants" ? 3) Les doses de dexamethasone sont extraordinairement élevées (10 mg le premier jour et 6 mg les jours suivants) : quid des effets indésirables potentiels ?

En conclusion de cette analyse, il serait utile de disposer de nouveaux essais pour conclure.
Je fais quoi, demain, dans mon cabinet ?
Une publication américaine de 2003 avait affirmé que "rien ne marchait" (1). Alors, ne reste-t-il plus que les urgences kinésithérapiques (non citées par ces ignorants d'anglo-saxons) ?

(1) Management of Bronchiolitis in Infants and Children. Rockville (MD): Agency for Healthcare Research and Quality (US); 2003 Jan. AHRQ publication n? 03-E014.

jeudi 28 avril 2011

Un spécialiste en endocrinologie addict au competact / actos / pioglitazone. Histoire de consultation 79.

Gynécomastie féminine ?

ACTE I
Monsieur A, 72 ans, est un homme charmant, plein de ressources conversationnelles, apte à tous les raisonnements, à toutes les ouvertures politiques ou religieuses, enfin, dans certaines limites que je ne me suis pas permis de franchir, je ne suis quand même pas un téméraire capable de livrer mon moi intime dans une simple colloque, fût-il singulier, mais, brisons-là, venons-en à l'essentiel : Monsieur A n'aime cependant pas beaucoup parler de ce qu'il faut ou de ne ce qu'il faut pas manger quand on est diabétique non insulino-dépendant.
(On me dira : il y a belle lurette que les diabétiques de type II ont le droit de manger ce qu'ils veulent. Même du sucre ? Même du sucre ! Il n'y a donc plus qu'à tirer l'échelle. Je rentre chez moi et je fais de la télé-médecine ou j'écris une rubrique de conseils médicaux pour Voici ou Veillées des Chaumières. L'article de Prescrire que je voulais vous faire lire n'est pas en ligne mais je vous mets en relation avec un article que vos patients peuvent lire, peu contraignant et, à mon avis, peu informatif, sauf pour les initiés : ICI)
ACTE II
Pourquoi vous parlé-je donc de Monsieur A ? Parce que, ce matin, la presse grand public est remplie de nouvelles sur le nouveau Mediator, nous voulons dire les deux nouveaux monstres de la pharmacie mondiale qui donnent des migraines aux pharmacovigilants de l'AFSSAPS, Actos et Competact des laboratoires Takeda (et, au fait, a-t-on passé le compteur Geiger sur les boîtes d'anti-diabétiques japonais ? Le principe de précaution l'exigerait m'a dit mon citoyen écologiste favori) qui ne savent toujours pas sur quel pied danser entre l'Europe qui va se décider et le pouvoir politique qui écoute le lobby diabétologique qui aime les "nouveaux" médicaments parce que le lobby a compris que le diabète n'est pas une maladie que l'on peut traiter avec des médicaments, de nouveaux permettant de noyer le problème, qu'il s'agit d'une maladie de civilisation, la trop bouffe et la mal bouffe, et que, dans un mouvement de valse particulièrement réussi Big Pharma danse avec Big Junk Food pour pousser à la fois les Mac Do et les antidiabétiques non évalués.
ACTE III
Donc, Monsieur A est diabétique non insulino-dépendant, avec un IMC au plafond et des médicaments à n'en plus finir pour "traiter" "son" diabète, "son" hypertension artérielle, "sa" dyslipidémie et "ses" rhumatismes, et, il y a un an, cédant à l'insistance de ses fils qui trouvaient que son HbA1C était trop élevée (ils lisent Que Choisir Santé et parcourent le web à la recherche d'informations leur permettant de comprendre pourquoi leur père n'est pas "équilibré" pour ce qui concerne "son" diabète, nonobstant le fait qu'il mange beaucoup, vraiment beaucoup, gras et le reste, et que, pour l'exercice physique quotidien de 20 minutes, il en est loin, très loin, d'une part parce qu'il n'aime pas ça et d'autre part parce que son arthrose bilatérale des genoux l'empêche de marcher plus de cinq minutes, sans compter le surpoids qui n'améliore pas la dite arthrose, cercle vicieux bien connu des praticiens mais non connu des diabétologues, des promoteurs d'essais cliniques et des ghost-writers de ces mêmes essais) et que son médecin "ne faisait pas le boulot", je l'ai adressé chez le (la) diabétologue (je précise : dans mon coin il y a une et un diabétologue).
Le (la) spécialiste a changé le traitement, ce qui n'est pas surprenant, et a prescrit competact en arrêtant la metformine (normal) et en laissant le daonil (je parle comme dans le monde des "vraies" gens ou des "vrais" docteurs quand les ordonnances comprennent la dci et / ou le nom de marque selon l'inspiration du moment où selon l'inspiration du moment du pharmacien). A ce propos il faudrait quand même savoir si, quand la metformine, par exemple, ou le daonil, autre exemple, utilisés seuls deviennent "inefficaces" sur le critère intermédiaire ou de substitution (pour les discussions sémantiques, nous le ferons à un autre moment) HbA1C, on ajoute soit du daonil soit de la metformine au traitement initial les risques de mortalité sont si importants...
ACTE IV
Quand j'ai revu le malade au bout de six mois (il fallait que notre spécialiste prenne son temps pour évaluer le patient si mal pris en charge par le médecin généraliste) l'HbA1C avait baissé, preuve que Competact était efficace ou preuve que le malade, qui était allé consulter avec l'un de ses fils (un privilège qui m'a été refusé jusqu'à présent), a saisi que manger moins ne pourrait pas nuire à sa santé.
Malgré mes réticences, exprimées, pour le competact, j'ai represcrit.
ACTE V
Je l'ai revu trois mois après (il n'était pas allé au laboratoire se faire doser l'HbA1C mais comme je n'ai pas signé le CAPI, je n'en ai rien à faire, mais il l'a refait quand même dans les jours suivants et elle était remontée en flèche : effet lune de miel pour le (la) diabétologue ou le competact ?). Autre chose : il m'a signalé une gynécomastie. Je me suis plongé dans les mentions légales du competact : la gynécomastie est indiquée. J'ai noté dans ma déclaration d'effets indésirables (il faut que je publie) et j'ai fait une lettre à le (la) diabétologue dans laquelle...
ACTE VI (je sais, je ne respecte pas la loi des trois unités pas plus que la syntaxe classique...)
La lettre de le (la) diabétologue : "Je crois que la gynécomastie n'est pas due au competact mais à une hyperoestrogénie relative (sic) -- et j'ai droit au bilan avec testostérone, et cetera... mais la gynécomastie a disparu à l'arrêt du competact..." Car le malade avait arrêté sur mes conseils et bien que le (la) diabétologue lui ait dit de continuer. Et maintenant, que vais-je faire ? Je signale, entre parenthèses, que l'HbA1C ne s'est pas aggravé à l'arrêt du competact et à la reprise du traitement précédent (daonil et metformine).

Je ne sais pas trop (ou je sais trop) quoi penser de cet "attachement" diabétologique au competact (ou actos pioglitazone), contre toute évidence. Je ne peux pas croire qu'il s'agit seulement des largesses du laboratoire Takeda...

Voici en outre un article "lisible" de Prescrire sur pioglitazone : ICI.



lundi 25 avril 2011

Pharmacritique ferme les commentaires.


Assomption de la Vierge - Sienne (circa 1370 - 1389)


Nous apprenons ce jour qu'Elena Pasca, propriétaire du blog Pharmacritique, à la suite vraisemblablement d'une polémique dont nous avons rendu compte sur ce blog, a décidé de fermer les commentaires.

Nous vous proposons de lire les raisons d'Elena Pasca, soit directement sur le blog, soit ci-dessous :

Tous les commentaires sur l'ensemble du blog, pour les articles actuels et pour ceux à venir, sont désormais fermés.

Pharmacritique n'a jamais été un forum, cela a toujours été dit. Seuls les articles comptent. Merci à tous les lecteurs qui ont posté des informations instructives. Je suis sûre qu'ils comprendront mes raisons.

Il existe actuellement dans la blogosphère une tendance qui n'a rien d'un débat théorique, mais qui verse dans l'instrumentalisation à des fins diverses

- tenter d'inonder un blog de liens menant vers des sectes, de sites de vente ou autres desseins publicitaires

- lancer des défis du genre :

si vous ne postez pas ceci ou cela, c'est que vous êtes un censeur, totalitaire, fermé aux opinions différentes, intolérant, trop pro vaccin ou trop anti vaccin, trop médecine ou trop anti-médecine, trop bio ou trop technique, trop ceci ou trop cela

- autres formes de procès d'intention
- instrumentalisation de détails
- spirale infinie d'interprétations d'un commentaire dans un autre commentaire.

Etc.

Autant dire aussi que je ne posterai plus jamais d'article anonyme.

Merci à tous.
Elena Pasca

Il est toujours dommage que des espaces de liberté disparaissent.
Même s'il s'agit, comme on l'a vu, d'espaces de semi liberté.

Cette polémique nous a quand même appris un certain nombre de choses sur le site lui-même : Elena Pasca n'est pas seule pour écrire, il existe des ghost writers, Elena Pasca n'est pas seule pour répondre, il existe des commentateurs maisons qui se cachent derrière des commentateurs lambda, il existe une garde rapprochée, des snippers, et des dénonciateurs, voire des divulgateurs de vie privée.

C'est dommage. J'avais déjà décidé de ne plus écrire des commentaires puisqu'ils étaient publiés ou non, puisqu'ils étaient combattus ou non sur des bases anonymes, les mêmes qui dénonçaient des liens, voire des conflits d'intérêt, n'ayant pas la pudeur ou l'honnêteté de déclarer leurs liens d'intérêt, ce qui est un peu fort de café.

C'est dommage car la multiplicité des points de vue est le garant, non de l'indépendance, non de la vérité, non de la compétence, mais de l'esquisse du début de la discussion socratique.

Toutes les entreprises humaines passent par ces crises de croissance et ces crises de foi, il est surprenant qu'Elena Pasca n'y ait pas pensé avant.

Il est amusant que la transversalité, que la société s'appelle Google, Areva ou Coca Cola, fait toujours peur à la hiérarchie. Et la transversalité, c'est donner des adresses de blogs, c'est citer des articles de blogs ou de revues, c'est créer des réseaux, faire de la publicité intellectuelle et / ou idéologique.

Je tenterai donc sur ce "petit" blog de continuer ma politique éditoriale en ne modérant pas les commentaires avant parution mais a posteriori pour éliminer ceux qui n'ont pas de rapports avec le sujet, La médecine générale, seulement la médecine générale, ce qui, on l'avouera, sera difficile, dans la mesure où, la médecine générale, c'est la vie.

On m'a reproché ici et là de tirer dans tous les coins mais je n'appartiens à aucune chapelle, sinon à celle du jugement du Tribunal intérieur, jugement dont on connaît depuis Freud et Kundera la dangerosité conceptuelle et émotionnelle.

Donc : les commentaires sont les bienvenus et permettent d'améliorer les posts.

Pour en revenir à Elena Pasca, nous continuerons de lire et de commenter Pharmacritique, ses commentaires d'Arznei Telegramm, ses références à l'école de Francfort et son soutien aux citoyens.



dimanche 24 avril 2011

Contraception hormonale féminine : halte à la drospirénone (Yaz, Jasmine et consorts)!

Kyusaku Ogino en 1924

Nous vous avions déjà parlé ici du fait qu'il ne fallait pas prescrire en première intention de pilules contraceptives non remboursées (Stop aux pilules non remboursées et à la varnoline) pour prioritairement des raisons scientifiques mais aussi pour des raisons d'observance contraceptive et, peut-être, pour diminuer le taux des IVG.
Nous vous avions parlé du fait que Monsieur Xavier Bertrand voulait imposer aux Assises du Médicament le remboursement des pilules non remboursées, contre tout argument scientifique mais sous influence pharmaceutique (Xavier Bertrand : un visiteur médical qui ne lit toujours pas Prescrire) et, je cite, pour des raisons de Santé Publique.
Nous vous avions aussi parlé, avec outrance m'a-t-on reproché, que la spécialité gynécologie-obstétrique était en panne d'arguments scientifiques et sous la coupe de Big Pharma (La gynéco-obstétrique : une spécialité sinistrée ?).

Deux études alourdissent désormais le dossier de la drospirénone qui est contenue en France dans les spécialités suivantes : Angeliq, Jasmine, Jasminelle, Jaminellecontinu et Yaz.

Pas de panique.

Il est possible d'attendre la fin de la plaquette et de changer en consultant son médecin traitant.

Premier essai sur une population américaine. Il s'agit d'un essai (combinaison cas-témoin et cohorte) mené par deux épidémiologistes sur une base de données américaine (femmes de 15 à 44 ans recevant soit drospirénone, soit levonorgestrel, un cas de phénomène thrombo-embolisme non rapporté à une cause clinique identifiée étant apparié à 4 témoins).
Dans l'étude cas-témoin le rapport de cote concernant les phénomènes thromboemboliques entre les utilisatrices de drospirénone et celles de levonorgestrel était de 2,3 (intervalle de confiance 95 % de 1,6 à 3,2). L'incidence de ces mêmes phénomènes dans la population étudiée était respectivement de 30,8 et de 12,5 pour 100 000 femmes pour drospirénone et levonorgestrel. Je n'ajoute pas que les calculs ont tenu compte des facteurs confondants.
Deux fois plus d'événements thrombo-emboliques sous drospirénone que sous levonorgestrel.

Deuxième essai sur une population britannique. Il s'agit d'un essai similaire avec un recrutement de femmes du même âge. Voici les résultats : Rapport de cote drospirénone vs levonorgestrel : 3,3 (intervalle de confiance 95 % de 1,4 à 7,6) ; incidence : 23 et 9,1 pour 100 000 femmes, respectivement pour drospirénone et levonorgestrel.

Il existe certes des imperfections dans ces deux essais, notamment parce que les effectifs sont faibles et parce que manquent des données concernant l'obésité ; et parce que des analyses en sous-goupe n'ont pu être faites en raison justement de la faiblesse des effectifs.
Mais ces deux essais vont dans le sens d'essais déjà publiés comme ICI qui indiquaient un risque plus important avec la drospirénone qu'avec le levonorgestrel, notre molécule de référence.

Rappelons encore, mais là, je le conçois aisément, ce n'est pas une bonne chose à dire, c'est même médicalement incorrect, voire sociétalement incorrect, que l'usage d'une contraception hormonale contenant du levonorgestrel, molécule de référence, multiplie par 4 (rapport de cote 3,6) le risque thrombo-embolique par rapport aux non utilisatrices.

mercredi 20 avril 2011

TAMIFLU EFFICACE POUR LE HAUT CONSEIL DE LA SANTE PUBLIQUE : L'IMPOSTURE CONTINUE

Roche Pharma (Suisse) SA

Le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) n'a pas changé. Ce sont les mêmes experts, les mêmes certitudes, les mêmes raisonnements.
Leur dernière publication, intitulée pompeusement Pandémie grippale : utilisation et dimensionnement des stocks stratégiques nationaux d'antiviraux est un monument à la gloire de l'utilisation des antiviraux (Tamiflu par exemple).
Vous pouvez lire le texte ICI.

Les recommandations sont exactement celles qui ont conduit plus de 1000 professionnels de santé à signer une lettre ouverte / pétition à l'intention de Didier Houssin, directeur de la Santé, rédigée à l'initiative du Formindep en décembre 2009 : ICI.

Je vous avais dit ICI que rien ne changeait, que les experts qui s'étaient déconsidérés pendant la campagne antigrippale 2009 / 2010, n'avaient pas démissionné, n'avaient pas renié leurs écrits, n'avaient pas fait leur aggiornamento et que la future campagne antigrippale 2011 2012 ressemblerait comme une soeur à la précédente, à l'exception peut-être des vaccinodromes.

La technostructure médico-administrativo-industrielle est toujours au pouvoir.
Les laboratoires Roche n'ont pas besoin de faire la promotion de leur produit puisque le professeur Perronne, l'homme des squalènes produits naturels sans danger, est là pour assurer, pour écrire des argumentaires, pour faire de la visite médicale grand public.
L'histoire bégaie.

Le HCSP écrit et ne référence pas. Le HCSP a des certitudes et ne sait donner que des avis d'experts. Le niveau de preuve de son discours est faible. Mais il est droit dans ses bottes. Les antiviraux sont efficaces : Circulez, il n'y a rien à voir.

Ainsi, dans ce document d'une maigreur scientifique qui renvoie aux publications étiques de l'INVS connues pour leur manque de données ou aux délires de l'INED, nous apprenons que le tamiflu doit être utilisé larga manu (et je suppose après que les mains auront été aseptisées par le SHA) à titre curatif et à titre préemptif.

Je rappelle ce que j'écrivais le 18 décembre 2009 sur ce blog pour informer le professeur Didier Houssin que je n'appliquerai pas ses "recommandations" :

En effet, la Direction Générale de la santé, dont vous êtes le Directeur, me recommande à la fois de prescrire de l’oseltamivir à doses curatives à tous les patients présentant une grippe clinique (dont vous modifiez à l’occasion les critères diagnostiques cliniques en les simplifiant à l’excès) et de façon préventive aux sujets à risque (risque dont la définition a changé plusieurs fois) ayant été en contact étroit (les critères de ce contact étroit ont également été changés) avec une personne grippée (sic) selon un protocole dit préemptif à doses curatives et hors AMM.

Cette recommandation a comme valeur celle d’un accord professionnel puisqu’elle ne s’appuie, dans votre communiqué, sur aucune référence scientifique publiée, sauf bien entendu, j’imagine pour le traitement préemptif, la notion d’émergence de résistances à l’oseltamivir que vous niiez jusqu’à présent contre toute évidence. J’imagine que si vous possédiez des informations confidentielles d’un haut niveau de preuves que j’ignorerais, vous n’auriez pas manqué de m’en faire part


Je rêve.
Je vous propose de lire les stratégies proposées aux tableaux 1 et 2 qui sont un modèle de la culture administrativo-ignorancielle de nos élites : plus c'est complexe et moins c'est justifié. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement a été oublié par nos énarques sans conflits d'intérêt (sic). Il m'est donc assez difficile de résumer l'affaire, ne voulant pas être un agent du HCSP ou un grouillot fantomatique, puisque même les grands experts n'ont pas réussi à être clairs.

Le HCSP ne connaît que les publications internes des Laboratoires Roche, le HCSP ne connaît pas les publications de la Fondation Cochrane très critiques à l'égard du tamiflu (ICI)ne connaît pas les polémiques entre le chercheur Thomas Jefferson et les Laboratoires Roche (ICI).
Affligeant.

Ne parlons pas des possibles effets indésirables du tamiflu et de l'émergence de résistances comme par exemple ICI. Ceux qui pensaient que le Mediator était derrière nous, se trompaient encore. L'affaire Mediator est derrière nous, en nous et devant nous : les experts sont là.

Ne prescrivez pas de tamiflu, c'est la conclusion.

mardi 19 avril 2011

IDEOLOGIE DE LA LOMBALGIE - HISTOIRES DE CONSULTATION 78

Portefaix à Istambul avec son patron.

Monsieur A, 30 ans, manutentionnaire (en réalité responsable de magasin payé comme un manutentionnaire et effectuant aussi un boulot de manutentionnaire), long passé de lombalgique, a pris rendez-vous aux aurores pour me montrer le scanner que je lui ai prescrit avant mon départ en vacances. Il est arrêté jusqu'à ce jour et il s'agit d'un arrêt de travail. Je le regarde marcher pendant qu'il entre dans mon bureau : il a des difficultés.
Je lis ce que j'ai écrit dans son dossier : "Lomboradiculalgies droites avec trajet évoquant une symptomatologie L4L5, pas de troubles sensitifs ou moteurs distaux, les douleurs radiculaires dominant le tableau sur des lombalgies peu intenses. Scanner demandé en raison de la répétition des épisodes douloureux et l'apparition d'une radiculalgie vraie."
"Comment ça va ? - Mal. Je n'arrive pas à marcher, la nuit, c'est terrible, je ne trouve pas de position."
J'ai toujours été embêté par Monsieur A à qui j'ai pratiqué DT Polio (eh oui, cela existait encore) et Rouvax (vous savez, le vaccin qui ne donnait aucun effet indésirable local et général selon ses fabricants et qui, lors de l'apparition des vaccins "modernes" est devenu "indésirable" en raison des effets locaux et généraux qu'il provoquait) quand il était petit car j'ai toujours trouvé qu'il en faisait trop chaque fois qu'il souffrait de lombalgies. Mon remplaçant avait noté dans le dossier "Il exagère..." et je pensais, un peu de même. Quoi qu'il en soit, Monsieur A, que j'appelle par son prénom, Y, est à mon goût trop souvent lombalgique. Il existe aussi, c'est mon côté "freudien", une insatisfaction au travail en raison de sa non reconnaissance professionnelle, qu'il dit, et de son salaire qu'il trouve, comme tout un chacun, insuffisant en proportion des services qu'il rend à son entreprise (c'est toujours la même chanson et vous ne serez pas étonné que l'auteur de ces lignes ait souvent le beau rôle, comme si, lui aussi, rendait des services incomparables à l'état de santé du Val Fourré).
Donc, je suis embêté avec cet homme jeune, pas bête du tout, à qui j'ai suggéré, il y a déjà longtemps, de faire tout (formation, et cetera) pour s'éloigner de la manutention. "Mais, vous comprenez, docteur, à mon âge, avec les enfants, ce n'est pas très facile...", je suis embêté car il me semble que tout ce que j'ai lu sur la gestion des lombalgies, je ne le fais pas ou, pire, je n'arrive pas à le faire en raison d'une sorte d'empathie trop forte à l'égard de cet homme jeune "que j'aime bien" : il me semble que je ne lui rend pas service.
Le scanner (je reproduis le résumé) : "Hernie discale L4L5 droite ayant migré dans l'espace foraminal avec contact probable avec la racine S1 expliquant la symptomatologie."
Bon, il y a concordance anatomo-clinique, ce n'est déjà pas mal pour un "simulateur".
Mais les spécialistes des lombalgies récidivantes ou non savent mieux que moi que le problème ne se situe pas là. Encore que... La concordance anatomo-clinique est aussi une raison de chronicisation de la douleur et de l'arrêt de travail.
"Il y a un truc que je ne comprends pas, on dirait que tu vas plus mal que l'autre fois... - Oui, j'ai horriblement mal. "
A l'examen il existe effectivement, et je suis étonné de la rapidité de l'évolution (j'ai vu le patient il y a exactement treize jours), une difficulté à marcher sur les talons et une petite atrophie du jambier antérieur (d'autant plus objectivable que le patient est droitier).
Mais enfin, rien de très inquiétant malgré tout.
Je vais prolonger le patient (eh oui, c'est mal) et je vais envisager une infiltration foraminale scanno-guidée (malgré les données divergentes de la littérature).
Mais l'histoire n'est pas finie.
Car le patient me dit, que pendant mes treize jours de vacances, il a vu le médecin du travail (j'avais écrit un courrier à ce médecin dans le cadre d'une visite de pré-reprise) qui l'a agressé : 1) Ce n'est pas la peine de faire un scanner ; 2) Il faut reprendre le plus vite possible. Disons quand même que lorsqu'il a été vu par ma consoeur il ne s'était pas "aggravé" et que les douleurs étaient lombaires et radiculaires droites modérées à moyennes. Il me montre le certificat établi par le médecin du travail indiquant "Une possible reprise du travail dans l'entreprise à un poste sans manutention et sans port de charges..."
Mais l'histoire n'est pas finie.
Pendant la consultation ma secrétaire m'indique qu'il y a un courrier qui vient d'arriver de la CPAM et qu'elle me l'apporte. Le médecin conseil stipule que l'assuré social, Monsieur A, peut être considéré comme consolidé à la date de ce jour et le médecin conseil m'engage à rédiger les papiers ad hoc.

Commentaires :
1) J'ai du mal à gérer les lombalgiques en général et j'ai tendance à les arrêter plus longtemps que nombre de mes confrères (expérience du groupe de pairs). Est-ce dû à un problème particulier de ma part tendant à culpabiliser devant les douleurs physiques dues au travail ou à culpabiliser par rapport à ce que l'on appelait, avant, la classe ouvrière ? A moi Freud, deux mots !
2) Le dogme, faire reprendre le plus tôt possible les lombalgiques, est probablement justifié par nombre d'essais et les réflexions d'Agnès et de Philippe Nicot m'ont fait énormément progresser sur la voie de la compréhension des phénomènes et notamment ICI, mais il ne doit pas être considéré comme une référence "morale" ou éthique dans les relations avec les patients.
3) Les examens complémentaires, comme le scanner ou l'IRM, ne sont pas inutiles, en sachant que la différence des coûts est minime quand on sait que des radiographies du rachis lombaire face profil sont presque toujours suivies d'un scanner et / ou d'une IRM.
4) Ce dogme peut aussi faire des ravages sur le plan social puisqu'il présuppose que le malade qui ne reprend pas est un feignant, que le médecin traitant qui prolonge est un incompétent, que les examens complémentaires sont un gâchis économique et que l'employeur est un saint.

Il ne me restait plus qu'à téléphoner au médecin conseil (ou plutôt à la plate-forme de la CPAM des Yvelines) afin de lui indiquer que les nouvelles données de la science (glup !) me faisaient proposer un nouveau projet thérapeutique (sic).

lundi 18 avril 2011

RETOUR DE VACANCES


Agra (Inde) : L'entrée du Taj Mahal - avril 2011 - (photographie docteurdu16)

A mon retour de ces vacances pratiquement sans internet (en Inde je me suis assez peu branché sur les wifi locaux) et après une première journée de travail où je me suis dit que les vacances étaient un médicament sans AMM, non remboursé par l'Assurance Maladie et avec un effet placebo notable (pour l'effet nocebo, je n'ai encore rien constaté), j'ai lu les nombreux mèls qui se sont déposés en couches dans ma boîte à lettre et j'ai eu le sentiment de l'infini : je n'étais pas là, mon nom n'apparaissait pas et les mêmes continuaient de discuter et les commentaires que j'aurais pu faire et qui, dans le feu de l'action, m'auraient paru urgents, devenaient, à force de ne pas les avoir écrits, déjà obsolètes. Ainsi le monde continue-t-il de tourner quand on n'ouvre pas (ou peu) son ordinateur.

J'ai réfléchi aux commentaires de mon anonyme favorite (CMT) et je me suis dit qu'il faudrait quand même que je réponde à Elena Copyright Pasca. Mais pas sur Pharmacritique, site valeureux mais qui ressemble de plus en plus à un autel au pied duquel viennent s'agenouiller les croyants et les adorateurs de la philosophe de Francfort, car il ne m'est pas possible de penser que mon message, selon qu'il plaira ou non à sa gouroute, sa Mère puisque je reviens d'Inde, sera ou non publié : j'y verrais une sorte d'instrumentalisation de ma pensée. Je répondrai donc, mais avec lenteur.

J'ai lu en diagonale les deux derniers numéros du British Medical Journal que je n'avais pas encore regardés et je me suis encore rendu compte que c'était la meilleure revue de médecine que je connaissais, celle du moins que je lisais avec le plus de plaisir, bien que le New England ne soit pas loin en qualité, mais un peu plus loin de mes préoccupations (légitimes) de médecin généraliste.
J'ai appris, entre autres, dans ces deux numéros que Big Pharma avait voulu censurer des articles à paraître dans Gastroenterology concernant Januvia et Byetta indiquant des risques de pancréatites et de cancers : ICI.
J'ai appris que les décès après chirurgie pour cancer du colon étaient, chez les Britishs, plus élevés que prévus, soit 5,8 % dans les 30 jours post op : ICI.
J'ai lu que le traitement de la bronchiolite était toujours aussi décevant : des données indiquent pourtant que l'adrénaline inhalée pouvait être intéressante chez les patients à domicile mais que chez les enfants hospitalisés, rien n'était concluant : ICI.
J'ai lu, à partir d'entretiens avec des médecins et des infirmières en oncologie, que les chimiothérapies terminales étaient, bien que considérées comme inutiles, proposées pour ne pas abandonner : ICI.

Je me suis dit que le blog de Borée était un vrai blog de médecin généraliste et que le niveau allait décourager son auteur.

J'ai encore réfléchi à la transparence à propos de commentaires, encore une fois sur Pharmacritique, mais aussi en reprenant des articles du site Formindep et je me suis dit qu'il fallait que j'écrive l'Article sur la question avec comme titre idiot : "Idéologie de la transparence et transparence de l'idéologie". J'ai remarqué sur le site du Formindep (et c'est repris sur Atoute) que le livre de Marc Rodwinn "Conflicts of Interest and the Future of Medicine" est vanté par un texte sorti d'Amazon, ce qui est quand même un conflit d'intérêt majeur quand on connaît les liens d'intérêt de cette firme avec la censure et son rôle majeur dans la disparition des petits libraires en France (c'est mon côté plus formindepien que moi, tu meurs).

Je n'ai pas eu le temps de commenter l'article de Sandblom sur le suivi pendant 20 ans de patients dépistés ou non pour le cancer de la prostate, article qui indique que cela ne sert à rien (ce qui va dans le sens de ce que j'ai toujours pensé). Je ne l'ai pas fait car je n'avais pas tout compris. Je vous propose de lire l'article en accès libre (ICI) et les commentaires, dont ceux du Formindep (ce qui m'a fait doucement rigoler car il s'agit d'un commentaire signé par 5 auteurs dont certains sont manifestement incapables de l'avoir écrit -- cela s'appelle comment quand c'est Big Pharma qui le fait ?), les autres commentaires sont très critiques et inspirés par le lobby urologique mais ne laissent pas d'être dérangeants.

Je n'ai pas encore eu le temps, non plus de commenter un article de Martin Winckler / Marc Zaffran sur son projet d'Ecole des Soignants (ICI), tellement décevant, tellement intellectuellement parigoparisien malgré l'éloignement canadien, tellement peu au courant de Carol Gilligan et de Joan Trento.

Du pain sur la planche.

samedi 2 avril 2011

UN NOUVEAU MALADE ET UN ANCIEN MEDECIN - HISTOIRES DE CONSULTATIONS 76 ET 77

Les Arcs (Savoie) - Février 2010 - (Photo Docteurdu16)
76
Monsieur A, 51 ans, a pris pour la première fois rendez-vous au cabinet. Son médecin est parti à la retraite et il a donné mon nom comme médecin pouvant lui succéder.
Quel honneur !
Le patient n'a pas encore récupéré son ancien dossier. Il n'y avait pas pensé et l'ancien médecin traitant non plus. Enfin, c'est la version que l'on me donne.
Il me montre un bilan sanguin daté de décembre 2010 avant même que je n'aie cherché à l'interroger sur ses antécédents.
Tout va bien jusqu'à ce que j'arrive au chapitre PSA. Le PSA est à 5,8 (pour une normale inférieure à 4). Le malade me sort alors un autre dosage (de mars) avec un PSA à 4,5 et avec un rapport PSA libre / PSA total égal à 0,15 (les spécialistes apprécieront). Monsieur A ajoute : "Il faut refaire un dosage pour voir si le PSA diminue encore depuis que je prends le traitement du docteur B." Il me montre alors la dernière ordonnance de son médecin traitant, écrite à la main, qui indique : "Permixon, 2 cp par jour et Tamsulosine LP, un comprimé par jour, pendant six mois."
Je suis dans le rouge.
Je me retrouve avec un patient péèssaïsé et un dosage douteux. Quid ? J'ai le doigt dans l'engrenage. Et ce, d'autant, que le brave garçon ajoute : "Le docteur B m'a dit d'aller consulter un urologue." Ce n'est plus mon doigt mais ma main qui est coincée dans l'engrenage.
Je temporise. Je l'interroge sur sa symptomatologie urinaire. Rien de terrible. La pollakiurie nocturne est passée de 2 à 1 sous phytothérapie / alpha-bloquants. J'aurais aimé qu'il se lève douze fois la nuit et qu'il soit impérieux le jour, je me serais dit, une banale hypertrophie de prostate. Et basta.
Je prescris donc quelque chose d'inutile : une échographie de prostate pour connaître le volume de la prostate (et bien que je sache que la symptomatologie urinaire n'a aucun rapport avec le volume prostatique) et sa structure (et bien que je sache que c'est un mauvais examen et que le cancer est indépendant de toute symptomatologie).
Mais la consultation n'est pas finie.
Il me dit aussi qu'il aimerait bien repasser un hemoccult. Je l'interroge, blablabla, et il me dit que cela fait deux ans qu'il ne l'a pas fait, certes, je lui demande s'il a reçu la convocation, oui, nous convenons qu'il la rapporte lors de la prochaine consultation. Je lui demande également s'il y a des antécédents dans sa famille, et il me fait cette réflexion stupéfiante : "On m'a déjà enlevé deux polypes." Oups ! Moi : Il y a combien de temps ? Lui : Environ 5 ans. oui, c'est cela, c'était le docteur C. - Je le connais. - C'est pourquoi le docteur B me faisait refaire un hemoccult tous les deux ans..."
Ouaf ! Glups !
Je lui dis avec prudence que la coloscopie est l'examen de choix au décours de la résection de polypes coliques, fussent-ils bénins. Il a l'air surpris. Moi aussi.
Donc Monsieur A n'est pas un cadeau : son ex médecin traitant pratiquait le dosage du PSA par principe et organisait le suivi de la résection de polypes coliques avec l'hemoccult...
(Je mets en lien un article plutôt bien fait --mais pas exact à 100 %-- sur le sujet du dépistage colorectal ICI, quant au PSA, je vous renvoie au blog LA et LA)

77
Monsieur A, 45 ans, a eu un très grave accident de voiture il y a environ 20 ans et son handicap porte essentiellement sur ses deux membres inférieurs (fractures ouvertes compliquées ayant nécessité plus d'un an d'hospitalisation entre les réinterventions, les sepsis et autres fadaises, douleurs multiples et variées et syndrome dépressif secondaire avec perte de l'estime de soi, incapacité à reprendre une vie normale dans la société, haine de son handicap, haine de ses jambes, et cetera...). Quoi qu'il en soit, cela fait des années qu'il consulte, cela fait des années qu'il refuse de voir un psychiatre, cela fait des années qu'il vit dans son handicap en vase clos et cela fait des années que son médecin traitant, moi-même, ne le "voit" plus, ne l'examine plus, discute de choses et d'autres, essaie bien difficilement de le persuader de reprendre une vie relationnelle et sociale et lui represcrit "ses" médicaments auxquels il tient absolument. Depuis environ un an je tente, avec succès, de supprimer tous les antalgiques et autres neuroleptiques qu'il prenait plus par addiction aux antalgiques que pour cause de douleurs. La liste récente des 77 médicaments n'a eu que peu d'effets.
Je m'imagine ainsi, "récupérant" le patient après que le docteurdu16 eut pris sa retraite, que ne dirais-je pas sur ce médecin ? Voyons ce qui reste sur l'ordonnance que, depuis quelques mois, j'ai essayé de simplifier : efferalgan codéine x 6 / jour ; rivotril XXXV gouttes par jour ; betaxolol x 1 ; noctran x 2. Il y a au moins deux médicaments (rivotril et noctran) qui sont considérés comme "dangereux" et ce, d'autant plus, qu'ils sont associés à la codéine. J'en ai parlé au patient qui m'a demandé ce qu'il risquait. Je lui ai répondu. Il m'a dit qu'il ne voulait pas changer. Que devais-je faire ? Le menacer ? Lui dire qu'il devait changer de médecin ? Renoncer à 20 ans de coopération entre lui et moi ? Il est possible que nous nous soyons assoupis dans une relation faite d'habitudes, d'empathie et de bons sentiments. Et que je n'ai pas assez insisté sur sa "réinsertion" sociale : il ne sort que très peu, il vit avec son ordinateur, la télévision et... sa mère, sa soeur et sa grand mère dans une grande maison agréable. N'est-ce pas son choix ?
Enfin, l'ordonnance que je renouvelle tous les mois ou presque, à cause du noctran, n'est pas "montrable". Elle ferait se dresser sur la tête les cheveux des bons docteurs qui lisent Prescrire (comme moi) ou d'autres revues indépendantes. Nous sommes en plein questionnement EBM : les agissements du médecin sont en conformité avec les désirs du patient et opposés aux preuves externes.
La médecine n'est pas simple et surtout les relations inter humaines et surtout les va et vient entre le savoir et la connaissance et entre la bonne et la mauvaise conscience.