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dimanche 5 juin 2022

Bilan médical du lundi 30 mai au dimanche 5 juin 2022 : médecine narrative, Covid long, les MG sont devenus médecins du travail, la surmortalité liée au Covid, la mortalité liée au cancer, cytologie ou HPV ?

 

via TrucOfTheDay@YLegrand : La blessure de Sverev à Roland Garros.

Pourquoi la médecine narrative compte.

Les vieux de la vieille, les revenus de tout savent combien il faut se méfier a priori des nouvelles tendances, des nouveaux concepts qui vont "révolutionner" la médecine, des théories explicatives, des idéologies holistiques, bla-bla-bla. En revanche, il est t toujours intéressant, pour sa pratique, de regarder de quoi il retourne afin, non pas d'adhérer/rejeter de façon binaire mais de picorer des idées, des ouvertures, éventuellement des "trucs", ici, afin, encore et encore, d'améliorer la relation soignant/patient et de permettre ne meilleure compréhension de la souffrance ressentie, de la problématique envisagée, des mesures à prendre et des traitements à éventuellement entreprendre. L'article que je vous propose (ICI) fait le point sur ce concept. Vous pouvez aussi lire en français CECI : la médecine narrative est une autre façon  d'envisager les soins centras sur le patient. Pas mal, non ? 


Le Covid long, ou nouveau Syndrome Post Infectieux : juste "organique" ?

L'excellent Stéphane Korsia-Meffre a écrit un commentaire passionnant sur le Covid long (ICI) à partir d'un article paru dans Nature Medicine (LA). 

Choutka et al. suggèrent que tous (ou presque) les SPI auraient une étiopathogénie commune, qu'ils s'inscrivent partiellement ou totalement dans le cadre d'une entité appelée encéphalopathie myalgique ou syndrome de fatigue chronique et qu'il s'agirait d'une nouvelle maladie auto-immune. Les auteurs envisagent différentes hypothèses étiopathogéniques : réservoir infectieux, auto-immunité, dysbiose et dommages tissulaires.

Ils suggèrent également que des recherches biomédicales soient menées de façon sérieuse pour élucider ce mystère et trouver un traitement.

Comment pourrait-on penser le contraire ? 

Les patients souffrant d'un SPI post Covid ont besoin d'écoute et de reconnaissance. Ils ont besoin d'aller voir des soignants qui ne leur disent pas "Tout ça, c'est dans la tête" ou "De toute façon cela va s'arranger... On ne peut rien faire..."

Il nous semble encore plus dangereux que ces patients rencontrent des soignants qui leur disent qu'il existe d'ores et déjà des molécules qui pourraient les soulager, voire les soigner. On pense bien entendu aux cocktails médicamenteux associant : antalgiques de paliers 1 et/ou 2, antidépresseurs, anxiolytiques, anti-épileptiques, décontracturants, et autres...

Primum non nocere. Informer. 

Mais il sera difficile de penser que les interactions entre les SPI et les mesures barrières (indispensables, mais on peut discuter sur leurs modalités, leur rigueur, leur momentum...) qui ont été mises en place un peu partout dans le monde n'ont pas d'influences sur la perception des SPI, sur la dépression et sur l'anxiété des populations depuis deux ans et demi.


Les MG, qui se roulent les pouces à la machine à café, doivent désormais être les médecins du travail supplétifs des collectivités territoriales.

La mise à jour de l'article 13-1 du décret 87-6002 contraint les MG, lors de la décision de travail à temps partiel dans les collectivités territoriales, de définir moulâtes données (cf. infra) alors que le médecin traitant ne connaît ni les fiches de poste, ni les contraintes organisationnelles, ni le contexte de l'entreprise.



Ce n'est vraiment pas une avancée pour les fonctionnaires et apparentés.

Rajout du 13/06/22 : un billet de Richard Tabot à l'attention des médecins généralistes : LA

 

Hors sujet.

Gena Rowlands, John Cassavetes (1968)


Au Royaume-Uni aussi les MG font le job


En comparant les données d'avril 2022 à celles d'avril 2019, les MG voient plus de patients et plus rapidement malgré le fait qu'ils soient moins nombreux. L'impossibilité de consulter votre médecin généraliste est lié au manque de financement du système et non à la fainéantise des médecins généralistes !

Tous les urgentistes ne pensent pas que les MG sont des feignants.


Les chiffres de surmortalité liés au Covid et publiés par l'OMS ne sont pas défavorables à la France. Mais...


Mais : faut-il croire ces chiffres ? Sait-on comment ils ont été colligés ? Connaît-on la robustesse des données ? Nous avons assez publié sur ce blog sur la façon dont la mortalité liée à la grippe saisonnière était calculée en France comme en Grande-Bretagne pour être dubitatif. 

Mortalité liée aux cancers : une comparaison US vs 21 autres pays "riches": la France n'est pas au top.

L'article (LA) est riche et il souffre des mêmes défauts que le précédent. Je répète la même chose : "Mais : faut-il croire ces chiffres ? Sait-on comment ils ont été colligés ? Connaît-on la robustesse des données ? Nous avons assez publié sur ce blog sur la façon dont la mortalité liée à la grippe saisonnière était calculée en France comme en Grande-Bretagne pour être dubitatif. "

Donc : prudence. 

Première chose : le tabac est une saloperie. On le sait, tout le monde le sait. Mais c'est le facteur de risque de cancer le plus pertinent (si j'ose dire).

Cette étude s'intéresse aux dépenses par tête de cancer par rapport au taux de mortalité.

Première figure : sans ajustement.


Deuxième figure : avec ajustement pour le tabac.


Alors que les études contrôlées sont "impossibles" à faire dans le covid (masques, aération, confinements) des études sans intérêt sont entreprises en nutrition.

Une étude (LA) commentée dans le NewYork Times (ICI) clame que les buveurs de café meurent moins que les autres.

De qui se moque-t-on ?

Un éditorial australien sur le dépistage du cancer du col et son évolution de la cytologie vers la recherche HPV

L'éditorial (LA) s'interroge sur les nouvelles stratégies concernant le dépistage du cancer du col utérin : faut-il continuer les examens cytologiques et si non à quel rythme et sur quels facteurs faut-il proposer des tests HPV. Il existe de nombreuses hypothèses, de nombreuses stratégies possibles en fonction de l'âge, du statut vaccinal, et cetera. Cet éditorial est très complet.

On rappelle qu'en France la HAS (ICI) recommande (juillet 2020) :



ZeroCovid à Taïwan.


La source : ICI

C'est tout. Mais il y avait tant de sujets...

dimanche 13 mars 2022

Bilan (partiel) de la semaine entre le lundi 7 mars et le dimanche 13 mars 2022 : l'Eglise de dépistologie en majesté.



Cette semaine est tellement riche d'informations que je vais oublier plein de trucs...

Plus d'IRM, plus de diagnostics, plus de sur diagnostics, plus de sur traitements !

Le secrétaire d'Etat anglais à la santé, Sajid Javid, annonce un plan ambitieux sur 10 ans pour mener la guerre contre le cancer et faire de l'Angleterre le meilleur endroit du monde pour recevoir des soins contre le cancer (sic).

Il prévoit d'implanter des IRM et des scanners dans les centres commerciaux et dans les stades de foot-ball, ce qu'il appelle faire une IRM en se promenant... (voir ICI l'article du Daily Mail)

Michael Baum, voir LA, rappelle sur twitter la fameuse formule de Gilbert Welch (en 2007 dans le New-York Times) que je traduis : 

La plus grande menace qui pèse sur la médecine aux Etats-unis est qu'un nombre plus important d'entre nous vont être aspirés dans le système non pas en raison d'une épidémie de maladies mais à cause d'une épidémie de diagnostics qui conduit à une épidémie de traitements.

Sans oublier que le secrétaire d'Etat fait du hyper hype en annonçant que le développement des vaccins à ARNm va permettre le développement de vaccins contre le cancer.

Au même moment, des sociétés privées proposent ceci :


Ce sont des réservoirs de sur diagnostics !


L'Eglise des Présomptions : un raisonnement curieux

Joey Fox, un ingénieur, rédige un thread (voir ICI) indiquant que selon ses calculs (on ne dispose pas de l'étude) la ventilation des pièces 6 fois par heure associée à la technique intitulée en anglais Ultraviolet Germicidal Irradiation diminue (LA) de 87,5 % la transmission du SARS-Covid19.

Boîte Corsi-Rosenthal


Pour l'instant, tout va bien. Mais la suite est assez savoureuse. Voici ce qu'écrit Joey (je traduis) :

Suis-je trop optimiste ?
Est-ce que je fais trop confiance aux mesures d'ingénierie ?
Bien. Faites des études contrôlées pour me prouver le contraire.


45 % des auteurs qui rédigent les recommandations de pratique clinique présentent des liens d'intérêts financiers

Vous devez être lassés par ce genre d'étude.

Vous devez vous dire que tout le monde sait ça.

Vous connaissez les arguments des "liés" : 1) on ne peut pas faire autrement, 2) nous on est des chercheurs, 3) cela ne nous influence pas

Mais rien ne change au niveau des conférences de consensus, des recommandations des sociétés savantes ou des agences gouvernementales.

Cent fois sur le métier...

Un article émanant de la Mayo Clinic (LA) a analysé 37 études rassemblant 14764 auteurs de recommandations de pratiques cliniques : 45 % des auteurs présentaient des liens d'intérêts financiers. Ces liens concernaient des honoraires en général (39 %) et des honoraires de recherche (29 %) en particulier. De 6 à 100 % des auteurs ne déclaraient pas leurs liens et, dans les 10 études qui les exigeaient, 32 % ne les déclaraient pas.


Dépistage du cancer du poumon : les dépistologues à la manoeuvre

Cette semaine est celle de l'offensive prédicatrice et évangélisatrice de l'Eglise de dépistologie.

Avec, en corollaire, l'offensive anti scientifique de l'Eglise des Présomptions.

Le poids économique des scanners n'est pas non plus étranger à cette action médiatique, ce hype.

Le dépistage du cancer du poumon est en première ligne.

Au moment où les pneumologues et les scannerologues, sont en train de recruter dans les EHPAD pour une étude genrée (ça fait chic) sur le cancer du poumon chez les femmes fumeuses et ex fumeuses avec l'aide de l'AP-HP, c'est l'étude CASCADE, LA,


une étude dont le protocole annoncé (ICI) est une sorte de gloubi-boulga A La Française qui fait un marketing-mix entre le dépistage du cancer du poumon par scanner faible dose, l'intelligence artificielle, la population féminine, et, je cite, l'adhésion au dépistage, son impact sur le sevrage tabagique, le retentissement psychologique et les coûts induits...

Ce n'est plus un programme électoral, c'est la promesse du Paradis sur terre !

Mais, et c'est là que l'on se rend compte de la vanité holistique de la dépistologie à tout va, voici ce que l'on lit aussi et c'est renversant :

Ce scanner permettra le dépistage de plusieurs pathologies liées ou favorisées par le tabac : cancer pulmonaire mais aussi maladie coronaire, emphysème ou encore ostéoporose.

J'imagine que l'Eglise de dépistologie a aussi enrôlé des dépistologues cardiologues et des dépistologues rhumatologues.

Ces personnes sont des génies.

Elles se proposent de régler une bonne fois pour toutes le problème des dépistages chez les femmes. Mais elles ne parlent pas du cancer du sein (voir plus loin).

Le raisonnement est renversant : on utilise le scanner faible dose pour dépister le cancer du poumon chez la femme (dans l'étude Nelson il y avait d'ailleurs peu de femmes), sans nul doute pour diminuer la dose d'irradiation, sans prendre en compte le fait que les femmes entre 50 et 69 ans sont invitées également au dépistage organisé du cancer du sein avec une mammographie tous les deux ans ! A ce sujet vous pouvez lire un billet de Cécile Bour (LA) qui donne des informations et sur le dépistage du cancer du poumon et sur le niveau d'irradiation attendu chez les femmes.

Je ne suis pas spécialiste et donc je vais me faire crucifier par les prêtres comme par les laïcs de l'Eglise de Dépistologie, sans compter les philosophes qui hurlent "Une seule vie compte", mais j'ai un peu lu sur le dépistage et je reconnais au premier coup d'oeil où sont les loups.

Cette étude n'est pas faite dans l'intérêt des patientes, elle est faite dans l'intérêt du complexe scannero-industriel.

A aucun moment, la notion de sur diagnostic n'est abordée, notion qui est niée en France par les autorités oncologiques, or c'est le problème central de TOUS les dépistages et le problème crucial des études sur le dépistage du cancer du poumon. Et chez les femmes le sur diagnostic et le sur traitement sont bien connus pour le cancer du sein (nous vous parlerons un jour d'une étude US modélisée qui vient de paraître et qui assume le sur diagnostic à 15 % ! ICI pour l'article et LA pour les premiers commentaires) (1), comme pour l'ostéoporose et comme pour les coronaropathies asymptomatiques. Si vous voulez des informations sur l'étude NELSON : 2)

Le vrai but de l'étude CASCADE est celui-ci : les scannerologues généralistes français ne sont pas équipés pour l'analyse volumétrique évolutive des nodules selon NELSON... Donc, ils doivent s'adapter :

Son objectif est de démontrer que la lecture des scanners par un radiologue formé au dépistage, aidé d’un logiciel de détection, a des performances similaires à une double lecture experte, en prenant comme référence l’étude NELSON.

Parce que les programmes pilotes qui ont été acceptés et demandés par la HAS, il n'est pas possible de les pratiquer au niveau national.

Une étude chinoise qui tombe à pic : dépistage du cancer du poumon avec un seul scanner basse intensité

Un seul scanner pulmonaire chez les personnes à risque de cancer du poumon et passez muscade : la mortalité relative due au cancer du poumon diminue (- 31 %) et la mortalité absolue également (- 32 %).

Cette étude chinoise non randomisée illustre à merveille le concept néo moderne de la médecine promu à la fois par les raoultiens et les académiques progressistes : 
  1. Quand les résultats d'une étude non contrôlée correspondent à nos préjugés, pas besoin d'études randomisées
  2. Quand les études d'une étude non contrôlée démentent nos préjugés, il faut faire des études contrôlées

Et le lobby des scannerologues embraye (cf. supra le secrétaire d'Etat à la santé anglais).



Avec l'oxymore de la semaine. 



Encore de la dépistologie non maîtrisée : en psychiatrie

Une saisie d'écran sur twitter. 


Pour Allen Frances : Wiki.

Les lésions lombaires décelées par l'imagerie IRM ne sont pas corrélées aux douleurs lombaires présentes et à venir

Une étude de cohorte prospective menée sur 6 ans (ICI) montre une absence de corrélation entre les lésions décelées à l'IRM et l'intensité des douleurs ressenties par les patients. 
Cette étude confirme un certain nombre de données déjà connues : elle souligne à mon sens la nécessité de peser les indications de l'imagerie lombaire (il existe des recommandations -- peu suivies) et de contrôler le discours qui peut être tenu aux patients lombalgiques qui entraîne notamment un effet nocebo, des phrases du genre : "Vous ne pourrez plus jamais porter", "C'est pour la vie", "Il faut vous interdire de faire certains mouvements", et cetera.

Cette étude devrait rendre prudents les cliniciens : d'une part en prescrivant moins de scanners et d'IRM en suivant les recommandations, d'autre part en modérant leurs propos devant les malades (et les radiologues sont visés également) et en leur expliquant que des lésions vues à l'IRM ne les condamnent ni à la souffrance éternelle, ni à la chaise roulante.

Mortalité liée au Covid vs sur mortalité

Un article du Lancet sur la sur mortalité dans le monde : ICI. Il existe des différences importantes et, notamment, une sous-estimation des morts liés au Covid... On attend des éclaircissements de la part des autorités compétentes françaises sur les différences... Pour commencer, et selon l'INSEE, depuis le premier janvier 2022 : LA.

Pour l'instant, belle infographie de @NicolasBerrod dans Le Parisien.


Une première réaction danoise qui devrait exciter les épidémiologistes français : 



Je n'ai donc pas eu le temps de vous parler :

  1. D'une analyse de la situation suédoise : LA qui est nuancée et qui, sur l'échelle du ZéroCovid au Circulez y a rien à voir, se situe en plein milieu.
  2. De l'obésité aux États-Unis d'Amérique : ICI qui mériterait une analyse non nuancée des ZéroObésité
  3. D'une remarquable étude soulignant encore les biais en termes de survie totale de l'utilisation comme Critère principal en oncologie du PFS (Progression Free Survival) : ICI
  4. Des liens avec l'industrie des associations de patients canadiennes : LA
  5. Et enfin, mais j'oublie des trucs, de la scandaleuse déclaration du Président de la République sur la retraite à 65 ans (il faudrait y revenir longuement en parlant de l'espérance de vie à la naissance, de l'espérance de vie en bonne santé et de l'espérance de vie à 40 ans)

A plus.


Notes

1) L'étude UKLS (ICI) va dans le même sens et la discussion sur le sur diagnostic est intéressante.

Overdiagnosis is a potential issue in all cancer screening programmes, as well as in lung cancer CT screening []; overdiagnosis is defined as the diagnosis of cancer, histologically confirmed, as a result of screening, which would never have been diagnosed in the host's lifetime if screening had not taken place. NELSON reported 8.9% overdiagnosis [
], the NLST initially reported 18% [
], however, more recent follow-up has suggested only 3% overdiagnosis in the LDCT arm [
]. Estimates from the other trials vary considerably [
,
]. In the UKLS the absolute incidence after a median follow-up of 7.2 years (Fig. 3, 75 vs 86 cases) indicates a potential 15% excess incidence in the lung cancer screening arm, which represents an estimate of the worst-case scenario for over-diagnosis, since screening stopped after the single screen. The MISCAN lung cancer model estimated overdiagnosis to be 10% in screened populations [

2) Une analyse de 2020 du site d'EBM Minerva (LA) rend compte des résultats de l'étude NELSON préfigure  les raisons pour lesquelles CASCADE a été mise en route.  Je remarque avec effroi que la notion de sur diagnostic n'est pas non plus abordée par Minerva ! Commentaires de l'université de Sherbrooke : LA NNT = 131