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lundi 17 novembre 2025

Réponse à Michaël Sikorav, psychiatre : metformine, psychotropes, prise de poids, schizophrénie, cherry-picking, medical reversal. Un cas d'école.

1 : préambule

Tout commence par une déclaration triomphale sur X d'un certain @M.SikoravMD que je ne connaissais ni sur X ni IRL (aucun lien d'intérêts), les miracles de l'algorithmie, et qui s'annonce psychiatre et bipolaire.


Une analyse sémiologique, sémantique et philologique de ces trois paragraphes mériterait qu'un étudiant en fasse son sujet de mastère. Retenez trois mots-clés que j'ai identifiés : "150", "science" et "98 %"


2 : Le Monde

Ensuite, notre confrère tweete une copie d'écran de la tribune publiée dans un supplément du journal Le Monde, éminente revue scientifique avec comité de lecture, sans joindre le lien, qu'il se flatte d'avoir signée. 



3 : unus testis, nullus testis

Puis, toujours dans un souci de clarté pédagogique et scientifique, il publie sur X la courbe de perte de poids sous metformine d'un de ses patients (à qui, sans doute, il a demandé un consentement écrit pour la publication) sans préciser ni l'indication ni les molécules associées.




J'ai fini l'article, y'a plus qu'à faire l'étude


Notre quatrième mot-clé : "Taxonomie des preuves cliniques en fonction de leur poids" Je ne peux m'empêcher, mais je suis taquin sans doute, d'indiquer que ce genre d'information (la courbe) se situe sur la pyramide des preuves dans les niveaux inférieurs de la rumeur, du témoignage et/ou de la sagesse populaire (des psychiatres, bien entendu).


Echosciences Grenoble


4 : metformine et Michaël Sikorav

Ce billet concerne uniquement la metformine.

Après que j'ai fait sur X quelques remarques (pertinentes a priori et fondées a posteriori) à propos de la tribune, Michaël Sikorav (j'avoue à ma grande honte être allé voir ce qu'on dit de lui sur "Transparence Santé" et sur "PubMed" et, dans les deux cas, il y a un grand vide, ce qui est plutôt bien dans le premier cas - 4 DPI - et plutôt rigolo dans le second - aucune publication, mais "Le Monde" n'est pas encore intégré dans PubMed...). J'ai aussi consulté son compte X où on le voit physiquement beaucoup en train de discourir sur différentes pathologies psychiatriques (le DSM-5 ne m'indique pas le diagnostic)... Mais il s'aventure ailleurs : ce qu'il dit sur "Hormones et Ménopause" illustre un autre mot-clé : "ultracrépidarianisme". 

Bref, après qu'il a lu mes remarques (un peu) agressives (c'est mon style et nul doute qu'après cette dispute notre confrère ne signe une tribune dans le New-York Times pour (ré)intégrer cette agressivité dans le DSM-6 mais sans la bénédiction d'Allen Frances et sans le remboursement de la CPAM), il a publié une réponse dans Substack.

C'est ICI.


5 : Le débat ou l'effet Streisand

Le titre est assez mystérieux.

Je remarque combien mon ego pourrait être flatté puisque qu'il est écrit en gras et en police augmentée : 

Attention, c’est probablement un des posts les plus importants du substack.

Je suis la muse de l'artiste. Ouah ! Mon instant Warhol. Non, son instant Warhol !

MS prend alors un ton passif-agressif (les experts de la tribune du monde sont en train de se demander si la notion ne devrait pas être réintégrée dans le DSM-6 — cf. plus haut...)


Il me cite sur X : "Les psys sur X, ça ne s'améliore pas" J'ai droit à un "commentaire malheureux" et à une absolution.

"Les psys français sur X" aurais-je dû écrire en généralisant (#PasTous) car j'ai regroupé ceux que je connais dans "Le club de la psychiatrie heureuse", celle du tout sérotoninergique, de la "Chemical inbalance" et des thérapies cognitivo-comportementales comme remède merveilleux (sauf que personne ne les pratique vraiment — en France).

Je pourrais vous donner des exemples des membres de ce club avec photographie à l'appui, livre et bons conseils mais ce sera sur abonnement. Pardon : je suis hors-sujet.




6 : HAS !

Le ton professoral de MS (il s'adresse quand même à un médecin généraliste qui, sur l'échelle du mépris est situé au top de la pyramide) est impressionnant : 

Il écrit :  

Vous notez que l’information sur la metformine lui était inconnue jusqu’ici.

J’ai invité mon confrère à les chercher lui-même. Je pense qu’il est toujours plus intéressant de voir ce que les praticiens retrouvent comme papier.

L'information sur la metformine concernant sa recommandation (et par là-même son efficacité) en coprescription avec les psychotropes m'était effectivement inconnue dans l'indication "perte de poids".  Les quelques coprescriptions de metformine que j'avais notées ici ou là en 42 ans de médecine de soins primaires m'avaient paru anecdotiques, en revanche les 3 courriers émanant de psychiatres que j'ai reçus en 42 ans de médecine de soins primaires n'en donnaient pas les raisons. Pour ce qui est des prises de poids sous  psychotropes, cela ne m'avait pas échappé... Il y en avait plus que 3 !



Par ailleurs, et la suite le démontrera, s'il fallait que je retienne les prises en charge médicales non fondées sur les preuves, je ne pourrais pas me concentrer sur les prises en charge médicales fondées sur des preuves et tenter de prescrire de façon raisonnée en m'adaptant à des patient.e.s qui ne sont pas celleux des études et en les prévenant avant l'instauration d'un traitement des effets indésirables possibles, probables, fréquents, et cetera. Tout en connaissant le degré de faillabilité de la HAS et son niveau parfois moyen de recommandations, sans oublier son degré de corruption. Je laisse notre ami chercher tout seul car, comme il l'écrivait si bien dans un style audiardesque , "Je ne parle pas aux cons, ça les instruit", "Je pense qu'il est toujours plus intéressant de voir ce que les praticiens retrouvent comme papier"

Pour ce qui est des recommandations proprement dites et la façon dont elles sont rédigées, avouons pourtant que les intérêts industriels et financiers pour la metformine (génériquée) ne sont pas évidents, mais les liens/conflits d'intérêts ne sont pas toujours financiers(l'ego). 

En d'autres domaines les recommandations (officielles ou officieuses) pour prescrire — ou non — des antibiotiques en médecine communautaire ne sont validées par des preuves que dans 8 % des cas, ce qui est très inquiétant (c'est ICI) et pour ce qui est de l'American Thoracic Society, nous en sommes à 26,5 % (c'est LA).


7 : l'effet Streisand

La photo du domaine Streisand à l'origine de "l'effet Streisand" Source Wikipedia

Puis, à l'attention de ses lecteuristes peu informé.e.s il explique ce qu'est l'effet Streisand et en vient à cette conclusion : 

Ayant moi-même prescrit de la metformine à plusieurs centaines de patients sous psychotropes, il y a de quoi s’étonner.

Il ajoute : 

Et comment quelqu’un qui ignorait jusque là tout de ces propriétés peut-il, en 30 minutes, prétendre que les 150 signataires de la tribune, dont des psychiatres universitaires, se trompent ?


Je ne peux que m'incliner bien bas : un psychiatre qui prescrit une molécule à plusieurs centaines de patients, des psychiatres qui prescrivent une molécule à plusieurs centaines de patients patients a/ont une expérience interne à toute épreuve. Vive l'EBM !

Tout comme les médecins qui prescrivaient du médiator à plusieurs centaines de patients patients ou les pédiatres qui prescrivaient du fluor à plusieurs centaines de patients ou les neurologues qui prescrivaient des anti-Alzheimer à plusieurs centaines de patients patients, ou les rhumatologues qui prescrivaient du Vioxx à plusieurs centaines de patients patients ou les réanimateurs pédiatriques qui prescrivaient le procubitus à plusieurs centaines de patients nourrissons... La liste est encore longue (tout comme Raoult qui prescrivaient de l'hydroxychloroquine à plusieurs centaines de patients) et les analogies sont douteuses, je le conçois, mais j'illustrais simplement le principe d'autorité et une version édulcorée de l'EBM ou Eminence Based Medicine.


David Sackett 1934 - 2015

Il eût certes mieux valu que je m'en tienne à mon impression initiale et que je ne passe pas 30 minutes de mon temps précieux à faire un tour de la littérature sur une indication non AMM d'une molécule dont l'indication princeps, le diabète de type 2, est largement remise en cause en raison de l'absence de preuve sur son efficacité sur la morbimortalité liée au diabète de type 2, ce que Michaël Sikorav n'ignore pas. Sinon, je source : LA en 2016 et ICI en 2023. Et bien que la HAS, pour des raisons incompréhensibles ou trop compréhensibles (voir plus haut), continue de recommander la metformine en première intention (après les mesures hygièno-diététiques classiques bien entendu) : c'est LA.


8 : l'intérêt des malades

La suite va nous confirmer quelle perte de temps ce fut que ma recherche bibliographique.

Nous entrons alors dans le coeur du "Débat".

Avant ceci, je me permets une remarque personnelle : ne perdons pas de vue que ce "Débat" ne peut se concevoir seulement comme un combat de coqs (malgré l'apparente agressivité des deux parties qui semble plus être une posture que...) mais seulement dans la perspective de l'intérêt des malades. Cet intérêt comprend un certain nombre de composantes : le diagnostic précis de ou des maladies, la validation par des essais de bonne qualité des prises en charge médicamenteuses et non médicamenteuses, l'évaluation de la balance bénéfices/risques pour chaque psychotrope prescrit (ou association de psychotropes), des données solides sur la prise de poids sous chacun de ces psychotropes, et, bien entendu le bénéfice pour les malades : poids, BMI, et résistance à l'insuline, blabla.


9 : un cherry-picking de compétition en LCA

Et j'ai droit, c'est moi qui suis en première ligne, à un festival de cherry-picking (la cueillette des bonnes cerises). Il est vrai que d'avoir avoué que j'avais passé 30 minutes à travailler la question était à l'origine une démarche identique. 



La recommandation la plus récente que j'ai retenue n'est la bonne (elle date de 2025) selon MS.

MS se met à pratiquer la LCA (lecture critique d'articles) en mode cueillette des bonnes cerises, c'est à dire en ne critiquant dans un premier temps que les articles que je cite puis en critiquant à peine les articles qu'il cite. 

Il est tout à fait intéressant que pour les méta-analyses il concentre son esprit critique sur celle menée par la Collaboration Cochrane (que vous retrouverez LA) en commençant par faire du whataboutisme (c’est d’ailleurs le même groupe qui avait retrouvé un effet statistiquement non significatif sur le port du masque lors du COVID-19 pour diminuer la propagation du virus respiratoire.)

Avant d'argumenter, il tente de me discréditer.

Il ignore sans doute combien, depuis l'affaire Tamiflu, j'ai répercuté sur mon blog (que MS cite élégamment) le fait que la Collaboration Cochrane ait baissé de qualité, fasse du marketing et ne veuille plus dévoiler les raw data... 



Bref, MS dézingue la Collaboration Cochrane, ce qui est quand même contre-productif, car il prétend ensuite qu'elle donne raison à la metformine dans l'indication perte de poids après prise de poids sous psychotropes. 

Cela dit il m'accuse aussi de ne pas savoir lire puisque je trouve que la Cochrane est beaucoup moins enthousiaste que cela sur la metformine (c'est que je copie-colle) : 

Authors' conclusions

There is lowcertainty evidence to suggest that metformin may be effective in preventing weight gain. Interpretation of this result and those for other agents, is limited by the small number of studies, small sample size, and short study duration. In future, we need studies that are adequately powered and with longer treatment durations to further evaluate the efficacy and safety of interventions for managing weight gain. 

Et voilà ce que dit la publication Oxford (LA) — qu'il critique au début et approuve ensuite selon les points de vue qu'il a à défendre — concernant la Cochrane et sur le point précis de la co-prescription d'un antipsychotique et de de metformine : 

A 2022 Cochrane review of pharmacological interventions for the prevention of AIWG found that metformin was the only pharmacological agent that may be effective for preventing weight gain when started with an antipsychotic.

"Maybe effective" : est-ce scientifique ?

En revanche, la méta-analyse de 2015 (743 patients) (ICI) trouve grâce aux yeux de MS et il ne fait aucune remarque sur les études qui ont été incluses (et non-incluses, d'ailleurs). La cueillette des bonnes cerises signifie choisir les essais qui correspondent aux préjugés et aux croyances qui existaient dans la tête du cueilleur avant la réalisation des études (cette remarque m'est également adressée).


10 : MAIS

S'il m'avait un peu lu, il saurait qu'une critique générale des méta-analyses nous fait nous rejoindre et que, selon la formule anglo-saxonne bien connue et bien trouvée : GIGO : Garbage In, Garbage Out.


Au lieu de demander que les méta-analyses soient mieux faites par des experts des méta-analyses, MS fait son tri et c'est d'un ennui profond car cela rejoint toutes les critiques qui sont faites depuis les débuts de l'EBM sur la question.

En gros, sachant que la prise de poids due aux psychotropes en général est >= 7 %, est-ce qu'une baisse de poids de 4 kilos en moyenne paraît cliniquement significative même s'il elle l'est statistiquement ?

MS continue donc en critiquant la méta-analyse que j'ai citée et en ne critiquant pas les méta-analyses qu'il cueille.


11 : les études open-label




MS continue donc, en m'appelant toujours "cher confrère", ce qui a le don de m'irriter mais je dois être chatouilleux sur le plan du mépris anti MG, en proposant à ma sagacité des études open label qui sont presque le degré zéro de la taxonomie des preuves cliniques en fonction de leur choix.

La littérature mondiale est remplie de critiques sur les études non comparatives, non randomisées et sur leur faible degré de preuves concernant l'efficacité des prises en charge (elles peuvent être en revanche, comme le sait notre confrère, intéressantes dans le cadre de la pharmacovigilance des molécules ou pour l'extension à des populations qui ne faisaient pas partie des études robustes ayant permis la délivrance de l'AMM) et je le laisse chercher : "Je pense qu'il est toujours plus intéressant de voir ce que les praticiens retrouvent comme papier"


12 : medical reversal

Je termine par ceci : je parle de Medical Reversal sur X et notre ami et néanmoins confrère me cite un article de 2011 de Cifu et Prasad (ICI) pour me contredire. Bien. Avec un argument qui n'est pas tout à fait le bon car c'est la première phrase de l'abstract qui est reprise ! Alors que si la dernière phrase de l'abstract avait été citée le propos eût été plus conforme aux critiques de La Tribune que j'exprimais.

The solution to reversal is upfront, randomized clinical trials for new clinical practices and a systematic method to evaluate practices already in existence. 



Par ailleurs, je connais (un peu) Cifu et Prasad et notamment le livre qu'ils ont publié en 2015. Je l'ai abondamment commenté sur mon blog il a nourri et continue de nourrir mes réflexions. Il n'est plus de mise de s'autociter mais pour celleux qui pensent que c'est acceptable c'est LA, ICI et LA.

Ce livre nous informe également sur le nombre de prises en charge fondées sur des preuves parmi toutes les pratiques de soins dans les grandes institution américaines : c'est renversant. Seules 30 à 50 % de ces pratiques sont validées !


13 : conclusion

A propos de cette tribune je n'ai parlé que de la metformine. Pour le reste : je n'en sais rien et cette expérience désastreuse de perte de temps m'a vacciné.

Que 98 % des produits prescrits en hôpital psychiatrique le soient hors AMM n'est pas une gloire mais un désastre. Un désastre qui n'est pas que français et qui touche également les enfants et les adolescents (ICI).

Les chose étant ce qu'elles sont et les prix étant ce qu'ils sont il est probable que des études en double-aveugle sont en cours pour tenter de montrer l'efficacité des analogues du Glucagon-like peptide-1 dans l'indication de La Tribune. Cela coûtera bien entendu beaucoup plus cher que la metformine...

Une étude robuste contrôlée avec la metformine : peu probable.

Je n'ai pas parlé du remboursement : vous savez pourquoi. Ce n'est pas d'actualité.

Quant à la science : La médecine n'est ni art ni science, c'est au contraire une discipline empirique fondée sur des talents diagnostiques et thérapeutiques, aidée par la technologie, c'est à dire l'application efficace de la science (Skrabanek P and McCormick J, 1989)

Qui a parlé d'effet Streisand ?


Asterix et Metformix : non


Peut-être





 










 


dimanche 4 juin 2023

Bilan médical du mardi 30 mai au dimanche 4 juin 2023 : destruction de la médecine générale, Raoult : une nouvelle affaire Mediator ?, Cochrane et benzodiazépines, HTA et hôpital, ASCO, dépistage, psychotropes, édition, anticholinestérasiques, écoles et covid


 

192. La destruction méthodique de la médecine générale.

La pratique de la médecine générale est dévoyée depuis des décennies.

L'affiche que vous voyez plus haut montre ce qu'est devenu la médecine générale dans le milieu financier  :  une vache à lait qui ne se préoccupe plus des malades mais des symptômes des citoyens.

Et il semblerait que Ramsay ne soit pas la seule firme qui partage ce point de vue : il y a des firmes de médecins hospitaliers, des firmes de médecins généralistes libéraux ou non, des firmes de médecins spécialistes d'organes libéraux ou non, des firmes de ministres, des firmes d'universitaires, des firmes de médecins réalisateurs d'examens complémentaires tant radiologiques que biologiques, des firmes pharmaceutiques, des firmes de fabricants de matériel médical, des firmes syndicales (toutes les professions précitées sont représentées), des firmes de patients et de patientes, des firmes politiques allant de l'extrême-droite à l'extrême-gauche... Et j'en passe.

Il y a bien entendu des personnes faisant partie des catégories que j'ai nommées (dont celles que j'ai ignorées) qui n'osent pas dire : "les médecins généralistes sont de la merde, la médecine générale est une spécialité destinée aux ratés du concours national, c'est une spécialité de bobologues, d'écrivains de certificats alakhon... et on s'en ballec de la disparition de ces gens..."

Il y a aussi des hypocrites qui disent "c'est le plus beau métier du monde, le plus difficile, moi, en tant que cardiologue, neurologue, pneumologue, et j'en passe, je serais incapable de le faire, le pivot, bla-bla, mais il faut avoir la vocation et plus personne n'a la vocation d'être un médecin dévoué, disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre... et... la féminisation de la profession..."

Et au même moment où la médecine générale est décriée, certains tentent de s'emparer de ses dépouilles...

Quant à responsabilité des médecins généralistes eux-mêmes, je n'en parle plus, on ne tire pas sur des ambulances...

16 avril 2018 :


 ICI

193. Espérons que l'enterrement de Raoult ne sera pas Mediator-like.

On rappelle que le procès Mediator est toujours en cours, que Jacques Servier est mort, que nombre des protagonistes de l'affaire sont soit morts, soit gâteux, et que les victimes sont mortes, souffrent, vont souffrir et vont mourir...

Ira-t-on jusqu'au bout ?

Ira-t-on jusqu'au bout de la dénonciation des pratiques mafieuses du milieu académique marseillais en abordant les pratiques mafieuses du milieu académique français ?

A mon avis : non. 


Qui pouvait ne pas être au courant ?

Qui a fermé les yeux ?

Et pourquoi ?

Et pendant ce temps, à la Société de Pathologie Infectieuse de Lange Française : 




194. Une revue Cochrane critiquée par Peter Gøtzsche (une de plus)

Une revue Cochrane avait conclu que les benzodiazépines, comparées à l'haloperidol, "ne marchaient pas" dans les accès psychotiques aigus.


Après une longue bataille, en voir les modalités : LA, voici la réponse des auteurs : 


Mais le mal était fait et l'abstract dans PubMed n'a toujours pas été modifié.

Les benzodiazépines "marchent" autant que l'haloperidol dans les accès psychotiques aigus.



Et voici le commentaire de Rosa Rosam : 





195. Traiter l'HTA de façon intensive des personnes âgées en milieu hospitalier n'est pas pertinent.

C'est une étude rétrospective menée aux US chez les Veterans (66 140 patients).

L'étude parue dans le JAMA est LA.

On y apprend que les effets indésirables sont majeurs et que cela n'apporte rien sur le devenir des patients.


196. L'ASCO : le marketing mondial du lobby cancéro-industriel.

C'est la grand-messe de la cancérologie à Chicago ou le festival de la promotion des études non encore publiées, d'abstracts, de communications et de posters.

Les porteurs d'eau de la cancérologie sont sur le pied de guerre pour faire du hype et pour annoncer des avancées majeures, des changements de paradigmes et autres nouvelles ères.

Un abstract provocateur vient de paraître (ICI), il raconte les rapports entre l'argent perçu par les cancérologues et  leur utilisation de pratiques cancérologiques non recommandées et/ou de peu de valeur.

Rappelons-nous l'affaire Mediator et le scandale Raoult.

  • Les auteurs de cet article sont des cancérologues exerçant aux États-Unis d'Amérique.
  • L'article a été sponsorisé par le National Institute of Health (LA) dépendant du gouvernement états-unien
  • Etonnant, non ?
En conclusion, vous lirez : il existe un rapport entre les paiements de l'industrie et l'utilisation de pratiques cancérologiques non recommandées et/ou de faible valeur.

Vous ne savez pas ce qu'est le hype ? Voici :



197. La cascade du dépistage.




198. Les patients sont des khons : épisode Trouze mille.


Les commentaires montrent que si les patient.e.s grossissent sous psychotropes c'est parcequ'iels n'ont pas compris le bon mode d'action qui fait grossir mais ne fait pas vraiment grossir.


199. Les éditeurs d'articles scientifiques sont des esclavagistes.

Voir l'article : LA.

Et le commentaire de Gøtzsche : 


200. Polémique (à suivre pour les commentaires) : les anticholinestérasiques "marcheraient-ils"  dans les démences ?

Je suis désolé : je ne peux me prononcer. Je n'ai pas assez d'informations.

Voir l'article LA qui date de septembre 2022.


L'utilisation d'anticholinestérasiques diminuerait la mortalité globale.

PS  : voir le commentaire de docteur Agibus qui, lui, avait assez d'informations pour être critique de cet essai. Donc, la méta-analyse est de mauvaise qualité... J'en profite pour recommander encore la revue hebdomadaire Agibus/Pétronille : LA

201. Le rôle des écoles dans la transmission du covid.

Je n'ai pas encore assez d'éléments, non seulement pour conclure car l'expérience néo-zélandaise est un peu particulière et parce qu'il semble normal et intuitif de penser que le brassage des enfants est susceptible d'augmenter la transmission du virus. 

Je n'ai pas d'éléments pour conclure qu'une intervention dans les écoles aurait pu améliorer la situation en France.

Quelles étaient les interventions possibles ?

  • Fermeture des écoles.
  • Distanciation sociale.
  • Port d'un masque FFP2 en maternelle, primaire, collège, lycée, université.
  • Systèmes d'épuration de l'air.
  • Vaccination de tous les enfants depuis l'entrée en maternelle jusqu'à l'université.
  • Vaccination de tous les enseignants et de tous les personnels de l'Education nationale.
  • Nombre de doses de vaccins.
Je vous propose de lire un article de Stephane Korsia-Meffre décrivant non pas une étude néo-zélandaise mais un éditorial.

C'est ICI : il n'y va pas par Quatre Chemins pour asséner :



Si vous préférez lire l'éditorial original, c'est LA.



La situation en Nouvelle-Zélande était très particulière. Nous y reviendrons.


Regardons les derniers chiffres états-uniens : 


Quant aux chiffres français, ils datent. Pas de chiffres à ma connaissance depuis le 13 janvier 2022 !

LA


Les questions que nous nous posons :

  • Pouvait-on faire mieux ?
  • De combien était-il possible de faire mieux ?
  • Etait-il possible de vacciner tous les usagers de l'Education nationale ? Et combien de fois ?
  • Etait-il possible de vacciner tous les personnels de l'Education nationale ? Et combien de fois ?
  • A-t-on des études ?
  • Pourquoi n'a-t-on pas fait d'études contrôlées de clusters ?

A suivre.

(Je n'ai pu malheureusement pas traiter de très nombreux sujets de la semaine, non par manque de temps mai pour ne pas faire trop long.)




jeudi 6 octobre 2011

Le professeur Bégaud publie dans Sciences et Avenir.


Le professeur Bégaud en avait assez de ronronner dans son bureau. Il a voulu faire un coup. Avant même que son article ne soit publié il a donné les bonnes feuilles à Sciences et Avenir (ICI) qui, est-ce étonnant ?, a fait son travail de journalisme, c'est à dire interpréter les faits et en fournir la substantifique sensationnalité. Le professeur Bégaud est naïf : il croyait encore vivre dans une autre époque, celle où l'information circulait mal, où l'information pouvait être donnée sans que personne ne s'en empare, mais, vous me direz, et vous pouvez le dire, les choses ont peu changé quand on voit comment a été menée l'affaire A/H1N1 et comment est menée l'affaire Mediator.
Quoi qu'il en soit le professeur Bégaud a été imprudent. Il a dû, dare dare, faire machine arrière et indiquer dans un communiqué repentant qu'il n'y avait pas de causalité démontrée entre l'Alzheimer et les benzodiazépines... Voir ICI.

"Il n'y a pas de lien de causalité directe démontré", a-t-il dit sur France Info. "Il n'a jamais été démontré qu'ils entraînaient directement Alzheimer."

Le Pr Bégaud a critiqué jeudi la présentation de Sciences et Avenir - qui titre "Ces médicaments qui favorisent Alzheimer" - en soulignant que ces projections étaient à mettre au conditionnel.

Le professeur Bégaud est un des pontes, experts, papes, références, et indéboulonnables, de la pharmacovigilance française, et je dirais même plus, de la pharmacovigilance à la française. Il a tout vu, tout entendu et il n'a rien dit.
Il n'est pas étonnant d'ailleurs que les nouveaux parangons de la vertu, c'est à dire le professeur Maraninchi (de l'AFSSAPS) et le professeur Even (ex de l'AFSSAPS), aient salué son étude comme remarquable dans l'émission C dans l'Air (ICI). L'ont-ils lue ? J'en doute. Ils l'ont saluée car cela va dans le sens de l'histoire de la mystification, c'est à dire faire peser sur les médicaments les failles de notre système. Comme le souligne Marc Girard sur son blog (LA), les moyens de régler la question du Mediator et d'autres produits existaient depuis belle lurette sur le plan réglementaire, mais le nouveau Maraninchi (qui, durant l'émission n'a cessé de taper sur l'industrie pharmaceutique, c'est à la mode, il a dû se convertir violemment derrière un pilier de la Basilique de Saint-Denis) dit qu'avec de nouvelles lois, nouvelles circulaires, nouveaux décrets, et cetera, et cetera, cela sera possible.
Je voudrais rappeler aux naïfs que le professeur Bégaud a signé en 1996 avec le professeur Abenhaim (devenu ensuite directeur de la DGS pour qu'il continue de se taire) un article dans le New England Journal of Medicine (LA), cet article montrant clairement la responsabilité des fenfluoramines dans la survenue d'atteintes valvulaires cardiaques (voir l'analyse remarquable de Marc Girard).


Appetite-Suppressant Drugs and the Risk of Primary Pulmonary Hypertension

Lucien Abenhaim, M.D., Yola Moride, Ph.D., François Brenot, M.D., Stuart Rich, M.D., Jacques Benichou, M.D., Xavier Kurz, M.D., Tim Higenbottam, M.D., Celia Oakley, M.D., Emil Wouters, M.D., Michel Aubier, M.D., Gérald Simonneau, M.D., and Bernard Bégaud, M.D. for the International Primary Pulmonary Hypertension Study Group

N Engl J Med 1996; 335:609-616August 29, 1996


Or, ensuite et depuis : rien.
Le 26 août 1999 le professeur Abenhaim a été nommé Directeur Général de la Santé et j'imagine qu'à ce poste prestigieux où ses compétences ont été mondialement reconnues (voir la notice Wikipedia en anglais qui a dû être écrite par un de ses amis où l'on retrouve cette perle : He is recognised as one of the greatest French General Director of Health (Surgeon General).), il ne pouvait rien faire, il ne pouvait pas (il devait manquer de circulaires administratives, de décrets d'applications et autres) demander l'interdiction du Mediator... alors qu'il s'agissait du frère jumeau de l'Isoméride...
Quant au professeur Bégaud, qu'a-t-il fait de plus ?
On le voit, dans le reportage de C dans l'Air parader dans un bureau au côté d'une secrétaire avec, dans le fond, une bibliothèque quasiment vide, allégorie évidente sur son manque d'intentions dans l'affaire Mediator.
Nous attendons donc avec impatience la publication dans une revue avec Comité de Lecture et comme annoncé.

Quelques remarques maintenant concernant l'Alzheimer et les benzodiazépines :
  1. L'apparition et la propagation fulgurantes de la maladie posent des questions. S'agit-il d'un simple effet du disease mongering ? Nous n'y croyons pas. S'agit-il d'un simple effet du vieillissement de la population ? Pas plus. Existe-t-il des facteurs environnementaux ? Pourquoi pas ? S'agit-il d'un effet des psychotropes en général ? L'hypothèse est séduisante. S'agit-il d'un virus ? Probablement exclu. Vers où aller ?
  2. Les benzodiazépines, mais pas seulement, entraînent des troubles de la mémoire : tous les psychotropes au sens large, dont les antalgiques opioïdes (tramadol), peuvent être impliqués : pourquoi se focaliser uniquement sur les benzodiazépines ?
  3. Le problème central est l'excès de prescriptions chez les personnes âgées. Et pas seulement les psychotropes. Tout le monde sait, même les non experts, que les personnes âgées ont un rein et un foie qui fonctionnent moins bien, qui métabolisent moins bien, qui filtrent moins bien et que leurs autres organes sont de même, vieillis, tout le monde sait aussi que les médicaments sont co-prescrits aux personnes âgées symptôme par symptôme par le médecin généraliste, spécialiste par spécialiste et que le généraliste est souvent mis devant le fait accompli par lui et par les autres. Et ainsi les consultations de médecine générale, les visites de médecins généralistes, les consultations spécialisées, les foyers-logements non médicalisés ou partiellement médicalisés, les EHPAD, les établissement de moyen séjour, les établissements de long séjour, sont remplis de symptômes traités les uns après les autres, et les symptômes traités dépendent des "compétences" des médecins généralistes, des médecins spécialistes et des médecins coordonateurs quand il y en a et que ce mille-feuilles, ce patchwork thérapeutique est inextricable, difficile à démêler et difficile à interrompre (bien qu'il y ait des ouvertures comme nous l'avons vu ICI).
  4. L'hypothèse de Bégaud pourrait avoir un semblant de validité si les patients atteints d'Alzheimer étaient plus nombreux en France que dans les pays où l'on prescrit, dit-on, moins de psychotropes, et en proportion de cette surprescription. Que disent les chiffres ?
  5. La critique des prescripteurs est fondée mais facile. Les recommandations des spécialistes des agences pour arrêter les somnifères tiennent du délire : faire du vélo, faire l'amour, avoir une vie saine. les recommandations concernant l'arrêt des anxiolytique tiennent du bon sens mais on sait depuis longtemps que le bon sens est le plus mal partagé du monde et qu'il n'est ni bon conseiller ni synonyme de vérité. Les prescripteurs, que nous ne voulons surtout pas exonérer de leurs responsabilités, sont dans un système social qui broie les individus. Au lieu de se poser des questions sur le pourquoi du comment des prescriptions (qui est responsable : big pharma ou les prescripteurs et vice versa), il faudrait se poser des questions sur la société qui entraîne ces troubles. Il faudrait comme le dit Jean-Pierre Dupuy (Pour un catastrophisme éclairé. Quand l'impossible est certain. Paris. Le Seuil 2002) analyser pourquoi "La médecine est devenue l'alibi d'une société pathogène."
  6. Un petit détour par Ivan illich serait le bienvenu. Un court détour... Rappelons ici la critique essentielle d'Illich (que l'on peut retrouver dans le livre Némésis médicale. L'expropriation de la santé. Paris. Le Seuil 1965) est, selon lui, la contre-productivité sociale de la médecine : "Avec l'industrialisation du désir, l'Hybris est devenue collective et la société est la réalisation matérielle du cauchemar. (...) Anonyme, insaisissable dans le langage de l'ordinateur, Némésis s'est annexé la scolarisation universelle, l'agriculture, les transports en commun, le salariat industriel et la médicalisation de la santé." Cette médicalisation de la santé a été intériorisée et a aussi permis l'intériorisation de l'aliénation fondamentale : les citoyens, devenus patients ou malades, anxieux, dépressifs, mal dans leur peau, sont devenus incapables d'analyser la situation comme un dysfonctionnement de la société et leur anxiété / dépression comme la conséquence de leur refus de s'adapter à ces situations parfois insoutenables ; les citoyens, quand ils vont mal, acceptent la contre-productivité sociale et recherchent en eux ce qui ne va pas. Et ainsi la prescription de psychotropes, par exemple, n'est qu'un effet de la surmédicalisation et fait croire à tout le monde, soignants comme soignés, qu'il faut encore plus de médecine pour y arriver, ce qui est bien entendu le contraire (voir pour cette partie Jean-Pierre Dupuy, livre cité pp 54 - 55).
  7. Et ainsi la boucle se boucle-t-elle : l'inflation médicale, la surmédicalisation de la santé, aboutissent non seulement à ce que l'on recherche des causes de l'Alzheimer, qui est quand même une démence, liées à des médicaments prescrits à des patients qui vont mal par des médecins qui sont désemparés, mais à ce que l'on prescrive aussi des médicaments inefficaces et eux-aussi psychotropes, les anti Alzheimer, et, là, pour le coup, potentiellement dangereux, tandis que l'on promeut des techniques non médicamenteuses mais éminemment médicales qui n'ont pas non plus fait la preuve de leur efficacité et pas moins la preuve de leur innocuité. Quant aux placements des personnes âgées dépendantes dans des maisons anxiogènes et dépressogènes, il ne faut pas s'étonner non plus qu'il conduise au fait que les personnes aillent plus mal...
  8. A ceci près, et il s'agit de mon expérience interne, que le traitement de la dépression et / ou de l'anxiété chez les personnes âgées devrait être prescrit à bon escient (comme dans de nombreuses pathologies, dont le cholestérol par exemple, trop de malades sont traités à tort et trop de malades qui devraient être traités le sont mal et / ou pas assez) et éviter que l'on parle d'Alzheimer devant une désorientation iatrogène...
  9. A ceci près que les tableaux confus et / ou anxiodépressifs ont tendant à être étiquetés Alzheimer contre toute évidence clinique, c'est à la mode et c'est plus facile que de dé-prescrire et, a fortiori, de dé-médicaliser, ce qui reviendrait à critiquer ce qui a été fait auparavant au nom de la douleur zéro, de la souffrance zéro, de la vie indolente et immortelle.
Nous sommes loin du professeur Bégaud qui publie désormais dans Sciences et Avenir.
Mais s'il avait raison...

(Je rajoute ce jour deux posts parus sur la blogosphère médicale : Atoute et Flaysakier).