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mercredi 10 août 2022

Virons-les ! A propos d'une expérience en maternité. Allégorie et deuxième degré.

La moulinette du génial Jean-Christophe Averty (1928 - 2017)

Dr Yellokoum 🦁🤱🏼🍄 raconte sur twitter son expérience de la maternité.

Ce n'est pas piqué des hannetons.

Voir ICI.

Tout y passe : 

Frein de la langue (du bébé) qui empêche la tétée.

Torticolis (du bébé), tout le monde le dit.

Prise en charge par une psychomotricienne proposée par l'interne (femme)de pédiatrie.

Ostéopathie pour le bassin du bébé avec cette phrase hors-sol : " Vous pouvez aller chez untel, il ne touche pas, il travaille en surface." 

Rebelote pour le frein. La pédiatre insiste "Si on le fait maintenant, on le fait comme ça. Si c'est plus tard, c'est ORL ou stomato et sous anesthésie générale"

La pédiatre : "Y a pas de torticolis"

La sage-femme conseille l'ostéopathie pour la maman.

La sage-femme libérale conseille l'ostéopathie parce que bébé "s'étire en diagonale"

Un détail : la maternité est de niveau 3 en CHU !

Ouah !

(Je n'ajoute pas, vous connaissez mon manque de confraternité, que le médecin généraliste de notre pharmacienne n'était pas tombé dans le piège du frein)

A mon (humble) avis il y a dans cette "prise en charge" un résumé succinct que rien ne va en médecine, je dis résumé succinct mais je devrais écrire une goutte d'eau dans l'océan de khonneries qui a envahi la santé.

La médecine remonte le temps où il y avait plus de bébés qui naissaient les jours de pleine lune, où la façon de "porter" un bébé indiquait le sexe de l'enfant à venir, où écouter du hard-rock ou du classique pendant la grossesse influençait le caractère de l'enfant, et cetera.

Voici revenu le temps des ténèbres.

Mais, plus précisément, la médicalisation de la santé, le règne du zéro défaut, le culte de l'enfant parfait, le mythe de la bonne mère, la normalisation de la vie des personnes non malades comme celle des personnes malades, sans compter celles qui ne le sont pas et qui pourraient le devenir, sont des facteurs d'anxiété majeurs.

On parle des soignants que l'on a éliminés des soins parce qu'iels ne voulaient pas se faire vacciner.

Je pense qu'il faudrait virer les enseignant.es qui parlent d'ostéopathie bénéfique dans leurs cours aux étudiants en médecine comme aux élèves infirmières, aux futurs kinésithérapeutes, aux apprenties sages-femmes ou aux puéricultrices.

Je pense qu'il faudrait virer les soignant.es qui établissent des diagnostics erronés pour des maladies qui n'existent pas et sans examiner les personnes, qui parlent à J1 de couper un frein de langue, qui proposent à J1 de l'ostéopathie à un bébé, qui parlent d'ostéopathie pour une femme qui vient d'accoucher.

Virons-les !

Une analyse plus fine de tout cela, et la lecture des commentaires sur twitter à propos de l'expérience de notre pharmacienne est vertigineuse, permettrait sans doute de revenir à des fondamentaux du soin. Et de la médecine. Et ne me dites pas que les professionnels de santé, ici une professionnelle de santé, sont des personnes à part quand iels deviennent des soignés, non, ils ont le regard plus acéré.

Les fondamentaux du soin.

Ecouter.

Observer.

Rassurer.

Ne pas inquiéter.

Conseiller des pratiques éprouvées.

Savoir que la grossesse n'est pas un état pathologique.

Comprendre qu'un nouveau-né n'est pas un malade en puissance.

Un nouveau-né appartient à sa mère (et à son père, bien entendu), pas aux soignants.




Il est clair que dans cette moulinette idéologique je pourrais envoyer avec le bébé et l'eau du bain, le paternalisme, la misogynie, le patriarcat en oubliant que tous les intervenants, d'après ce témoignage, étaient des femmes, ce qui montre le pouvoir étonnant du maternalisme, le maternage forcé, le matriarcat volontaire, l'intériorisation de la violence faite aux femmes par les femmes elles-mêmes... 

Je peux rajouter qu'il ne s'agit pas de surmédicalisation mais de médicalisation de la santé.

Les femmes sont au centre de ce processus. Comme par hasard.

Et ce pourquoi elles sont faites : faire des enfants sains.

Jadis, il fallait choisir entre la vie de la mère et la vie de l'enfant et, devinez qui faisait le choix ? Le père.

Désormais la société patriarcale et maternalisée, choisit et la mère et l'enfant, c'est à dire une mère parfaite et un nouveau-né parfait avec des normes, de plus en plus de normes à respecter, depuis la meilleure musique à écouter en faisant l'amour jusqu'à la meilleure position pour donner le sein, sans oublier l'ostéopathie, l'acupuncture ou l'homéopathie.

Les injonctions, souvent contradictoires, pour la bonne santé dans un monde imparfait, sont sources de culpabilité, d'anxiété, de dépression, de mal être et non d'épanouissement à moins d'avoir les moyens intellectuels et sensibles de s'extraire de cette gangue de bons sentiments et de contraintes débiles. Et grâce aussi à un entourage emphatique, aimant, bienveillant qui rassure et qui réconforte. 

Virons les chefs de service qui laissent entrer l'ostéopathie, l'homéopathie, l'acupuncture, le yoga, et cetera, dans les maternités, virons les pédiatres, les sages-femmes, les puéricultrices, qui laissent entrer les coupeurs de freins dans les services, les manipulateurs des nouveau-nés, les séances d'ostéopathie pour les femmes, et qui prescrivent de l'homéopathie pour arrêter les montées de lait... 

Virons-les une bonne fois !

PS : Attention : deuxième degré.

lundi 12 décembre 2011

Une femme qui n'est pas contente que son mari ait acheté une caméra numérique. Histoire de consultation 109.

Madame A, 27 ans, est enceinte de six mois. La grossesse se passe bien. Les indicateurs sont au beau fixe. Son mari, autant que je peux en juger en consultation, est un homme charmant qui est content que sa femme soit enceinte. 
Aujourd'hui, il y a quelque chose qui ne va pas. A son air, je m'attends au pire dans le style, mon mari est parti. Rien que cela !
Elle s'assoit en face moi, ses yeux sont rouges, elle a dû pleurer.
"Qu'est-ce qui se passe ? - C'est trop difficile à dire. - Allez, dites-moi plutôt pourquoi vous êtes venue me voir..." Elle baisse les yeux. Derrière sa tristesse je vois passer un maigre sourire. Qu'est-ce que j'imagine ?
"Mon mari a acheté une caméra numérique. - Comment ?" Cette fois, elle sourit vraiment. "Si vous m'expliquiez..."
Elle me regarde de façon déterminée, les deux bras reposant sur les accoudoirs du fauteuil.
"Il veut filmer l'accouchement." Je résiste à l'envie de lui dire : "Et alors ?" mais je comprends à temps que la phrase serait inappropriée. "En quoi cela vous dérange ?" Elle réfléchit à ce qu'elle va me dire. "Je ne veux pas. - Et Pourquoi ? - Vous savez, dans tous les films, dans touts les feuilletons, dans tous les reportages, on voit des hommes qui prennent des photos ou qui font des films pendant l'accouchement, on voit des femmes qui souffrent, qui crient, qui pleurent et tout le monde trouve ça bien. Eh bien moi, jusqu'à ce que mon mari achète la caméra, je trouvais ça bien. Et plus maintenant. - Pour quelle raison ? - Parce que je ne veux pas qu'il me voie dans une telle situation, nue, moche, grosse, poussant des cris, comme un animal, comme une malade, non, je préfèrerais être bien coiffée, maquillée, belle et pas dans cet état. - Pourquoi ne lui en parlez-vous pas ? - Parce qu'il a eu l'air tellement heureux avec sa caméra, comme un enfant avec un lego, parce qu'il voulait me faire plaisir. - C'est vrai que cela part d'une bonne intention. - Et vous, qu'est-ce que vous en pensez, docteur ?"
Voilà une banale situation de médecine générale, une banale situation de médecine, de rapports entre un médecin et un patient, mais, en d'autres circonstances, le problème est identique, sauf que dans le cas particulier, il ne s'agit pas de la discussion entre deux amis ou entre un mari avec sa femme ou entre une mère avec son enfant (encore que...), il s'agit d'une consultation, une consultation avec ses codes, une consultation où le médecin a un rôle à jouer qui n'est pas forcément de dire ce qu'il pense...
"Je n'en sais rien. Je crois que nombre de femmes sont contentes que leur mari assiste à l'accouchement pour qu'il se rende compte de ce qu'est le travail. Cela doit donc être une bonne idée si elles en éprouvent le besoin. Mais d'autres préfèrent garder cela pour elles. Par pudeur. Elles ont aussi raison. Mais la mode, actuellement, c'est la participation de l'homme pour qu'il se sente impliqué. Je crois que cela constitue un progrès par rapport aux hommes fumant des cigarettes dans le couloir. Ou buvant des coups avec leurs copains. Mais pour ce qui est de la caméra, je n'en sais rien. Tout le monde filme tout, pourquoi ne pas filmer un accouchement ? - C'est vrai que tout le monde filme tout. Il aurait pu le faire avec son téléphone portable. Ne rien me dire avant. Mais est-ce qu'il voudrait que nous soyons filmés quand nous faisons l'amour ? - Il faudrait le lui demander. Mais, à mon avis, ce n'est pas pareil. - Pas pareil, c'est vite dit. Cela fait partie de l'intimité. - Vous ne faites pas l'amour entourée de médecins et d'infirmières. - Non. Mais l'accouchement, c'est aussi à moi. C'est mon corps, en quelque sorte. - C'est votre enfant. - Oui, c'est vrai, c'est notre enfant. Je crois que je dois en parler avec lui. - Très bonne idée."