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mercredi 15 juin 2022

Les statistiques en médecine. Histoire de santé publique sans consultation 1

Felix Vallotton (1865-1925)
Le château-fort et la place des Andelys (1924)


Monsieur A, 80 ans, rencontré dans l'entrée de l'immeuble, est en parfaite santé (c'est ce qu'il dit).

Il est solide, robuste, fait de la marche rapide, une dizaine de kilomètres deux fois par semaine (je le vois).

Entendons-le : " Les médecins sont devenus bizarres. Il ne parlent qu'en termes de statistiques. L'autre jour, mon  généraliste m'a dit que le médicament qu'il allait me prescrire marchait chez environ 70 % des malades. Je lui ai demandé si pour moi cela allait marcher, il n'a pas su me répondre..."

Monsieur A est un ancien ingénieur en aéronautique, centralien. Il connaît les chiffres (du moins peut-on l'espérer).

Il continue : "Je ne suis pas une statistique, je suis un être humain, je veux savoir si le traitement va marcher pour moi." 

Je lui demande de quoi il s'agit.

"C'est ma sacrée épaule..."

Comme je suis sur le palier, que mon voisin me raconte des trucs que je ne peux vérifier, que je ne l'ai pas examiné, et que je ne connais en rien son statut sur la médecine et la santé en général, je ne peux que rester vague...

Il continue : "Je crois que j'ai eu plus d'une centaine de séances de kinésithérapie. Sans aucun succès. On m'avait pourtant dit que ça marchait. - Quel pourcentage ? - Je ne me rappelle pas. - Donc, vous avec fait une centaine de séances de kinésithérapie sans connaître le pourcentage de réussite ? - Oui. - Qu'est-ce qui vous a convaincu ? - Bah, le kiné était sympa."

Il me raconte aussi qu'on lui a prescrit des anti-inflammatoires, des antalgiques, de la kinésithérapie, qu'il a eu plusieurs infiltrations, et cetera. Et qu'il a toujours mal.

"Que prenez-vous en ce moment ? - Ma femme me badigeonne d'huiles essentielles. - Et ça marche ? - Non mais c'est sympa." 

"Finalement, que voudriez-vous que les médecins vous disent en vous prescrivant un traitement ? - Si ça va marcher pour moi. - Mais vous savez que c'est impossible... - Comment cela, impossible ? - Le principe actuel de la médecine, pour simplifier, est de tester des traitements sur des groupes de gens et de comparer l'efficacité par rapport à un placebo ou par rapport à un traitement déjà efficace. On regarde si la différence est significative ou non. - Significative ? - Bah, si le groupe produit A est plus efficace, sur les douleurs, par exemple, que le produit B. On fixe un seuil à 5 %"

Il éclate de rire. "Vous imaginez si, en aéronautique, on comparaît la fiabilité comparée de deux ailes d'avions avec un seuil de 5 % ? - Les malades ne sont pas des créations d'ingénieur... - Oui, justement, on devrait plus exiger..."

Je reprends : "Bien que je n'exerce plus, il est toujours intéressant, même si c'est trop tard pour moi, de savoir ce que vous auriez souhaité que les médecins vous disent... - Je ne sais pas, ce n'est pas moi le médecin... - Facile..."

Il ajoute : "Un de mes amis a eu un cancer de la prostate et le chirurgien lui a dit que l'opération allait entraîner presque 100 % d'impuissance... - Et ?... - Il n'est pas impuissant..."

Je ne sais pas si le cancer de la prostate, c'est lui.

"Et dans ce cas l'urologue a-t-il bien ou mal fait ? - Il a mal fait. Il aurait dû lui laisser un espoir... - Même fallacieux ?... - Oui, même si tout est bien qui finit bien..."

Une personne est en train d'arriver dans l'entrée.

Je termine provisoirement : "Il y a quand même pire que les médecins qui assènent des statistiques à leurs patients, ceux qui prescrivent sans rien dire des médicaments ou des interventions chirurgicales sans connaître les statistiques ou en les inventant..."