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lundi 30 septembre 2024

La prise en charge de l'HTA : à votre bon coeur m'sieurs dames. Restons simples selon Florian Zores. A propos de nouvelles recommandations.



La Société Européenne d'hypertension (ESH) a publié de nouvelles recommandations concernant l'attitude à tenir vis à vis de l'HTA (107 pages, 38 pages d'annexes et 500 références). 

Encore une fois, et tant pis pour ceux qui pensent que les blogs ne servent à rien ou n'ont aucune validité scientifique, mais les deux épisodes de blog écrits par Florian Zores (FZ) concernant ces recommandations sont remarquables tant pour leur qualité intrinsèque (validité interne) que pour leur validité externe potentielle et pratique.

Il me paraît judicieux de lire des 2 épisodes avant de lire mes commentaires qui ont quand même beaucoup moins d'intérêt quand on n'est pas au courant de l'affaire. C'est ICI  et LA

Je vais essentiellement commenter l'article 2 (LA) comme le ferait la mouche du coche.


et sélectionner quelques paragraphes.

Je ne reviens donc pas sur la première partie (ICI) qui concerne le diagnostic pour lequel j'ai écrit deux billets de blog (n'oubliez pas que l'auto-citation est considérée comme une tare pour ceux qui n'écrivent jamais) à la gloire de l'utilisation du tensiomètre électronique (LA et ICI) par les médecins au cabinet et par les personnes (et bien entendu les patients) tant pour le diagnostic que pour le suivi de l'HTA.

En résumé : il paraît archaïque et inapproprié de mesurer la pression artérielle dans un cabinet de médecine générale autrement qu'avec un tensiomètre électronique validé.





Introduction : 

Il est tout à fait fascinant de constater les approximations des données permettant de recommander, c'est à dire la validité des preuves à disposition.

Il est tout à fait fascinant de comparer les recommandations, comme le fait FZ, dont les différences, mineures et parfois majeures, ont des conséquences pratiques colossales en termes de prise en charge (les seuils d'entrée dans la maladie, les scores) et de traitements. C'est à dire, surtout, qui il faut traiter.

Il est tout à fait fascinant (et inquiétant) de constater que les données dont les recommandeurs disposent, c'est à dire les études cliniques, sont à la fois très nombreuses, de qualité disparate mais plutôt de mauvaise qualité tant pour l'évaluation du pronostic (les scores cardiovasculaires sont une auberge espagnole) que pour le suivi au long cours.

Il est tout à fait inquiétant que pour une maladie ou un facteur de risque cardiovasculaire aussi communs dans le monde, une maladie ou un facteur de risque cardiovasculaire que les médecins rencontrent plusieurs fois pas jour dans leur cabinet tant pour le diagnostic que pour le suivi, pour lesquels les médecins décident ou non qu'il faut aller plus loin ou ne pas en tenir compte, une maladie ou un facteur de risque cardiovasculaire dont les conséquences peuvent être dévastatrices, que les recommandations soient si diverses et variées.

On pourrait affirmer trivialement : c'est à votre bon coeur m'sieurs dames ou, pour faire moderne, c'est l'open bar du cherry picking.

Chez les patients asymptomatiques :

Selon FZ : 

On ne sait même pas si l'ECG sert à quelque chose ! Mais imagine-t-on une consultation de cardiologie sans ECG ?

On ne sait même pas si l'échocardiographie cardiaque sert à quelque chose ! Et en fait cela ne change rien à la prise en charge.
En pratique, les MG initient le plus souvent un traitement anti-hypertenseur sans ECG de base (surtout s'ils connaissent le patient, ses antécédents et ses comorbidités déjà connues) et pratiquement toujours sans écho-cardiographie.

 

On entre dans le vif du sujet et c'est là où l'on entre dans un flou artistique impressionnant.

Jackson Pollock en train de prescrire un traitement anti hypertenseur.

C'est même vertigineux.

Je mets au défi quiconque d'y retrouver ses petits. 

Ainsi, à partir d'un mix de données floues issues de rares essais contrôlés, de nombreuses études observationnelles de qualités diverses, les essais rétrospectifs comparatifs ou non, les essais prospectifs comparatifs ou non, les cas-témoins sur dossiers électroniques ou sur appels téléphoniques et/ou mails, avec des sous-groupes taillés à la serpe (et en fonction des préjugés des rédacteurs d'essais et des intérêts de vendeurs de molécules anti-hypertensives), des études sponsorisées ou non, le décideur, le futur prescripteur, le futur non-prescripteur joue à la roulette russe avec son patient ou sa patiente, en sachant qu'on ne lui reprochera jamais d'avoir prescrit mais qu'on lui reprochera toujours de ne pas l'avoir fait.



Bref.

On apprend aussi de FZ (enfin, on le savait un peu) que la baisse des apports sodés est sans doute intéressant pour le sous-groupe des "saleurs" mais là encore les études sont couci-couça.


Je me permets de revenir sur quelques points (mes dadas).

1. Quid de la consultation d'annonce ? 

Le fait que l'HTA soit commune ne doit pas faire négliger que sa perception par le soignant et par le soigné est complexe et qu'il est toujours nécessaire d'expliquer, sans cesse expliquer, quels sont les enjeux d'une élévation pathologique de la pression artérielle car cette annonce, cette entrée dans la maladie, sont souvent une étape nouvelle dans la vie d'un citoyen ou d'une citoyenne. Une personne non-malade devient malade et, qui plus est, malade chronique.

La modification des habitudes de vie, c'est à dire les prises en charge non pharmacologiques de l'HTA, alimentation, activité physique, tabagisme, dépendance à l'alcool, et cetera est un choc majeur et, indépendamment du faible niveau d'épreuves de certaines interventions, la stigmatisation des hypertendus est un danger tout comme la délivrance de messages que le patient ne pourra suivre et qui le mettront en situation d'échec et le conduiront à tout arrêter. 

La prise d'un traitement à vie modifie la perception de son propre corps par une personne lambda et lui impose des contraintes : quand prendre les médicaments, comment faire pour ne pas les oublier, que se passe-t-il si on oublie, et cetera.

Il ne faut ni banaliser ni dramatiser : ce n'est pas facile. Il est donc nécessaire de prendre le temps, plusieurs consultations,

2. Quid de l'incertitude des mesures de la pression artérielle ?

FZ a abordé le problème. 

L'effet blouse blanche est archi connu. Je n'y reviendrai pas.

Je voulais souligner l'incohérence que l'on remarque à propos des auto-mesures répétées de la pression artérielle chez un même patient (variations intra-individuelles) en dehors d'un trouble du rythme ou d'un problème technique.

Un phénomène que je n'ai lu nulle part est celui de la PA plus élevée lors des auto-mesures qu'au cabinet : effet stress ? Ainsi que des mesures rapportées par les patients où la première mesure est la plus faible des trois mesures répétées.

Anecdotique.

Sans oublier les contraintes du holter et de l'effet stress lié au port de l'appareil (qui n'est pas une condition habituelle de vie).

3. Quid du manque d'observance ?

Un des phénomènes majeurs des traitements anti-hypertenseurs est l'oubli et la non-prise des médicaments. Pas sur une seule journée mais sur une période plus longue. 

On en revient à la consultation d'annonce et aux enjeux du traitement ainsi qu'à la non stigmatisation des citoyens entrant dans l'HTA.

Des données (ICI) indiquent qu'en 2018 12 millions de Français étaient considérés comme hypertendus et que 45 % n'étaient pas contrôlés (BEH) mais surtout d'autres données indiquent de façon très étonnante et inquiétante que sur un suivi de cohorte :

  • 51,1 % des patients (1 ou 2 anti-hypertenseurs) étaient adhérents
  • 20,5 % à au moins 3 classes !

4. Qui des effets indésirables et de la qualité de vie ?

Les effets indésirables des médicaments anti-hypertenseurs, sans parler des effets graves, sont à prendre en considération dans l'évaluation et le suivi des patients. Sous-estimés ils peuvent être, au nom d'objectifs de pression artérielle atteints et surtout non atteints, la source de chutes, de mal-être, d'anxiété et de non adhérence au traitement.

On ne peut mettre sous le tapis de légers oedèmes des membres inférieurs liés aux inhibiteurs calciques et a fortiori s'ils sont importants.

On ne peut mettre sous le tapis les phénomènes d'hypotension orthostatique ou les phénomènes d'hypotension à certains moment de la journée qui induisent une gêne, une asthénie ou un malaise.

Prendre en compte la qualité de vie des patients est donc nécessaire. Comment le faire sinon par l'interrogatoire car il n'existe pas amalgame connaissance d'échelles véritablement adaptées. Y penser.

5. Quid des caractéristiques des  populations de patients ?

Les recommandations sont interprétées, modélisées en fonction de populations qui ne sont pas, pour l'essentiel, françaises, et que les adaptations sur cette population est-elle aussi interprétée et modélisée. La marge d'erreur est gigantesque.

6. Quid des possibilités socio-professionnelles, socio-éducatives, monétaires, pour changer son mode de vie ?

L'HTA est toujours secondaire (au sens qu'elle n'est pas liée à des causes "médicales") à des comportements sociaux (fumer, boire, ne pas faire d'exercice physique,...) : comment changer la société ?




En conclusion : énormes incertitudes pour les prises en charge d'une pathologie ou d'un facteur de risque cardiovasculaire qui interviennent de façon majeure sur la morbi-mortalité en France, seuls ou associés aux autres co-morbidités liées à l'âge ou non.

Retenons les recommandations simplifiées et pratiques de FZ : 

  1. PA supérieure à 140/80 mmHg : HTA :indication thérapeutique pour tous les patients
  2. PA égale à 130-140 mmHg : indication thérapeutique pour certains patients (mais certainement pas l'ensemble des catégories proposées par les auteurs)
  3. PA inférieure à 130 mmHg : absence d'HTA.
Ce n'est quand même pas de la tarte !

On ne peut que remercier Florian Zores pour ce travail de décryptage qui laisse pantois les médecins des soins primaires qui sont confrontés tous les jours au principe d'incertitude.