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vendredi 7 novembre 2025

Histoire de Santé publique sans consultation. Épisode 32. Le désarroi épistémologique des malades devant les symptômes.

René Magritte. La condition humaine (1933)


Un de mes amis, 76 ans et des brouettes, m'appelle pour me demander de l'aide.

Il a contacté son médecin traitant qui est en vacances et dont le remplaçant ne fait pas de visites.

Il voudrait que je passe l'examiner chez lui pour lui prescrire de l'Imodium. 

En fait, la téléphone/consultation m'apprend qu'il s'agit d'une gastro-entérite, l'ami se vide, sans vomissements, sans intolérance alimentaire, sans signes de gravité. Les symptômes datent de 6 heures. L'interrogatoire étiologique est peu contributif.

Il dit ne pas pouvoir se déplacer car il a peur d'avoir des fuites et envisage sérieusement et à mon grand étonnement d'aller aux urgences.

Il me précise, ce que je ne me rappelais plus, qu'il a des antécédents de colite inflammatoire avec péritonite. Je n'ai pas le dossier et cet ami et je ne suis certain de rien.

Il est évident qu'il m'est difficile par téléphone de poser mes mains sur l'abdomen du patient.

Je lui dis que je ne me déplacerai pas.

Je lui dis qu'aller aux urgences serait une connerie.

"J'aimerais bien qu'on me fasse un scanner"

Je lui dis qu'il psychote. Je tente de le rassurer, nous nous connaissons depuis de très nombreuses années bien que la vie nous ait séparés.

Je lui dis que l'Imodium n'est peut-être pas indiqué dans son cas et qu'il y a belle lurette que je n'en prescris plus. 

"Et le spasfon ?"

Blanc sur la ligne.

"Et le smecta ?"

Même blanc sur la ligne.

Mon ami, un peu énervé (et sans doute inquiet) : "Je ne comprends pas, tu es médecin et tu n'as rien à me proposer, aucun médicament..."

Je lui vais déjà donné des conseils, des conseils de bon sens, et, je l'avoue, non fondés sur les preuves, hydratation, riz, blabla.

La fin de la conversation est encore plus lunaire : "De toute façon, la dernière fois, quand j'ai fait ma péritonite, le scanner n'avait rien donné..."


Commentaires : 

Vous êtes sans doute étonné que je parle de "désarroi épistémologique" mais il s'agit bien de cela.

On a perdu toute mesure.

Mes thèmes favoris, il faut ressasser, à savoir l'idée que la médecine et les médecins (aidés par l'OMS et l'industrie pharmaceutique et des matériels), cela remonte à Knock pour fixer une limite raisonnable, ont fait passer les idées suivantes : 

  • le mythe de la bonne santé ou le silence des organes
  • tout symptôme est une anomalie de la nature et, selon le principe du Zéro Défaut ou, juridiquement de la Tolérance Zéro, il faut s'en occuper et l'annihiler
  • la notion de condition humaine disparaît sous l'influence du scientisme et du consumérisme : 
    • la douleur ou la souffrance (physique ou psychique — sur ce dernier point il faudrait une thèse de doctorat dont le titre serait "Le charlatanisme en psychiatrie") sont inacceptables scientifiquement et condamnables moralement
    • il sera un jour possible de faire disparaître la mort, l'objectif Zéro Cancer des milliardaires
    • dans l'intervalle : la mort peut être douce et sans souffrances
  • tout symptôme mérite traitement : il faut essayer, médecine académique (avec toutes les molécules et prises en charge utilisées sans preuves, plus de 50 % !), médecine non académique (de l'homéopathie à la sophrologie en passant par l'acupuncture) pour aider les patients à guérir tout seuls (maximisation de l'effet placebo)
A vos commentaires.