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jeudi 30 mars 2023

Histoire de santé publique sans consultation : diabète. 12


Via Centre Hospitalier de Mâcon.


Pour une raison que j'ignore, l'épicier me raconte qu'il est diabétique, qu'il vient de faire un "stage" à l'hôpital ***, qu'il est passé à l'insuline et qu'il a eu droit à une formation pour la gestion de son diabète. "C'était vraiment très bien mais je me suis un peu ennuyé."

Le Monsieur en question est en surpoids manifeste.

Il sait que je suis médecin, il n'y a personne dans la boutique, et il me raconte des trucs.

Je comprends qu'il se fait une injection d'insuline le soir et qu'il prend aussi des médicaments par la bouche (je n'ai pas osé demander lesquels) et qu'il a aussi "de la tension". Et qu'il mesure sa glycémie deux fois par jour qu'il note dans le carnet qu'on lui a donné à l'hôpital.

Et, dans la foulée, je lui demande, sans doute pour faire le malin, quelle était sa glycémie hier soir. Il me regarde un peu gêné. "Bah, hier soir, je ne l'ai pas prise, j'oublie parfois, et, vous savez, ça me saoule..."

Je lui dis avec tact qu'il devrait quand même mesurer la glycémie pour adapter les doses car le risque, bla-bla, d'hypoglycémie... Il en convient.

Avant de payer mes deux ou trois emplettes, je lui pose une question de plus. "Et votre hémoglobine glyquée, vous savez celle que l'on mesure tous les trois mois, elle était à combien ?" Il me regarde avec stupeur. "C'est quoi, ce truc ?" Je dois avoir également un regard stuporeux, j'ajoute, "Vous savez le truc qu'on mesure en pourcentage... - Il faudra demander à ma femme, je n'en sais rien."

Il est toujours intéressant de faire des interrogations écrites surprises.

mercredi 10 octobre 2012

Education thérapeutique à l'Hôpital Européen Georges Pompidou. Histoire de consultation 133.


Il y a deux histoires.
Je reçois samedi une femme qui consulte pour la prolongation d'un arrêt de travail, une névralgie cervico-brachiale très douloureuse qui la gêne beaucoup car elle est éducatrice spécialisée dans un établissement pour enfants handicapés, et qui me raconte ce qui est arrivé à son oncle qu'elle a retrouvé assis dans un couloir de l'HEGP (Hôpital Européen Georges Pompidou), quasiment abandonné dans son coin. Après enquête auprès du service, il n'avait pas été oublié du tout puisqu'on lui avait tout expliqué et qu'on croyait qu'il attendait sa famille qui, la méchante, n'arrivait pas. Pour la petite histoire ce patient avait été hospitalisé une grosse semaine au décours d'une défaillance cardio-rénale, il avait été déclaré sortant la veille et tout le monde pensait que c'était l'autre qui avait prévenu sa famille (qui avait fini par arriver pour la visite du soir habituelle). Ajoutons que ce patient d'origine portugaise ne parle pas un mot de français.
Madame A1, la malade avec NCB, a piqué une grosse crise à l'HEGP mais tout le monde est resté de marbre.
L'autre histoire est la suivante : Madame A2, 64 ans, présente une maladie rare et à la khon, tellement rare et à la khon que je ne vais pas la citer car on pourrait reconnaître la malade en question. Toujours est-il que Madame A2 est analphabète, parle mal le français et le comprend encore plus mal. 
Je remonte en arrière : début juillet, je reçois un courrier de l'HEGP la concernant et me rappelant à l'ordre pour une ordonnance que j'aurais faite à la patiente qui n'aurait pas tenu compte d'un courrier précédent où l'on m'annonçait que le traitement avait été changé pour le bien de la patiente. Quand j'ai reçu cette lettre j'ai pris un coup dans la figure. Je me sentais mal. Le dossier de Madame A2 est lourd. Et épais. Quant aux lettres de l'HEGP, elles sont lourdes, trois médecins différents s'occupent d'elles, l'un est parti dans un autre hôpital, un autre a changé de service, et elles sont aussi très longues en raison de l'utilisation intempestive du copier / coller qui rend leur lecture difficile tout autant que l'accumulation de détails peu pertinents. Mais ce n'est pas une raison. Je me suis senti mal.
Mais le courrier, après que j'ai vérifié, je ne l'avais pas reçu à temps pour que l'ordonnance soit modifiée avant le départ de la patiente pour le Maghreb.
Et trois mois se sont passés.
Bien entendu, la première erreur vient de ce que j'ai répété plusieurs fois à la famille de Madame A2 de ne pas la laisser venir seule au cabinet. Et la deuxième erreur : recevoir Madame A2 toute seule. Ce ne sont pas les enfants qui manquent dans la famille mais ils travaillent, ils ont des enfants, et la malade fait ce qu'elle veut, elle se pointe à la consultation libre quand elle a décidé de venir au cabinet, elle vient, et moi je la reçois car c'est toujours urgent... Quant au mari, il complique encore plus l'affaire. Il existe une concurrence entre les enfants pour être celui qui apparaîtra, aux yeux du monde, comme celui qui en fait le plus pour la maman et j'ai eu beau demander une interlocutrice unique, une des filles plutôt maligne, je n'y suis pas arrivé.
Et, après que je me suis rendu compte des circonstances de mon "erreur" je n'ai pas fait de courrier à l'HEGP pour l'expliquer, me justifier et me sentir moins coupable : je passe pour eux pour un khon de généraliste. J'en ai marre de faire des courriers qui ne servent à rien.
L'histoire continue.
Madame A2 retourne donc encore une fois à l'HEGP accompagnée cette fois d'un de ses fils, niveau Certificat d'études primaires (ça n'existe plus ? mais cela veut bien dire ce que cela veut dire, surtout de nos jours). Elle en ressort avec une ordonnance d'un mois et des conseils. Elle ne revient pas me voir et part directement pour son pays d'origine pour un petit mois. Entre temps je reçois le courrier de l'HEGP qui me précise les circonstances de la consultation, les décisions qui ont été prises et les consignes qui ont été données, je téléphone à l'une de ses filles qui me dit ne pas être au courant et me renseigne auprès du frère et fils (dont je n'avais pas le numéro de téléphone) qui n'en sait pas plus.
Le courrier de l'HEGP stipulait qu'il fallait augmenter la dose de ramipril de 1,25 mg tous les quinze jours pendant deux mois jusqu'à atteindre la dose de 10 mg en contrôlant la pression artérielle et la créatininémie qui ne doit pas varier de plus de 20 % avant chaque augmentation de dose. Le courrier indiquait aussi que la malade avait été prévenue.
Donc, le docteur spécialiste qui travaille à l'Hôpital Européen Georges Pompidou, il explique à une dame analphabète et en présence de son fils dans presque le même métal que le ramipril, et cetera, et cetera.... Et sans lettre de sortie remise immédiatement.
De qui se moque-t-on ?
Est-cela la nouvelle Education Thérapeutique avec des majuscules Partout ?
Dans le Formulaire Education Thérapeutique des Malades à qui on prescrit des doses croissantes d'inhibiteur de l'enzyme de conversion en surveillant la pression artérielle et la créatininémie en ne tolérant pas, pour cette dernière, une augmentation de plus de 20 %, le médecin docteur spécialiste avait coché les cases Oui aux questions suivantes :
- Avez-vous prescrit un IEC ?
- Avez-vous prescrit un dosage de la créatinine plasmatique tous les 15 jours pendant 2 mois ?
- Avez-vous informé le patient de la nécessité de faire mesurer la pression artérielle tous les 15 jours pendant 2 mois ?
- Avez-vous informé le patient de faire doser la créatinine sanguine tous les 15 jours pendant 2 mois en lui demandant de montrer le résultat au médecin traitant ?
- Avez-vous écrit un courrier au médecin traitant ?
Le médecin spécialiste a donc passé plus de temps à remplir des formulaires (car les 5 questions font vraisemblablement partie d'un questionnaire plus important comprenant au moins un trentaine d'items qui permettront au service de valider ses compétences en Education Thérapeutique...).

La politique des index va à l'encontre des individus.
Les patients, dans leur diversité, comptent pour du beurre.
C'est à pleurer.

(Illustration : Mannequin de réanimation ou le rêve d'une médecine sans patients pensants)

lundi 28 mars 2011

DIABETE : LA TECHNOCRATIE MEDIATIQUE EN MARCHE

Préambule : Voici le cheminement de ce post :
Je reçois la lettre d'information du docteur H Raybaud que vous pouvez consulter ICI. Parmi les têtes de chapitres, je trouve un commentaire sur le diabète qui me renvoie à un site qui s'appelle ESCULAPEPRO.COM que vous pouvez consulter ICI et dont le titre, pompeux, est Sept propositions pour faire face à l'épidémie du (sic) diabète. Article qui est lui aussi le commentaire d'un livre, Le Livre Blanc du Diabète, écrit par Alain Coulomb (ancien président de l'ANAES), Serge Halimi (endocrinologue hospitalier grenoblois) et Igor Chaskilevitch (directeur d'Edinews, une boîte de communication). Je n'ai donc pas lu le livre en question. Je commente l'article qui commente le livre. Ce n'est pas bien mais cela me suffit.

Introduction : Les technocrates à la tête des Agences Régionales de Santé (ARS) ont décidé d'appliquer les méthodes "modernes" de management à la Santé Publique. Comme ce sont des technocrates, des hauts (?) fonctionnaires et, plus fréquemment des fonctionnaires qui n'ont jamais mis les pieds dans le privé, qui ne connaissent du management que sa théorie et surtout pas sa pratique et dont l'emploi est une placardisation dorée de leur incompétence antérieure, ils osent tout et son contraire. Ils sont entrés dans une croisade néo libérale mais surtout ils s'emploient à plein temps à se médiatiser eux-mêmes et à médiatiser leurs actions sans penser une seconde qu'ils touchent à la Santé Publique qui est une structure fragile faite d'hommes et de matériels, les hommes ayant une valeur et les matériels un prix. Ces ARS sont des machins bureaucratiques dont la fonction régionale est de valoriser leurs chefs, potentats locaux qui ne risquent pas de voir arriver les forces de la coalition jusque dans son repère, mais qui sont les cache-sexe du pouvoir politique et de son bras armé dans le domaine de la Santé, à savoir la Direction Générale de la Santé de sinistre mémoire grippale. Vous remarquerez que cette fameuse DGS est épargnée par le "scandale" du Mediator, le ministre Bertrand tirant tous azimuts sauf dans sa direction et dans celle de Didier Houssin, le chirurgien aux mains nues.

Ainsi la machine bureaucratique est-elle en marche avec ses seniors, Philippe Even et Bernard Debré, ses liquidateurs, Jean-Luc Harousseau pour la HAS et Dominique Maraninchi pour l'AFSSAPS, ses contrôleurs, Frédéric Van Roekeghem et Hubert Allemand, créateurs du CAPI et de SOPHIA, ses larbins, les directeurs des ARS, ses journalistes croupions (voir La Lettre de Galilée) et ses lampistes, les anciens employés des DDAS... qui font la loi à l'hôpital comme en ville. L'hôpital, comme nous le verrons, ou plutôt les hospitaliers disent la super loi et les médecins généralistes sont encore une fois considérés comme la dernière roue du carrosse : de quoi pourraient-ils se plaindre, ils vont disparaître ?

Envisageons les 7 propositions de ce livre dont les trois auteurs résument très bien la politique de Santé Publique française : le technocrate, le patron hospitalier et le communicant.

1. Inventer pour réduire l'impact du diabète. La première phrase est assez gratinée : Il est primordial d'inventer une nouvelle offre de soins pour les 2,5 millions de patients pour lesquels l'hôpital n'est pas un passage obligé.
Le trio part donc du principe que tout diabétique doit, devra ou a dû fréquenter un hôpital ! Cela commence mal ! Et ensuite, dans une envolée sarkozyenne du plus mauvais aloi, ils parlent de façon dithyrambique des ARS, comme c'est bizarre, dont la seule fonction est de couper dans les coûts et de rationnaliser la médecine parle haut. Les ARS, grâce aux connaissances et aux expériences de terrain des professionnels de santé spécialisés dans le diabète... Qui sont-ils ? Ah oui : les diabétologues.
2. Médiatiser le diabète pour mieux le prévenir. Nous sommes en plein dans la communication pro domo. Le représentant de l'Agence de Com fait son marché ou, comme on dit, son marketing mix, en proposant des actions médiatiques qu'il facturera au prix fort en remettant une couche d'ARS et en alignant les voeux pieux comme "agir auprès des professionnels de l'agro-alimentaire". Il est possible que la médiatisation du diabète passe aussi par les publicités pour les aliments sucrés pour enfants aux heures où les enfants regardent la télévision...
3. Centrer l'organisation sur le malade et non pas sur la maladie. On touche au sublime. Après avoir convoqué les spécialistes du diabète (c'est à dire les prétendus spécialistes d'une maladie qui serait en phase épidémique, ils doivent se prendre pour l'OMS), on parle de "Projet de vie, milieu social, capacité à être autonomes, souhaits, désirs d'ordre culturels..."
Ainsi les auteurs inventent-ils le communautarisme médical : les diabétiques n'ont pas les mêmes goûts que les non diabétiques, ne lisent pas les mêmes livres, n'écoutent pas la même musique, ne regardent pas les mêmes expositions, ne zappent pas de la même façon devant leur poste de télévision... Notre trio vient d'inventer les gender studies pour diabétiques. Ouaf !
4. Améliorer la qualité de vie des malades.
Certes, comment ne pas être d'accord ? Pourquoi ne pas enfiler les perles du médicalement correct ? Et vous savez comment on améliore la qualité de vie des malades (diabétiques) ? Grâce à la télémédecine ! Je cite :"Elle devient pour le diabète un outil formidable pour prévenir l'hospitalisation." C'est tout ? C'est tout ! C'est tout pour la qualité de vie. Les auteurs ont séché. Je pourrais cependant leur souffler des idées. Ou des images. Des diabétiques en train de courir les bras en l'air dans un champ inondé de soleil en marchant sur des betteraves à sucre.
5. Orchestrer les synergies et mises en réseau des professionnels pour assurer une meilleure prise en charge des patients. Onze professionnels de santé sont cités (dont un coach sportif) et qui arrive en onzième position ? Le médecin généraliste. Vous avez envie de continuer ?
Je sens que non mais je continue quand même : pour y parvenir nos auteurs avisés proposent d'une part de renforcer les points forts de l'hôpital et d'autre part de permettre au diabétologue hospitalier ou libéral d'être au centre de l'organisation du système de soins... Et tout le reste est l'avenant.
6. Mieux former les professionnels de santé à l'éducation thérapeutique (ETP). La reconnaissance de l'ETP est une des grandes victoires des diabétologues ! Il n'y a qu'eux qui le savent. ET là, je ne peux m'empêcher, avec malice, de citer la phrase suivante qui fera plaisir aux signataires du CAPI considéré comme une avancée vers la médecine au forfait : A la ville le paiement au forfait mériterait d'être expérimenté pour les professionnels de santé qui souhaitent s'impliquer dans des actions d'ETP (après avoir été formés par les diabétologues pionniers).
7. Innover vers une recherche translationnelle et transversale commune à la majorité des maladies chroniques et explorer de nouvelles voies. Et dans ce chapitre jargonnant les auteurs arrivent à placer, comme dans un exercice de style, les mots translationnel, proximité, sciences cognitives... Pour terminer par : Les diabétologues pourraient faire des sciences cognitives leur nouveau cheval de bataille après celui de l'éducation thérapeutique.
On rêve.

Ce que je pense de cela ? Non, non et non !
Les ARS hospitalocentrisent, les ARS, spécialocentrisent, les ARS veulent recréer des réseaux qui n'ont jamais fonctionné, des réseaux hiérarchiques dirigés par l'hôpital et par les spécialistes, les ARS, forts du rapport de l'IGAS de 2006 (Améliorer la prise en charge des maladies chroniques : ICI), veulent associer l'Education Thérapeutique du Patient et le Disease Management (qui est aussi le cheval de Troie de Big Pharma) en omettant le médecin traitant (comme le rapporte fort justement et, selon moi, très maladroitement, un article de F Baudier et G Leboube : ICI). Les ARS mentent et font mentir.
Voilà une nouvelle sauce à laquelle nous allons être mangés.
celle concoctée par les diabétologues, ces diabétologues qui n'ont rien vu venir avec les glitazones, ces diabétologues qui prescrivent à tout va de nouvelles spécialités non validées, de nouvelles drogues dont le seul bénéfice est de faire maigrir les patients en baissant anecdotiquement l'HbA1C et, de toute façon, sans agir sur la morbi-mortalité.