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dimanche 23 avril 2023

Bilan médical (abrégé pour cause de norovirus) du lundi 17 au dimanche 23 avril 2023 : ordonnance de merdre, espérance de vie en IdF, DREES, Raoult, soins primaires : on liquide, contraception.




152. Un nouveau Directeur Général de la Santé a été nommé.





153. Une ordonnance pour une personne de 81 ans !

J'ai listé par ordre alphabétique les problèmes que cela pose (mais je ne suis pas certain d'y être arrivé complètement).



  • AINS chez la personne âgée
  • AINS : interactions pharmacologiques
  • Bénéfices/risques
  • Biais d'habitudes
  • Coordination des soins
  • Clientélisme
  • Délire thérapeutique
  • Evidence Based Medicine
  • Formation médicale continue
  • Gériatrie
  • Khonnerie pure et dure
  • Interactions médicamenteuses
  • Logiciel de prescription
  • Pharmacovigilance
  • Prévention quaternaire
  • Sur diagnostic
  • Sur traitement
  • Tramadol chez la personne âgée

Ah, j'ai oublié de vous dire :




154. La santé des Franciliens : 

La DREES est une source inépuisable de données. Voici, LA, sa dernière livraison sur l'état de santé des Franciliens.

  • Contre-intuitivement la régie Ile-de-France est celle de la meilleure espérance de vie
  • Le neuf trois a les moins bons résultats (vous avez 3 minutes pour nous dire pourquoi)
  • Remarquons en passant que les femmes du 93 ont une espérance de vie à la naissance plus élevée que les hommes de la région et dans n'importe quel département !
  • Le covid a eu un impact très fort sur l'espérance de vie (mais il me semble urgent d'attendre pour en tirer des conclusions définitives)
  • Le différentiel d'espérance de vie entre hommes et femmes se réduit mais pour une mauvaise raison : c'est leur espérance de vie qui baisse.

Je reprends une infographie parue dans le journal Le Parisien (ICI, sur abonnement) et qui nous est fournie par un de ses journalistes @nicolasberrod (LA) : 


155. Le non recours aux prestations sociales est lié à un manque d'informations. La DREES.

On le savait mais ça va mieux en le disant.


Vous pouvez lire le résumé et le rapport complet ICI


155 Bis : Iggy Pop avait des infos.


Iggy Pop né le 21 avril 1947
Encore un défi à la Santé publique

155 ter. Pas Notorious B.I.G (1972-1997)

ICI


156. La corruption à la Raoult : c'est la Provence qui en parle le mieux.


                                                                    Source : La Provence ICI

C'est ICI.

Articles passionnants et au scalpel par Sophie Manelli et Alexandra Ducamp.


157. Les futurs centres de santé alaRamsey, c'est la corruption qui en parle le mieux.

Il est désormais probable que la médecine libérale traditionnelle des soins primaires disparaisse sous les assauts répétés et non coordonnés, ne tombons pas dans le complotisme, invoquons simplement la bêtise pure et simple, de : 

  • L'Assurance-maladie elle-même qui impose des normes non applicables à des médecins généralistes libéraux débordés de travail et qui assujettissent d'éventuelles augmentations de chiffre d'affaire à des mesures qui n'ont fait nulle par la preuve de leur efficacité et qui dénotent une incapacité comprendre où sont les problèmes et comment les résoudre.
  • Les Agences Régionales de Santé qui ont décidé de ne faire que de la communication institutionnelle, en déprofessionnalisant le soin, c'est à dire en prenant sans médecins des décisions concernant les médecins, sans infirmières libérales des décisions concernant les infirmières libérales, sans kinésithérapeutes des décisions concernant les kinésithérapeutes, sans orthophonistes, bla-bla, sans orthoptistes, bla-bla, sans assistantes sociales, bla-bla, et en ne se donnant pas les moyens de contrôler lesdits établissements de soin, qu'il s'agisse des hôpitaux, des cliniques ou des EHPAD ou en y envoyant des anciens du rayon tomates de chez Auchan ou des nouveaux diplômés dont la formation est réduite à une carte du parti macronien... 
  • L'hôpital public (et je ne fais aucune différence entre les directeurs administratifs et les médecins, les autres membres de l'hôpital public, et le petit personnel commence rapidement pour les 2 groupes précédents, n'ayant strictement aucun pouvoir) qui déconne depuis des décennies pas seulement par manque d'argent (je répète inlassablement que la France est le deuxième pays de l'OCDE pour les dépenses hospitalières) qui ne pose jamais aucune question sur lui-même (donnez l'argent on va tout régler) et qui rend coupable ces médiocres de MG libéraux, ces coolies qui, en plus de travailler plus de 50 heures par semaine, ne font pas de gardes, ne viennent pas aider les hôpitaux, gagner aussi de l'argent : l'hospitalocentrisme est la maladie infantile la Santé publique.
  • Les associations de patients qui considèrent les MG libéraux comme des parasites et qui veulent tout, tout de suite, une angine, une fracture, ou un infarctus...
  • Je continue ?

Pour en revenir à notre propos initial, la corruption, il faut bien appeler les choses par leur nom, voici un article saisissant et éclairant sur le COSEM : LA.

Cette organisation des soins, c'est la santé de demain : 

  • Un symptôme = une urgence
  • Un symptôme = un examen complémentaire (deux ou trois, ce sera mieux)
  • Un symptôme = un traitement

Vous aurez des centres de santé avec : 

  • des MG salariés payés pour effectuer 35 heures
  • des examens complémentaires pratiqués dans les laboratoires du Centre, les Centres de radiologie du Centre
  • des adressages vers les spécialistes d'organes du Centre
  • des traitements effectués dans des cliniques du Centre
  • ad libitum. 




158. La médecine générale, c'est l'Académie de médecine qui en parle le mieux (?).

L'Académie de médecine, c'est à la fois le cimetière des éléphants, les boeufs-carottes, et l'auberge espagnole : on peut y faire du cherry-picking (la cueillette des cerises) quand une décision ou un avis qu'Elle a émis nous plaît ou nous plaît pas.

Voir LA pour la réforme de la médecine générale.

Aucun intérêt.

On peut y retrouver tous les poncifs sur la médecine générale émanant de personnes qui l'ont toujours méprisée ontologiquement et défendu pour faire bien.

Une lecture d'un derrière distrait n'est même pas recommandé.

A-t-on jamais vu une société savante de médecine générale parler de la réforme de l'hôpital ou de l'Académie de médecins ? 



159. Comment changer de contraception.

Via @DocArnica

La technique du chevauchement


Il y avait matière à autant de numéros.
Je ne veux pas lasser.

dimanche 16 avril 2017

Est-ce au médecin (généraliste) de choisir ce que doit lui dire le consultant ?


J'ai lu l'autre jour le tweet d'un médecin généraliste qui trépignait d'acquiescement en vantant une affichette telle que celle que je vous montre ci-dessus et qui était apposée sur la porte d'une salle d'attente à destination de patients (anglais) consultant en médecine générale : "Un problème par consultation. S'il vous plaît."


Cette affiche est, selon moi, la négation de la médecine générale. 
Mais, et certains s'en souviendront peut-être, je n'ai pas toujours pensé comme cela : je me laissais sans doute emporter par la colère, par le mainstream des idées faciles, par mon paternalisme et... par l'encombrement des consultations...

Examinons l'affaire.

La médecine générale est une médecine de premier recours. Mais pas que.
Ce n'est pas au médecin de choisir le ou les motifs de consultation des patients (ou des non patients).
Il est possible (et souhaitable) que ce soit le médecin qui détermine la hiérarchie des priorités : un infarctus versus un rhume.

Tout le monde connaît cette histoire de consultation : Un.e dame.monsieur vient pour a) le renouvellement de ses médicaments, b) un (petit) rhume, c) une verrue et, en fin de consultation, la main sur la poignée de la porte : "Jai mal au mollet". Et c'est finalement une phlébite...

Chaque consultation de médecine générale est unique (même ceux qui parlent de bobologie le comprendront) et dans les réunions de groupes de pairs, les cas les plus banals sont souvent ceux qui entraînent le plus loin dans le coeur du métier.

Quand un patient consulte pour un "renouvellement", ce renouvellement comporte plusieurs sous motifs : faudrait-il les scinder ?

Dans le cadre d'un suivi longitudinal (diachronique selon la vulgate universitaire un peu péteuse) le praticien, en accord avec son consultant, peut décider d'aborder lors de consultations successives des problèmes qui peuvent être considérés comme distincts : prévention du cancer du col et/ou régime hypocalorique et/ou autokinésithérapie pour lombalgies.

Lors d'une consultation unique il est aussi possible de faire le point sur les différentes pathologies suivies afin de fournir au consultant une vision cohérente de son état de santé : plusieurs motifs, plusieurs problèmes (et vision synchronique pour les péteux).

Je m'arrête là. La médecine générale peut et doit avoir une vision holistique (terme très péteux également) des patients mais il faut se méfier de cette vision globalisante qui a tendance à faire du tout médical et à médicaliser la santé.

Cette affiche issue du NHS dont tout le monde dit du mal en dehors du Royaume-Uni mais que  Margareth McCartney défend bec et ongles (en voulant le transformer) dans son dernier livre "The state of Medicine" et où elle écrit que tout le monde envie le NHS -!-) est une affiche économique.



C'est une vision économique de la médecine comme j'ai une vision économique dans mon propre cabinet avec des rendez-vous tous les quart d'heure qui sont un compromis entre les attentes des consultants, les représentations collectives de la santé (péteux), le prix de la consultation, mes charges et mes besoins...

Donc, pour des raisons fonctionnelles (et économiques), le système choisit ce que le consultant doit et a le droit de raconter pendant la consultation.

Oups.

On pourrait dire également : le médecin, sous couvert des contraintes du système, choisit ce que le consultant doit et a le droit de raconter en consultation. On est loin de la décision partagée. Les associations de patients pourraient parler, à juste titre, d'abus de pouvoir.

Nous sommes en plein paradoxe : les médecins veulent tout médicaliser, s'étonnent que les consultants les prennent au pied de la lettre, s'arqueboutent sur le pouvoir médical mais voudraient que les consultants hiérarchisent eux-mêmes leurs plaintes dans une démarche économique et consumériste (le principe des marketeurs influençant les industriels est : à un besoin ou à une indication correspond un produit ; l'exception étant Minimir, les vendeurs ont des ruses infinies, qui est multi usages et pas cher : une métaphore du médecin généraliste ?).




Le consultant consulte pour des raisons qui lui échappent parfois et qui échappent parfois aussi au consulté.

Il semblerait donc que le rapport temps/bénéfices soit au centre de notre sujet.

Je rappelle qu'en moyenne une consultation de médecine générale dans le NHS anglais dure 7 minutes et que le temps réel en France est de moins de 15 minutes.

Commentaire des gens qui critiquent le système anglais parce qu'il n'est pas assez libéral mais qui en retiennent des aspects positifs (la rémunération)  : "Oh là là, le nul, il ne sait pas que dans le système du NHS, il y a une nurse qui  note des éléments administratifs, prend la tension, et cetera, avant que le docteur n'examine le patient. Ce qui explique le faible temps de consultation." Je rappelle aussi que les médecins généralistes anglo-gallois voient en moyenne 50 à 60 patients par jour !

Une patiente me disait par ailleurs l'autre jour que chez son pédiaaaaaaatre, une assistante (secrétaire ? infirmière ? puericultrice ? jeune fille au pair ?) déshabillait l'enfant, le pesait et le mesurait avant que le docteur n'intervienne. Elle trouvait ça bien, elle m'a même dit "c'est classe".

Mouais.

Je vais caricaturer : 

La médecine générale est la médecine de l'individu malade (ou non) et non une médecine de motifs séparés (j'ajouterai : de pathologies déjà constituées). Je pourrais développer mais j'aurais peur de me répéter sur l'originalité de la médecine générale et sur ses manques (cela fait environ 800 billets de blog).

Bel articulet de Margareth McCartney sur le sujet initial (un problème, une consultation) que j'ai trouvé en picorant sur le web : ICI.

((je lisais l'autre jour un compte rendu d'hospitalisation d'une de mes patientes -- d'origine africaine-- suivie depuis trois ans dans un service parisien huppé de rhumatologie, et je ne comprenais strictement rien. J'ai seulement compris que le diagnostic de Polyarthrite Rhumatoïde avait été fait depuis belle lurette mais qu'on cherchait pourquoi la patiente ne répondait pas aux traitements proposés (tout en, la méchante, faire plein d'effets indésirables gênants). Le jargon était diafoiresque mais la patiente n'allait pas mieux. J'avais souligné dans le premier courrier d'adressage que j'avais remarqué l'incidence curieuse de pathologies rhumatologiques complexes chez mes patientes d'origine africaine et le chef de service m'avait gentiment répondu sur le sujet sans me donner d'explications -- que vous imaginez : la polyartrite rhumatoïde était un diagnostic négligé en Afrique, la dépaysement qui fait que les gens nés en France finissent par "attraper" des maladies françaises,  et, bien entendu les réactions immunitaires...))


Prendre la pression artérielle est un geste médical (que l'on peut déléguer, que l'on doit parfois déléguer à des non médecins, mais surtout aux patients eux-mêmes) dont les conséquences sont majeures. Une étude a montré que plus on répétait la prise de la pression artérielle en cabinet de consultation et plus les patients, au fil des ans, était traité par un nombre toujours plus important de médicaments anti hypertenseurs.

Déhabiller un enfant ou le faire déshabiller par la maman ou le papa ou les deux est un moment très important de la consultation et ce d'autant que les enfants sont petits. Quand je touche et parle à l'enfant que je mets à nu, j'ai une relation particulière avec lui et les questions que je lui pose, les propos que je lui tiens, fût-il un nourrisson, sont toujours fructueuses. Mon examen clinique, j'exagère, et mon examen social, et sociétal est pratiquement terminé (quand il n'y a pas de problèmes) après ce déshabillage. J'exagère bien entendu. Ah, au fait, l'enfant, combien de motifs de consultations ?

C'est tout pour aujourd'hui.


vendredi 13 mars 2015

Je n'irai pas travailler le dimanche 15 mars. LOL. (Quelques raisons) d'aller à Denfert-Rochereau.

Pierre Laroque : 1907 - 1997. Fondateur de la Sécurité sociale.

Je vais aller dimanche 15 mars 2015 manifester contre la loi de santé.

Je manifesterai pour montrer que je ne suis pas content.

Je vous ai déjà expliqué en préambule contre qui et avec qui je vais défiler (LA).


Voici (LA) sur le site officiel du gouvernement le justificatif, je dirais, en termes marketing, l'accroche de cette loi.

Notre système de santé est performant mais inéquitable, c'est pourquoi il est indispensable de le refonder. La loi de santé s'articule autour de trois axes : prévenir avant d’avoir à guérir, faciliter la santé au quotidien et innover pour consolider l'excellence de notre système de santé.

Ce préambule est à la fois un tissu de mensonges et un programme atterrant de santé publique quand on connaît les tenants et les aboutissants de tout cela (corruption, fraude, concussion, sur diagnostics, sur traitements, dépistages sauvages, prévention inexistante, prises illégales d'intérêts, pots de vin, et j'en passe).

Pour ce qui est du projet lui-même, vous le trouverez ICI.

Je fermerai donc mon cabinet ce dimanche (j'ajoute qu'il est fermé tous les dimanches pour ceux qui n'auraient pas compris).

A l'origine il y avait trois raisons essentielles pour que je refuse cette loi de santé.

Je vous les expose : 
  1. Le Tiers-Payant Généralisé. Je suis contre pour des raisons purement administratives car je ne veux pas que ma secrétaire passe son temps à récupérer des impayés ou à ne pas récupérer des impayés (je ne parle donc pas des médecins qui n'ont pas de secrétariat ou un secrétariat à mi-temps... la double peine pour eux...), je refuse cette mesure "socialiste" qui est un chiffon idéologique sur lequel est inscrit le slogan "Accès aux soins pour tout le monde" pour faire passer le reste, à savoir et surtout le fait que la médecine générale est considérée comme de la merdre en barre par des décideurs qui, ne sachant pas ce que c'est que de prendre un rendez-vous chez leur médecin traitant, pensent que les pauvres en sont privés. Pour le reste, les arguments à la khon sur le patient doit payer de sa poche, il faut responsabiliser le patient, cela va augmenter le nombre d'actes, tout ce qui est gratuit ne vaut rien, c'est du flan intégral et des arguments d'hypocrites. Les médecins et les patients sont irresponsables et on le sait depuis longtemps, les médecins en prescrivant tout et n'importe quoi à des malades (ce serait un moinre mal, à des citoyens) qui sont heureux de profiter du système par tous les bouts avec la complicité des premiers. Les médecins et les patients, dans une grande danse effrénée, font du consumérisme à tout va et participent au gâchis généralisé des ressources sans que l'on ressente la moindre amélioration sur la satisfaction de tout le monde et sur l'amélioration des indices de santé publique. L'autre argument selon lequel les honoraires ne vont plus dépendre que d'un tiers qui ne serait pas le patient pourrait effectivement être recevable si cela n'était pas déjà le cas pour environ 70 % d'entre eux... Encore qu'au bout du compte, ce soient quand même les  cotaisations qui règlent tout cela (sans compter le déficit chronique des comptes publics). Non, le problème est administratif, la multiplicité des payeurs (et la multiplicité des régimes, vache sacrée de la République), l'absence de guichet unique, et les difficultés que vont entraîner le paiement d'actes déjà insuffisamment rémunérés. Je serai donc pour quand les problèmes de paiement seront résolus, ce qui n'arrivera jamais.
  2. Les réseaux de soin organisés par les mutuelles. Je suis contre. "La loi permet donc la mise en place de réseaux de soins et autorise les mutuelles à conclure des conventions avec certains professionnels de santé, les assurés pouvant bénéficier de tarifs moins élevés et de meilleurs remboursements." Voir ICI. Nous nageons en plein délire. Les assurés des mutuelles qui, en théorie, n'avancent pas d'argent pour des examens complémentaires, vont payer moins cher. Et c'est la mutuelle qui va choisir pour le médecin traitant quels seront les médecins et les endroits où ils pourront adresser les patients. C'est la générication de la santé et de l'adressage aux spécialistes d'organes. Comment les choix seront-ils faits ? Sur quels arguments ? Sur l'épaisseur de la moquette ? Sur le nombre (non déclaré) d'infections nosocomiales ? Sur le classement du journal Le Point ? Mais il est possible également que le parcours de soin passe à la trappe : les assurés (vous avez remarqué que je n'ai parlé ni de citoyens ni de patients) liront que le docteur X est agréé Mutuelle Machin et il ira le voir in petto.  J'ai toujours été contre les réseaux de soins ou plutôt contre les soins en réseaux (voir ICI) parce que j'ai toujours pensé qu'il s'agissait de l'exportation hors les murs des pratiques et des diktats hospitaliers. Et dans ce cas il n'y avait pas d'intervenants extérieurs au monde médical. On va passer du disease-management CPAM (les khonneries à la Sophia dont l'inanité et l'inutilité sont évidentes et ont été montrées ICI par exemple) au disease-management mutualiste étendu au delà des pathologies chroniques (voir LA pour des informations en français sur le modèle). La loi de santé va formaliser dans le mauvais sens, celui du choix des non médecins (Guillaume Sarkozy, impudent capitaine de mutuelle, par exemple) pour les médecins et pour les patients. Au lieu d'un système de soins centré sur les patients (patient-centered care) cela deviendra un système de soins centré sur les mutuelles qui ne représentent que l'AMC dans le remboursement, c'est à dire très peu, et qui gèreront les choix des médecins. Le monde à l'envers. C'est ce que les Anglo-Saxons appelleraient le stakeholder-centered care. Une abomination.
  3. Le pouvoir des ARS. Désormais les ARS auront les pleins pouvoirs, aidés en cela par la représentation nationale, pour décider de l'implantation des médecins généralistes, pas des spécialistes d'organes qui sont de grandes personnes, mais aussi pour décider de l'implantation des services, des IRM (voir LA) et le reste. La rationnalisation de l'offre de soins est évidemment un objectif louable car ne rien faire signifierait laisser le marché s'auto-réguler, ce qui est une imposture libérale bien connue. Mais les ARS sont les instruments du pouvoir politique, pas les acteurs des politiques de santé, il y a bien des comités de pilotage mais ce sont des comités croupions, le décisions étant prises auparavant. Les ARS, en outre, sont un repaire d'incapables qu'il a fallu recaser à la suite des regroupements multiples, salaires élevés, postes irresponsables, incompétence notoire, voitures de fonction et appartements dans le même genre, après le démantèlement de différentes structures antérieures (comme l'ASE par exemple). On ne peut faire confiance à ces profiteurs ignares du système qui ne connaissent rien à la santé mais qui, forts des modèles économiques extérieurs, et de leurs lectures hâtives sur des expériences étrangères, se posent en experts de la réorganisation des territoires, des coeurs et des reins.
En réalité, il y a bien d'autres raisons, vous vous en doutez. Les énumérer serait fastidieux mais ferait aussi oublier qu'il nous faut d'abord proposer et ensuite négocier. Il ne faut pas que cette manifestation soit un catalogue de récriminations mais un catalogue de propositions.

Comment réécrire la Loi Santé ? J'entends bien les slogans "No Négos" mais est-ce bien raisonnable alors que le corps médical et les professions de santé en général tirent à hue et à dia dans des directions parfois opposées ? Quel est le point commun entre le médecin généraliste salarié qui travaille à mi-temps ou à temps partiel en PMI et le radiologue interventionnel qui travaille dans plusieurs cliniques à la fois ? Quel est le point commun entre le médecin généraliste rural qui fait lui-même les points de suture et le médecin généraliste urbain dont le SAMU est distant de quelques minutes ? Quel est le point commun entre l'ophtalmologiste libéral en secteur 2 et le psychiatre libéral en secteur 1 ? Mais je pourrais multiplier les exemples à l'infini. Dire que la FHF (Fédération Hospitalière de France) ne cesse de casser du sucre sur les libéraux qui seraient à l'origine de l'engorgement des urgences, dire que le toujours médiatique Patrick Pelloux, dire que les cliniques privées sont déjà sous la coupe des fonds de pension, dire que les mutuelles, dire que... Si je voulais faire de la démagogie je dirais que le seul point commun c'est le patient. Mais où est le patient ? Est-il visible ? Ou n'est-il qu'un enjeu économique et de pouvoir de plus ? Ou n'est-il qu'un instrument au service de tous ?

Le slogan "No Négos" est un slogan creux car les grandes avancées sociales (il en est même qui souhaitent des accords de Grenelle...) ont été obtenues, certes par la revendication, mais, plus encore, par la négociation.

Quant aux états-généraux de la médecine proposés par d'autres ou les mêmes, ceux qui ne sont pas capables de lire la lettre d'un correspondant jusqu'au bout ou d'écouter leur patient jusqu'au bout de ses plaintes, ils voudraient une grande messe, j'imagine le bordel, et on pourrait réunir ce petit monde jusqu'à la fin de la présence de médecins généralistes authentiques dans le paysage médical français, que certains se battraient encore pour être sur la photo.

Car la plus grosse urgence, c'est la disparition programmée de la médecine générale et de certaines spécialités.

Où sont les propositions pour que la médecine générale ne disparaissent pas ? Où sont les propositions pour que plus de 17 % de médecins généralistes formés s'installent en libéral ? A part le C à 50 euro ?

Nous le verrons la prochaine fois.

Illustration : Pierre Laroque (voir ICI pour quelques éléments le concernant).

jeudi 12 mars 2015

Je n'irai pas au cabinet le dimanche 15 mars (LOL) et je serai à Denfert. Préambule.


Je vais aller dimanche manifester contre la loi de santé que vous pouvez consulter ICI mais j'ai hésité et j'hésite encore.

Préambule.

Cela fait au moins trois siècles et demi que je ne suis pas descendu dans la rue. J'ai été immunisé dans les années soixante et soixante-dix contre les mouvements de foule protestataires qui étaient surtout des selfies (pardon pour l'anachronisme) politico-moraux.

Parce que je ne suis pas content du tour général pris par la santé publique en France (désolé pour la grandiloquence).

Le problème vient de ce que je vais manifester (avec) beucoup de gens que je n'aime pas ou que je voudrais pas fréquenter professionnellement. Je pourrais les citer en détail et énumérer les erreurs qu'ils ont commises dans la gestion de nos métiers mais à quoi bon ressasser et à quoi bon me faire penser à mes propres insuffisances, à mon désengagement progressif lié à ma divergence presque totale vis à vis de la pensée ou des pensées dominantes dans mon milieu professionnel ? Car je suis autant coupable que les dirigeants syndicaux qui ont pactisé avec le diable depuis une quarantaine d'années : je les ai laissé faire.
Je vais (aussi) manifester avec des gens qui croient pouvoir réinventer le monde (à défaut de pouvoir le réenchanter) en faisant des propositions irréelles, irréalistes, corporatistes, et, pour tout dire, démagogiques (le C à 50 euro par exemple, comme il y a quelques années les communistes voulaient doubler le smic, bla bla bla) et qui croient, les braves gens, à l'autorégulation d'une profession qui n'a jamais su se penser. ces libéraux devraient se rappeler Adam-Smith et d'autres qui pensaient que le prix des choses reflétait ce qu'elles valaient réellement. Peut-être que le contenu de nos C "vaut" 23 euro. Peut-être.
Je vais aussi manifester avec des confrères et consoeurs qui se rendent compte que le monde les a dépassés, que la société n'a plus besoin d'eux en tant qu'experts ou que professionnels ou qu'artisans du corps humain mais qu'elle est en train de les utiliser pour assouvir ses rêves eschatologiques de vie éternelle, d'existence sans douleurs, de soumission des désirs à la technique, de division de la conscience sans réflexion éthique, d'asservissement du corps humain au bien être intégral...


Les mêmes confrères et consoeurs qui investissent dans les fonds de pension s'étonnent que des fonds de pension investissent dans la médecine (et notamment dans les médicaments, les matériels et... les cliniques privées). Les mêmes qui sont libéraux dans leurs pratiques bancaires, patrimoniales ou fiscales s'insurgent contre la financiarisation de leur métier.

Le problème vient de ce que je vais (aussi) manifester contre des gens qui sont les instruments serviles de la mondialisation de la médecine et qui, au lieu de réfléchir aux adaptations qui pourraient permettre de rendre le système plus acceptable, croient que la seule façon d'être moderne c'est de céder aux sirènes du libéralisme. Le changement de ministre de la santé (et il faut dire que notre ministre de la santé est particulièrement inadaptée à l'empathie, à la réflexion, au dialogue et à la compréhension) ne produirait rien de bien nouveau car la mondialisation est actée dans nos métiers et parce que les fonctionnaires de l'Etat, qu'ils soient de gauche ou de droite, sont paralysés par l'envie de bien faire, c'est à dire de faire entrer définitivement la médecine dans l'ère post moderne : financiarisation, paiement à la performance, normalisation des pratiques, consumérisme, médicalisation complète de la société, hyperspécialisation (alias taylorisation) des médecins, patients en batterie comme dans les fermes industrielles, protocolisation des soins, corruption généralisée depuis les décideurs jusqu'aux professionnels de santé de base, et cetera. Sans oublier le rêve des big data qui pourraient améliorer la santé en divulguant les données individuelles de chacun pour le bien être de l'humanité tout entière. Sans oublier le rêve génétique de la médecine individuelle, une vaste arnaque...

L'évolution mondiale de la médecine est celui de l'industrie dans les années soixante-dix et il va y avoir de la casse. 
Cela vaut-il donc le coup de manifester ?
Je suis parmi les défenseurs de la médecine générale, celle dont tout le monde se fout mais qui fait l'objet de déclarations enflammées et sans suite, et que faut-il pour que le système de santé résiste ? Des artisans, des petits entrepreneurs, des artistes de la relation médecin patient ou médecin malade, des indépendants... mais aussi des hommes et des femmes qui sont conscients qu'ils ne sont plus de ce monde.
C'est la médecine générale qui sauvera le système mais une médecine générale fière, inventive, libre, propositionnelle.


Je vais manifester dimanche (je ne sais d'ailleurs pas sous quelle bannière car j'ai compris que personne ne se mélangerait, que chaque syndicat comptera ses troupes, chaque groupe de pression aura son coin, chaque métier, même) mais je sais que le rouleau compresseur de la mondialisation est en train d'écraser l'artisanat de nos cabinets. Je me ferai écraser par les chenilles des chars mais j'aurais été là.

Inutile ? Sans doute pas si les négociateurs négocient.

Cela dit, et pour conclure ce préambule par une note plus optimiste : il est donc nécessaire de négocier, de négocier pied à pied, de négocier chaque détail, chaque point, chaque virgule, pour que les technocrates "modernes" et libéraux plient sur un certain nombre de points .

Pour finir, je vous proposerai dans les deux jours qui viennent deux chapitres importants : les "vraies" raisons de ma manifestation (LA) et "mes" modestes propositions pour améliorer le système.

A bientôt.

jeudi 24 janvier 2013

Faut-il faire signer un serment au patient ? Non.


L'écho récemment fait à la lettre d'un médecin généraliste répondant à la lettre d'une citoyenne qui se plaignait de ne pas pouvoir trouver de médecin a suscité des réactions diverses. La Charente Libre a intitulé cela "Lettre d'un médecin agacé par ses patients désinvoltes." ICI

Voyons le texte de ce médecin dont l'objet était de faire signer un "serment" aux patients qui aurait été le pendant du serment d'Hippocrate.

Madame, sensible à votre rappel de notre serment d’Hippocrate, à mon tour de vous proposer un serment du patient, encore en projet il est vrai: Je jure de ne pas insulter mon médecin s’il refuse de marquer sur l’ordonnance «non substituable», ni s’il ne marque pas l’antibiotique tant désiré et recommandé chaudement par ma voisine, victime d’un rhume atroce. Je promets de ne pas claquer la porte et d’aller voir le médecin voisin si mon médecin refuse ma demande d’arrêt de travail pour ce même rhume…Je m’engage à venir honorer de ma présence le rendez-vous pris (au pire d’avoir la politesse de l’annuler avant si je dois partir absolument faire mes courses avant que cela ferme…), de ne pas demander à mon médecin, pendant ce même rendez-vous, de voir mes deux gamins qui ont chopé ce même rhume et qui ne peuvent souffrir un autre rendez-vous.
Je ne ferai jamais la remarque «encore en vacances!» à mon médecin qui vient d’afficher dans sa salle d’attente sa semaine de congés annuels. Je ne lui reprocherai pas sa demande d’honoraires pour les interminables certificats que je lui demande, et souvent le samedi matin en urgence….
Je me déplacerai chez lui, grâce aux mêmes moyens que j’utilise pour aller chez le coiffeur, à la foire, au supermarché ou au repas du village, pour le consulter, surtout pour le renouvellement d’ordonnance ou le fameux certificat urgent.
Je demanderai un rendez-vous dans des heures acceptables par nous tous, surtout si je suis à la retraite, ou que je dispose de récupérations d’heures de travail, et éviterai ainsi le refus du rendez-vous du samedi 11h… J’en passe et des meilleures...
Alors je pense, chacun fier de son serment à honorer, qu’il sera possible de trouver un rendez-vous pour une relation basée sur le respect mutuel.
Je termine par cette fameuse «quête de confort de vie professionnelle» si chère à cette seule et rare espèce qu’est devenu le médecin traitant. Elle est souvent et seulement réduite à une quête de vie, vie qui serait jugée intolérable pour eux-mêmes par plus de 90% de mes patients…
PS: J’ai refusé ce matin même une demande de rendez-vous d’une patiente qui me téléphone à 7h10 (on peut me joindre de 7h du matin à 20h), pour qui ma proposition de rendez-vous à 9h, puis à 18h, puis sans rendez-vous à 14h ne convenait pas, elle préférait 19h30 au plus tôt). Elle viendra demain matin à 7h30, car pour une fois que je ne suis pas de garde ou en formation professionnelle, je pense sortir manger en famille demain soir, chose que je n’ai pas faite depuis une semaine!»

Cette lettre est probablement un témoignage de la souffrance de ce médecin.
Souffrance de vivre dans une société qui ne le considère pas comme un chaman omniscient.
Souffrance d'un homme qui a besoin de reconnaissance.
Souffrance d'un homme qui a besoin de s'exposer pour justifier sa souffrance.
Souffrance d'un homme qui aimerait qu'on l'aime et qu'on le respecte.
Mais je peux me tromper.
Ce médecin en a assez.
Ce médecin devrait changer ses horaires.
Ce médecin devrait changer sa façon de fonctionner.
Ce médecin devrait s'interroger sur sa souffrance au travail.
Sinon, à moins que cela ne soit qu'une posture, il va droit dans le mur.
Dernier point : cette lettre agacée est quand même, par quelque bout qu'on la prenne, une manifestation de paternalisme médical...

Je me plains également.
Il m'arrive même de me laisser aller à être désagréable en cas de certaines demandes indues.
Mais, c'est peut-être dû à mon lieu d'installation, je suis un privilégié (j'entends déjà les confrères me traitant d'esclave content de son sort, d'exploité heureux ou d'aliéné du travail, je connais les arguments) et mes patients ont le plus souvent (95 % des cas ?) des revenus plus faibles que les miens, des boulots peu intéressants, non choisis et / ou répétitifs, des horaires peu enviables, le travail en équipe, des mi-temps non voulus, le chômage partiel, le chômage total, des difficultés financières, des difficultés psychologiques, les deux en même temps, des problèmes culturels (analphabétisme, mauvaise compréhension du français), un environnement difficile (des HLM bruyants, des halls d'immeuble occupés toute la nuit, des dealers au coin de la rue, des écoles de merdre, des collèges de merdre, des lycées de merdre, des rues peu sûres après une certaine heure...), des fins de mois compliquées, des formations foireuses, et cetera.
Je suis un privilégié qui gagne bien sa vie (oui, oui, je le dis), qui sait lire et écrire, qui s'exprime, qui lit des livres, qui voyage beaucoup, qui mange en famille. Je m'arrête là, je ne voudrais pas faire de l'exposition gratuite.

Donc, si j'avais une information à donner aux patients, ce serait ceci.

L'économie de ce cabinet médical composé de deux médecins et d'une secrétaire est fondée sur la consultation des patients. Une consultation signifie un paiement qu'il soit direct (espèces, chèque, carte bancaire) ou différé (dans le cas du tiers-payant partiel ou total) qui permet de disposer de locaux accueillants et de matériel médical adapté et de proposer des services utiles, dont l'adressage à des confrères. 

Nous sommes ouverts du lundi 8 heures au samedi 15 heures.
Vous pouvez consulter sur rendez-vous et en accès libre (voir les horaires).
En dehors de ces horaires vous pouvez appeler le 15.

Le fonctionnement idéal de ce cabinet repose sur un temps moyen de consultation de 15 minutes. Mais il s'agit d'une moyenne. Les visites à domicile sont le plus souvent inutiles sauf dans le cas des personnes très âgées et en cas d'urgence absolue. Mais nous tentons de les les assurer.

Nous essayons d'assurer la prise en charge des affections aiguës et a fortiori des urgences dans un délai raisonnable.
Prendre un rendez-vous exige un engagement réciproque entre un médecin qui tente de recevoir le patient à l'heure et un patient qui arrive à l'heure et qui prévient s'il ne vient pas. Un rendez-vous correspond à un patient, pas à deux ou à trois, l'allongement du temps de consultation qui en résulterait entraînerait des retards qui pénaliseraient les autres patients et le médecin.

La médecine générale consiste à prendre en charge des patients de façon globale en tenant compte de leurs plaintes et de leurs symptômes mais aussi de leurs environnements familial et professionnel qui peuvent influer sur leur état de santé.  

Un médecin généraliste est capable de prendre en charge, par exemple, une affection ORL aiguë (une otite), une affection dermatologique chronique (des verrues) et une pathologie cardiovasculaire chronique (suivi d'une hypertension). Mais pas dans le cadre d'un même rendez-vous de consultation de médecin généraliste qui aurait nécessité séparément une consultation chez un ORL,  une consultation chez un dermatologue et une consultation chez un cardiologue, soit, au moins le triple de temps de consultation. 

En revanche, le médecin traitant est le plus capable d'envisager efficacement et sans danger le traitement d'une otite aiguë en tenant compte du traitement anti hypertenseur et des autres traitements en cours, des allergies éventuelles et des valeurs et préférences du patient.

Cela dit, le médecin généraliste ne sait pas tout et il peut (et doit) adresser certains patients chez un confrère pour avoir un avis ou un conseil, pour effectuer un geste technique qu'il ne peut ou ne sait pas faire mais toujours dans le but d'améliorer la prise en charge du patient et toujours en accord avec lui. Le médecin généraliste dispose pour ce faire d'un carnet d'adresse pour décider d'envoyer tel ou tel patient chez tel ou tel confrère. Ce carnet d'adresse est fondé sur la confiance et l'expérience mais le patient peut avoir des préférences. 

Le point particulier des certificats médicaux : ils sont une plaie administrative et, le plus souvent, ne sont pas justifiés médicalement. Nous savons que le patient n'y est le plus souvent pour rien, que c'est une demande d'un club de sports, d'une crèche, d'une école, mais il s'agit d'un acte à part entière puisqu'il engage la responsabilité médicale et administrative du médecin.
Les certificats médicaux demandés pour obtenir une invalidité, une aide personnalisée (handicap, âge) ou pour entrer dans un établissement de soins sont longs à remplir et exigent une consultation complète et parfois plus longue que les quinze minutes habituelles. D'une part, parce qu'ils engagent l'avenir du patient (médical, professionnel, de vie), d'autre part parce qu'ils permettent de faire le point sur l'état du patient... 

Merci de prendre en compte tous ces éléments qui vous permettront de ne pas attendre quand vous avez rendez-vous et de consulter un médecin de notre cabinet en cas de semi urgence ou d'urgence dans les meilleures conditions de temps et de confort.

Bonne consultation.

PS : je rajoute le 8 mai 2021 un lien vers un article d'Egora (ICI) où est exposé le cas d'une patiente. Cela mériterait encore des développements mais dans le cadre d'une réflexion commune entre patients et médecins.


(crédit illustratif : dentoscope ICI)

jeudi 18 octobre 2012

Lundi 15 octobre toute la journée : la médecine de papa ?


Voici quelques raisons d'être un bon et un mauvais médecin généraliste : une journée trop chargée où j'ai vu sans doute trop de malades, mais qui pourra dire que la médecine générale n'a aucun intérêt ?
Cette journée n'est pas représentative de mes activités habituelles (il est des jours où je travaille moins et des jours où je travaille plus, ma moyenne annuelle étant de 31 actes par jour travaillé), pas représentative car une infime partie de mes activités se sont retrouvées par hasard en cette journée (de nombreux épisodes annuels sont manquants et surtout le travail accumulé sur chacun de ces nombreux patients que je connais depuis longtemps, sur chacun de tous ces autres patients  ici qui m'ont inspiré pour cette journée là... mais j'ai pensé que me livrer à cet exercice de reconstitution (forcément incomplète et subjective car j'aurais dû écrire  beaucoup plus de 12 heures pour rapporter les 12 heures de travail...) un intérêt documentaire.
(Il ne s'agit pas d'un verbatim car sinon il m'aurait fallu des pages et des pages pour tout recenser... En rouge, ce sont des notes...)

****

Je commence les rendez-vous à 8 H 30 (je suis arrivé à 8 H 15 et la secrétaire à 8 H, et mon associée arrivera vers 8H 45). Madame A, 52 ans, 30 ans de clientèle, (C1), est la première patiente inquiète parce qu'elle doit passer demain une fibroscopie en raison de brûlures épigastriques post prandiales tardives qui n'ont pas  cédé sous IPP. Elle veut un arrêt de travail pour aujourd'hui car son angoisse l'a empêchée d'aller travailler. Je l'interroge sur ses problèmes de boulot "Toujours pareil... Pourquoi voulez-vous que cela change ?...", la réorganisation, dit-elle, la rentabilité, ajoute-t-elle, faut-il la croire ?,  et je finis par "tomber" sur les raisons de son angoisse : sa mère est morte d'un cancer de l'oesophage il y a quelques années. Elle ne m'en avait jamais parlé. Elle me raconte en plus qu'il y avait des métastases partout et qu'elle a beaucoup souffert. Nous parlons de métastases, de chimiothérapie, d'Helicobacter Pylori, et surtout du fait que je pense qu'elle n'a pas grand chose. (I)  Monsieur A, 27 ans, deuxième fois que je le vois, (C2), est angoissé pour deux raisons : des problèmes de travail (une chef qui lui veut du mal, dit-il) et sa femme qui est partie sans donner de nouvelles il y a quelques jours (et avec leur petit garçon d'à peine 2 ans). Il revient parce qu'il ne va pas mieux, il me redonne des détails sur sa situation professionnelle, je lui fais mon numéro habituel sur les conflits du travail, le harcèlement, le fait qu'il ne faut pas déclarer ses troubles en maladie professionnelle, le fait qu'il vaudrait mieux en parler au médecin du travail (au cas où sa chef serait connue dans cette grande entreprise pour des faits similaires) et à l'inspection du travail en raison de la gravité des faits rapportés (II). Et, en plus, me dit-il, "J'ai la grippe." Le patient a autant la grippe que moi mais nous continuons de parler de ce qu'il faut faire ou ne pas faire vis à vis de sa chef "qui ne l'aime pas." Le troisième rendez-vous, (C3), Madame A, 49 ans, 20 ans de cabinet, me tend les résultats de sa prise de sang avec beaucoup d'inquiétude car il y a des croix partout. (Que l'on me permette de dire un mot sur les critères de normalité dans les résultats de prises de sang : c'est une source d'incompréhension infinie. Ne parlons pas des données fantaisistes comme la limite supérieure de la glycémie qui, dans 90 % des cas, ne correspond à rien de tangible en termes de décision diagnostique ; sans compter les commentaires sur le degré de l'insuffisance rénale, les patients ne comprenant rien et s'attribuant des insuffisances indues, sans compter les facteurs de risque pour le cholestérol...). Cette patiente n'a pas de cholestérol (je fais exprès d'utiliser une expression triviale) et n'est pas diabétique. Mais elle n'est pas contente parce qu'elle n'est pas rassurée. Pourquoi y a-t-il des croix si tout va bien ? Le laboratoire ne peut se tromper (III). Son médecin, si. Je lui donne des CHD (conseils hygiène-diététiques) et une prise de sang à faire dans trois mois (entre temps j'ai pris la PA...). Madame A, 84 ans, (C4), a toujours été pimpante et enjouée depuis que je la connais, 4 ans de cabinet, elle est vive, elle marche bien, elle est hypertendue diabétique bien équilibrée et la seule chose qui l'embête, et que la prescription d'un IPP a améliorée (hors AMM, cela va sans dire, ou presque hors AMM, c'est plus précis), c'est une hypersalivation et des renvois acides. On a cherché, on a regardé, on a ORLé, on a gastroentérologisé, et nous sommes convenus avec la patiente qu'il n'y avait rien à faire et qu'il ne servait à rien de continuer les investigations ou de donner des médicaments qui ne servaient à rien. Echec de la médecine générale qui aurait dû confier la patiente à des spécialistes professeurs parisiens ou constat que tout ne peut être fait et qu'il existe une part de douleur dans la vie humaine qu'il est impossible de combattre ? Ou faute majeure de ne pas combattre la douleur, la souffrance, le mal être par tous les moyens ? A vous de choisir (voir LA et LA sur l'anhédonie). Le jeune Monsieur A, 23 ans, 23 ans de cabinet avec des interruptions de contact liées à la PMI, (C5), est asthmatique et depuis qu'il a eu droit à plusieurs engueulades et des démonstrations à n'en plus finir sur la façon de se servir d'un aérosol (voir ICI), ne fait pratiquement plus de crises. Il a droit à une ordonnance pour six mois et revient deux fois par an sauf aujourd'hui parce qu'il a la diarrhée. Interrogatoire habituel, pas de TIAC, CHD habituels pour lui et pour son entourage, lavage des mains et alimentation et il ressort, déçu, avec un jour d'arrêt de travail et du pinaverium. Monsieur A, 32 ans, et 32 ans de cabinet, (C6) arrive en portant des lunettes noires de star qui cachent une conjonctivite bilatérale pour laquelle je tente, bien malencontrueusement, de rechercher une origine virale ou bactérienne, je ne fais pas de prélèvements, je donne des CHD (il a deux enfants et une femme) et je prescris du sérum physiologique et du tobrex. Ah, j'oubliais un truc : il a été arrêté par mes soins, il doit venir vendredi pour enlever les fils, au décours d'un accident de travail (plaie de l'index doit avec trois points de suture, l'interne des urgences n'ayant pas jugé bon de lui faire un arrêt de travail, le Monsieur A lui a pourtant dit qu'il travaillait les mains dans l'huile de vidange, mais Monsieur l'interne de l'hôpital, dont le nom est illisible sur le certificat médical initial, n'a pas jugé bon d'en tenir compte. L'interne est un zêlé défenseur des économies) (IV). A vendredi. Monsieur A, 60 ans, 29 ans de cabinet, (C7), comptable, travaille en mi-temps thérapeutique depuis six mois et attend sa retraite avec impatience. Cet homme est charmant, ainsi que sa femme et que ses enfants, mais je ne crois pas qu'il aurait obtenu cela s'il avait travaillé dans une petite boîte. Ce n'est pas un jugement, seulement une constatation : on dit que les arrêts de travail entretiennent les douleurs. Pourquoi pas ? Nous parlons de kinésithérapie, il continue des séances de kinésithérapie du rachis cervical, il rechigne en revanche pour mes conseils d'auto kinésithérapie, mon dada, et tout va aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Il est content. Le médecin conseil a accepté. Le médecin du travail itou. La DRH a l'air également contente. Madame A, 25 ans, (C8), un an de cabinet, a mal au pied : elle présente un durillon rétrocapital et le port de semelles n'y a rien fait. Elle est d'accord pour se faire opérer malgré le fait qu'elle va perdre de l'argent, elle est femme de ménage et son mari est dans le même métal (homme de ménage), avec deux enfants en bas âge et la convalescence post opératoire est souvent longue. J'écris un courrier pour le chirurgien de l'hôpital parce qu'elle ne veut pas payer de dépassements à la clinique (V). Madame A, 76 ans, est une femme que j'aime beaucoup, dix ans de cabinet, (C9), et dont le principal souci, hormis une hypertension équilibrée, un diabète de type II équilibré (HbA1C à 7,8 -- et que les puristes ne me cassent pas les pieds avec le 7,8, je veux dire les diabétologues, les ophtalmologues, les cardiologues et les néphrologues, en me disant que cela pourrait être mieux), une arthrose généralisée,  des douleurs musculaires (mais oui, on a arrêté les statines, mais oui les CPK sont normales) et un "vieux" diagnostic de jambes sans repos fait il y a quelques années par un neurologue de l'hôpital qui avait été "sensibilisé" par la campagne pharmaceutique d'un médicament "étudié pour", dont le principal souci, dis-je, est son isolement par rapport à ses enfants, vivant très loin de Paris, et le fait que ses voisins n'aient pas son niveau d'exigences intellectuelles. Je passe mon temps à pratiquer de la psychothérapie de soutien. J'ai appris, au cours de ces années, des détails de biographie sur cette femme qui pourraient permettre à des journalistes malins d'écrire des articles de sociologie pendant des semaines et à des romanciers en mal d'inspiration d'écrire au moins un livre dans le flux. Je l'aime bien mais je ne peux pas faire grand chose pour elle, c'est à dire soulager vraiment ses douleurs squelettiques et ses douleurs morales. Je la vois donc tous les 15 jours pour des séances  de psychothérapie de soutien. Madame A, 43 ans, 33 ans de cabinet, (C10), fait une angine. Je regarde sa gorge, je n'annonce pas angine mais pharyngite (il s'agit en fait d'une angine rouge), je l'examine, j'écoute ses poumons, je regarde ses oreilles, je prescris du rhinotrophyl et du paracétamol, je réponds avec gentillesse à sa question "Ca n'irait pas un peu plus vite avec des antibiotiques ?" et elle repart au travail. Tout prêt du cabinet. Non sans m'avoir demandé un certificat indiquant qu'elle est bien venue consulter, son chef, dit-elle, et non sans m'avoir rappelé que son ancien chef, que je connaissais, c'était autre chose, exigeant qu'elle se justifie (et que je la justifie) (VI). C'est l'époque qui veut cela, en avons-nous conclu. Le petit A, neuf mois, première fois au cabinet, (CMNO11), mais je connais sa mère, est suivi à la PMI. Aujourd'hui il est enrhumé et à peine fébrile, ses vaccins sont à jour (toute la cavalerie), une petite trace de bécégéite à la face interne du bras doit (jamais déclarée au CRPV), allaitement mixte, bon, y a rien à dire, rien à faire, quelques CHD. Je n'ai même pas eu besoin de dire qu'il n'y avait pas besoin d'antibiotiques tant la maman était persuadée qu'il n'avait rien et qu'elle avait seulement besoin d'être rassurée. Monsieur A, 34 ans, une dizaine d'années de cabinet, (C12), est mon malade hypochondriaque préféré. La liste de ses maux est impressionnante. La liste de ses symptômes est quasiment inaudible. A part cela, c'est un charmant garçon, marié, père de deux enfants, mais il souffre de son corps et cette somatisation, facile à dire, depuis le temps que je le connais, par ignorance vraisemblablement, je n'ai jamais pu la faire remonter au cerveau. Son inconscient se bloque. Et le mien fait la même chose. J'ai déjà confié le patient à mon associée et à mon ex associé. Ils n'ont pu débloquer la situation. Le dernier rendez-vous de la matinée, je le reçois en retard de 15 minutes : Monsieur A, 49 ans, 7 ans de cabinet, (C13), est toujours désagréable mais je me demande bien pourquoi parce qu'il n'est ni bête ni méchant. Asthmatique sévère, il consulte pour des douleurs du dos qui s'avèrent être une lombalgie gauche associée à de vagues irradiations fessières. Il a mal. Ce n'est pas la première fois, il a fait un effort bénin, un faux mouvement et la douleur s'est déclenchée. Je suis un bon interrogateur dans les lombalgies et les lombo-sciatalgies car j'ai été à bonne école mais surtout parce que j'ai déjà souffert d'une sciatique mixte L4L5 et L5S1. (Mon expérience en ce domaine peut être considérée comme doublement interne, mon expérience de praticien et mes propres douleurs. Je ne veux pas dire que l'on ne peut connaître une pathologie que si on l'a subie, cela rendrait l'exercice de la médecine difficile, ce que je veux dire : lorsque j'ai eu un mal de chien, que j'ai posé des questions ici ou là, un rhumatologue, un neurologue, un médecin généraliste, un radiologue, enfin, des confrères, j'ai été surpris de la diversité des réponses et, finalement, je suis allé faire un tour sur le net, d'abord les publications, ensuite les cours et, enfin, je me suis refait, je devrais dire fait l'anatomie vertébrale en détail, l'espace foraminal et tutti quanti et, à la fin, je me suis fait ma propre idée, une idée subjective, cela va sans dire, et cette idée subjective m'a fait remettre en cause les dogmes et les avis d'experts que j'avais entendus et lus ici ou là. Je n'ai donc plus jamais regardé un patient de la même façon et les questions que je lui posais sur la nature de ses douleurs, c'était du vécu. J'ai été impressionné par un médecin du sport qu'un collègue m'avait conseillé de voir, une consultation de réassurance, un type très cool, et j'en ai conclu : pas d'intervention sauf urgence du siècle, pas de kinésithérapie mais de l'auto kinésithérapie. Bien entendu que j'ai vu des opérations qui se sont bien passées et pour lesquelles l'indication urgente n'était pas évidente, mais cette expérience unique m'a à la fois fortifié et inquiété : fallait-il que pour chaque pathologie je me mette à réapprendre l'anatomie, à contester les recommandations, à me faire ma propre idée ?... On voit que cette journée de travail que je décris, et dont vous n'avez vu que les premiers 13 patients, rendrait mon existence intenable si je devait TOUT réapprendre...) J'ai donc interrogé, examiné ce patient, je lui ai prescrit des médicaments, AINS et antalgiques, je lui ai fait un arrêt de travail jusqu'à la fin de la semaine et je me suis rendu compte qu'il était midi moins le quart.
Il y avait des papiers à signer, un bon de transport à remplir (un patient se rendant à la Salpêtrière), un carnet de santé à regarder et un appel téléphonique à recevoir de la CPAM.
J'ai vérifié qu'il ne manquait rien dans ma sacoche.
La première visite, disons que je ne peux pas détailler, parce que les gens se reconnaîtraient. Disons que c'est une visite particulière, parce qu'il y a une grand-mère de 91 ans que je connais depuis 33 ans (V+MD14) (ICI) et deux adultes, dont un ne peut se déplacer (C15 et C16). Le patient 16 se déplace régulièrement à mon cabinet mais en profite quand je viens voir sa mère pour que je "renouvelle" ses médicaments ou autre. (VII).
La deuxième visite est un poème. Monsieur A, 78 ans, (V+MD17), connu par moi depuis 20 ans, est hypertendu diabétique (je ne rajoute pas qu'il est bien équilibré, mais j'ai les chiffres, parce que je vais me faire rougir et que les lecteurs vont finir par ne pas me croire si je leur dis que tous mes diabétiques sont équilibrés, c'est bien entendu faux, mais disons que je tombe bien aujourd'hui), souffre d'une AC/ FA et est porteur d'un cancer de la prostate évolué localement. Il vient d'être opéré d'une hernie inguinale bilatérale, il sort de la clinique, il est paumé. Il était traité par antivitamine K, previscan (non, ne râlez pas, il était équilibré à sa sortie de son hospitalisation en cardiologie il y a 3 ans, et il l'est resté, je n'ai pas prescrit de coumadine, et voir plus bas C32 et la note afférente XIV), et, sorti le samedi, ne pouvant pas aller chez le pharmacien avant le lundi, c'est sa voisine qui le fait, il n'avait donc ni previscan, ni rien (lovenox, on le verra plus tard) pour l'anticoaguler... J'ai piqué une crise et j'attends encore, au moment où j'écris ces lignes, que la clinique me rappelle... Je signale que c'est l'infirmière à domicile qui a apporté les boîtes de lovenox... Bon, on rattrape, on rattrape.
Un petit sandwich acheté à la boulangerie : formule à 6 euro avec jambon gruyère + éclair au café + coca zéro. Un café bu au cabinet.
13H30.
Les deux enfants A, 4 ans et 27 mois, (C18 et C19) sont accompagnés par leurs deux parents et ont une rhino-pharyngite banale. Poids, mensurations, vérification du carnet de santé, bien que je les connaisse bien tous les deux. Prescription minimaliste. Puis c'est Madame A, 67 ans, environ 8 ans de cabinet, (C20), très sourde, inappareillable, "De toute façon je ne peux pas payer un appareil." (VIII). Elle vient pour "ses" médicaments et "son" vaccin contre la grippe (IX). Elle est allergique à tout. Son ordonnance est immuable. Elle a peur de changer de marque de génériques. Mais il y a un point curieux : le rhumatologue lui a prescrit un jour un produit inutile, voire dangereux, le chondrosulf, non remboursé, et elle continue de l'acheter malgré le fait qu'elle doive le payer... Elle présente depuis des années de grosses lésions dermatologiques liées à son allergie mais elle a fini par comprendre qu'il n'était pas nécessaire de s'exciter, il fallait faire avec... Madame A, 27 ans, première fois au cabinet, (C21) a attendu une heure et demie devant ma porte puis dans la salle d'attente, son médecin traitant ne pouvant lui accorder un rendez-vous, pour un rhume et une toux. Elle ne m'a même pas demandé d'arrêt de travail car elle ne travaille pas le lundi. Elle m'a payé en chèque (je veux dire, pour les grincheux : ce n'était pas une CMU) (X). Je n'ai pas traîné. Je ne lui ai pas prescrit : derinox ou rhinadvil, pas plus que toplexil, pas plus que maxilase ou de solupred...  Monsieur A, 27 ans, 27 ans de cabinet, (C22), consulte pour diarrhée / vomissements. Il sait pourquoi : il a fait réchauffer de la viande qui était conservée depuis 24 heures à l'extérieur. On discute de choses et d'autres et je lui dis que son rappel de DTPolio est pour l'année prochaine. Monsieur A, 35 ans, 5 ans de cabinet, (C23), a lui aussi des douleur abdominales et ne vomit pas. C'est une gastro-entérite probablement virale. L'examen est sans particularité. Nous parlons de son fils qui présente un retard psychomoteur qui est en train de se combler. Une prescription de CHD. Du paracétamol. Deux jours d'arrêt de travail. Mademoiselle A, 17 ans, première fois au cabinet, (C24), elle vient d'arriver dans le coin, est enceinte et veut avorter. Mais elle ne veut pas, mineure, que ses parents le sachent. Nous parlons de la date des dernières règles (elle est dans les clous), nous parlons du test de grossesse qu'elle a fait en pharmacie, nous parlons des conditions de survenue (elle n'avait plus de pilule, le préservatif a éclaté), nous parlons des IST, elle dit oui à tout ce que je lui dis, facile, la vie. (XI) Je téléphone au centre 'Aide Ados' de mon coin, nous sommes en milieu d'après-midi, à la deuxième sonnerie une voix de femme me répond, très douce, je lui explique le cas, je lui demande si je dois programmer une échographie, elle me dit que non, et elle donne un rendez-vous pour mercredi 11 heures. "Cela vous convient ? - Oui." J'aimerais bien savoir ce qui s'est passé ensuite mais il est probable que je ne reverrai jamais cette jeune fille qui avait choisi mon cabinet au hasard. Le jeune A, 5 semaines, deuxième fois au cabinet (la première fois, c'était mon associée), (CMNO25), est enrhumé. L'examen montre effectivement une petite rhinite, j'en profite pour expliquer, ré expliquer, comment on administre le sérum physiologique, j'interroge sur l'allaitement (maternel), et bla bla bla et bla bla bla (vitamines). C'était une consultation de courtoisie au cas où. Je n'ai pas eu besoin de prescrire les vaccins du deuxième mois, mon associée l'avait fait. Monsieur A, 32 ans, 32 ans de cabinet, est le père du précédent (C26). Il en "profite" pour son renouvellement : il est asthmatique et est traité par le pneumologue, enfin, le pneumologue lui a prescrit cela il y a deux ans et il ne fait plus de crises ou presque sous seretide. J'aime bien lui faire un peak flow à ce jeune père de famille c'est son premier enfant, parce qu'il a un peak flow d'enfer quand il va bien : 750 ml.  Il faut donc en tenir compte quand il va mal : les valeurs de base sont élevées. Mademoiselle A, 32 ans, 25 ans de cabinet, (C27), est fatiguée, pense qu'elle a perdu du poids, alors que, comme elle dit, "tout roule..., je travaille, j'ai un copain..." La connaissant depuis, donc, 25 ans, je sais qu'elle traverse parfois des périodes d'intranquillité, je ne sais pas comment dire autrement, je la rassure, je lui mesure sa PA, basse comme d'habitude, je palpe et ausculte sa thyroïde, je surveille depuis 4 ans une augmentation modérée de volume et plusieurs kystes infra centimétriques, elle est cliniquement euthyroïdienne, je l'interroge sur ses dysménorrhées et ses spanioménorrhées qui persistent malgré la prise d'oestroprogestatifs, et je cède à sa demande, mais ce n'est pas totalement injustifié, de prescrire une numération et une tsh. "Vous pouvez me prescrire des vitamines ? - Heu, tu sais, (XII), les vitamines, ça sert pas à grand chose..." et de me remettre en position disque rayé sur les CHD pour "mieux vivre" : alimentation sommeil et tout le tralala. Sa gynécologue lui fait faire un frottis tous les 2 ans (XIII). Madame A, 26 ans, 3 ans de cabinet, (C28), mais avec des intermittences, elle aime bien changer, présente à n'en pas douter un syndrome viral des voies respiratoires hautes mais elle préfère consulter, dit-elle, parce qu'elle est enceinte de 4 mois. Elle a attendu longtemps. Je l'examine avec le plus grand sérieux, elle me dit qu'elle a pris du doliprane, "je pouvais ?", je lui conseille le site du CRAT (Centre de Références sur les Agents Tératogènes, LA) en lui expliquant, bla bla, et elle ressort avec du paracétamol, du sérum physiologique et des bonnes paroles (et un arrêt d'une journée). Monsieur A, 61 ans, 14 ans de cabinet, est un homme charmant (contre transfert quand tu nous tiens), (C29), dépendant de l'alcool, qui a déjà consulté moult addictologues, moult centres de désintoxication, un homme cultivé et intelligent et travaillant comme préparateur de commande chez un grand transporteur, avec lequel nous tentons de tuer les démons. Nous avançons pas à pas et commençons à déchiffrer. Pas de baclofène prévu (XIV) : ce patient veut, comme il dit, "extirper la bête". C'est son droit. Sort sans ordonnance.
16 H 30 : Départ de notre secrétaire. Nous répondons au téléphone, mon associée et moi. Et nous ouvrons le portier.
 Monsieur A, 45 ans, au cabinet depuis 10 ans, (C30), est un disco-lombalgique chronique qui travaille comme préparateur de commande (c'est le deuxième de la journée). Il travaille bien qu'il souffre mais il n'a pas le choix, dit-il. Kinésithérapie abandonnée depuis longtemps et remplacée par auto kinésithérapie, piscine et antalgiques à la demande (paracétamol / codéine). A part cela : hémorroïdes. Madame A, 83 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, (C31), forme olympique en général, bien qu'un peu amaigrie ces derniers temps, aucune pathologie chronique à signaler (elle ne prend aucun médicament), consulte pour des douleurs abdominales accompagnées d'une vague diarrhée. Le ventre est souple, la pression artérielle normale : CHD + pinaverium. Monsieur A, 84 ans, malade du cabinet depuis 9 ans, le mari de la précédente, (C32), tient avec du scotch (c'est une expression) depuis des années et on peut se demander s'il tient grâce à sa résistance naturelle, grâce aux médicaments ou en dépit des médicaments ; mais certainement en raison de l'entente fusionnelle avec sa femme que je perçois à chaque consultation (voilà que je sentimentalise). Je résume : infarctus du myocarde (à une époque où on ne revascularisait pas tout de suite) ; HTA ; dyslipidémie depuis 20 ans ; AC / FC ; antécédents d'embolie pulmonaire ; pace maker ; obésité morbide ; vous voulez autre chose ? Ils reviennent de vacances. Avant les vacances le cardiologue avait suggéré que l'on remplace le previscan (cf. plus haut pour la coumadine et V+MD17) (XV) par dabigatran. Nous sommes convenus que puisque l'INR était stable depuis des années, et qu'il était difficile de savoir ce qui pouvait se passer avec le dabigatran, et en raison de la "fragilité" de ce patient, que nous continuerions avec previscan. Mademoiselle A, 14 ans, 14 ans de cabinet, (C33), se présente avec un impétigo sur peau propre. On discute avec le papa qui accompagne. Je réponds aux questions. Je m'aperçois que j'aurais dû prendre une photographie. Je remplis le carnet de santé. Je prescris des antibiotiques. je donne des CHD. Mademoiselle A, 15 ans, 11 ans de cabinet, (C34), vient pour une simple ampoule à la face interne du pied droit attrapée à la patinoire. La cicatrisation commence. Traitement local : protection. Nous parlons de ses problèmes de poids qu'elle est en passe de résoudre. L'intervention de la diététicienne (première consultation 45 euro et la deuxième 25 non remboursées) a été très contributive. Vaccins à jour. Ni hépatite B, ni gardasil. Monsieur A, 51 ans, sportif vétéran de haut niveau, au moins 30 ans de cabinet,  (C35), a fait une chute de vélo à l'entraînement (sur le côté droit). Je ne peux manquer de l'embêter à propos d'Armstrong et consorts (XVI). Nous en avons parlé si souvent... Problèmes : six mois après la chute et bien qu'il s'entraîne normalement, il a une zone d'insensibilité étendue sur la face externe de cuisse, qui a tendance à s'améliorer mais qui le gêne (je connais le phénomène, je lui explique; je lui dis qu'en revanche je ne sais pas quand cela disparaîtra : encore une fois des choses nous échappent et nous devons les accepter) et son poignet droit est sensible en hyper extension. Il existe un point douloureux exquis au niveau cubital. Je demande une IRM. Les sportifs ont besoin de réponses. Les sportifs de haut niveau, et j'en ai peu l'expérience, mais les sportifs passionnés en général, considèrent que leur corps est un outil qui doit être en parfait état de marche et les performances sont très affectées par le moindre doute de leur cerveau sur l'intégrité de cet outil (on voit que la journée avance et que les truismes font flores). Monsieur A, 23 ans, depuis 2 ans au cabinet, mesure deux mètres zéro trois, (C36), est une victime du business system américain : après une fracture de fatigue d'un métatarsien alors qu'il avait été drafté par une équipe universitaire américaine, on l'a fait reprendre trop tôt, il n'a plus pu jouer et il a dû partir, ruiné, pour la France, il est Sénégalais, et on essaie de le traiter. Il recommence à shooter, il court un peu à l'entraînement. Il vient parler avec moi en anglais de la NBA pour oublier ses soucis, prendre des médicaments (le secret médical m'interdit de dire lesquels), et demander des séances de kiné balnéothérapie. Mademoiselle A, 22 ans, 22 ans de cabinet, (C37), présente une drépanocytose hétérozygote, elle est Française d'origine sénégalaise, des spanioménorrhées qui n'arrangent pas son taux d'hémoglobine, et voudrait continuer à faire du sport (hand ball). Elle a besoin d'un certificat. Elle a également besoin de sa contraception oestro-progestative, qu'elle prend mal, qu'elle oublie, elle n'aime pas les comprimés en général (dans son dossier, au chapitre Allergie il y a noté "gélules et comprimés"), et refuse un implant (les progestatifs utilisés auparavant (levonorgestrel) avaient, en outre, provoqué des spottings très gênants. Madame A, 29 ans, 8 ans de cabinet, (C38), revient de vacances au Maghreb, nous en profitons pour parler de la façon dont elle voit la situation là-bas, j'écoute, j'enregistre, j'interviens à peine, et elle présente une classique diarrhée du retour. CHD et antinauséeux. Un jour d'arrêt de travail. Pour le frottis : l'année dernière. Mademoiselle A, 24 ans, 24 ans de cabinet, ne paie jamais, non, j'exagère, paie rarement les maigres 6,90 € que je lui demande au titre du tiers payant, (C39) (XVII), et vient ce soir pour une poussée d'herpès labial. Je prescris local et hors AMM et lui renouvelle sa pilule (remboursée). Mademoiselle A, 32 ans, et 18 ans de cabinet, (C40), est radieuse mais malade. Radieuse parce que le conflit du travail qu'elle avait eu avec une de ses collègues, conflit qui, avant les vacances, aurait pu la mener à la démission tant elle était angoissée, voire à la limite de la déprime (nous étions convenus de lui donner des anxiolytiques "légers"), le conflit s'est donc terminé par le licenciement de sa collègue.  (XVIII). Malade en raison d'une banale virose des voies aériennes supérieures ne requérant, bien entendu, que des soins "légers" sans vasoconstricteurs nasaux, sans dérivés opiacés pour calmer la toux, sans corticothérapie... Mademoiselle A, 14 ans, malade fréquentant le cabinet depuis 14 ans, (C41), revient pour des douleurs abdominales intermittentes et récurrentes, basses, sans troubles du transit, sans signes urinaires, qui ne cèdent pas sous pinaverium. La jeune fille n'est pas réglée et il pourrait s'agir de dysménorrhées... J'examine, je temporise et je rassure. On discute de choses et d'autres et, tout d'un coup, la maman se rappelle qu'elle a eu le même genre de douleurs avant d'avoir ses règles. Cela ne rassure pas la jeune fille mais il s'agit d'une réaction que je décrypte ainsi (d'habitude la jeune fille vient seule et j'ai souvent discuté de ses problèmes --mineurs-- par rapport à sa maman) : je ne veux pas ressembler (trop) à ma maman. Monsieur A, 26 ans, malade du cabinet depuis quatre ans, (C42), a besoin de son traitement que je lui prescris habituellement tous les six mois : il présente un diabète insipide. Je lui remplis également un certificat pour qu'il puisse pratiquer le tennis de table. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués.
Il est 19 H 45. Je ferme la porte. Je fais la recette, c'est à dire que je compte les chèques et les cartes bancaires et cela correspond à ce que me dit l'ordinateur. J'imprime la liste pour la secrétaire demain. Je télétransmets, ce qui met un peu moins de trois minutes. Je ferme mon poste. Je me rends dans le bureau de mon associée qui est partie vers 19 heures, déconnecte les utilisateurs et sauvegarde. Je commence à fermer les volets. Je mets le répondeur. J'éteins le fax. Je retourne dans mon bureau consulter mèls et tweets que je n'ai cessé de regarder tout au long de la journée. Pendant que les malades se déshabillent, se rhabillent... La sauvegarde s'est bien passée sur le disque dur. Je sauve sur la clé USB. Je ferme tout. Je pars et il est 20H 5.

Epilogue : je vous assure que j'ai pris cette journée de lundi au hasard, il y avait longtemps que j'avais envie de le faire.. J'ai mis toute cette journée de jeudi, mais je n'ai pas fait que cela, pour la rapporter. Sera-ce un épouvantail pour les jeunes générations ? Je n'ai pas tout raconté, pas tout dit, ce n'est pas possible, mais on peut se rendre compte qu'au delà du temps passé avec les patients, il y a des connaissances accumulées, de l'expérience, du travail, de la réflexion en arrière-plan, cela s'appelle le métier. Je crois que je ne recommencerai plus : trop épuisant mais c'était aussi très intéressant pour moi de me retourner. Car le moindre des gestes que nous faisons, la moindre des attitudes que nous montrons à nos patients, jouent un rôle dans notre métier. A vous de juger.
Dernière précision : je me suis installé le 5 septembre 1979.


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Notes :
(I) Au moment où j'écris ces lignes j'ai eu le résultat de la fibroscopie : rien de chez rien. Nous pourrions, si nous en avions le temps, aborder la surconsommation délirante d'IPP chaque fois qu'une aigreur d'estomac est ressentie, chaque fois qu'un patient digère mal, et la surconsommation de fibroscopies négatives... Je rajoute le 29/10/12 : une étude américaine montre la surconsommation d'IPP à l'hôpital (LA)
(II) Le problème du harcèlement au travail demande une certaine clairvoyance et un certain recul vis à vis des déclarations des travailleurs, un certain recul vis à vis de notre propre conception du monde (idéologie, patronat, syndicat), un certain recul vis à vis de notre empathie / antipathie (cf. contre transfert), un certain recul vis à vis des attitudes stéréotypées à la mode dans la menée de la consultation  : entretien motivationnel, psychothérapie de soutien, approche analytique, et cetera...). J'ai abordé ICI ou LA ces problèmes et il est difficile de ne pas être informé sur le droit (par exemple ICI), avoir lu les classiques de la question puisque les malades les ont lus soit directement, soit indirectement sur le net ou dans les médias audiovisuels : ICI. Question annexe : que doit dire le médecin généraliste à son patient ? Jusqu'où doit-il l'informer de ses droits ? Non, n'écarquillez pas les yeux : certains médecins généralistes font le minimum pour ne pas se substituer au patient, pour ne pas être celui qui induit le recours au médecin du travail ou à l'inspection du travail, il faut rester neutre et ne nous occuper que des conséquences médicales de ce conflit. Je ne fais pas cela. (voir aussi la note XVIII)
(III) Les laboratoires d'analyse médicale (qui vont bientôt disparaître physiquement grâce (?) au SROSS) sont obligé de fournir des valeurs limites lors de la remise des résultats. Or, pour de nombreuses valeurs (voir plus haut), c'est faux, cela inquiète, cela déroute, cela rend floue la décision du médecin qui peut faire ce qu'il veut selon qu'il est activiste, attentiste, alarmiste, normal ou négligent (mais la négligence de certains médecins est souvent bénéfique pour le patient)
(IV) Vaste débat sur les forums pour comprendre pourquoi : a) les hôpitaux et les spécialistes libéraux rechignent à faire des arrêts de travail et renvoient vers les médecins traitants. Explication 1 : ils ne veulent pas que les arrêts de travail entrent dans leurs profils (c'est faux car leurs profils d'IJ -- Indemnités Journalières) ne sont pas étudiés par la CPAM) ; Explication 2 : ce sont des flemmards ; Explication 3 : ils agissent ainsi pour que le médecin traitant soit au courant (hum, hum) ; Explication 4 : ils sont tellement habitués au à moi à toi des hôpitaux et des cliniques qu'ils pensent que cela fera plaisir au médecin traitant de faire un acte deplus...  b) les bons de transport pour aller à l'hôpital : voir les explications plus haut.
(V) Les dépassements d'honoraires, nous avons, nous les glorieux médecins généralistes du secteur 1 qui ne pratiquons jamais de dépassements (et nous ne nous en vantons pas, nous constatons), à les gérer dès que nous adressons un malade à un spécialiste. Et j'exerce dans un coin où il existe encore des zones de non dépassement, mais cela devient rare. Il faut donc que nous fassions la part entre ce que peut admettre le patient (et ce n'est pas toujours évident de juger bien que 18 % des actes que j'effectue le sont en CMU), ce que je peux admettre moi-même (en fonction de mon opposition de principe aux dépassements mais aussi à la compréhension que je peux avoir de la nécessité de dépassements en consultation dans des spécialités non techniques comme la psychiatrie -- temps passé en consultation-- ou techniques comme l'ophtalmologie -- matériel à amortir et à changer), ce que je juge être raisonnable, ce que je juge en valoir le coup, et cetera, et cetera...)
(VI) D'aucuns de mes collègues prétendent que c'est la CPAM et ses annexes qui les envahissent de paperasserie tatillonne et inutile, plus qu'il y a cent ans, c'est évident, mais c'est plutôt la société civile qui nous contraint : certificats en tout genre pour l'école, la mairie, la crèche, les clubs de sport les plus farfelus, l'employeur, et cetera.
(VII) Les visites à domicile sont un vaste problème qui mettent en jeu différents points de vue (disons, pour déclarer mes liens d'intérêt, que je fais partie des médecins généralistes qui ont fait beaucoup, beaucoup, de visites, jusqu'à 13 par jour en moyenne -- et j'étais atypique dans mon coin -- ; c'était une autre époque que les moins de 30 ans ne peuvent pas comprendre et je ne regrette vraiment pas alors que je fais, grosso modo 7 visites par semaine désormais) : certains médecins généralistes ne font jamais de visites (par principe, parce que les spécialistes d'organes n'en font pas, parce que les malades n'ont qu'à se déplacer, parce que c'est de la mauvaise médecine, parce que cela prend du temps, parce que cela n'st pas assez rémunéré...) et je pense qu'il n'est pas possible, je répète et je souligne, pas possible, de faire de la médecine générale sans faire de visites ; certains médecins généralistes en font le moins possible pour les mêmes raisons que précédemment et ils ont probablement raison, d'autres continuent d'en faire beaucoup (parce qu'ils n'ont pas su s'arrêter ou en raison de la structure de leur clientèle ?) ; il paraît, selon la CPAM, qu'il faut faire moins de visites à domicile, inutiles cela va sans dire, pour des raisons d'économie... Convenons que nombre de visites à domicile sont des visites de convenance (même en n'en faisant que 7 par semaine) mais qu'il n'est pas possible de faire autrement pour les malades isolés, pour les malades en fin de vie, pour les malades impotents (à moins de faire exploser le budget transports de la CPAM), et que la vision de l'habitat du patient, de son habitus en général, est parfois très instructive et évite certaines erreurs de jugement. N'oublions pas qu'un des sport favoris de Docteur House est d'envoyer des enquêteurs sur le terrain. Mais il faudrait écrire un post entier sur la question...
(VIII) Il est tragique de constater dans ce beau pays que pour trois des valeurs de base de la santé et de l'hygiène de l'être humain, entre autres, les dents, la vue et l'audition, les soins ne sont pratiquement pas remboursées par le panier de soins ordinaire... Si l'on pense que la marge brute des médicaments est d'environ 95 %, que dire de celle des prothèses dentaires, optiques ou auditives ?... Au moment où les mutuelles complémentaires, que l'on devrait plutôt appeler des mutuelles supplémentaires (ICI), font de la publicité sur les ondes pour le remboursement de l'ostéopathie ou des consultations de diététique, le remboursement oculodentoditif n'est toujours pas assuré... au contraire des anti Alzheimer inefficaces, des strippings de varice à but esthétique ou des chambres individuelles dans les hôpitaux (dans ce cas le problème est aux hôpitaux qui n'ont pas de chambres individuelles)...
(IX) Les habitués de ce blog connaissent sans doute ma position sur la vaccination anti grippale chez les personnes de plus de 65 ans : elle est peu efficace. Il est amusant de constater que les vaccinologues patentés ont changé d'argumentation : avant que l'on ne vienne voir leurs dossiers, le vaccin marchait chez les personnes de plus de 65 ans, ensuite, le vaccin marche moins bien chez les personnes de plus de 65 ans que chez les adultes sains, et, maintenant, cela ne marche que dans 50 % des cas mis il faut le faire en cas de grande épidémie car c'est mieux que rien... ICI, un document savoureux et brut de décoffrage, d'un des spécialistes mondiaux (français) de la vaccinologie. Pour en revenir à "ma" patiente. Je lui ai expliqué (en hurlant, car elle est sourde) que le vaccin était peu efficace, que si elle avait envie de le faire, je le lui ferai, et que si elle ne le faisait pas cela n'avait pas une grosse importance. Elle a été vaccinée.
(X) Il est possible que cette patiente ait pu répondre, lors d'un sondage sur la qualité des soins en France, qu'elle a eu des difficultés à se faire soigner, voire, qu'elle a failli renoncer à des soins (urgents ?) pour cause d'encombrement dans les cabinets médicaux.
(XI) Pour connaître, un peu, mon avis sur l'IVG, voir sur ce blog : ICI. Mais cela mérite de longs développements.
(XII) Question que je n'ai pas encore résolue : Faut-il tutoyer les nourrissons, les enfants, les jeunes gens et donc, comme je les suis jusqu'à l'âge adulte, continuer de le faire ? Françoise Dolto, qui a dit beaucoup de khonneries, affirmait qu'il fallait vousoyer les enfants, fussent-ils nourrissons. Je ne l'ai jamais fait mais ce conseil lacano-doltoïen m'a toujours interrogé. Les parents me regardent déjà d'un drôle d'air quand je parle aux nourrissons, avant de les examiner, en leur disant ce que je vais leur faire, écouter leur coeur, regarder leurs tympans, je dis dans le désordre, regarder leur moineau, mâle ou femelle, les mesure, les peser, et cetera... Les parents qui me regardent étonnés quand je leur demande s'ils ont prévenu le nourrisson qu'il allait se faire vacciner, quand je parle au nourrisson pour lui annoncer que j'allais le vacciner contre la diphtérie... et pas contre l'hépatite B. Mais c'est un autre problème... Quoi qu'il en soit, je commence à vouvoyer les enfants / adolescents que je n'avais jamais vus auparavant à partir, disons, il n'y a pas de règle, de 16 ans. Pour les autres, ceux que j'ai tutoyés plus tôt, je continue, sauf quand le mari de la patiente n'apprécie pas. Enfin, il ne me viendrait pas à l'idée de tutoyer mes patients adultes comme on le voit sur certains blogs (LA).
(XIII) Les gynécologues médicales vont manquer. Les rendez-vous sont difficiles à obtenir chez elles. Mais si elles ne faisaient pas faire des frottis tous les ans pour certaines, tous les deux ans pour d'autres, alors que le consensus est tous les 3 ans quand tout va bien...
(XIV). Baclofène : nous sommes en pleine irréalité. En gros, à mon avis, et il arrive que je ne le partage pas, j'attends le résultat des études. Nous avons tellement été trompés par le passé sur des médicaments  et des procédures qui résolvaient tout, surtout entre les mains de leurs prescripteurs et opérateurs, médicaments et procédures sans effets indésirables, bien entendu, que je me méfie. Ensuite, et là, j'avoue, c'est mal de penser ainsi, j'ai un peu de mal avec l'arrogance, le mépris pour les autres et la personnalité pour le moins alambiquée de son promoteur Olivier Ameizen, (LA). Puis, il est amusant de constater que ceux qui contestent en général les utilisations de médicaments hors AMM (sous la houlette de Big Pharma) utilisent désormais les arguments inverses pour dire qu'il faut utiliser le baclofène hors AMM parce que Big Pharma ne fait pas d'essais. Quitte à passer pour un passéiste incapable d'applaudir au progrès, mais surtout incapable de croire que l'alcoolisme est seulement un problème de récepteurs (les neuroscientistes, holà !), j'attends et je vois.
(XV) Qui pourra m'expliquer pourquoi les cardiologues français n'aiment pas la coumadine. Ce n'est pas une question de prix, alors ?
(XVI) Un blogueur connu a une opinion très tranchée sur le dopage et je ne comprends pas son point de vue : ICI. J'y repense en parlant avec Monsieur A.
(XVII) Bon, je vous entends d'ici, les conseilleurs et pas les payeurs, c'est le cas de le dire, pourquoi continuer à la recevoir ? Je ne sais pas. Nous avons nos pauvres et, dans le quartier, ce n'est pas ce qui manque, disons que nous avons nos pauvres favoris, et que Mademoiselle A, elle a fait trois heures de queue, elle sait que je l'engueule toujours parce qu'elle ne prend pas bien ses médicaments (elle a fait un paludisme gravissime et on l'a rattrapée par les cheveux), parce qu'elle oublie sa pilule, parce qu'elle oublie les préservatifs, parce que, parce que... Parce que je connais sa famille, son père, sa mère, sa belle-mère, ses frères et soeurs, ses neveux... 
(XVIII en complément de la note II) Dans les conflits du travail la seule mesure véritablement efficace est d'exfiltrer le salarié de l'entreprise, non seulement en lui faisant un arrêt de travail mais en lui demandant de couper tout lien (mèl, téléphone). Et ensuite on voit au coup par coup.

(Photographie : grève des internes à Strasbourg)