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jeudi 27 février 2025

Effet parachute, argument parachute et essais contrôlés en médecine. Avec Chatgpt en invité surprise.

Introduction.

Il s'agit en fait d'un post scriptum car je n'ai regardé chatgpt qu'après avoir rédigé le billet...

Chatgpt (dans son jus et avec les fautes).

"L'effet parachute en médecine fait référence à une situation où à un traitement ou à une intervention est tellement évident dans son efficacité qu'il ne nécessite pas d'essais randomisés pour prouver son utilité."

Vous pouvez consulter à la fin de ce billet la conversation que j'ai eue avec l'IA qui montre combien ses performances sont épatantes et combien l'IA réagit aux remarques que je lui fais. Mais IA ne raconte pas toute l'histoire.


Effet ou argument parachute.

Un des arguments souvent avancé par certains médecins et chercheurs pour avancer l'idée que les essais contrôlés (le plus souvent essai randomisé en double-aveugle molécule active contre placebo ou procédure active contre procédure simulée) ne sont pas nécessaires pour tester un traitement médicamenteux ou une procédure de soins tant l'évidence de leur efficacité est manifeste et indubitable est de parler de l'effet parachute. 

Qu'est-ce que l'effet ou l'argument parachute ? 

L'effet ou l'argument parachute, c'est affirmer qu'il ne viendrait à l'idée de personne de réaliser un essai contrôlé randomisé en double-aveugle (soit ici le saut d'un avion comparant un groupe parachute à un groupe sac à dos) pour savoir si le parachute est efficace pour empêcher la mort ou des lésions traumatiques graves. 

Est-ce que l'effet ou l'argument parachute peut être appliqué à la médecine et aux soins en général ? Cette question est cruciale au moment où des agences gouvernementales approuvent des molécules et/ou des procédures en affirmant que des études non contrôlées suffisent pour des raisons de faisabilité et/ou d'éthique.

D'où vient l'effet parachute ? La chronologie des faits est la suivante et trois étapes sont à décrypter pour comprendre pourquoi et comment l'argument parachute est trop souvent utilisé à tort pour justifier des pratiques non validées par des essais contrôlés. 


1. Aucun essai contrôlé parachute vs sac à dos n'a jamais été mené

Deux auteurs écrivent un article parodique qui paraît  dans le BMJ en décembre 2003 (ICI) : 

La parodie est très réussie d'un point de vue rédactionnel et humoristique. Ils écrivent : 

Ce que l'on savait avant
  • les parachutes sont largement utilisés pour éviter la mort et un traumatisme majeur en cas de défi gravitationnel
  • l'usage des parachutes est associé à des effets indésirables dus au dysfonctionnement de la procédure et à des blessures iatrogènes
  • les études en chute libre ne montrent pas 100 % de mortalité.

Les auteurs signalent n'avoir retrouvé aucun essai randomisé dans la littérature internationale comparant saut en parachute et saut avec sac à dos.

Ce que cet article apprend  :
  • le rationnel de l'utilisation du parachute est purement observationnel et son efficacité apparente pourrait être expliqué par un effet de "cohorte de bonne santé"
  • les individus qui insistent pour que toutes les procédures soient validées par un essai contrôlé versus placebo doivent redescendre sur terre avec une bosse. 


Wikipedia


2. Comment a été (mal) utilisé l'effet/argument parachute dans la littérature médicale

 Un article paraît en janvier 2018 (LA).


Les auteurs remarquent que l'article de 2003 est très souvent cité par des auteurs qui indiquent que les essais contrôlés ne sont pas toujours utiles et qui citent des exemples pour lesquels l'effet parachute peut être invoqué.

L'analyse de la littérature retrouve 822 articles citant l'article de 2003 :

  • 35 articles (4,1%) comparent une pratique médicale à un parachute ou utilisent l'argument parachute pour défendre l'utilisation de cette pratique 
    • 18 des 35 (51%) concernent la mortalité ou une naissance vivante
    • 17 des 35 (49%) concernent un critère moins important
  • Pour 22 procédures (63%) on retrouve une ou plusieurs études contrôlées qui sont terminées, en cours, arrêtées ou planifiées
  • Pour les 13 procédures restantes (37%), il n'y a pas eu d'études contrôlées : elles concernent des pathologies non anodines comme le montre le tableau 3 de l'article.
50 % des procédures assimilées à des parachutes ont été testées positivement par des essais contrôlés, c'est peu près ce que l'on constate en général : l'effet parachute n'a rien de particulier en soi.  

Pour ne pas alourdir le propos, je ne vous parle pas en détail de la magnitude de l'effet, qui suggère que même en cas d'étude contrôlée positive pour une procédure pour laquelle on invoquait l'effet parachute, l'analogie est inappropriée. Notamment pour le nombre de malades à traiter et la réduction du risque absolu. 

⏬⏬⏬

 In cases in which the magnitude of benefit was estimable, we found NNT values of 3-9 and ARR values of 11%-30.8%. These gains are smaller than those with parachutes, which have ARR values greater than 99% and NNT values approaching 1. These results suggest that, even when RCTs support the use of the practice, the use of the parachute analogy is inappropriate.


Les tables 1 et 2 de l'article sont particulièrement intéressantes à regarder, compte tenu des pratiques médicales envisagées : respectivement argument parachute avec et sans essais contrôlés.


Illustrons la solubilité de l'argument parachute dans les essais contrôlés par l'exemple de l'appendicectomie.

L'appendicectomie fait partie depuis longtemps de ces pratiques pour lesquelles, sans discussion, il était possible d'invoquer l'argument parachute. 

Eh bien, en janvier 2018, il y avait déjà 4 études contrôlées chirurgie vs antibiothérapie qui suggéraient que chez un certain nombre de patients il était possible d'éviter la chirurgie. 

Une méta-analyse récente (LA) publiée en avril 2025 a recensé et étudié 13 études  randomisant 1683 et 1675 patients respectivement pour l'appendicectomie et pour l'antibiothérapie...

Vous pourriez objecter qu'il ne s'agit pas d'une étude en double-aveugle : nous en convenons.

Les résultats sont "douteux". Mais : il était possible de le faire. Un tiers des patients ont dû être opérés dans l'année suivant l'antibiothérapie. Et deux tiers : non. Les preuves sont donc incertaines mais :

Il est donc possible de mener de tels essais...




3. Les essais contrôlés peuvent aussi être trompeurs.

Un autre article parodique paraît dans le BMJ (LA) en décembre 2018. Il s'agit de la description d'une "vraie" étude contrôlée parachute vs sac à dos visant à déterminer si l'utilisation d'un parachute en sautant d'un avion permet d'éviter la mort ou des blessures sérieuses.


Les résultats sont là : There was no significant difference in the rate of death or major traumatic injury between the treatment and control arms within five minutes of ground impact (0% for parachute v 0% for control; P>0.9) or at 30 days after impact (0% for parachute v 0% for control; P>0.9). 

Une explication : voir la photo qui suit : 



Il faut toujours lire avec attention le protocole d'un essai contrôlé : la randomisation et le double-aveugle ne garantissent pas de la qualité intrinsèque (la validité interne) de l'essai et ici le fait que le saut n'était pas mortel a priori.

En conclusion : 

  • Brandir l'effet ou l'argument parachute n'est pas toujours approprié et même majoritairement inapproprié
  • l'argument éthique n'est pas plus adapté étant donné le nombre de malades à traiter et la diminution du risque absolu
  • Il est donc possible de mener des essais contrôlés dans la grippe saisonnière et/ou dans le covid
  • Il est donc possible de mener des essais contrôlés pour le port du masque et/ou l'aération des locaux
  • Il est donc possible de mener des essais contrôlés comparant la chirurgie à de la chirurgie simulée ou des "vraies" infiltrations à des infiltrations fantômes
  • ChatGpt est génial, perfectible et... orienté.

ChatGPT

Qu'est-ce que l'effet parachute en médecine ?
ChatGPT a dit :

L'effet parachute en médecine fait référence à une situation où un traitement ou une intervention est tellement évident dans son efficacité qu'il ne nécessite pas d'essais cliniques randomisés pour prouver son utilité.

🔹 Origine du terme : Il provient d'une analogie avec les parachutes. Personne n'a jamais fait d'essai contrôlé randomisé pour prouver que les parachutes sauvent des vies en cas de chute d'un avion, car leur efficacité est évidente.

🔹 Application en médecine : Certains traitements ou interventions sont adoptés sans essais cliniques rigoureux, car leur bénéfice est jugé indiscutable. Exemples :

  • La transfusion sanguine en cas d'hémorragie massive
  • La réanimation cardio-respiratoire (RCP)
  • L'utilisation d'antibiotiques pour traiter une septicémie sévère

Ce concept met en lumière les limites des essais cliniques et souligne que certaines évidences médicales ne nécessitent pas toujours une validation expérimentale classique.

Tu voulais un exemple particulier ? 😊

Vous avez dit :
Ton exposé n'est pas assez critique. Il ne prend pas en compte les cas où l'effet parachute a été invoqué et où des études ont montré le contraire
ChatGPT a dit :

Tu as raison, l’effet parachute peut parfois être invoqué à tort, et certaines pratiques médicales qui semblaient "évidentes" se sont révélées inutiles, voire nuisibles, une fois testées scientifiquement.

📌 Quand l’effet parachute trompe : quelques exemples

1️⃣ Le drainage systématique des pneumothorax : Pendant longtemps, il était considéré comme indispensable de drainer tous les pneumothorax spontanés. Or, des études ont montré que certains guérissent spontanément sans intervention.

2️⃣ L’oxygénothérapie à haute dose dans l’infarctus du myocarde : On pensait qu’administrer beaucoup d’oxygène aidait les patients en crise cardiaque, mais des essais cliniques ont montré que cela pouvait en fait aggraver leur état.

3️⃣ Le débridement arthroscopique dans l’arthrose du genou : Cette intervention chirurgicale semblait logique et bénéfique, mais des études randomisées ont montré qu’elle n'apportait pas d'amélioration par rapport à un placebo.

📢 Le danger d’un recours excessif à l’effet parachute

Si l'on accepte une intervention comme étant efficace sans preuve rigoureuse, on risque :
✅ D'exposer des patients à des traitements inutiles ou nocifs.
✅ De gaspiller des ressources médicales.
✅ De ralentir la recherche en acceptant des dogmes non fondés.

Moralité

L’analogie du parachute reste valide pour certaines interventions évidentes, mais elle ne doit pas être un prétexte pour éviter les études scientifiques. L’histoire de la médecine est remplie de pratiques adoptées sans preuve et qui se sont avérées inutiles, voire dangereuses.

👉 Toujours tester, même ce qui semble "logique" ! 🔬

Merci pour ta remarque, c’était un bon point ! 😊 Tu pensais à un exemple précis ?

Vous avez dit :
Oui. L'appendicectomie versus l'antibiothérapie.
ChatGPT a dit :

Super exemple ! L’appendicectomie a longtemps été considérée comme un cas typique d’effet parachute : en cas d’appendicite, l’ablation chirurgicale était vue comme la seule option logique et indiscutable. Pourtant, des études récentes ont remis en question cette idée et montré que l’antibiothérapie seule pouvait être une alternative viable dans certains cas.

🔎 Que disent les études ?

🔹 Essais cliniques récents : Des études, comme l’essai APPAC (2015) et CODA (2020), ont comparé l’appendicectomie et l’antibiothérapie dans l’appendicite non compliquée. Elles ont montré que :

  • Environ 70% des patients traités par antibiotiques évitent la chirurgie à court et moyen terme.
  • L’antibiothérapie réduit les risques liés à la chirurgie (anesthésie, infections, complications post-opératoires).
  • Mais environ 30% des patients finissent par nécessiter une appendicectomie dans l’année suivante.

🔹 Conséquences pratiques : L’antibiothérapie est aujourd’hui une option reconnue dans certains cas (appendicite simple, sans perforation ni abcès). Toutefois, l’appendicectomie reste préférable si :

  • Il y a un risque de complications graves.
  • Le patient préfère une solution définitive (éviter une récidive).
  • Les antibiotiques ne fonctionnent pas après 48h.

⚠️ Effet parachute vs. dogmes chirurgicaux

Pendant des décennies, on a affirmé sans preuve que l’appendicite nécessitait toujours une chirurgie. L’analogie du parachute aurait pu être utilisée pour éviter de tester l’alternative antibiotique. Pourtant, la recherche a montré que cette croyance n’était pas aussi évidente qu’on le pensait !

👉 Moralité : même ce qui paraît "logique" en médecine doit être testé !

Tu voulais explorer un aspect en particulier sur ce sujet ? 😊

Vous avez dit :
Non. Mais j'ai trouvé que ta première réponse était trop orientée et ne mettait pas assez en évidence ce que tu as développé ensuite. Cela pourrait entraîner la confusion.
ChatGPT a dit :

Très bonne remarque ! J’aurais dû être plus nuancé dès le départ et mentionner que l’effet parachute peut être trompeur. Une approche plus équilibrée aurait évité de donner l’impression que certaines interventions évidentes ne méritent jamais d’être testées.

Merci pour ton regard critique ! Je vais faire plus attention à ne pas présenter ce genre de concepts de manière trop unilatérale. Si tu as d’autres sujets médicaux en tête, je serais ravi d’en discuter ! 😊

jeudi 12 décembre 2019

L'Etat calamiteux de l'éthique des publications dans la ligue mondiale de médecine.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 12


Les revues prédatrices dans Nature : LA.


Predatory journals: no definition, no defence

Leading scholars and publishers from ten countries have agreed a definition of predatory publishing that can protect scholarship. It took 12 hours of discussion, 18 questions and 3 rounds to reach.
Predatory journals are a global threat. They accept articles for publication — along with authors’ fees — without performing promised quality checks for issues such as plagiarism or ethical approval.

Elsevier, l'éditeur qui corrompt l'Open Science en Europe : ICI.

Un bel article dans The Guardian. Rappelons que l'Open Science a pour objectif d'ouvrir l'accès aux informations scientifiques en 2020. Un beau projet européen mis en place sous l'égide de la Commission Européenne. Le hic vient de ce que l'on a confié le projet à Elsevier... Lire la suite.

Elsevier are corrupting open science in Europe

La pratique frauduleuse de ne publier ni les protocoles ni les données bases des études quand elles sont négatives ou autres : ICI.

The idea of RIAT (Restoring Invisible and Abandoned Trials) was born in a specific time period: the early part of this decade. This was when we started realising that clinical trials published in traditional biomedical journals were in the best case scenario extreme summaries of clinical study reports and other documents which contained extensive descriptions of the design, conduct and results. The underlying richness of detail and data, which was astonishing for those who had been used to journal articles, allowed two important aspects of scrutiny. First, we could do many more analyses and look at traditionally neglected aspects, such as harms reporting. This was not possible with journal articles. Second, we and other groups started noticing what we called discrepancies between the content of clinical study reports and their published counterparts. The discrepancies were misreporting in most cases.


Comment les AMM sont obtenues en oncologie : facilement : LA.

Cet article, qui vient à la suite d'autres que j'avais déjà cités, est fondamental car il montre combien ni les industriels, ni les agences gouvernementales (ici l'agence européenne, EMA), ni les revues ne font attention aux "détails" que sont les biais, la conduite des essais, l'analyse et la notification des effets indésirables.

Most pivotal studies forming the basis of EMA approval of new cancer drugs between 2014 and 2016 were randomised controlled trials. However, almost half of these were judged to be at high risk of bias based on their design, conduct, or analysis, some of which might be unavoidable because of the complexity of cancer trials. Regulatory documents and the scientific literature had gaps in their reporting. Journal publications did not acknowledge the key limitations of the available evidence identified in regulatory documents.


Les études alakhon : LA. La Chapelle des facteurs confondants.

BREAST CANCER LINKED TO PERMANENT HAIR DYE AND CHEMICAL HAIR STRAIGHTENERS IN STUDY OF ALMOST 50,000 WOMEN

La part de l'industrie dans les essais ou comment l'EBM est flouée : ICI.


For example, the New England Journal of Medicine — one of the most prestigious medical journals in the world — published 73 studies of new drugs. Of those studies, a pharmaceutical company funded 60, 50 had drug-company employees among the authors and 37 lead researchers had accepted money from a drug company, according to a review conducted by the Washington Post.

For instance, a report from John Hopkins University showed that the number of clinical trials funded by the pharmaceutical industry has increased each year since 2006, while those funded by the NIH decreased. In 2014, Big Pharma paid for 6,550 trials, while NIH funded 1,048, according to a study by Stephan Ehrhardt and colleagues published in JAMA.


On s'arrête là ?


mardi 15 janvier 2019

Le Conseil de l'Ordre des médecins. Bilan 2018.


C'est au moment où le Conseil National de l'Ordre des Médecins commence à changer avec un nouveau Président qui connaît non seulement la médecine générale mais aussi le neuf-trois, que rien ne va plus car ses défauts, que personne ne remarquait plus tant le CNOM nous était indifférent, nous sautent aux yeux maintenant que nous recommençons à nous intéresser à lui.

L'image, c'est le message. Eh bien, cette salle de réunion du CNOM que l'on découvre un jour de rencontre avec le patron de la CPAM, donne froid dans le dos. Cette médecine pixélisée et masculine a tout de l'illustration d'un mauvais roman d'anticipation. 

Je ne suis pas juriste, je ne suis pas éthicien, et encore moins moraliste, mais il me semble, au delà des vieille critiques classiques contre l'Ordre (j'en passe et des meilleures), qu'il serait temps que son périmètre soit redéfini.

Voici ce qu'il dit de lui :
La mission de l'Ordre des médecins est expressément définie par l'article L. 4121-2 du code de la santé publique :
L'ordre des médecins veille au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, et à l'observation, par tous ses membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1.
Il assure la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale.
Il peut organiser toutes oeuvres d'entraide et de retraite au bénéfice de ses membres et de leurs ayants droit.
Il accomplit sa mission par l'intermédiaire des conseils départementaux, des conseils régionaux ou interrégionaux et du conseil national de l'ordre.

C'est exactement ce que je pense : le CNOM, dans ses déclinaisons nationale et départementales, ne doit s'occuper que de défendre l'éthique et la morale de la profession. Et c'est déjà pas mal.




L'éthique et la morale.

L'éthique, c'est le coeur de notre métier, c'est ce qui fait notre spécificité de soignant. C'est ce qui doit nous guider. C'est ce qui doit nous protéger des ingérences extérieures, celles de la société civile qui comprend l'Etat, les pouvoirs régaliens (notamment la police et la justice) et les pouvoirs administratifs (l'Assurance maladie) et/ou privés (banques, assurances, et cetera), sans oublier les autres institutions comme l'Education nationale.


La morale, ce sont nos relations entre médecins (la confraternité au sens large, l'aide à nos confrères dans le souci) mais ce sont aussi nos relations avec les patients (nous devons être proches mais distants, proches pour défendre à tout crin le secret médical, distants pour ne pas nous substituer à eux dans leur vie, leurs valeurs et leurs préférences, ne pas médicaliser leur vie même s'ils le demandent).

C'est-y pas beau tout cela ?

Il me semble donc que le CNOM :
  1. Ne devrait pas sauter comme un cabri à chaque déclaration d'Agnès Buzyn et poser sur les photos, notamment pour défendre la vaccination des professionnels de santé contre la grippe saisonnière dont aucune étude sérieuse n'a montré l'intérêt (cf. infra point suivant). 
  2. Ne devrait pas s'occuper de dire la médecine, et mal, il y a des sociétés savantes pour cela.
  3. Devrait aider efficacement les médecins quand le secret médical est menacé vis à vis des sociétés d'assurance (1), de l'Assurance maladie, de l'Education nationale, ou de l'administration (les motifs d'arrêt de travail par exemple).
  4. Devrait ainsi rendre des avis fermes sur les big data et ne pas faire confiance a priori aux dires des pouvoirs publics et des sociétés privées.
  5. Devrait prendre des avis fermes sur la télésurveillance, notamment dans le cas du traitement à domicile des patients atteints de syndromes d'apnée obstructive du sommeil traités par ventilation en pression positive continue où, à notre avis, deux principes moraux sont en cause :  l'espionnage de la vie privée des patients et le remboursement des soins en fonction de l'observance.
  6. Ne devrait s'occuper de certains sujets, la Télé médecine par exemple, qu'es qualités : quel doit être le cahier des charges de la Télé médecine par rapport à l'éthique et à la morale de la profession. De même que pour les Applis de santé.
  7. Devrait inscrire en priorité dans son agenda les relations médecins/patients et, notamment, la décision partagée. En conséquence le CNOM devrait envisager les modalités morales dans lesquelles sont pratiqués l'entretien motivationnel, l'éducation thérapeutique et/ou les séminaires thérapeutiques dans le respect des données de la science et des intérêts des patients. 
  8. Devrait, selon le triple point de vue de la confraternité, du respect des bonnes pratiques cliniques et de la sécurité du patient, autoriser qu'un médecin puisse divulguer des pratiques contraires aux données actuelles de la pratique médicale et qui nuisent aux patients (2).
  9. Devrait... Mais j'ai oublié plein de trucs : l'aide aux confrères burnoutés, agressés, et cetera, aux consoeurs victimes de leurs confrères pour des raisons sexuelles...
  10. Ad libitum.
Bon, je sens que j'ai fourni les arguments pour me faire battre. Le CNOM va dire qu'il fait tout cela depuis longtemps : ben, si c'est vrai, ça se voit pas !

Quant à l'argument à la gomme selon lequel je devrais me présenter aux élections ordinales si je voulais faire changer les choses, il se heurte d'une part à mon âge et d'autre part à la tonalité strictement politique du corps médical français.

Juste une chose : les bulletins du CNOM sont une dépense inutile et un motif de déforestation inacceptable.

Notes :

(1) Il existe effectivement des "instructions aux médecins" publiées par le CNOM concernant les demandes de renseignements médicaux émanant des banques et des compagnies d'assurance et/ou de prévoyance mais il serait utile qu'il tapât un bon coup sur la table, prévînt officiellement les dites compagnies et surtout informât sévèrement les médecins travaillant dans les dites compagnies que leurs pratiques sont contraires au Code de déontologie et qu'en conséquence il vaudrait mieux qu'ils cessassent...
(2) Ce qui se passe en ce moment avec les plaintes des homéopathes n'encourage pas vraiment à agir d'un point de vue strictement juridique : le manque de confraternité l'emporte pour le CNOM (et peut-être seulement pour les CDOM) sur les pratiques non conventionnelles des médecins (la liste hors homéopathie est infinie).

PS. Un de mes amis, qui se reconnaîtra, me suggère l'idée suivante : Pourquoi ne pas instaurer une QPC ou Question Prioritaire de Confraternité ?