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jeudi 4 avril 2013

La CNAM, le médecin traitant, le spécialiste, Sophia, le CAPI, le ROSP et le bilan périodique de santé. Histoire de consultation 145.


J'ai fait une erreur.

Je n'aurais jamais dû accepter que Monsieur A, 43 ans, dont je suis le médecin traitant en titre (et pour lequel je touche 40 euro par an, on le verra plus loin, sans presque rien faire), et après que j'avais fait le diagnostic de diabète de type II, allât consulter un diabétologue.
J'avais oublié cette erreur jusqu'au jour où il est venu me revoir pour le diabète.
Monsieur A est gentil, calme, déterminé et de bonne foi.
Donc, il vient consulter sur rendez-vous et, après les civilités d'usage, après que HelloDoc eut daigné ouvrir le dossier de mon patient au bout de longues secondes d'angoisse, il me dit qu'il vient pour trois choses.

Déjà, le patient qui vient pour trois choses, me tape sur les nerfs a priori (ce qui est une réaction d'une grande idiotie, je le concède, mais qui me ramène à la notion de médecin généraliste qui peut -- et qui doit-- dans la même consultation faire le boulot d'un ou de trois, voire quatre, spécialistes non généralistes, voir ICI, pour la modique somme, en secteur 1, de 23 euro) et j'ai beau lui tendre le sourire le moins contraint que je connaisse dans ma panoplie de médecin généraliste empathique et soucieux de sa patientèle, un sourire contraint quand même qui cache un désamour certain, cela me rend dubitatif et légèrement sur mes gardes pour la suite de la consultation.

Les trois choses (et les trois rictus).
Il pose d'abord sur mon bureau le questionnaire Sophia en me disant, je cite, "J'ai accepté d'adhérer à Sophia, le suivi des diabétiques." Premier rictus.
Il pose ensuite l'enveloppe des résultats de son examen périodique de santé "Puisque c'est gratuit..." en me demandant de le regarder. Deuxième rictus.
Enfin, il a raté le rendez-vous avec le diabétologue et il veut que je lui refasse son ordonnance. Troisième rictus.

Tout baigne.
Mais ce n'est pas fini.
Je jette un regard distrait sur le questionnaire Sophia (pour le remplissage duquel mais je ne sais pas trop s'il s'agit d'un seul remplissage ou s'il faudra le faire plusieurs fois au cours d'une même année pour que je  reçoive la modeste somme de 2,5 C) et je vois d'une part que sont demandés des renseignements sur des analyses biologiques que je n'ai pas prescrites (et je ne dispose pas des résultats) et d'autre part que les items à remplir (sur papier glacé) m'ennuient au plus haut point. Mais le patient sophiaté a tout prévu : il a apporté ses prises de sang. Je me rends compte alors qu'il consulte "son" diabétologue une fois tous les six mois (il me le confirme) et que "son" diabétologue ne me fait jamais de courrier ("Ah bon, il ne vous envoie rien ?" Je confirme). Le dossier de "mon" patient indique qu'il n'est pas venu me voir depuis cinq mois (et pour une infection virale ORL qui n'aurait même pas dû faire l'objet d'une consultation et quand je lui ai posé des questions sur le diabète il m'a répondu "mais c'est le diabétologue..."). Donc, le patient me montre les résultats d'une HbA1C à 6 en février 2013, à 5,8 en août 2012 et à 6 en février 2012. Je pense au ROSP (Rémunérations sur Objectifs de Santé Publique*) qui est en train de me filer sous le nez comme un pet sur une toile cirée... Je rappelle ici que les grands experts de la CNAM ont décidé que pour "bien" suivre un patient diabétique de type 2 il fallait doser l'HbA1C (ou hémoglobine glyquée 3 à 4 fois par an), ce qui est du domaine de la pensée facile ou du bon sens bien pensant (même si Prescrire a dit que c'était acceptable...). Quant au LDL, dosé une fois, il est à 1,14.

C'est alors (cf. supra Mais ce n'est pas fini) que je lui demande s'il est d'accord pour que je lui mesure la pression artérielle (j'aurais dû dire : "Daignez-vous, cher patient dont je suis le médecin traitant et qui vous faites suivre à la sauvette par le bon spécialiste du diabète, que je vous prenne la tension ?") et il me dit "J'allais vous le demander" et il ajoute :"Lors de l'examen de santé, ils m'ont trouvé de la tension". Bon. Le patient a 170 / 90, ce qui est trop pour un diabétique de type II (selon les recommandations actuelles). Il ne m'a pas apporté le rapport complet de l'IPC, officine dont je vous ai déjà parlé ICI et LA, seulement les résultats de prises de sang, il a dû considérer que le reste était sans importance -- ce en quoi il aurait eu raison -- ou que son médecin traitant supposé n'était pas digne de les lire -- aurait-il tort ?, -- et je ne peux que le croire quand il m'affirme que la pression artérielle mesurée à cette occasion était à 16. Nous allons aviser...

Il y a donc les examens de l'IPC qu'il m'a apportés incomplets et qui, le médecin traitant n'ayant pas été consulté et l'examen de sang étant standard, ne comportent pas de dosage de l'HbA1C mais je lis une glycémie à jeun à 1,22... et un LDL à 1,23. Je survole le reste.

Puis il y a le renouvellement.

Cette consultation peut vous paraître foutraque mais c'est le lot de ces malades, de bonne foi, qui se baladent à droite et à gauche, c'est peut-être cela la collégialité involontaire, et qui vous déversent sur votre bureau, leur parcours de soins. Je ne vous parle pas des patients de mauvaise foi qui font la même chose en mentant, dissimulant et en tentant de vous prendre en défaut au cas où vous ne raconteriez pas la même chose que les spécialistes...

Je me rends compte, en lisant l'ordonnance du  diabétologue, que, pour une fois, le traitement que j'avais mis en route à l'origine, c'est à dire la metformine, a été conforté, qu'il n'a pas été prescrit autre chose et notamment les produits "innovants". Un miracle. 

Cette consultation appelle plusieurs observations (ne vous méprenez pas sur le côté docte de l'affaire) :
  1. Le médecin traitant que je suis s'est fait déposséder de son malade et a accepté. Mais c'est fini, il a demandé au patient de choisir.
  2. Sophia propose des questionnaires débiles qui n'aident pas le patient mais rendent la CNAM capable de faire des statistiques bidons (voir ICI)
  3. Ce patient parfaitement équilibré n'a pas besoin de trois ou quatre dosages d'HbA1C pour être bien équilibré et le ROSP tombe à côté de la plaque
  4. Les examens périodiques de santé sont une vaste rigolade, coûtent cher et n'apportent rien
  5. Les médecins qui ont touché pour le CAPI que j'avais refusé vont aussi toucher pour le ROSP que j'ai accepté (voir ICI) : c'est comme si, le même jour, on facturait une consultation deux fois
  6. Mais surtout : l'administration française a construit un édifice bancale, un mille-feuilles de décisions, de règlements, d'objectifs qui s'entremêlent et qui n'ont aucune visibilité (me voilà en train d'utiliser les termes du marketing managerial) et qui font le génie de notre fonction publique : "mon" patient diabétique dont je suis le médecin traitant me "rapportera" : le prix d' au moins 4 consultations par an (4 x 23 = 92 euro) (mais je peux faire du "à la revoyure", la rémunération Sophia (2,5 C = 57,5 euro), la rémunération ALD (40 euro), la consultation IPC (23 euro) plus la rémunération ROSP (inconnue), plus, pour les ex médecins CAPI la rémunération CAPI (inconnue).

L'expérience du NICE anglais ou, plus précisément, du Quality and Outcomes framework (ICI) a montré que les sommes englouties ne servaient à rien en termes de Santé Publique (LA) mais remplissaient les poches de médecins qui, par ailleurs, ne faisaient que du remplissage et négligeaient ce qui était hors du QoF.
On comprend que certains syndicats appuient la démarche ROSP puisque c'est la seule façon, le tarif de la consultation étant bloqué, d'augmenter les honoraires des médecins...
Mais c'est quand même du bricolage à la petite semaine...
(crédit photographique : ICI)


* ROSP : je ne veux pas paraphraser Cornelius Castoriadis qui disait, à propos de la défunte URSS : 4 initiales, 4 mots, 4 mensonges, parce que ce n'est pas tout à fait vrai : je vais quand même toucher de l'argent si HelloDoc fonctionne ; mais les dits objectifs de Santé Publique (une expression bien ronflante) sont sans intérêt... pour la santé Publique (voir ICI pour le CAPI, antichambre des ROSP)

jeudi 5 janvier 2012

Le bon docteur, les critères de substitution, les bons sentiments et l'HbA1C



Diagon Alley.
Toutes choses égales par ailleurs, un de mes plaisirs favoris est de me promener sur le web, le nez au vent. J’ai bien entendu quelques repères et quelques balises qui me permettent de ne pas (trop) me fourvoyer dans des impasses ou dans des lieux dévoreurs de temps. Mais les chemins détournés sont probablement le meilleur de la vie en général, ceux où l’on rencontre l’inconnu(e) ou les inconnu(e)s, ceux qui nous font nous éloigner de nos cercles d’ami(e)s ou de faux ami(e)s, de ces cercles où nous nous sentons bien car nous entendons ce que nous avons envie d’entendre, où nous percevons l’affirmation ou la contestation qui nous confortent dans nos certitudes ou dans nos doutes (ce qui est, à quelques détails près, la même chose) et où notre ego d’ami est valorisé.

La subjectivité.
Là où je veux en venir : pendant mes promenades dans les chemins de traverse (voir JK Rowling, Diagon Alley) les articles sont tellement nombreux, les sujets tellement différents, les angles d’attaques tellement déroutants, je me suis rendu compte, avec le temps, que je ne finis par ne retenir (et commenter) que les articles qui vont dans le sens de ce que je pensais auparavant. Disons que je sélectionne inconsciemment ce qui va me donner encore plus de grain à moudre dans le sens de mes convictions et que j’écarte les données qui pourraient m’amener à changer mes schémas de pensée tout faits ou, plus encore, qui pourraient donner des armes à ceux qui ne pensent pas a priori comme moi.
Cela s’appelle la banale subjectivité.
Il existe des endroits où l’on tente de combattre cette subjectivité.
Hervé Maisonneuve a publié en son blog un post sur la question (http://www.h2mw.eu/redactionmedicale/2012/01/développer-des-revues-systématiques-prenant-en-compte-léquité.html) et il relève que deux organisations ont tenté de relever le défi. Une que je connais bien, car elle est dans mon domaine, c’est la Collaboration Cochrane (http://www.cochrane.org/about-us ), et une autre que je connais mal, car elle se situe dans la domaine des sciences sociales, la Collaboration Campbell (http://www.campbellcollaboration.org/about_us/index.php). Ces deux organisations se sont engagées à suivre les recommandations de PRISMA pour Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses (http://www.prisma-statement.org/). Où est passée La Revue Prescrire ? Eh bien, une des critiques fondamentales que l’on peut faire de notre revue nationale vient de ce qu’elle n’a jamais publié sa méthode. On doit lui faire confiance. Quand elle fait une revue de littérature on lit toujours, dans la présentation, que Prescrire bla bla bla a suivi la procédure méthodique de… Prescrire. Mais on ne connaît pas la pondération et, plus que tout,  Prescrire ne publie jamais de méta-analyse…
C’est donc le règne de la subjectivité absolue et de la croyance cléricale.

Le blog de Richard Lehman (ICI).
Pour rester à ce niveau (de subjectivité) je vous parle à nouveau (voir ICI) du blog de Richard Lehman (RL) qui fait partie des blogs hébergés par le BMJ. 
RL est un type formidable que je ne connais pas et que je ne veux pas connaître personnellement (no free smile), dont je veux même ignorer la Déclaration Publique d'Intérêt, mais dont j'apprécie la plume alerte et, parfois, la naïveté, lorsqu'il commente certaines études cliniques, et avec lequel il m'arrive de ne pas être d'accord, c'est un bonheur que de ne pas être d'accord avec des gens que l'on aime beaucoup, cela permet de se dire qu'on est parfois plus fort qu'eux...  En le lisant, je me suis dit que les partisans du capi, première ou deuxième mouture, ne devraient pas lire le British Medical Journal, trop NICE, cela les désespèrerait et cela pourrait les mettre en porte-à-faux avec leurs fiches de paie...

L'HbA1C.
Je n'aime pas qu'on me raconte des histoires. Je n'aime pas que l'on me dise que le bon sens indique que... Qu'il vaut mieux doser que ne pas doser... Comme ceux qui disent que les bons sentiments font de la bonne médecine... Les commentaires moraux des partisans de la nouvelle convention encapifiée, sur, par exemple, l'évidente utilité du dosage tri ou quadriennal de l'HbA1C et sa valeur intrinsèque comme preuve absolue de qualité du médecin prescripteur, me cassent les pieds. Ce sont les mêmes qui nous ont dit pendant des années que les critères de substitution étaient d'absolus repoussoirs et qui prennent maintenant la partie pour le tout (cela s'appelle une métonymie, je dis cela pour les jeunes médecins qui trouvent que les vieux sont acariâtres) en voulant nous faire croire que c'est en prenant la température qu'on la fait baisser.

Parlons donc, foin des propos moralisateurs, de l'actualité du diabète à partir des commentaires de RL en son blog. 

D'abord, il nous parle de l'idolâtrie des critères de substitution (sur le blog de RL : ICI) à partir d'un article qui a été publié dans le British Medical Journal (LA, mais vous ne pourrez le lire que si vous êtes abonné) et que j'avais lu distraitement car le sujet me paraissait d'une trivialité absolue. Mais RL en a extrait la substantifique moelle.

Obsessed with glycated haemoglobin and microalbuminuria, diabetologists are like the Children of Israel in the wilderness, worshipping the Golden Calf and ignoring the Voice from Mount Sinai, whose Great  Commandment is “First Do No Harm.” John went on to develop the full Ten Commandments, but was dissuaded from publishing them due to American religious sensitivities:

The New Therapeutics: Ten Commandments
  • Thou shalt treat according to level of risk rather than level of risk factor.
  • Thou shalt exercise caution when adding drugs to existing polypharmacy.
  • Thou shalt consider benefits of drugs as proven only by hard endpoint studies.
  • Thou shalt not bow down to surrogate endpoints, for these are but graven images.
  • Thou shalt not worship Treatment Targets, for these are but the creations of Committees.
  • Thou shalt apply a pinch of salt to Relative Risk Reductions, regardless of P values, for the population of their provenance may bear little relationship to thy daily clientele.
  • Thou shalt honour the Numbers Needed to Treat, for therein rest the clues to patient-relevant information and to treatment costs.
  • Thou shalt not see detailmen, nor covet an Educational Symposium in a luxury setting.
  • Thou shalt share decisions on treatment options with the patient in the light of estimates of the individual’s likely risks and benefits.
  • Honour the elderly patient, for although this is where the greatest levels of risk reside, so do the greatest hazards of many treatments.


Puis, dans une autre livraison de son blog (LA), notre ami RL nous parle de deux études qu'il présente de façon drôle puis d'une troisième qui ne me fait pas rire.
La première étude (ICI) démonte la croyance des médecins qui pensent que l'incentive idéologique mené par eux-mêmes dans le cocon de leurs cabinets auprès de leurs malades (qui les auraient choisis) permet de faire des miracles.
Deux cent vingt-deux patients diabétiques de type I et de type II à parts égales et mal équilibrés avec une HbA1C aux alentours de 9 sont randomisés en trois groupes : a) thérapie comportementale structurée avec des sessions en groupes animées par un formateur ; b) sessions de groupes avec formateur ; c) séances individuelles illimitées avec infirmières et diététiciennes. Les critères de jugement sont multiples (qualité de vie, autocontrôles glycémiques, HbA1C). Au bout d'un an les trois groupes montrent une amélioration significative de l'HbA1C  (p< 0,01). Mais ce n'est qu'à trois mois que le groupe a) est significativement plus amélioré (- 0,8 %) que les groupes b) et c) (- 0,4 %). Les diabétiques de type II sont plus améliorés que les diabétiques de type I.
Donc : comment faire pour faire baisser l'HbA1C chez des patients diabétiques insuffisamment équilibrés selon les critères des experts attitrés élaborant des recommandations ou de Big Pharma effectuant des essais cliniques ?
La deuxième étude (LA) montre que les techniques intensives appliquées pour faire baisser l'HbA1C ne marchent pas (ce qui est un net avantage pour les patients !) : 623 patients sont soumis à une thérapeutique intensive pour faire baisser l'HbA1C en dessous de 7 et sont randomisés en trois groupes : a) éducation de groupe ; b) éducation individuelle ; et c) soins usuels. Bien heureusement (depuis ce que l'on sait grâce aux essais Advance,   Accord et VADT (LA), et contrairement à la recommandation (retirée) de l'HAS) seuls 21,2 %, 13,9 et 12,8 % des patients appartenant respectivement aux groupes b), a) et c) passent sous la barre des 7. On est soulagés !
La troisième étude (ICI). Elle intéresse 201 patients à faibles revenus dont le diabète de type II est mal contrôlé qui sont randomisés en deux groupes : a) sessions videos et entretiens téléphoniques ; ou b) remise d'une brochure d'éducation (20 pages) rédigée par un service officiel. Au bout de six mois l'HbA1C baisse significativement dans les deux groupes (9,6 à 9,1 %) mais on ne retrouve pas de différences entre les deux groupes.
Cette étude montre que les conditions socio-économiques sont probablement plus fortes que l'interventionnisme médical c'est à dire que Big Sugar ou Big Junk Food sont de mèche avec Big Pharma (et ont peut-être les mêmes actionnaires). 

Enfin, ce n'est pas RL qui m'en a parlé, mais cet article est extrêmement pertinent car il resitue les indicateurs à leur vrai niveau.
Une étude menée avec la warfarine (LA) indique que chez 250 sujets équilibrés, et alors qu'aux US la recommandation est de doser l'INR toutes les 4 semaines (pas tous les mois, les Français), doser l'INR toutes les 12 semaines revient au même. Les auteurs disent quand même qu'il faut se méfier... Je rappelle pourtant à ceux qui l'ignoreraient que la warfarine est la première cause d'hospitalisation (surdosage).

Je n'ai malheureusement pas d'essai montrant que le dosage de l'HbA1C deux fois par an est équivalent au dosage trois à quatre fois par an. Mais l'absence d'études ne rend pas idiotes les intuitions fondées sur l'expérience interne.

Bon, pour terminer, ajoutons qu'il serait utile que les organisations représentatives des médecins généralistes sur le plan scientifique identifient qui sont les décideurs des indicateurs du nouveau CAPI. Cela permettrait de discuter.

(illustration : les Dix Commandements en hébreu)




samedi 24 décembre 2011

Nouvelle convention médicale : pourquoi, contre toute logique, j'accepte la prime à la performance conventionnelle.



Les délais sont courts. Pour rejeter le paiement à la performance (PAP) il faut se déclarer avant le 26 décembre.
Les débats sont passionnés. Il y a en gros, trois types de médecins : les contre, les pour et les j'm'en fous. Pour mettre tout le monde à l'aise, je fais partie du dernier groupe, les j'm'en fous. J'ai commencé par les contre car ce sont ceux qui font le plus de bruits et qui sont les plus véhéments. Vous pouvez vous faire une idée de leurs arguments en consultant le site de Dominique Dupagne (ICI). Vous avez les pour qui, dans l'ensemble, réagissent au contre. Vous pourrez voir leurs arguments, notamment sur le site de Borée où vous lirez avec profit les commentaires (LA et ICI). Mais il est évident qu'il s'agit d'une sélection.


J'accepterai donc la convention telle quelle.

Ayant été dès l'origine opposé au CAPI individuel (voir ICI) non pour des raisons idéologiques (perte de ma liberté) mais pour des raisons politiques (la façon dont les indicateurs ont été choisis de façon unilatérale et sans concertation par Messieurs Van Roekeghem et Allemand) et scientifiques (la validité interne catastrophique de nombre de ces indicateurs que j'ai analysée en détail ICI et bien qu'ils aient légèrement changé dans la nouvelle mouture), je n'ai pas l'impression de me renier, mais j'ai compris que mon opposition ne pouvait être entendue. Dès le début de cette affaire j'avais conseillé aux médecins de prendre, à l'instar de Woody Allen, l'oseille et de se tirer (Take the money and run). Je ne désignerai pas car 1) j'en ai assez de me battre contre des moulins à vent ; 2) je continuerai ma réflexion sur la validité interne et externe des indicateurs ; 3) je "profiterai" du système pour le critiquer de l'intérieur (ce dont les deux lascars sus cités se moquent comme d'une guigne) et je continuerai de m'opposer aux PAPistes qui se font des illusions et sur les indicateurs, et sur la Santé Publique et sur la prétendue forfaitisation.

Historique du PAP dans le monde du management
Le paiement à la performance ou payment for performance (P4P) n'est pas une invention française, on s'en serait douté dans un pays où les agences gouvernementales ne se préoccupent même pas de médico-économie sauf sur un coin de table ou dans une discussion de couloir. Le PAP pour les médecins est une déclinaison libérale ou néo libérale (cela dépend où l'on situe le curseur) de la méritocratie pécuniaire des salariés et des employés dans le cadre de l'entreprise capitaliste (nous ne parlerons donc pas ici des autres régimes qui appartiennent pour la plupart au passé). On appelle cela aussi les primes et, quand on veut faire chic et moins trivial, de l'incentive, c'est à dire la motivation. 
Ce procédé est très connu dans les firmes. Je suis toujours fasciné, les extrêmement rares fois où je pénètre dans un établissement Mc Donald (je suis pour la fermeture de ces établissements pour des raisons de santé publique, LOL), par l'affichage du nom et de la photographie de L'employé du Mois... Prenons un exemple dans l'industrie pharmaceutique : Big Pharma donne (on me dit donnait) des primes aux 10 ou 20 % des visiteurs médicaux qui vendent beaucoup de boîtes d'un médicament (motivation aux résultats) et / ou dont la progression des ventes est de 10 à 20 % par rapport à l'état de départ (motivation à l'effort). C'est une façon pour le patron de récompenser les travailleurs selon les critères qu'il a décrétés mais aussi une façon de valoriser la politique définie par la direction (avec des arguments aussi fallacieux que : si tous les travailleurs avaient travaillé comme les 20 % les meilleurs on vendrait globalement plus de boîtes ; hors, c'est impossible : la courbe des ventes individuelles de chaque vendeur obéit à une loi normale gaussienne) et de culpabiliser les moins vendeurs qui auraient pu faire mieux. Remplacez le mot vendeur par le mot médecin, pour voir.. Cela signifierait que si tous les médecins prescrivaient aussi peu que les 20 % de médecins qui prescrivent peu... Mais la logique manageriale va encore plus loin : elle fait non seulement croire aux vendeurs ou aux salariés que ce sont les 20 % de meilleurs qui tirent l'entreprise vers le haut mais aussi que ces 20 % sont meilleurs en général, par rapport aux autres entreprises. Or c'est faux. Car la vente des produits de la société X ne se détermine pas par la qualité de ses vendeurs mais par rapport à la qualité de la politique générale marketing de la société. Je m'explique : si la société X vend 100 000 boîtes de biduleprazole avec 100 visiteurs médicaux, cela veut dire que chaque VM vend en moyenne 1000 boîtes ; si la société Y vend 10 000 boîtes de trucmucheprazole chaque VM Y vend en moyenne 100 boîtes. Ainsi, le meilleur VM Y qui vendrait   150 boîtes (+ 50 %) vendrait toujours moins de boîtes que le pire VM X vendant 500 boîtes (- 50 %). Vous remplacez politique générale de la société X par politique de Santé Publique de l'Etat et vous comprenez que les gesticulations d'un tel ou d'un tel dans son coin ne peuvent rien changer au fait que la mortalité dans le pays X est significativement inférieure à celle du pays Y.

Les spécialistes du management savent également que les effets de l'incentive dans sa version primes et avantages en nature (voyages, bons d'achat) s'épuisent très rapidement dans le temps, que ce sont toujours les mêmes qui sont primés, les plus malins, ceux qui savent s'adapter au système, ceux qui sont les plus intéressés par l'argent, ceux qui savent profiter et, qu'au bout du compte, cela ne fait pas augmenter les ventes, sauf à court terme, ce qui est bon pour les dirigeants quand il faut décider de leurs propres primes mais pas forcément bon pour la courbe de vie des produits et, ici, les indicateurs de Santé Publique.
Le PAP est de la poudre aux yeux. C'est tout simplement un moyen de diviser les médecins, de valoriser ceux qui sont situés à droite de la courbe de Gauss et de dénigrer ceux qui sont à gauche de cette même courbe, le marais, au centre de la courbe étant finalement le déterminant majeur, déterminé par la politique générale de la Nation, la qualité de l'enseignement de la médecine, les moyens accordés pour la pratiquer de façon adéquate et non déterminé par les comportements sociétaux de la population en termes d'hygiène publique, de responsabilisation des conduites et des pratiques. La politique générale de la Nation, c'est, pour un certain nombre d'indicateurs contenus dans le PAP, par exemple, diminuer la quantité de sel dans les plats cuisinés et / ou dans les boissons sucrées ; interdire la publicité pour les aliments salés et sucrés à destination des enfants aux heures où les enfants regardent la télévision... Mais c'est trop demander à l'Etat qui doit gérer le taux de chômage dans les trusts agro-alimentaires et la rentabilité des Fonds de Pension pour conserver le Triple A.
Le PAP est une politique d'affichage. Et c'est une politique dangereuse. D'une part elle fait croire qu'il est possible d'améliorer la Santé Publique en se conformant à des indicateurs (l'expérience du QOF anglais a montré le contraire), d'autre part elle entraîne une réaction des consommateurs de santé contre les médecins puisqu'ils lisent dans la presse grand public qu'ils faisaient mal leur travail et que, d'autre part, en le faisant bien ou mieux (ce qui devrait être un pré requis moral) ils peuvent toucher (on ne dit pas le pourcentage de ceux qui toucheront le jackpot) jusqu'à 11 000 euro et en période de crise !
Le PAP est une politique dangereuse. Les exemples étrangers ont montré que les performers médicaux regardaient le bout du doigt (les indicateurs) des Payeurs montrant la Santé Publique et pas la Santé Publique elle-même : voir ICI le rapport de L'IGAS de juin 2008 consacré aux expériences étrangères. On peut analyser les conséquences inattendues du PAP comme les a montrées le rapport de l'IGAS consacré au PAP "Rémunération à la performance dans le contexte français" de juillet 2008 (ICI) : exclusion des patients les plus à risques ; fragmentation des soins entre différents acteurs ; aggravation des inégalités ; impact négatif sur la vie des professionnels ; augmentation de la prescription des médicaments (1). Mais surtout le PAP conforte les médecins dans l'idée qu'ils sont les promoteurs de l'amélioration de la Santé Publique, ce qui, on l'a vu, est totalement illusoire quand les politiques de Santé Publique sont contreproductives.
Le PAP à la française a été préparé (bricolé) à la française, c'est à dire que la CNAMTS ne s'est pas donné les moyens (à partir de la page 12 dans le rapport de l'IGAS de juillet 2008 : 10 principes fondamentaux) pour analyser la situation avant, pour se doter d'outils fiables et consensuels pour  autoriser des comparaisons avant / après ; n'a pas fait d'étude de faisabilité ; a omis la phase d'éducation au processus et y compris d'acceptabilité ; et cetera, et cetera (voir le texte extrêmement précis que j'ai cité) et a donc lancé l'affaire à la va-vite.
Sans faire de misérabilisme et rapporter que je travaille depuis plus de 32 ans dans le Val Fourré, je retiendrai également que l'IGAS a souligné qu'il fallait "réduire les inégalités en modulant l'incitation selon la population considérée (critères socio-économiques et géographiques)". Disons qu'au Val Fourré où la population immigrée est très importante -- plus de 50 %-- une très grande majorité des femmes de plus de 50 ans sont analphabètes, ce qui, pour les courriers de relance, cancer du sein, ou pour les incitations à utiliser des médicaments génériques... est particulièrement "motivant"). Par ailleurs, les délais d'attente pour obtenir des rendez-vous, les éventuels dépassements d'honoraires, la diversité de choix des professionnels à impliquer, sont de forts facteurs limitants à l'amélioration des performances. Gageons que ce système de primes incitera les jeunes médecins à s'installer dans les zones où les primes seront faciles à obtenir...

Que reste-t-il du PAP conventionnel après tout ce que je viens de dire ?
Pas grand chose. Et encore n'ai-je pas dit que le P4P à l'américaine, s'il se développait dans certaines HMO, s'arrête pour manque de résultats dans le cas du Kayser Institute.
Et encore n'ai-ja pas parlé des résultats catastrophiques obtenus en république d'Irlande en termes se simple suivi des recommandations (LA).
Et encore n'ai-je pas dit que le QOF anglais venait de retirer des critères qui sont inclus dans notre PAP (ICI) (2).
Et encore n'ai-je pas parlé des critiques acerbes de certains commentateurs comme Des Spence dans le BMJ sur la culture des indicateurs (ICI).
Et dire que je n'ai pas encore parlé du volet financier (mais cela va venir).
Et dire que je n'ai pas encore parlé des indicateurs eux-mêmes et que je ne vais pas en parler car j'en ai assez de me battre contre l'évidence (LA) (3).
Et dire que je n'ai pas encore parlé des données de la CNAMTS qui sont, pour le moins, fantaisistes, et je refuse de passer du temps à tenter de contrôler, pour quelques euros, la concordance des comptes entre mon Payeur et mes fichiers  (4).
Et dire que, contrairement aux désignataires, je n'ai pas parlé de morale ou d'éthique (je laisse aux spécialistes de la question de lire les millions de thèses qui ont été consacrées à ce sujet).

Parlons du volet financier.
Il faut d'abord signaler que l'argument de forfaitisation de l'activité est peu acceptable.
Rappelons que dans le système NICE - QOF le P4P peut rapporter jusqu'à 20 à 30 % des revenus dans des pays où il y a inscription sur une list size qui rapporte déjà de l'argent.
Je ne sais pas ce qui va rapporter le plus : l'atteinte des objectifs (primes aux résultats) ou le pourcentage d'amélioration (primes à l'effort).
Osons dire aussi que plus la patientèle est importante, et notamment pour les indicateurs, et plus il est possible de gagner de l'argent. Ce qui n'est franchement pas un critère de qualité. Je signale ici que 1) j'ai plus de 1200 patients qui m'ont choisi comme médecin traitant ; b) que j'ai exactement 104 patients diabétiques de type II ; c) que le cabinet médical est ouvert toute l'année, non compris le dimanche, que je suis associé avec un médecin quatre/cinquième de temps, qu'il y a une secrétaire à plein temps, qu'il y a une femme de ménage, que je vois, bon an mal an, plus de 7000 patients en une année d'exercice (dont dix semaines de vacances pendant lesquelles je suis remplacé), que je pourrais toucher, d'après mes calculs, entre 5 et 7000 euros par an d'honoraires supplémentaires, soit relativement à mon CA total, y compris les honoraires rétrocédés, entre 2,9 et 4,1 % de mes honoraires. Pourquoi le docdu16 se décarcasserait pour des indicateurs, pour certains inutiles, pour d'autres inopérants, pour d'autres encore, dangereux ?...

Il reste l'incitation informatique. Quatre cent points sur 1300 sont des points liés à l'organisation informatique du cabinet : 400 points faciles à obtenir (soit 400 x 7 = 2800 euro). Personnellement, nous devons avec mon associée, débourser 375 euro en plus (mise à niveau du logiciel Hellodoc) + un abonnement mensuel à Vidal Expert (21 euro pour deux) + la venue d'un technicien sur site pour mettre le réseau en marche (mais on me dit qu'il est possible de le faire par téléphone avec le technicien de la hot line pour 95 euro HT) ; il faut ajouter cela aux frais de fonctionnement liés à Hellodoc et à la télétransmission (réseau RSS). Cela paraît jouable.

Donc, foin d'arguments moraux : je reste dans la convention, je constate les anomalies, je publie contre les indicateurs bidon et je ramasse un peu d'argent.




Notes
(1les domaines qui ont été choisis, par le NICE dans le cadre du QOF, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, la santé mentale et les affections respiratoires sont dominées par les médicaments. Depuis le début du contrat les prescriptions ont globalement augmenté : 40 % de plus dans le diabète (240 millions d'euro en plus) ; + 90 % pour les inhibiteurs de l'angiotensine 2 (+ 68 millions de livres) ; tiotropium : + 100 % (+ 30 M livres) ; ezetimibe (+ 400 %, + 15 M livres). La prescription des statines a doublé bien que l'on sache leur inefficacité en prévention primaire.
(2Et donc, pour l'an prochain, un certain nombre de critères vont être enlevés comme le décrit un article du BMJ car ils paraissent peu discriminants et peu contributifs : mesures de la pression artérielle (insuffisance coronarienne, diabète, AVC ou AIT), prises de sang pour mesurer l'HbA1C (diabète), cholestérolémie totale (diabète) ou créatininémie (diabète, patients traités par lithium), fonction thyroïdienne (patients traités par lithium, hypothyroïdisme).
(3) Sans oublier les Prescrirolâtres qui on trouvé des arguments positifs dans l'analyse que Prescrire a faite du CAPI ancienne formule et dont je vous résume, au 5 décembre, les avis : Prescrire a considéré que 7 items sur 16 étaient cohérents sans restriction (cotation 1) (43,8 %) ; 3 items acceptables mais incomplets (cotation 2) (18,7 %), soit 10 items sur 16 (62,5%) utiles ; à l'inverse 2 items étaient considérés comme hors sujet sur le thème choisi (cotation 3) et 4 items incohérents (cotation 4), soit au total 37,5 %.
(4) Voici quelques exemples choisis dans mes propres chiffres qui montrent des variations pour le moins surprenantes et qui ne peuvent, à mon sens, être expliquées par un changement de mes pratiques (ou alors inconscient, ce qui serait une confirmation / infirmation des arguments de DD et ses amis) : Part de vos patients diabétiques  ayant eu 3 ou 4 dosages de l'HbA1C dans l'année : juin 2010 = 55 % et juin 2011 = 27,9 % ;  Part de vos patients diabétiques ayant eu une consultation d'ophtalmologie ou un examen au FO dans les deux dernières années : juin 2009 = 42,9 % ; juin 2010 = 30,5 % ; juin 2011 = 41,3 %...
(

dimanche 20 février 2011

CAPI : ENCORE DE MAUVAISES NOUVELLES

Irlande : les médecins généralistes travaillent

Je l'ai déjà dit ici mais je le répète : je n'ai pas signé le CAPI pour des raisons morales.
Le simple fait d'écrire cela me rend suspect aux yeux de ceux qui l'ont signé : ils pensent qu'il s'agit d'une insulte à leur égard. Par ailleurs, le poids du nombre de médecins qui ont signé est en ma défaveur : les gens croient que la démocratie s'applique aussi à la science. Généralement : oui. Très rarement : non.
J'ai pourtant écrit ailleurs que j'avais refusé le CAPI pour des raisons scientifiques : LA.

La dernière lettre que j'ai reçue de l'Assurance Maladie (numéro 37 de février 2011) m'a rendu songeur.
Elle m'a aussi rendu encore plus ringard puisque, comme l'écrit Frédéric van Roekeghem (FVR),

CAPI : 66 % des médecins
rémunérés dès la première année

Le contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI) a un an et demi d'existence. Et le bilan d'étape est positif. Plus d'un médecin traitant concerné sur trois (soit 15 110 médecins) s'est engagé volontairement dans cette action de santé publique, à l'échelle de sa patientèle. Près de 6 000 médecins (soit 66 % de ceux pour lesquels le contrat a atteint sa première année d'échéance) ont dépassé les seuils prévus, bénéficiant d'une rémunération complémentaire de 3 100 euros en moyenne.

Ces praticiens ont prouvé leur engagement et fait progresser leurs résultats sur tous les champs du contrat : suivi des pathologies chroniques, prévention et optimisation des prescriptions.

Des résultats tangibles
Sur la base des résultats obtenus par le premier tiers des médecins signataires, pour lesquels le CAPI a atteint sa première année en juillet 2010, 12 000 patients diabétiques de plus ont bénéficié des trois ou quatre dosages annuels de l'HbA1c recommandés et 5 000 de plus ont réalisé un fond d'oeil.

Les prescriptions de vasodilatateurs et de benzodiazépines à demi-vie longue ont diminué. Respectivement, ce sont quelque 18 000 et 10 000 personnes qui n'en consomment plus, faisant régresser les risques de iatrogénie pour ces patients de plus de 65 ans.

Une dynamique est enclenchée
Ces avancées sont aussi le fruit de l'action conventionnelle en faveur de la maîtrise médicalisée et de la prévention, engagée depuis 2005 comme en témoigne la progression des indicateurs de tous les médecins libéraux, signataires ou non du CAPI. Pour autant, il reste encore des marges d'évolution et les actions sur le terrain continuent.

Les délégués et les médecins conseils de l'Assurance Maladie rencontrent les médecins pour faire le point sur leurs résultats et de nouveaux Mémos de bonne pratique seront bientôt disponibles pour accompagner votre effort, gage d'amélioration de la qualité des soins.


Frédéric van Roekeghem
Directeur général de l'Union nationale
des caisses d'assurance maladie

Donc, tout baigne. Mais où sont les objectifs de Santé Publique ? Pas d'études préliminaires, pas d'études de suivi, pas d'études post hoc, mais la conviction, partagée par de nombreux acteurs de la "Santé Publique", dont de distingués médecins généralistes, que le plus est le garant du bien : plus fréquemment on dose l'HbA1C et mieux les diabétiques sont soignés (comme on disait à tort auparavant : plus l'HbA1C est basse et meilleurs sont les résultats en termes de morbi-mortalité).
Arguties, disent les capistes : il vaut mieux doser plus fréquemment que doser moins fréquemment. C'est le bon sens. Comme dans l'hypertension. Comme dans tous les domaines de la santé. Il vaut mieux être anti raciste que raciste.
Or, malheureusement, les données du CAPI britannique indiquent que la morbi-mortalité n'a pas été améliorée depuis que le QOF a été institué par le NICE. Les médecins généralistes ne s'occupent plus des malades (là, j'exagère) mais des moyens qui les autoriseront à atteindre les objectifs qui leur permettront de toucher l'argent du QOF (voir ICI ce qu'en pense Des Spence).
L'arbitre des élégances scientifique, FVR, fait un argumentaire, dans ce document adressé aux médecins généralistes, digne d'une DAM, et dit aux médecins : notre système CAPI est merveilleux, il fait le bonheur des patients, et puisque vous touchez de l'argent c'est que cela va marcher.
Je n'y crois pas.
La complexité du système NICE / QOF (voir LA) est très éloignée du système FVR / Allemand.
Mais FVR / Allemand sont plus malins que les Anglo-britanniques.
Mais, malheureusement pour l'éthique, je crains que la messe ne soit dite. Une majorité de médecins généralistes, au vu des 3100 euros, se dit qu'il faudrait être cons pour ne pas accepter la manne. Take the money and run ! Tout le monde, i.e. une majorité, va donc signer.

Et voilà qu'un article irlandais décourage encore les bonnes volontés éthiques mais personne n'y fera attention. Puisque personne ne le commentera.

Des Irlandais (Eire) ont mené un essai en médecine générale (20 cabinets de médecine générale ont recruté 395 patients diabétiques de type 2 et 29 pairs supporteurs diabétiques de type 2) : 192 patients dans un groupe "supporté" par des pairs et 203 dans un groupe contrôle afin de savoir si, au bout de deux ans, il existait une différence entre les deux groupes pour 4 critères : HbA1C, taux de cholestérol, pression artérielle et index de bien-être.
Dans le groupe "supporté" l'intervention consistait avec l'aide de pairs diabétiques recrutés et formés d'animer 9 groupes de patients afin de les sensibiliser à leur maladie avec un plan particulier ("retention plan") pour "retenir" les pairs.
Les résultats sont mauvais pour l'action des pairs.
Pas de différences significatives pour les 4 critères retenus : HbA1c (- 0,08 %), cholestérol total (- 0,03 mmol/L), pression artérielle (- 3,9 mm Hg) et index de bien être.
On ferme le ban : car, avec de tels résultats (mais ce sont des médecins irlandais et des malades irlandais, qu'on leur pardonne, en France, ce n'est pas pareil, il y a FVR...) on ne risque pas d'amélioration de la morbi-mortalité.
Si nos amis spécialistes en Santé Publique voulaient bien nous redire que c'est le mode de vie de nos sociétés qui rend les patients malades... Les médecins généralistes et autres spécialistes étant à la fois les otages et les alibis de Big Junk Food et de Big Pharma.
Si vous voulez lire l'article in extenso, c'est ICI.

Il s'agit donc de deux mauvaises nouvelles :
  1. Les médecins et les patients ont peu de pouvoir pour inverser la morbi-mortalité due à des maladies "de civilisation" comme le diabète et l'hypertension
  2. Le CAPI s'installe en France.







dimanche 5 décembre 2010

LE CAPI : DES ARGUMENTS SCIENTIFIQUES PEU CONVAINCANTS

PERFORMANT, EXCELLENT ET REBELLE : LE CAPISTE ?

Je ne souhaite pas dire aujourd'hui pourquoi je n'ai pas signé le CAPI pour des raisons autres que des raisons scientifiques bien que j'aie mis la charrue avant les boeufs en donnant mon avis le 7 juin 2009 de façon tout à fait intuitive (ici)... Je n'ai donc pas signé le CAPI malgré tout l'intérêt que je porte à l'Evaluation des Pratiques Professionnelles et à la recherche de l'amélioration de ma pratique professionnelle. Ce blog en est l'expression achevée, me semble-t-il.
Intuitivement, avant même que d'avoir examiné en détail les différents items proposés, la façon dont il m'a été présenté, par l'intermédiaire d'une Déléguée de l'Assurance Maladie (DAM), comme s'il s'agissait d'un vulgaire document de visite médicale destiné à la promotion d'un produit pharmaceutique, je sentais que derrière cela, et au delà des arrière-pensées idéologico-politiques que je n'aborderai pas ici, il y avait de l'impréparation, de l'amateurisme et, pour tout dire, de la poudre aux yeux.
J'ai déjà publié ici et là des articles sur le CAPI dont certains m'ont reproché la violence et le mépris que je montrais pour ceux qui l'avaient signé.
Le fait que 15 000 médecins généralistes aient signé (argument quantitatif) semblant dédouaner les dits signataires de tout reproche qualitatif ou moral.
Ce contrat individuel comporte donc 16 items.
J'ai attendu que la Revue Prescrire ait fait une analyse scientifique de ces 16 items avant de donner mon avis (numéros 325 et 326 de novembre et décembre 2010). J'ai recueilli ici et là, sur les forums auxquels je participe, des avis et des commentaires ainsi que des témoignages. J'ai consulté les différentes sources (forcément incomplètes) qui font le quotidien de mon métier de médecin généraliste. Les contributions de Philippe Nicot m'ont paru décisives.
J'ai noté les items du CAPI en 1 : Pertinent ; 2 : Correct mais incomplet ; 3 : Hors sujet sur le critère choisi ; 4 : Non justifié. En ajoutant un commentaire : A : le MG n'a pas la main ; B : les preuves scientifiques sont faibles.
Nous allons donc envisager ces 16 items qui sont des objectifs cibles à 3 ans les uns après les autres en donnant l'avis de Prescrire, l'avis de sources indépendantes, mon avis personnel ainsi que mes "performances" personnelles de non signataire du CAPI (pour lequel je suis éligible).
  1. Grippe : 75 % de patients âgés de 65 ans ou plus vaccinés contre la grippe. Prescrire : 2 (Objectif cohérent mais incomplet en termes de prévention de la grippe des personnes âgées) ; Littérature (Cochrane) : 4 (efficacité modeste de la vaccination antigrippale chez les personnes âgées et sans efficacité pour les personnes de plus de 70 ans) ; docteurdu16 : 3AB (objectif fondé sur des données non validées notamment chez les personnes de plus de 70 ans, la vaccination des personnels soignants est hors de la compétence des MG, vacciner les "vraies" personnes à risques serait plus judicieux et en rapport avec les actuelles données de la science)(JCG 58,8 %).
  2. Cancer du sein : 80 % des femmes âgées de 50 à 74 ans participant au dépistage du cancer du sein. Prescrire : 3 (Objectif illogique qui admet le dépistage individuel... l'incitation devrait porter sur l'information équilibrée des femmes) ; Cochrane : 3 (cf. ce blog pour les détails qui confirme la presque inutilité du dépistage en termes de mortalité) ; docteurdu16 : 3A (il faut dire leurs droits aux patientes en leur rappelant les dangers du sur dépistage - cf la référence du blog sus-jacente -, pouvoir remettre une documentation écrite à la femme invitée au dépistage et pouvoir choisir qui fait la mammographie et qui l'interprète secondairement) (53,3 %).
  3. Vasodilatateurs : 7 % au plus de patients âgés de 65 ans traités par vasodilatateurs. Prescrire : 2 (objectif logique mais trop laxiste) ; Littérature : 1 ; docteurdu16 : 2A (l'initiation des prescriptions se fait le plus souvent chez le spécialiste hospitalier ou libéral et c'est donc au médecin généraliste de faire la police (supprimer les prescriptions) à la place de l'Assurance Maladie qui ne peut toucher aux spécialistes qui, d'ailleurs, se tamponnent du CAPI puisqu'ils sont presque tous en secteur 2)(3,5 %).
  4. Benzodiazépines à demi-vie longue : 5 % au plus de patients de plus de 65 ans traités. Prescrire : 3 (objectif qui néglige un critère important de bon usage : la brièveté de l'utilisation) ; Littérature : 3B. Philippe Nicot a montré que ces recommandations de la CNAMTS étaient erronées : d'une, part parce qu'il n'existe pas de document HAS ou AFFSAS, le seul existant concernant "Les Modalités d'arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés chez le sujet âgé" (ici) qui ne se prononce pas sur le classement des bonnes et des mauvaises benzodiazépines et qui souligne, au contraire, que les benzodiazépines à demi-vie courte présentent plus de dangers lors du sevrage, d'autre part parce que le texte sur lequel s'appuie la CNAM n'a jamais été validé en externe (ici) et qu'il comporte une erreur importante : le bromazepam ne doit pas être inclus, selon l'étude (la seule d'ailleurs) Hemmelgarm B et al (Jama 1997;278(1):27-31), dans les benzodiazépines à demi-vie longue ! docteurdu16 : 4B (la dangerosité des benzodiazépines est connue mais l'ostracisme à leur égard est plus morale et idéologique que scientifique)(14,6 %)
  5. 65 % de patients diabétiques de type 2 ayant eu 3 ou 4 dosages d'HbA1C dans l'année. Prescrire : 1 (objectif cohérent pour la prise en charge de la plupart des adultes diabétiques de type 2) ; Littérature : 2B ; le jugement de Prescrire est curieux car : a) il n'y a pas d'études de la littérature montrant une corrélation entre le nombre de dosages et la valeur du dosage ; b) ce n'est que (très) récemment que Prescrire a changé sa formulation sur le dosage qui était recommandé (par Prescrire) "aux alentours de 7" et qui est maintenant "Ne pas viser moins de 7 %" ; c) Prescrire se contredit en écrivant en fin d'article (cette contradiction pouvant conduire à une non obtention de la performance par le médecin) : "Répéter ce dosage (d'HbA1C) 2 à 4 fois par an paraît cohérent" ; enfin : rien n'est dit dans la formulation du CAPI sur le niveau de l'hbA1C ni sur les moyens de l'obtenir (utilisation de molécules "nouvelles" non validées par exemple). docteurdu 16 : 2B (il semble que cet objectif ait pour unique but de faire savoir aux médecins généralistes que le dosage de la glycémie à jeun ou post prandiale n'est pas la bonne manière de suivre un patient diabétique de type 2 !) (55 %).
  6. 65 % de patients diabétiques de type 2 ayant eu une consultation d'ophtalmologie ou un examen de fond d'oeil ou une rétinographie dans l'année. Prescrire : 1 (objectif cohérent pour la prise en charge des patients diabétiques). Litttérature : 2B ; encore une fois il n'existe pas d'études validées concernant l'intervalle optimal entre deux examens (intervalle qui pourrait aller jusqu'à 2 ans). docteurdu16 : 1B (les conditions d'accès aux soins ophtalmologiques sont difficiles en raison des délais et des dépassements d'honoraires et il n'est pas illicite de penser qu'un objectif CAPI avec un intervalle de 2 ans serait plus raisonnable)(30,5 % ; NB : lors de l'évaluation initiale en juin 2009, ce chiffre était de 42,9 % : comment a-t-il pu varier autant sur une population captive de patients diabétiques ?).
  7. 75 % de patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire traités par statine. Prescrire : 1 (objectif cohérent pour de nombreux patients diabétiques de type 2 hypertendus à condition de bien choisir les traitements) ; Littérature 2B : plusieurs problèmes : qui est à haut risque cardiovasculaire et qui ne l'est pas ? Quel est le niveau de preuves des essais ? Quel est le niveau d'intervention pour le cholestérol ? Réponses difficiles à trouver. Le document de la HAS (ici) qui date de novembre 2006 est peu clair et repose sur un faible niveau de preuves ; encore une fois les commentaires de Prescrire sont curieux car, après avoir approuvé l'objectif du CAPI qui est de prescrire une statine à TOUS les diabétiques présentant un haut risque cardiovasculaire, ils écrivent : "... lorsque la LDL cholestérolémie dépasse 3 mmol/l (1,15 g/l)" mais surtout Prescrire a "oublié " l'article de Ray KK et al. Statins and All-cause Mortality in High-Risk Primary Prevention. Arch Int Med. 2010;170(12):1024-1031, méta-analyse qui ne montre pas de bénéfice pour les statines, y compris chez les diabétiques, sur la mortalité globale. docteurdu16 : 2B ; (cet item est en contradiction avec l'item 12 puisque l'atorvastatine recommandée ici ne fait pas partie du répertoire des génériques ; une étude récente (TNT) a par ailleurs montré qu'en prévention primaire chez le diabétique l'atorvastatine 80 ne faisait pas mieux que l'atorvastatine 10). (63 %).
  8. 65 % de patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire traités par statine et aspirine à faible dose. Prescrire : 4 (objectif imprécis et sans preuve solide, voire non conforme aux données de l'évaluation) ; Littérature : 4 ; docteurdu16 : 4 (il faut également mettre en balance le faible intérêt de l'aspirine à faible dose en termes de morbi-mortalité par rapport au risque hémorragique induit) (38,2 %).
  9. 50 % des patients hypertendus traités ayant une pression artérielle inférieure ou égale à 140/90 mm Hg. Prescrire : 4 (objectif imprécis, qui ne distingue pas les objectifs du traitement selon la situation clinique des patients et ne tient pas compte de l'évaluation clinique des antihypertenseurs) ; Littérature : 4 ; docteurdu16 : 4 (quelle est la fiabilité de données déclaratives dans une démarche d'évaluation et de performance ?)(sans objet).
  10. 90 % de prescriptions d'antibiotiques dans le répertoire des génériques. Prescrire : 2 (objectif de réduction des coûts... qui paraît compatible... mais qui ne comporte pas d'objectif de qualité de la prescription) ; Littérature : nsp ; docteurdu16 : 2 (deux données manquent dans cet objectif --non compris les antibiotiques Recommandés qui n'appartiennent pas au répertoire des génériques : la quantité d'antibiotiques prescrite par le médecin et, bien entendu, l'adéquation de la prescription des antibiotiques à la pathologie ; ce qui plaît à Prescrire : la DCI) (81,8 %)
  11. 80 % de prescriptions d'IPP dans le répertoire des génériques. Prescrire : 1 (objectif de réduction des coûts compatible... ) ; Littérature : nsp ; docteur du 16 : 2A (encore une fois le problème essentiel de la prescription des IPP, ce n'est pas la qualité, sinon pour des raisons de coûts, mais le respect des indications des IPP qui sont prescrits pour tout et n'importe quoi et très souvent hors AMM ; mais aussi : le médecin généraliste est le bras armé de l'assurance maladie car les hospitaliers prescrivent de l'Inexium en masse...) (80 %)
  12. 70 % de prescriptions de statines dans le répertoire des génériques. Prescrire : 1 ; Littérature : nsp ; docteurdu16 : 2A (le problème essentiel avec les statines est le choix des indications comme cela a été montré dans l'objectif 7 du CAPI ; l'autre souci est l'extension des indications selon le principe Less is beautiful ; le médecin généraliste est chargé de faire la police après les prescriptions des spécialistes ; enfin, comme nous l'avons déjà souligné le Tahor non généricable aujourd'hui est Recommandé chez le diabétique, ce qui est peu compatible avec une évaluation sérieuse des items 7 et 12) (52,5 %)
  13. 65 % de prescriptions d'antihypertenseurs dans le répertoire des génériques. Prescrire : 4 (objectif incohérent qui ne prend en compte que la modalité -- prescrire en en générique-- et non la qualité de la prescription : il écarte le choix d'un antihyupertenseur de référence,l'hydrochlorothiazide...) ; Littérature : nsp ; docteurdu16 : 4A (cet item est extravagant et Prescrire n'ajoute pas non plus que les critères d'intervention de l'HAS ne sont pas les mêmes que ses préconisations ; initiation des traitements par les spécialistes) (74,2 %)
  14. 80 % de prescriptions d'antidépresseurs dans le répertoire des génériques. Prescrire : 4 (objectif qui recherche une réduction des coûts en méconnaissant l'intérêt des patients) ; Littérature : 4 ; docteurdu16 : 4 (72,7 %)
  15. 65 % de prescriptions d'IEC sur le total des prescriptions d'IEC et de sartans. Prescrire : 1 ; Littérature : 1 ; docteurdu16 : 1A (encore une fois l'initiation des prescriptions, notamment hospitalières, n'obéit pas à ce schéma) (64 %)
  16. 85 % de patients traités par aspirine à faible dosage sur le total des patients sous antiagrégants plaquettaires. Prescrire: 1 (un objectif cohérent qui va dans le sens du choix du meilleur antiagrégant) ; Littérature : 1 (en dehors des stents et la première année) ; docteurdu16 : 1A (mais il est criant de constater que les prescriptions de sortie d'hôpital ne sont pas conformes à ce schéma)(84 %)
Au total, il est tout à fait intéressant de noter les résultats de cette analyse. Nous reviendrons sur d'autres aspects du CAPI et notamment les relations de sujétion qu'il introduit de façon individuelle avec le médecin qui l'a signé dans un autre post, mais ce contrat me fait penser à l'histoire suivante : On demande à Rothschild s'il n'est pas gêné par le type qui vend des frites à l'entrée de sa banque et Rothschild de répondre : "on a passé un contrat, il s'occupe des frites et moi de la Banque."

Ainsi, Prescrire a considéré que 7 items sur 16 étaient cohérents sans restriction (cotation 1) (43,8 %) ; 3 items acceptables mais incomplets (cotation 2) (18,7 %), soit 10 items sur 16 (62,5%) utiles ; à l'inverse 2 items étaient considérés comme hors sujet sur le thème choisi (cotation 3) et 4 items incohérents (cotation 4), soit au total 37,5 %.
La littérature internationale n'a pu se prononcer que sur 12 items : 3 items étaient cohérents sans restriction, 3 items étaient acceptables mais incomplets, soit 50 % des items cotés, 2 étaient hors sujet et 4 incohérents.
Quant à moi, je ne ferai pas de comptes d'apothicaire : comment s'engager quand certains items posent des problèmes moraux et des problèmes médicaux ? A moins de penser que les choses peuvent s'arranger par la concertation. Mais ces items ont été choisis sans concertation sur des critères inconnus et pondérés pour des raisons obscures parmi tous les sujets de médecine générale qui pourraient intéresser la Santé Publique.

A vos commentaires !

jeudi 1 juillet 2010

LE SUIVI DU DIABETE CHEZ LES ANGLO-GALLOIS : PAS TERRIBLE MALGRE LE NON PAIEMENT A L'ACTE

Nous avons abordé longuement abordé ici les problèmes que me posait le CAPI, paiement des médecins généralistes élus et volontaires à la performance, notamment pour ce qui concernait le diabète.
Nous avons aussi parlé du fait que les Français, toujours à la traîne, appliquaient des méthodes qui avaient failli ailleurs, notamment au Royaume-Uni qui serait, pour certains de mes confrères, le parangon des vertus pour l'enseignement de la médecine générale et, surtout (ne nous cachons pas les vraies raisons) pour les revenus des médecins généralistes. Nous sommes les champions de l'immobilisme et quand nous nous y mettons, ici pour le paiement à la performance, ailleurs pour la discrimination positive, des résultats négatifs en ont déjà été tirés. Nous vous avions dit que le CAPI était désespérément à la traîne mais encore à la super traîne car il fixait des objectifs de fréquence d'examens sans avoir la preuve que cela améliorait l'état glycémique du patient et sans définir des objectifs clairs comme le niveau de HbA1C ou de pression artérielle. Je n'avais pas parlé trop vite car les preuves manquent toujours que mesure quatre fois par an l'HbA1C améliorait son niveau, mon expérience personnelle indiquant plutôt le contraire (mais l'expérience personnelle du bon docteur du 16 tout le monde s'en fout, et à juste titre) mais, en revanche, j'avais surestimé les pratiques de nos voisins d'outre Manche.

Un article récent vient éclairer les choses.
Pour évaluer les pratiques et les améliorer grâce à des mesures incitatives, le NICE (National Institute of Clinical Excellence) a institué le système QOF (Quality and Outcomes framework) dont je vous ai déjà parlé en détail (ici). Ce qui permet de récompenser les médecins observants.
Pour ce qui concerne le diabète neuf critères annuels, je répète, annuels, ont été retenus : HbA1C, Indice de Masse corporelle, pression artérielle, albuminémie, créatininémie, cholestérolémie, examen ophtalmologique, examen des pieds, et contrôle du statut de fumeur ou non.
Eh bien, malgré ces critères "faciles" à atteindre en théorie (les médecins généralistes français sont des phénix), un tiers des patients avec un diabète de type 1 et la moitié des patients avec un type 2, avaient "droit" aux 9 tests ! Il faut dire que les médecins généralistes anglo-gallois partaient de loin : lorsque l'audit a commencé en 2003 - 2004 seuls 11 % des patients avaient été contrôlés pour les 9 points.
Voyons la suite : seuls deux tiers des patients diabétiques de type 2 et un tiers des patients avec diabète de type 1 atteignaient les objectifs du NICE, à savoir une HbA1C inférieur ou égale à 7,5.
Et les résultats sont bien pires chez les plus jeunes : entre 16 et 39 ans les chiffres sont respectivement de 20 et 35 % pour respectivement les diabétiques de type 1 et de type 2 et de 34 et 51 % chez les patients âgés de 40 à 84 ans. 90 % des patients du panel avaient été vus au moins un fois par les médecins en charge.
Cet audit a concerné 1,7 million de diabétiques suivis dans 5920 cabinets en Angleterre et 517 au Pays de Galles. Il a montré également que la prévalence du diabète était passée, durant ces six ans, de 3,3 à 4,1 % de la population.

Ainsi, et avec mon enthousiasme habituel et ma façon de conclure à l'emporte-pièce, voici quelques conclusions :
  1. Les résultats obtenus par les Anglo-Gallois sont quand même nuls
  2. Le système de paiement à la performance paraît, pour le diabète, une catastrophe
  3. Le CAPI mis en place en France est d'une nullité encore plus affligeante car il n'exige aucun résultat
  4. Le non paiement à l'acte ne rend pas les médecins vertueux


dimanche 25 avril 2010

CAPI EN GB (QOF) : 8 CRITERES ENLEVES DONT 5 APPARTENANT AU CAPI !

De nombreux médecins généralistes français bavent devant le système de santé britannique.
Les médecins de gauche parce que le système du paiement à l'acte n'existe plus.
Mais personne ne voudrait être britannique...
Ainsi, l'introduction du CAPI, système de prime à la performance, a-t-elle séduit des médecins dits de gauche car elle semblait introduire une part de forfait dans la rémunération et a-t-elle séduit les médecins de droite parce qu'elle permettait une augmentation des honoraires.
On me dit que ma segmentation des médecins de gauche et des médecins de droite est une connerie. D'abord parce qu'il y a aussi des médecins du centre, des médecins d'extrême-droite et des médecins d'extrême-gauche.
Dont acte.
Et surtout parce que l'argent c'est quand même important, que l'on soit de gauche ou de droite.
Mais on sait ici combien j'apprécie peu le CAPI pour des raisons qui ne tiennent ni à la forfaitisation de l'activité, ni à la prime qui pourrait venir au bout. Ni d'ailleurs au principe lui-même de l'excellence ou de l'amélioration.
Si je suis contre le CAPI, c'est en raison des critères choisis et de la façon de les apprécier. J'ai déjà dit ici et tout le mal que j'en pensais.
Les promoteurs de l'opération se sont, sans nul doute, inspirés du modèle britannique : Quality and Outcomes framework. Pour les curieux nous vous donnons le lien avec le site du NHS sur le système mis en place afin de pouvoir vous faire une idée (en anglais) : ICI.
En anglais parce que les Anglais écrivent dans leur langue. Mais le CAPI n'est pas une bonne traduction en français !

Ainsi, nos amis britanniques, ont-ils enlevé des critères pour la future grille d'évaluation des médecins.

Rappelons auparavant que le QOF comprend quatre domaines (% de participation à l'évaluation) :
  1. Un domaine clinique avec 80 indicateurs recouvrant 19 champs cliniques (65 %) : pathologie coronarienne (10 indicateurs), insuffisance cardiaque (3), AVC et AIT (8), HTA (3)... et vous pourrez vous reporter à la page 8 du document du NHS Information Centre
  2. Un domaine organisationnel avec 36 indicateurs sur cinq aires organisationnelles (16.75 %) : dossiers et informations (12), information des patients (2), éducation et formation (7), organisation pratique (7) et contrôle des médicaments (8)
  3. Un domaine patients comprenant 5 indicateurs (14.65 %) : longueur des consultations, gestion des rendez-vous et surveillance des patients.
  4. Un domaine de services additionnels (3.6 %) : frottis cervical, surveillance de la santé de l'enfant, maternité, contraception.
Et donc, pour l'an prochain, un certain nombre de critères vont être enlevés comme le décrit un article du BMJ car ils paraissent peu discriminants et peu contributifs : mesures de la pression artérielle (insuffisance coronarienne, diabète, AVC ou AIT), prises de sang pour mesurer l'HbA1C (diabète), cholestérolémie totale (diabète) ou créatininémie (diabète, patients traités par lithium), fonction thyroïdienne (patients traités par lithium, hypothyroïdisme). Et lisez ceci : c'est parce que la récompense concernait plus l'action de pratiquer tel ou tel geste plutôt que de proposer une réponse clinique à des résultats ou à des indicateurs intermédiaires comme la pression artérielle ou le taux de cholestérol... Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?
Néanmoins des facteurs intermédiaires seront maintenus en ces domaines comme par exemple la proportion de patients dont la pression artérielle sera inférieure à 145 / 85 dans les quinze mois précédents chez les diabétiques...

On voit donc le retard de notre CAPI et le fait que les décideurs restent de marbre en constatant les "erreurs" étrangères qu'ils nous proposent de copier.

Le meilleur système de santé du monde est à la traîne...

jeudi 25 mars 2010

PATIENTS OU MALADES : DEMANDER A VOTRE MEDECIN TRAITANT S'IL EST OU NON SIGNATAIRE DU CAPI !

Patients, malades.
Nous avons déjà parlé ici des CAPI (contrats d'amélioration des pratiques individuelles) et nous les avons critiqués d'un point de vue scientifique (les critères retenus sont peu validés et nous avons pris des exemples concernant le diabète sucré), politiques (les choix de ces indicateurs sont ceux de l'Assurance maladie), économiques (les critères retenus touchent des domaines peu coûteux pour les remboursements) et syndicaux (qu'est-ce qui se cache derrière ce début de forfaitisation des honoraires médicales ?).
Aujourd'hui nous allons en parler de façon éthique, politique et sociétale.
Car ces CAPI s'inscrivent dans un cadre ronflant auquel le libéralisme et son appendice, le néolibéralisme, sont très attachés : celui de l'excellence et de la performance. Ces "valeurs", on le verra, ne sont cependant pas l'apanage du libéralisme, elles ont traversé toute la société française depuis très longtemps, sans parler du stakhanovisme communiste, et se sont installées, formellement, en France depuis 1983 et le deuxième gouvernement Mauroy. L'excellence et la performance ne sont pas des mots creux mais ils renvoient, selon la façon dont on les remplit, à la méritocratie, à l'éducation, au progrès individuel et général, et, last but not least, à la culture de l'entreprise.
Car voici le noeud de l'affaire : l'Etat ne doit plus être l'Etat Providence mais s'assimiler à une entreprise. La Loi Organique Relative aux Lois de Finance (LOLF) de 2001, votée à l'unanimité par les deux chambres sous une législature de gauche, a consacré, je cite Michaël Foessel (in Esprit 2010;363:12-23), "le transfert aux administrations de la budgetisation par la performance en les soumettant à des objectifs presque exclusivement gestionnaires." La pensée de l'action de l'Etat est décalquée, pour les élites transpartisanes de droite et de gauche, des impératifs concurrentiels à l'oeuvre sur le marché. Ainsi l'Assurance maladie est-elle ni plus ni moins assimilée à un agent économique comme un autre avec de gros doutes sur les fins poursuivies. La mise en oeuvre s'est poursuivie avec la fameuse RGPP de 2007, Révision Générale des politiques Publiques.
Et le coeur du débat : les moyens, comme le dit MF, sont, selon la science économique, séparables en droit des fins. Et ainsi, ni vu ni connu : qui pourrait s'opposer à des pratiques d'amélioration ? D'où pourraient venir les réticences ? La bonne gouvernance est devenue une donnée universelle, un impératif moral, mais hors sol, le managériat, valeur capitale s'il en est, fera le reste. Ceux qui s'opposent aux CAPI sont, c'est selon, des nuls (ils n'ont pas intégré la bonne gouvernance de "leurs" patients), des feignants (qui ne veulent pas se plier aux "normes"), des ignorants (qui ne croient pas à la vérité révélée des bons principes de la Haute Autorité de Santé, organisme contesté et contestable), des mauvais médecins (qui n'ont pas compris l'intérêt général de la santé Publique).
Dans cette affaire des CAPIS, il y a un chef, Frédéric Van Roekeghem, dans le manageriat cool (et sarkozyen) on dit un patron, qui permet de réconcilier les Français avec l'entreprise (Laurent Fabius, 1990) et des carottes pour les médecins (incentive en "science du management") qu'ils soient généralistes ou conseils. Il y a aussi des opposants industriels (Big Pharma) ce qui permet aux hypocrites d'adhérer aux Capis, puisque Big Pharma est contre.
Donc, cher patient, cher malade, il faut demander à votre médecin s'il a signé car, en signant, il a adhéré à l'idéologie entrepreneuriale de la santé (il vaut mieux le savoir), il vous fera pratiquer (car il en aura un bénéfice monétaire) des examens qui, parfois, ne servent à rien, il vous fera pratiquer des examens dangereux sans vous prévenir qu'ils le sont, et il prescrira des médicaments dont la seule preuve d'efficacité résidera dans leur ancienneté. Est-ce que vous recherchez cela chez votre médecin traitant ? Ne préférez-vous pas un médecin traitant qui s'occupe de vous et prend en compte vos valeurs, vos préférences, vos agissements et votre mode de vie ?