jeudi 19 février 2009

VACCINS CONTRE LA GRIPPE : BIG PHARMA VEILLE



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Que ne feraient pas les vaccineurs pour que leurs vaccins soient à la fois efficaces et en tête de gondole ?
Nous savions déjà ceci à propos de la publication des essais cliniques en général :
  1. Le financement industriel d'un essai clinique est associé à des résultats optimistes pour le produit étudié
  2. La vaccination contre la grippe continue globalement d'être recommandée en dépit de doutes de plus en plus forts sur les preuves scientifiques qui fondent ces recommandations [cf. ce blog]
Voici une analyse que tout le monde aurait aimé faire mais c'est Jefferson et collaborateurs qui l'ont réalisée : ici.
Elle confirme malheureusement dans le domaine des vaccins ce que nous savions déjà dans d'autres domaines de la médecine : les publications scientifiques ne sont pas toujours exemptes d'arrière-pensées conflictuelles. Mais, pire : moins elles sont de bonne qualité et plus elles sont publiées dans des journaux prestigieux.

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L’analyse de Jefferson a été effectuée à partir de 259 études originales publiées qui concernaient le vaccin antigrippal.
Elle se proposait d’évaluer la qualité méthodologique de chaque essai, la concordance entre les données rapportées et les conclusions produites (oui / non / partiel / non clair), les conclusions elles-mêmes par rapport au vaccin (favorables ou mixtes / défavorables / non claires), le facteur d’impact de la revue dans lequel l’article était publié, le nombre de citations (comme index de dissémination), le délai entre soumission de l’article et acceptation pour publication, le type de financement (gouvernemental / privé / mixte).



Résultats.


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70 % des études ont rapporté des conclusions favorables aux vaccins mais dans seulement 18 % des cas il existait une totale concordance entre les données rapportées et les conclusions avancées. 54 % des études étaient à haut risque de biais et seulement 4 % à bas risque bien qu'aucune étude d’enregistrement n’ait été incluse.

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L’analyse a montré une forte corrélation positive entre la qualité de la méthodologie et la concordance (données / conclusions) : plus l’étude était de qualité (et plus bas était le risque de biais) meilleure était la probabilité de concordance. Par ailleurs, plus la concordance était élevée et moins les conclusions de l’étude étaient en faveur de l’efficacité du vaccin.
Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre type de financement et qualité de l’essai (en excluant les essais où le financement n’était pas indiqué), en revanche il existait une corrélation inverse entre financement gouvernemental et efficacité du vaccin.
Il n’a pas été retrouvé de corrélation entre le délai de publication et les autres facteurs étudiés. Pas plus qu’entre qualité de l’essai / concordance et le facteur d’impact et l’index de dissémination . En revanche il y a une corrélation positive entre impact du journal / index de dissémination et type de financement : plus les études sont financées par l’industrie pharmaceutique, plus elles sont publiées dans des journaux à fort impact et plus elles sont disséminées.

Ce que nous savons désormais :

  1. Les preuves d'efficacité des vaccins antigrippaux sont de faible qualité et les études dont les conclusions sont en faveur des vaccins sont significativement d'une moins bonne qualité méthodologique
  2. Les études concernant la vaccination antigrippale sponsorisées par l'industrie sont publiées dans des journaux à meilleur impact et meilleure dissémination mais sont qualitativement et quantitativement similaires aux autres études.

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Ces résultats n’ont rien d’étonnant quand on sait que la publication d’un essai dans une grande revue s’accompagne de profits financiers d’autant plus importants que la firme finançante (sponsor) est riche et puissante : pages de publicité, commande de retirages, de tirés-à-part et de numéros spéciaux, traduction en de nombreuses langues, alimentation du web sur les sites médicaux en articles pré formatés… sur un plan académique l’auteur (ou les auteurs) ou les pseudo auteurs (de nombreux articles ne sont que signés et sont écrits par un employé de la firme) savent que leur aura scientifique sera d’autant plus importante que le nombre de citations sera plus grand, tant dans les revues papier que sur le web médical et grand public, la firme ayant la possibilité de payer la publication d’articles satellites associés dans lesquels l’étude initiale sera citée, voire l’organisation de pseudo conférences de consensus sponsorisées. . .


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Je me permets ici de rappeler ce que j’affirmais dans ce blog à propos des publications cas-témoins pour le vaccin anti hépatite B : les études citées par l’Afssaps et reprises par la revue Prescrire sont toutes, sauf une, dépendante complètement ou partiellement des industriels des vaccins et, comme par hasard, la seule qui soit indépendante et de taille suffisante est celle qui montre une corrélation entre la vaccination et la survenue de Sclérose en Plaque( x 3,1).

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Je rappelle également que le courrier adressé par Marc Girard à La Revue Prescrire (LRP) (le consulter) sur le sujet des vaccins a bien été enregistré mais n’a toujours pas reçu de réponse à ce jour. Deux hypothèses : le ton de Marc Girard est trop persifleur ou LRP regarde les données et prépare une réponse à sa façon : LRP ne se trompe jamais et les études sponsorisées sont de bonne qualité. Mais je persifle (et signe).



A suivre.





mardi 17 février 2009

FDA + PRASUGREL POUR ELIMINER CLOPIDOGREL - PLAVIX


Quand vous verrez prasugrel sur des ordonnances, vous vous rappellerez les faits suivants :

Depuis quelques mois la presse scientifique est bombardée d’articles, de commentaires et d’analyses économiques laissant penser que le prasugrel est une « meilleure » molécule que le clopidogrel. C’est ce qu’on appelle le pré-marketing mené au niveau des leaders d’opinion et des experts en général. Une fois que ces leaders sont « convaincus » ils deviennent les avocats de la molécule et sont montrés, exhibés, payés dans les congrès internationaux pour être des supers délégués médicaux. Ils ne reviennent jamais en arrière même si, ensuite, des articles viennent contredire ce qu’ils avaient affirmé auparavant : les experts ne se trompent pas et auraient trop peur que les firmes se mettent à révéler les avantages qu’ils ont reçus dans leur période promotionnelle.

Nous savons tous ici combien le clopidogrel est actuellement trop largement utilisé hors de ses indications officielles et utilisé trop longtemps dans certaines de ces indications au vu des résultats des essais cliniques disponibles. Lui aussi, dans le processus de supplantation de l’aspirine, a été livré aux marketeurs et a eu droit à des super experts. Ce n’est donc pas une défense de notre française molécule que vous lirez ici mais un constat que l’histoire est en train de bégayer.

La campagne marketing pro prasugrel est un grand classique du genre et vise le remplacement de la molécule précédente par une molécule plus « moderne » dont on se rendra compte ensuite qu’elle n’apportait pas des avantages décisifs et qu’elle procurait plus d’effets indésirables que la précédente.
Le point de vue actuel, tel qu’il est rapporté par des sources « sérieuses », une sorte de Plus Petit Dénominateur Commun du marketing académique, se résume à ceci : le prasugrel procure une meilleure protection contre les événements cardio-vasculaires que le clopidogrel au prix d’un risque de saignement plus important.
Eh bien, qui l’eût cru ?, c’est exactement la position adoptée récemment (le 3 février 2009) par le Food and Drug Administation advisory panel (unanimité : neuf voix contre une).

Ce vote à la soviétique ou à la tunisienne ne fait quand même pas l’unanimité.

Comme par hasard, un expert en physiologie cardiovasculaire, le docteur Sanjay Kaul de Los Angeles, qui avait dans le passé exprimé des critiques sur la molécule, a été écarté au dernier moment de la réunion.
Un expert non membre du panel commente ainsi : « Si vous éliminez quelqu’un qui était sur le point de critiquer et que vous manœuvrez en ce sens, il n’est pas anormal que le vote soit unanime. » Un autre expert, membre du panel, ajoute : « J’ai eu l’impression d’assister à un pique-nique familial et que la décision avait été prise auparavant. »
Il semblerait que Kaul ait été exclu la nuit précédant la réunion pour « biais intellectuels », en réalité la publication de 5 abstracts lors d’une réunion de l’American Heart Association qui s’était tenue à la fin de l’an passé. Le président de la section Nouvelles Molécules de la FDA, le docteur John Jenkins, prétend avoir été mis au courant de la teneur de ces 5 abstracts (1,2,3,4,5) quelques jours auparavant et que, lisez bien, « Bien que ces abstracts soient indépendants de tout soutien financier, ils présentaient des biais intellectuels. » ! Et Jenkins d’ajouter : « Nous voulons que les membres du comité viennent à la réunion l’esprit libre et qu’ainsi ils puissent donner des avis sur les données. »
Diable !
Nous avons déjà décrit sur ce blog combien la FDA se préoccupait peu des conflits d’intérêt financiers lors de la réalisation d’essais cliniques mais, en revanche, et c’est tout à son honneur, elle met au jour des conflits d’intérêt intellectuels jusque là ignorés. Ce nouveau conflit signifierait-il que toute personne qui n’est pas d’accord avec le vote souhaité par la FDA est un biais intellectuel en puissance ?

Le problème avec le prasugrel est donc de savoir si son efficacité comme antiagrégant in vitro et in vivo est suffisamment importante pour faire "oublier" les saignements qu’il provoque.

Eh bien, justement, les abstracts du bon docteur Kaul, considèrent que l’essai pivot du prasugrel, TRITON-TIMI-38, ne montre pas des résultats cliniques aussi déterminants que l’analyse officielle ne le suggère et se fondent sur la survenue d’infarctus du myocarde non fatals qui ne sont pas l’élément essentiel des critères composites retenus comme critère principal. Il avait d’ailleurs déjà dit publiquement que les bénéfices cliniques ne semblaient pas contrebalancer les effets indésirables, c'est-à-dire le risque de saignement.
La FDA craignait-elle que Kaul ne soit disposé à fournir des données pertinentes concernant les abstracts et prêt à en parler ?

Quoi qu’il en soit, un certain nombre d’experts se sont prononcés favorablement par rapport à l’essai TRITON.

D’une part en considérant qu’il répondait à un certain nombre d’interrogations qui se faisaient jour quant aux limites du clopidogrel et d’autre part en indiquant que les données en faisaient un meilleur antiplaquettaire.
Cependant, d’autres experts (6) trouvent, comme Kaul, que les critères de diagnostic des infarctus intégrés dans l’essai ont été étendus et que c’est grâce à cela que les résultats ont été obtenus ; de façon symétrique, tous les saignements n’auraient pas été recensés ou, certains, auraient été minimisés, ce qui rend l’analyse efficacité / risque de l’étude initiale une plaisanterie.

Enfin, le risque cancérigène de la molécule a été évoqué… sans être prouvé ni écarté.

On le voit, la FDA a utilisé des méthodes peu orthodoxes pour éliminer un expert embarrassant et a pris outrageusement parti pour les firmes (Lilly – Daiichy – Sankyo) au nom de la "modernité".

A suivre.

Je me suis largement inspiré d'un article paru dans Heart wire. dont je ne cesserai de rappeler que cette revue internet dit ce qu'elle a à dire (elle est bien informée) et qu'elle est aussi sponsorisée. Je ne dirai pas qu'elle est totalement indépendante mais elle a le mérite d'annoncer la couleur et de ne pas se cacher derrière son petit doigt. Que les chasseurs de conflits d'intérêt se mettent en chasse !
Références
  1. Kaul S, Diamond GA, and Shah PK. Abstract 988: Do high-risk characteristics (history of stroke or TIA, age >75 years, weight <60>Circulation 2008; 118:S638-S639.
  2. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4014: Timing of benefit with prasugrel in patients with acute coronary syndromes undergoing percutaneous coronary intervention: reanalysis of TRITON-TIMI 38 results. Circulation 2008; 118:S818-S819.
  3. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4015: Validity of the combined efficacy plus safety composite endpoint (net clinical benefit) in TRITON-TIMI 38. Circulation 2008; 118:S819.
  4. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4016: Does prasugrel provide a clinically important treatment benefit compared with clopidogrel? A Bayesian analysis of TRITON-TIMI 38. Circulation 2008; 118:S819.
  5. Kaul S, Shah PK, and Diamond GA. Abstract 4587: Weighted composite endpoint analysis of TRITON-TIMI 38: Disconnect between analytical equivalence and clinical importance. Circulation 2008; 118:S916.
  6. Serebruany V. Prasugrel versus clopidogrel [letter]. N Engl J Med 2008; 358:1298; author reply 1299-301. http://www.theheart.org/documents/sitestructure/resources/images/icons/pubmed.gif

dimanche 15 février 2009

STRATEGIE DE KNOCK ET DISEASE MONGERING : UNE TENDANCE SOCIETALE ?


Stratégie de Knock et Disease mongering. Deuxième épisode : une tendance sociétale (cf. premier épisode) ?

La Stratégie de Knock n’est pas seulement une marchandisation capitaliste de la santé (ce que serait, finalement, le disease mongering) où tout serait à vendre chez l’humain, son corps (ses organes, ses symptômes, ses syndromes et ses maladies) et son âme (les fantasmes, le bonheur, la bonne santé et l’éternité), et dont profiteraient les professionnels de la santé et leurs dépendances (sociétés savantes, agences gouvernementales, conseils de l’ordre, Universités, Assurance Maladie, Ministère de la Santé), les industriels (marchands de médicaments, de matériel médical, de tests diagnostiques, compagnies d’assurance, mutuelles), les faiseurs de politiques de santé, les payeurs et, à un moindre degré, les patients malades organisés en associations…
Si la Stratégie de Knock prospère, c’est qu’elle s’inscrit dans un mouvement historique profond qui se manifeste par le désir des citoyens de satisfaire leurs besoins coûte que coûte, de consommer toujours plus et d’exiger le bien-être généralisé pour chacun et pour tous (la Qualité de Vie). La Stratégie de Knock, ou le Triomphe de la Médecine, a beau jeu de se justifier en vantant l’allongement ininterrompu de l’espérance de vie dans les pays développés (ce qui signifie a contrario que dans les autres pays il n’y a pas assez de médecine), en mettant en avant les performances de la médecine moderne (Résonnance Magnétique Nucléaire, opérations chirurgicales robotisées) et en soulignant la diminution considérable de la mortalité infantile et la quasi disparition des maladies infectieuses mortelles mais en feignant d’oublier que ces progrès sont aussi le fait de l’amélioration de l’hygiène et que les effets indésirables du tout médical sont très importants (maladies nosocomiales en particulier).
La Stratégie de Knock prospère parce que les citoyens des pays développés ne veulent pas seulement être soignés, ils revendiquent le Droit à la Santé qui implique une existence sans douleurs, un vieillissement sans contraintes voire une société sans maladies où la mort, que l’on voudrait repousser le plus loin possible, ne pourra être que douce. Ainsi, non seulement il ne faudrait pas souffrir quand on est malade mais il faudrait prévenir la survenue de la maladie d’où la popularisation de l’idée de prévention comme logique implacable du développement moderne du bien-être.
Tout aussi paradoxalement la Stratégie de Knock, dont le principal défaut selon ses détracteurs serait de créer des maladies (le disease mongering), s’accommode très bien d’une autre tendance historique, celle de la société sans défauts, où, entre autres, la maladie devient insupportable et la différence à la fois acceptée et refusée : le trisomique n’est plus appelé mongolien, on le montre, on l’exhibe parfois, on lui donne des droits et, au même moment, on tente de le supprimer complètement avant qu’il ne naisse… Cette tendance à l’eugénisme se répand volontiers pour d’autres maladies avérées ou potentielles (les cancers par exemple ou d’autres maladies chromosomiques) et ce qu’elle avait de scandaleux quand elle émanait du national-socialisme devient de l’ordre de la normalité quand elle est exprimée dans une société démocratique.
Une des autres caractéristiques de la Stratégie de Knock est de faire peu de crédit du citoyen bien portant / malade. Au nom d’idéaux volontiers humanistes, le Droit à la Santé, le disease mongering utilise la propagande et le mensonge pour promouvoir ses idées (et sa camelote). Mais ses adversaires, il vaudrait mieux dire, ses dénonciateurs, oublient également de prendre en compte l’opinion du bien portant / malade qui ne peut seulement être considéré comme un manipulé au nom d'un certain paternalisme médical.
Il est évident que nous ne sommes plus sur le terrain de la médecine mais sur celui de la morale. Faudrait-il alors seulement condamner les excès de la Stratégie de Knock qui est, on l’a vu, un phénomène désormais ancré dans la société ? Faudrait-il plus simplement dire aux citoyens qu’ils doivent accepter leur condition ? Faudrait-il, à l’inverse, que les désirs et les souhaits des citoyens soient pris en compte au nom de la démocratie et du droit à pouvoir disposer de leur corps et ainsi fournir les moyens de l’assouvissement de leurs désirs ?
On voit qu’on est loin d’une critique purement anticapitaliste ou, plus précisément, d'une critique de la seule industrie pharmaceutique. Il s’agit plus probablement d’une tendance lourde de la société à rechercher le bien-être et la Qualité de Vie et les acteurs de la Stratégie de Knock peuvent avoir des rôles changeants : au cours du temps, voire au même moment : la personne bien portante devenue malade, le malade redevenu bien-portant. Mais surtout le citoyen peut être au centre de conflits d’intérêts qui le traversent : en tant que bien-portant il s’insurge contre le niveau des dépenses de santé ; en tant que parent de malade il se satisfait des chimiothérapies compassionnelles ; en tant que patient il revendique tous les examens complémentaires ; en tant que professionnel de la santé il se pose des questions sur l’utilité de son métier ; en tant qu’économiste il s’interroge sur les coûts ; en tant que scientifique il pose des questions sur l’utilité du dépistage ; en tant que citoyen il se demande si les contraintes de la Stratégie de Knock ne vont pas amputer son libre-arbitre…
Dans le prochain épisode nous tenterons de définir précisément les acteurs et les moyens de la Stratégie de Knock.

samedi 14 février 2009

ARRET DU TRAITEMENT HORMONAL DE LA MENOPAUSE : DIMINUTION DU NOMBRE DES CANCERS DU SEIN AUX ETATS-UNIS

Un essai américain paru dans le New England Journal of Medicine le cinq février 2009 (NEJM 2009;360:573-87) confirme, à partir des données de la WHI (Women's Health Initiative study) que l'arrêt du THS après 2002 a entraîné une diminution rapide du nombre des cancers du sein alors que dans la même période le nombre de mammographies n'avait pas diminué.

On rappelle que la WHI était un essai randomisé puis observationnel (après arrêt de l'essai) commencé en 1991 et incluant 161808 patientes ! Pour l'étude du traitement hormonal de la ménopause la méthodologie était la suivante : dans le premier groupe les femmes recevaient des oestroprogestatifs et dans le second groupe les femmes recevaient un placebo [http://www.nhlbi.nih.gov/whi/]. L'analyse ne portait pas que sur la survenue éventuelle de cancers du sein mais aussi sur les maladies cardiovasculaires, les fractures et sur le cancer colorectal. Et le traitement proposé comprenait également des mesures hygiéno-diététiques et un traitement par vitamine D et calcium.

Quoi qu'il en soit, la WHI a montré, lors de l'interruption de l'essai en 2002, que le nombre de cancers du sein diagnostiqué était deux fois plus élevé dans le groupe THS que dans le groupe placebo.

A l'arrêt général du THS la fréquence des cancers du sein a diminué de façon rapide (au bout de deux ans) dans le groupe qui avait été traité. Parallèlement le nombre de mammographies effectué n'avait pas changé.

Une des hypothèses : les pré cancers auraient arrêté leur prolifération.
Mais il existe des interprétations qui avancent aussi : la mise en place, à l'arrêt du THS, d'un traitement des femmes ménopausées par le raloxifène (EVISTA / OPTRUMA) ; le fait que les mammographies sans THS soient plus faciles à lire et éliminent des faux positifs ; le fait que même des tumeurs évoluées puissent régresser à l'arrêt de la stimulation hormonale (cf. blog).

Que dire de plus sinon que les tenants du THS en France, malgré les résultats de la WHI study, ont ignoré les résultats en prétendant qu'il ne s'agissait pas des mêmes produits (ce qui est un peu vrai) et l'AFSSAPS a mis beaucoup de temps à réagir (ils sont lents à la détente) ?

Il est évident que l'intervention de Byg Pharma et son activisme pour brouiller les pistes a été déterminant mais il est toujours difficile de comprendre pourquoi, devant les évidences, les gens, et ici les médecins prescripteurs, et avant tout les gynécologues, n'aient pas d'abord pensé à leurs patientes avant de penser à des controverses scientifiques sur des points qu'ils n'avaient pas même analysés.


vendredi 13 février 2009

BRONCHIOLITE : PAS DE CORTICOIDES AUX URGENCES !

Bien que les corticoïdes soient couramment utilisés en pratique courante dans le traitement des bronchiolites, il n'est pas inutile de rappeler que les preuves manquent de leur efficacité.

Une étude multicentrique américaine publiée en juillet 2007 (http://content.nejm.org/cgi/content/short/357/4/331) a randomisé 600 enfants âgés de deux à douze mois amenés aux urgences pour un premier épisode de wheezing coté modéré à sévère en deux groupes : dexamethasone (D) en dose unique à 1 mg / kg et placebo (P).

Le premier critère de l'essai était admission ou non après 4 heures d'observation de l'enfant.
Le deuxième critère : Respiratory Assessment Change Score (RACS).
Autres critères : la durée de l'hospitalisation, le nombre de consultations après sortie, les effets indésirables.

Résultats : Le taux d'admission était identique pour les deux groupes : respectivement 39,7 % et 40,1 % pour D et P. Le score clinique a été amélioré de la même façon dans les deux groupes. Les autres critères n'ont pas été différents.

Conclusion : Chez des enfants souffrant d'une bronchiolite modérée à sévère la prescription aux urgences de dexamethasone à 1 mg / kg n'a changé ni le taux d'admission, ni le score clinique, ni l'évolution ultérieure par rapport à un placebo.

En serait-il autrement en médecine générale ?

mardi 3 février 2009

DISEASE MONGERING OU STRATEGIE DE KNOCK


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Disease mongering ou Stratégie de Knock : Premier épisode
Une petite histoire du concept.

La traduction en français de l’expression anglo-saxonne disease mongering est incertaine ou, plutôt, imparfaite : invention de maladies, façonnage de maladies ou colportage de maladies (dans le sens ancien du colporteur / bonimenteur).
Je propose comme traduction : la Stratégie de Knock.
Les Anglo-Saxons ont souvent l’art de réinventer des concepts existants et de se les approprier en leur donnant des noms attractifs et rapidement universels. Or, le disease mongering n’est qu’une version mineure et partielle de la Stratégie de Knock qui est fondée sur le slogan du personnage titre de la pièce de Jules Romains, Knock ou le triomphe de la médecine (1922), : « Toute personne bien portante est un malade qui s’ignore. »
Ce slogan est d’une modernité époustouflante. Il permet de comprendre quels sont tous les partenaires de cette machination sociétale : les bien-portants et les malades, les maladies et les symptômes, les médecins et les non médecins, les fabricants de matériels diagnostiques et thérapeutiques et leurs utilisateurs, les autorités de contrôle les citoyens et les politiques au sens large.
Il souligne aussi pourquoi l’industrie pharmaceutique est seule capable de développer un modèle promotionnel global incluant une démarche marketing complexe (marketing mix) et pourquoi les autres acteurs, dont le point de vue est plus restreint, sont enclins à dire que l’enfer du disease mongering, c’est les autres oubliant que chacun y trouve un intérêt.
Mais la Stratégie de Knock ne peut être comprise sans la replacer dans un contexte historique. Nous en resterons à la période moderne mais nous savons qu’à toutes les époques la façon de considérer la maladie et les malades et a fortiori de les désigner a toujours été un constituant fort du lien social et un instrument déterminant du pouvoir.
Si à l’époque moderne le rôle de l’industrie pharmaceutique au sens large (Byg Pharma) est montré du doigt, cela n’a pas toujours été le cas : Le Malade Imaginaire de Molière (1673) insistait autant sur la bêtise des malades que sur la duplicité des médecins à vouloir faire plaisir aux patients tout en leur soutirant leur argent ; Bernard Shaw, dans son essai décapant de 1903, Doctor’s Dilemma, insistait sur l’outrecuidance des médecins omniscients et sur leur avidité qui leur commandait de traiter un maximum de patients avec pour conséquence inattendue de rendre malades ceux qui ne l’étaient pas encore ; on retiendra d’Ivan Illich (Nemesis Médicale, 1975) qu'il a d'une part attiré l’attention sur la médicalisation de la société et sur l’impasse médicale vers laquelle cela menait en termes d’efficacité et d’autre part qu'il a rendu à l'hygiène ce qui appartenait à l'hygiène en minimisant ce qui revenait à la médecine proprement dite.
Plus près de nous, c’est Lynn Payer (1994) qui a contribué à identifier le concept de disease mongering en insistant sur le lien très fort existant entre l’augmentation du nombre des malades et la courbe des ventes des médicaments.
Il n’est pas inintéressant, dans une perspective plus dynamique, de rappeler la French Theory de René Girard, et l’application de sa Théorie Mimétique aux maladies en général avec, ouvrage dernier en date, la parution en français de Anorexie et désir mimétique (2008).

N’oublions pas non plus que si des maladies apparaissent (et il est difficile de croire que le SIDA fait partie du disease mongering) il y en a d’autres qui disparaissent non pas seulement grâce à la médecine et à l’hygiène comme nombre de maladies infectieuses (du moins sous nos climats) mais aussi par effet de mode anti mimétique (l’hystérie). L'histoire de la médecine est remplie de ces apparitions / disparitions qui permettent de mettre à jour le contexte historique de ces phénomènes et non seulement leur origine psychologique ou sociologique.

Quels sont donc les procédés majeurs de la Stratégie de Knock ?
Je reprends une phrase de Monique Debauche (http://www.grouperechercheactionsante.com/diseasemon_llg51.htm) que je mélange à des données retrouvées dans l’article de Monhyan et al. [Moynihan R, Heath I, Henry D. Selling sickness: the pharmaceutical industry and disease mongering. BMJ 2002;324:886-91.]

Le principe de la Stratégie de Knock est d’élargir le plus possible les frontières du pathologique traitable pour y inclure un maximum de personnes et ainsi vendre plus de tests diagnostiques, d’examens complémentaires, de consultations médicales et de médicaments. Soit en transformant un trouble mineur ou un processus ordinaire du vieillissement en maladie (la calvitie), soit en élargissant les critères d’une maladie existante (l’hyperactivité chez l’enfant), soit en transformant des symptômes légers en sévères (le syndrome du colon irritable), soit en transformant des facteurs de risques en maladies susceptibles d’être traitées sans qu’en définitive le pronostic du patient ne soit amélioré (ostéoporose)soit en médicalisant des troubles privés (les chagrins d'amour) ou sociétaux (les phobies), soit en exagérant la fréquence ou la gravité d’une maladie pour inviter les patients à consulter (troubles de la fonction érectile), soit en créant de toute pièce une maladie à partir de symptômes mal définis (fibromyalgie), soit en popularisant un syndrome pour en faire une maladie (le syndrome des jambes sans repos), soit en développant une politique de prévention (la pré hypertension, le pré diabète) pour faire peur.

La Stratégie de Knock se sert de tous les moyens anciens et modernes pour arriver à ses fins : la cupidité des médecins depuis le haut jusqu’au bas de la pyramide (cadeaux en tous genres), le besoin de reconnaissance des médecins (faire des diagnostics faciles, publier des articles que l’on a ou non écrits, mettre son nom sur des tests diagnostiques) et des patients (associations de malades), manipuler des données épidémiologiques pour faire peur, négliger les effets indésirables des traitements, etc. Elle infiltre les Institutions comme l'Académie de Médecine, l'Afssaps, la HAS, la Direction Générale de la Santé mais aussi la CPAM et les syndicats d'usagers, de malades et de médecins...

Il ne faut pas croire qu’il y ait un seul chef d’orchestre clandestin à cette Stratégie (qui serait Byg Pharma) : il existe dans la société tout entière un désir d’être en bonne santé et d’exiger que tout soit mis en œuvre (la santé n’a pas de prix) pour que les besoins collectifs et individuels soient satisfaits. Il existe aussi un désir de ne pas souffrir pour rien : il faut que les souffrants aient leur maladie identifiée, que les médecins fassent leur diagnostic, que les vendeurs vendent leurs tests diagnostiques, leurs examens complémentaires et leurs thérapeutiques et que les dirigeants des institutions se glorifient d’être à l’origine de cette bonne santé généralisée grâce à l’argent qui a été injecté et, surtout, grâce aux sentiments qu’ils ont prodigués aux bien-portants comme aux malades.
Et tout cela fait d’excellents citoyens.
Mais, finalement, la Stratégie de Knock permet la médicalisation de la société qui rassure en tentant de faire croire que l’on pourrait d’une certaine mesure échapper à la mort et, là, de façon contractuelle, aux souffrances éventuelles de la mort.

Dans un deuxième épisode nous tenterons d'approfondir la réflexion.

dimanche 1 février 2009

HISTOIRES DE CONSULTATION : SEPTIEME EPISODE

UNE DÉPRESSION ADMINISTRATIVE

Madame V a quarante-deux ans. Elle va mal depuis de nombreuses années en raison de problèmes familiaux : son mari, ses enfants, son boulot. Elle va mal mais elle en sort. Mais aujourd'hui la coupe est pleine. Elle pleurote dans mon cabinet. On parle, on discute, je la connais par cœur mais, bon, on ne sait jamais, a-t-elle envie de se jeter par la fenêtre ? Il ne semble pas. On va dire, pour faire plaisir à tout le monde qu'elle est déprimée. Cela ne lui convient pas tout à fait mais il est certain qu'elle présente certains traits de la dépression. Cela ne me convient pas vraiment mais je suis prêt à céder. Cela va me permettre de gagner du temps. On parle, on reparle, elle n'a pas d'idées suicidaires, elle a un peu de mal à envisager l'avenir mais n'importe qui, dans sa situation, serait un peu embêté : son mari boit (mais pas trop), ses enfants n'aiment pas beaucoup l'école et sa directrice ne l'aime pas. A cause de son mari et de ses enfants, semble-t-il. Je me dis : qu'est-ce que je ferais dans sa situation ? Eh bien, franchement, j'en aurais un peu ras le bol. Mais serais-je déprimé pour autant ?
Nous convenons donc qu'elle prendra un anxiolytique à la demande en cas de crise d'angoisse.
Arrêt de travail car elle ne supporte pas sa directrice.
Coup de fil affolé de la patiente quelques jours après : elle a été convoquée par le médecin du travail de la territoriale qui lui a demandé fortement pourquoi son médecin traitant ne lui avait pas prescrit d'antidépresseurs et pourquoi n'était-elle pas allée voir la psychologue ?
Je calme la malade et prends mon téléphone.
Le médecin du travail est une femme charmante, je la connais un peu, mais elle y tient : il serait nécessaire qu'elle voit une psychologue de secteur et elle voudrait savoir pourquoi j'attends de lui prescrire des antidépresseurs. Ma patiente ne rêvait pas.
J'essaie de lui expliquer qu'il ne s'agit pas d'une dépression vraie, que je ne vois pas l'intérêt d'aller chez une psychologue, peut-être chez un psychiatre, et encore. Et, de toute façon, vus les délais...
Le médecin du travail n'est pas contente du tout : je dois être un mauvais médecin puisque je ne prescris pas du prozac ou apparentés.
j'essaie encore de lui dire que le problème de cette femme n'est pas au prozac mais à ses conditions de vie et que je m'emploie pour qu'elle les accepte mieux. Nus faisons des efforts.
Elle n'est pas convaincue. Elle finit par me dire que cette femme travaille à la crèche, qu'elle a parlé à la directrice qui pense elle-aussi qu'elle est déprimée...
Alors, là, je lui demande si c'est son habitude de discuter médecine avec les directrices de crêche, si elle n'est pas soumise, comme tout le monde, au secret médical, et si les informations qu'elle a dû forcément laisser filtrer ne sont pas venues aux oreilles des collègues de la patiente.
Son silence est éloquent.
Je ne sais plus quoi faire mais désormais, mon objectif, mais cela l'était déjà auparavant, c'est quand même de protéger ma patiente et de faire en sorte qu'elle puisse reprendre le travail le plus rapidement possible. Comment va-t-elle avoir envie de réapparaître devant ses collègues avec un diagnostic de dépression avérée et en sachant qu'on leur a dit sur elle des choses qu'elles n'auraient pas dû savoir ?
Faut-il que je fasse un courrier au directeur de la médecin du travail ?
Je dois avant tout rassurer ma patiente.
C'est ce que je vais essayer de faire.
Tout le monde est capable de réfléchir à ce cas : cette patiente n'est manifestement pas dépressive ; l'institution a décidé qu'elle l'était ; la société pense par ailleurs que tous les dépressifs doivent aller voir un psychiatre et prendre des antidépresseurs. Les médecins du travail aussi. Faut-il, pour être vraiment dépressif, prendre des antidépresseurs ? De quoi la société a-t-elle peur ?