Affichage des articles dont le libellé est ADRESSAGE. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est ADRESSAGE. Afficher tous les articles

dimanche 8 mai 2022

Bilan médical du lundi deux au dimanche huit mai 2022 : les morts du Covid, des études mal fichues, les MG et les courriers et Mon espace santé, Lombalgies, Covid long.

Stella Assange #FreeAssangeNOW


Combien de personnes sont mortes du Covid (en France).

Il y a longtemps s'était posé (en France comme en Grande-Bretagne) le problème du comptage des personnes mortes de la grippe. Et, effectivement, en fonction du mode de recueil (certificats de décès, statistiques hospitalières, données de son date, mortalité globale, sur mortalité en fonction de la moyenne des années précédentes...

Il ne s'agit pas d'entrer dans la polémique décès avec Covid et/ou décès par Covid.

Quand on connaît les incertitudes françaises (et malgré le fait que nous avions la meilleure médecine du monde), les comparaisons avec l'étranger sont redoutablement dangereuses.

Voici des données INSEE - Nicolas Berrod


Voir un thread de Yann Rebouleau qui apporte des données originales sur la mortalité : à lire ICI en totalité.



Et un autre quelques jours plus tard : LA.

Et là, pour le coup, on en perd notre latin...


Et selon des sources américaines (OWID) les morts du Covid en comparaison internationale : ETONNANT : en France, le total des morts en excès est inférieur au nombre de morts du Covid ! Lié au confinement ?



Nous y reviendrons...


L'OMS/WHO est désormais financée à 80 % par des fonds privés dont l'industrie pharmaceutique.


Une modélisation à partir de données israéliennes indique qu'il faut vacciner les jeunes non à risques de formes sévères pour limiter la transmission : qu'en penser ?

L'étude est ICI.

Elle est financée par un institut (Israel Science Foundation) dont le financement est peu pharmaceutique mais un peu.

Qu'en penser ? Rien. L'expérience montre que les modélisations, surtout quand plusieurs hypothèses sont envisagées, servent à avoir toujours raison quelles que soient le futur.

Les personnes favorables au tout vaccinal la trouvent acceptable.


Au même moment une étude israélo-étatsunienne  montre une augmentation des événements cardiovasculaires post vaccination Covid chez les moins de 40 ans : qu'en penser ? 

L'étude est LA.

Qu'en penser ? Rien. Cette étude "écologique" est très discutable sur un plan méthodologique et notamment la qualité des informations recueillies (appels téléphoniques), la gravité des cas et le faible nombre de cas.

Les personnes défavorables au tout vaccinal la trouvent acceptable.

Les MG doivent-ils cesser d'écrire des courriers à l'intention des médecins de deuxième intention ?

C'est un médecin généraliste qui pose la question : 


Ma réponse est "Non !" Pour de multiples raisons.

Les lettres d'adressage sont une façon de bien comprendre ses propres patients et de les faire comprendre aux correspondants. Cela permet (pas toujours) d'éviter des examens redondants. Cela permet d'améliorer la VPP (valeur prédictive positive).

@NicoKluger fournit de la littérature en France (ICI) et en GB (LA)


Pourquoi s'opposer à la création de Mon Espace Santé ?

Article à lire ICI.

C'est plus une critique informatique (contenu, diffusion, sécurité) qu'une critique médicale.

Pour la critique médicale, contre tout bon sens, elles sont nombreuses. En effet il semble normal de penser que fournir des données médicales aux professionnels de santé est un gage de meilleure compréhension (cf. supra les courriers d'adressage).

Quand on lit les recommandations de l'Assurance Maladie et les contraintes obligatoires (voir LA sur LegiFrance), on ne peut qu'être inquiet sur l'aspect "déversoir" de cet espace. Trop d'informations nuit à l'information en raison d'absence de hiérarchisation et des regards divers et peu unifié des professionnels.

Voici ce que j'écrivais : Le principe théorique du DMP est l'agrégation de 2 mythes : le mythe du "patient" qui serait un objet médical (centré ou non) qui se penserait comme tel et le mythe de la bonne santé imposé par la société.

Mais les médecins fonctionnaires et politiciens veulent aller plus loin.




Les idées reçues et fausses sur la façon d'aborder les lombalgies (en anglais)


L'article : ICI

Qui peut croire que le taux de pauvreté n'influence pas la santé des patients ?



L'automesure de la pression artérielle par les femmes enceintes à risque d'éclampsie n'apporte rien selon une étude 

L'étude est randomisée mais non aveugle. Voir LA (abstract seulement)

Elle compare l'automesure associée au télémonitorage contre une surveillance "normale" chez des femmes enceintes à haut risque de prééclampsie : le diagnostic d'HTA n'est pas différent.

On peut critiquer l'étude mais, encore une fois, le bon sens ne vaut pas une étude comparative contrôlée !



La désinfection des surfaces ne sert à rien pour diminuer la transmission du Covid

Une nouvelle étude : LA.

On le savait (sur le Professeur Pittet de Genève)

Le risque de contamination par le SARS-CoV-19 est mille fois plus importante par voie aérienne que par un contact sur une surface contaminée...

Vous avez quand même le droit de vous laver les mains.


Covid long : on a besoin d'un consensus pour le définir.

Voir ICI l'article.

Il faut dire qu'une méta-analyse récente (LA) rapporte, sans rire, que 56,9 % des patients ayant présenté le Covid présente un Covid long à 6 mois !

Cela illustre la fameuse devise associée aux méta-analyses : GIGO (Garbage In, Garbage Out)


C'est fini pour cette semaine. Et, je vous le dis, si j'avais tout rapporté, nous en serions encore là demain !

dimanche 24 mai 2015

Des examens complémentaires à foison pour un faible taux d'élucidation. Histoire de consultation 182.


Madame A, 53 ans, a été adressée par son médecin traitant, le docteurdu16, chez le cardiologue (choisi par la patiente pour des raisons de proximité et parce que la copine du gars qui a vu le gars lui a dit que sur DocAdvisor les commentaires étaient sympas) parce qu'elle ressentait le début de l'esquisse d'une dyspnée d'effort.
Cette patiente est hypertendue équilibrée (PA 135/80 ce jour) (esidrex, betaxolol), diabétique non id à peu près équilibrée (HbA1C = 7,7) (metformine 500 mg x 3, glibenclamide 2,5 mg x 2), sa fonction rénale est normale et son LDL (le LDL est le "bon" cholesterol) est à 1,08 (sans traitement) avec des TG à 3,27. Quant à sa rétine, elle est nickel.
J'écris donc une lettre en ce sens en soulignant le problème du (très fort) surpoids (124 kilos pour 167 cm). 

Premier courrier du cardiologue qui confirme que tout va bien (ECG) mais "qu'en raison des facteurs de risque", elle programme, une échocardiographie, un echodoppler artériel des membres inférieurs (cette femme n'a jamais fumé) et des troncs supra-aortiques et une épreuve d'effort.
On peut noter en passant que le cardiologue ne "croit" pas beaucoup au rôle du cholesterol (qui est normal de chez normal et sans traitement) ou "croit" trop au rôle du cholesterol car elle pense qu'un cholesterol aussi bas sans traitement n'est pas encore assez bas.



Par la même occasion le cardiologue redemande une prise de sang (la mienne datant d'un mois et devant être trés ancienne) en la complétant par des examens qui avaient été faits, normaux quatre mois auparavant et prend d'elle-même un rendez-vous chez le pneumologue (de la même clinique) pour explorer un éventuel syndrome d'apnée du sommeil et un rendez-vous chez l'orthopédiste de la même clinique car elle a mal au genou.
Ces deux derniers rendez-vous, j'en apprends l'existence de la bouche de la patiente.
Pour l'apnée du sommeil, nous avions déjà programmé l'affaire il y a un an mais la patiente avait temporisé, car "porter un masque, c'est un peu coupe l'amour". M'enfin.

Bon. Rien que de très "normal" dans ce monde normal.
J'attends la suite.

La suite est la suivante :
Tous les examens sont normaux de chez normaux.
La cardiologue ne s'en satisfait pas.
La cardiologue suggère donc fortement d'ajouter au traitement : 1) une statine (pour sans doute faire baisser le "mauvais" cholestérol qui est à 1,08) et 2) du kardegic 75 (pour des raisons qui tiennent sans doute à la "gravité" de ce diabète).



Morale de l'affaire :
Primo : le docteur du 16 aurait dû gérer tout seul cette esquisse d'esquisse de dyspnée d'effort (voir ICI pour ce qu'il faut penser de l'adressage).
Deuxio (secundo aurait fait trop latin ce qui aurait pu, selon les nouveaux programmes de l'Education nationale, créer un clivage social entre les latinistes et les non latinistes, entre les pauvres et les riches, ad libitum) : l'inflation des examens complémentaires est ahurissant et l'aplomb des spécialistes terrifiant (pourquoi la cardiologue s'est-elle mêlée de ce genou ?).
Troisio (c'est la fin du latin dans les collèges) : je ne rajoute rien au traitement mais je dois passer du temps à expliquer pourquoi et à dire pourquoi je ne suis pas d'accord avec la cardiologue qui a au moins une note de 4 sur DocAdvisor et à me justifier du fait qu'il ne s'agit pas de non confraternité.
Quatrio (même remarque encore pour ceux qui n'auraient pas compris) : faire maigrir la patiente n'est pas de la tarte, n'a jamais été de la tarte et ne sera toujours pas de la tarte. C'est sans doute le rôle du médecin généraliste que de se mettre en quatre pour éduquer thérapeutiquement les patients en surpoids, a fortiori s'ils sont diabétiques et hypertendus, mais comment faire quand on doit lutter contre le plaisir de manger entretenu à coups de milliards par McDo, Coca Cola, Nestlé et autres...
Cinquio : on pourrait très bien, désormais, se passer des médecins généralistes en disposant de spécialistes aussi polyvalents et, surtout, de maisons médicales de spécialistes, on appelle cela parfois des hôpitaux ou des cliniques, où on peut pratiquer, en toute désorganisation des soins, le cabotage.

Addendum : Ne croyez pas, critiques sincères, que la situation soit très différente dans les hôpitaux où le cabotage est une institution et où l'on adresse à des spécialistes que l'on sait nuls, non EBM, David Sackett ignorants ou big pharma addicts...


In memoriam: David Sackett (1934-2015)

dimanche 8 septembre 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 7 bis : l'adressage et ses problèmes pratiques.


Nous avons vu la théorie dans le billet précédent (ICI). Nous avons vu que, d'après les études dont nous disposons, tout est dans tout et réciproquement, c'est à dire que les préjugés que nous avions ne sont pas confirmés : le taux d'adressage des médecins n'est lié ni à leur degré d'activité, ni à leur situation géographique, ni à la structure de leur cabinet, ni au nombre de leurs associés...
Je veux bien. 
L'adressage est-il un problème ? Oui.
L'adressage est-il une solution ? Oui.
L'adressage au sens large, c'est à dire incluant la prescription d'examens complémentaires (disons en première analyse qu'il est possible de prescrire les laboratoires d'analyse médicales en DCI -- c'est à dire sans s'inquiéter de l'accueil, de la couleur des chaises, des figures respectives de la réceptionniste et de la piqueuse ou de la charte iso 2002 du laboratoire lui-même...), doit comprendre la prescription des radiographies, échographies, scanners et autres IRM.
L'adressage est au centre de la profession car il reflète l'état d'esprit du médecin par rapport à ses compétences ou aux données qu'on lui a apprises ou transmises et l'état des relations entre lui et son patient ainsi que la volonté du médecin de faire ou ne pas faire. Mais, pour faire de la théorie, l'adressage est un des éléments de la coordination des soins. Terme que je n'aime pas.

Les commentaires du billet précédent ont ouvert des champs, je cite sans ordre :

  1. m bronner souligne (LA, commentaire 14) que l'adressage pose problème pour le patient ou, plutôt, interroge la relation médecin patient et, plus précisément, l'état de confiance ou la représentation qu'a le patient de la décision médicale. Ce point est fondamental et méritera d'être développé. Pour résumer : il existe une croyance selon laquelle il existerait une vérité scientifique et, lors du processus de l'adressage au spécialiste, le patient, d'abord rassuré parce que son médecin tente de connaître la vérité de son cas ou d'abord inquiet car la démarche de son médecin traitant signifie peut-être incertitude et gravité, touche du doigt l'incertitude de la vie, de la maladie et du diagnostic, ce qui peut le choquer surtout quand il est le sujet de cette incertitude et qu'il aimerait une réponse claire à un problème existentiel complexe : sa maladie.
  2. popper 31 développe (ICI, commentaire 19) les raisons pour lesquelles la perception de l'adressage est biaisée selon les points de vue de l'adresseur, du destinataire et, surtout, du patient. En réalité, il illustre avec brio le point de vue de la médecine générale, le seul point de vue à mon avis, le point de vue du questionnement incessant de l'EBMG (LA)... et le fait que les médecins spécialistes ne "fassent" pas assez de médecine générale (ICI). Mais le danger de ce questionnement incessant est double : conduire à l'inertie dans la décision / non décision (sans préjuger des bénéfices / maléfices théoriques de la médicalisation) et faire du paternalisme sans le savoir (le concept de paternalisme en médecine est difficile à saisir en totalité, j'espère pouvoir, dans le cadre de cette Refondation, écrire un billet à ce sujet. Mais je suis preneur pour toute contrbution)
  3. Il y a quelques jours est paru un billet de blog du docteur V(ICI) qui répondait à un billet d'humeur ophtalmologiste (ICI) et qui trouve normal de prescrire des lunettes directement sans passer par l'ophtalmologiste. Il fait confiance. Il a tort, me semble-t-il. De nombreux commentaires en son blog et sur celui du spécialiste, @zigmundoph pour tweeter, qui me paraît très Bon esprit. A vous de juger.
Je vais suivre les conseils du pr mangemanche (LA, commentaire 13) et m'intéresser seulement aux biais de l'adressage.

Il faut d'abord tenir compte de l'environnement. Le MG prescripteur a-t-il le choix quand il a décidé, avec pertinence (ou impertinence), d'adresser ? Existe-t-il plusieurs spécialistes dans la même spécialité : cardiologues, échographistes, scanneristes, dermatologues, ophtalmologues ? Quid de l'hôpital ? Quid du ou des cliniques ? Quid de la maternité ? Existe-t-il un problème géographique d'accès ?
Il faut aussi tenir compte de la formation initiale du MG et de sa formation ultérieure. Encore que la revue de littérature que je citais dans le billet précédent aie trouvé une publication indiquant que plus on était formé dans une spécialité et plus on adressait dans cette spécialité...
Dans un commentaire précédent pr mangemanche souligne l'intérêt de l'analyse du courrier d'adressage en fonction de la situation clinique. Certes, mais, heureusement, il n'est pas possible de quantifier ou de qualifier, il s'agit donc, le plus souvent, d'une réflexion individuelle.

Voici quelques situations où, non seulement se pose la pertinence de l'adressage mais surtout la pertinence du choix du spécialiste.


  1. Evacuons le problème classique du patient qui veut consulter un spécialiste en particulier. Soit parce qu'il le connaît déjà personnellement, soit parce qu'il le connaît de réputation. Nous sommes en plein dans le questionnement EBMG. Quand je dis, évacuons, je suis bien optimiste car c'est une situation de médecine générale qui pose des problèmes aigus touchant l'éthique, la confraternité, les valeurs et préférences du patient et du médecin et qu'il n'est pas facile de résoudre comme cela. Le patient veut voir le docteur C que je trouve nul, comment fais-je ? Que je trouve dangereux, que fais-je ?
  2. Le patient veut être opéré à l'hôpital Z parce que sa femme (son mari) vont pouvoir venir le voir facilement. Je pense que l'orthopédie en cet hôpital ne me convient pas et que je n'y enverrai pas quelqu'un de la famille. Que fais-je ? 
  3. J'apprends que le docteur B, un ami à moi, a confié sa femme au chirurgien C, chirurgien qui est à la limite de la dangerosité mais qui est sympa et tapeur d'épaule. Pourquoi le fait-il ? Vais-je lui téléphoner pour lui dire qu'il vaudrait mieux qu'il ne fasse pas ?
  4. J'adresse un patient aux urgences. Qui va l'examiner ?
  5. J'exerce dans une ville où il n'existe qu'un seul cardiologue que je ne trouve pas "bon" pour des raisons qui peuvent être variées mais surtout subjectives. Que fais-je ? J'envoie mes patients cardiologiques à 50 kilomètres ?
  6. J'adresse beaucoup de mes patients au rhumatologue B qui est un copain, qui est un "bon" rhumatologue mais qui prescrit les produits à la mode. Pourquoi le fais-je ? Est-ce lié au fait qu'il joue au golf dans le même club que moi et que j'ai un meilleur handicap que lui ? Est-ce parce qu'il m'écrit des courriers flatteurs ? Est-ce que j'ai oublié ses prescriptions massives de vioxx ? 
  7. J'adresse mes patients dans un cabinet de kinésithérapie où la rapidité des séances n'a d'égale que la légèreté des manoeuvres... Je boycotte ? (Il faudra que j'écrive un billet sur la kinésithérapie au risque de me faire des amis...)
  8. Une suspicion d'appendicite adressée à la clinique V : opération immédiate. Je fais quoi ? Je ne peux adresser qu'aux chirurgiens peu nombreux qui récusent...
  9. Cet ORL yoyote tous les tympans, je le boycotte ?
  10. Ce pneumologue spirivate toutes les BPCO, je ne lui adresse plus personne ? 
  11. Cet endocrinologue lantusse tous les patients, je le néglige ?
  12. Dans cette clinique, seul un(e) iérémologue est "bon": je n'adresse qu'à lui (elle) ?
  13. Ad libitum.
Non, le problème essentiel est le lien caché qui nous fait adresser tel patient à tel spécialiste : lassitude, proximité, copinage, éviter les complications, ne pas perdre de temps...

Images de guerre sur la route de Damas (LA) : Le photographe Laurent Van der Stockt et le journaliste du "Monde" Jean-Philippe Rémy se sont rendus clandestinement en Syrie, de la frontière libanaise à la capitale, Damas, où ils ont été témoins de l'usage de gaz toxiques par l'armée syrienne. 
(ceci n'est pas une incitation à l'intervention, je suis volontiers contre, mais pour témoigner que la guerre en Syrie est plutôt dramatique)

lundi 2 septembre 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 7 : la quantification de l'adressage est-elle un critère de qualité en médecine générale ?


La signification qualitative et quantitative de l'adressage d'un patient chez un spécialiste par un médecin généraliste est peu évoqué en France mais il est institutionnalisé puisque c'est le principe du médecin traitant (ICI). 
La CPAM, probablement pour limiter l'accès direct au spécialiste (pour des raisons qui semblent être économiques, évitez des consultations inutiles, raisons que le patient a un peu de mal à comprendre, il faut d'abord payer une consultation chez le médecin généraliste pour qu'il écrive une lettre afin de consulter un  médecin spécialiste qu'il paiera encore) a donc institué le principe du médecin traitant adressant pour que le malade soit le mieux remboursé possible. Un rapport de l'IGAS de juin 2012 (LA) (1) n'est pas très convaincu par la mesure : Quant au médecin traitant, ce dispositif n’a pas permis de structurer en profondeur le recours aux soins66, même si 90 % de la dépense en honoraires médicaux sont désormais réalisés dans ce cadre. 

Je pensais qu'à l'étranger et pour d'évidentes raisons économiques le phénomène serait plus étudié qu'en France. J'ai été déçu bien que des études existent mais elles sont plus théoriques qu'explicatives.
En pays anglo-saxons, l'adressage est étudié en terme de fréquence (ICI). De cette dernière étude comparative entre GB et EU j'extrais ceci : Among patients who visit their primary care physician, about one in three patients in the United States are referred to a specialist annually compared with one in seven in the United Kingdom. Our data do not provide information on whether the US rates are too high or the UK rates are too low. Nevertheless, the twofold difference in referral rates held true for the healthiest as well as the sickest patients. Disposons-nous de tels chiffres en France ? S'agit-il d'un malade sur trois qui est adressé annuellement à un spécialiste comme aux EU ou un sur sept comme en GB ? 
En analysant une étude américaine de 2012 j'ai pu, au delà des différences de système de santé, relever un certain nombre de points qui intéressent les chercheurs américains et qui pourraient être source de réflexion en France et, pour le coup, dans notre réflexion sur la Refondation. Aux EU le taux d'adressage a presque doublé entre 1999 et 2009 (ICI) passant de 4,8 % à 9,3 % par consultation de patient ambulatoire. L'étude souligne le coût important de l'adressage par rapport au non adressage en tenant compte  des différentes pathologies mais sans conclure sur l'efficience des attitudes, adresser ou pas (2). Les auteurs précisent que l'on dispose de peu de données sur les raisons des disparités de taux d'adressage entre médecins mais que cela mériterait d'être étudié car l'adressage est une des principales causes d'augmentation des dépenses de santé. (3)

Une étude britannique analysant la littérature internationale existante et datant malheureusement de 2000 (LA) rapporte qu'en GB des variations dans l'adressage des patients vont de 1 à 20 avec des coûts hospitaliers (nous sommes en GB où les spécialistes sont hospitaliers) variant de 1 à 10. Les 4 variables explicatives retenues dans l'analyse de la littérature ont été : les caractéristiques des patients, les caractéristiques des cabinets, les caractéristiques des médecins généralistes et la possibilité  d'accès aux spécialistes. Les caractéristiques des patients entrent pour 40 % des variations d'adressage des patients et, de façon étonnante, les caractéristiques des MG ne correspondent qu'à 10 % des variations. Plus en détail, et sous réserve de la qualité des données, parfois de petits échantillons, l'âge, l'expérience des MG  ou leur appartenance ou non à une société savante n'ont pas d'influence (sauf dans une étude finlandaise), les pathologies rencontrées non plus (les plus forts adresseurs adressant dans toutes les pathologies), pas plus que les caractéristiques des cabinets (nombre d'associés, importance de la clientèle, localisation géographique -urbaine / rurale, proximité d'un hôpital) ou la couverture sociale des patients. Paradoxalement, les médecins intéressés a priori dans une spécialité adressent plus dans cette spécialité.

Au bout du compte, cette étude n'arrive pas à déterminer les raisons des variations des taux d'adressage mais, surtout, ne sait pas déterminer la pertinence de ces adressages par rapport à la catégorie de l'adresseur (gros, moyen ou faible). Des auteurs ont retenu le  pourcentage d'adressages pertinents ou d'adressages non justifiés.  D'autres ont voulu considérer que le sur adressage était moins "grave" que le sous adressage, d'autres encore que c'était le retard à l'adressage ou pas d'adressage du tout qui faisait la différence. Sans succès.  Des critères objectifs ont été recherchés pour quantifier cette pertinence (le nombre de diagnostics, la valeur prédictive positive, la concordance entre MG et spécialistes), mais aussi pour tenir compte de la satisfaction de l'adresseur, du patient et du destinataire, tout ceci dans la perspective de mettre au point des référentiels d'adressage. Pour l'instant, rien de probant n'a été démontré, notamment quant à l'intérêt de ces référentiels ou guide-lines. Un des biais concernant la quantification de la pertinence de l'adressage vient, à notre avis, de ce que l'adresseur ne recherche pas toujours un diagnostic mais parfois un simple avis, un renforcement positif par rapport au malade, une adaptation thérapeutique, une façon "élégante" de se débarrasser d'un patient difficile ou, à l'inverse, la demande  d'une prise en charge commune.

Le dernier point souligné par cette étude, décidément très riche, est l'aspect psychologique, les variations d'adressage pouvant être expliquées par la personnalité des médecins adresseurs et il serait possible de définir un profil individuel d'adressage pour chaque médecin : entraînement, expérience, tolérance à l'incertitude, sens de l'autonomie, confiance en soi, enthousiasme... Sans compter ce que dit Dowie : le processus cognitif peut expliquer les variations des taux d'adressage : confiance en son propre jugement, conscience du risque d'événements graves, état de leurs connaissances médicales, et le désir d'obtenir l'estime de leurs collègues (4).


****

L'adressage, en dehors des situations d'urgence, est par ailleurs considéré par certains médecins généralistes comme une faute, une erreur ou une preuve d'incompétence. Des Spence, le fameux généraliste écossais éditorialiste dans le BMJ, indique que La valeur de la médecine générale ne tient pas à ce qu'elle fait mais à ce qu'elle ne fait pas. Et il écrivait cela dans un article intitulé de façon provocatrice : "Are nurses better than doctors ?" (LA) où il développait l'idée, franchement antisociale, que les MG adressaient moins que les infirmières, ce qui faisait leur force (5). On peut donc interpréter la phrase de Des Spence de deux façons contradictoires pour qualifier l'adressage : 1) ne pas adresser est une façon de ne rien faire et c'est donc la meilleure solution ; 2) ne pas adresser est une façon de tout faire tout seul et c'est donc la moins bonne solution.
D'autres médecins généralistes pensent que le non adressage peut être considéré comme une perte de chance pour le patient puisque l'avis spécialisé permet d'augmenter la valeur prédictive positive et, donc, la résolution des problèmes. Un médecin qui n'adresse pas pouvant être considéré comme arrogant, inconscient ou incompétent.
Il est aussi des situations, facilitées ou induites par le statut de médecin traitant, où c'est le patient qui impose l'adressage pour de multiples raisons à un médecin qui pense que le client est roi... 
Est-on un bon médecin si l'on adresse beaucoup, moyennement ou peu ? Quand je saurais dans quelle catégorie je me situe, je répondrai...

****

Quoi qu'il en soit, et ne pouvant me comparer à moi-même avec des chiffres précis, sentant que dans nombre de pathologies j'adresse moins et plus dans d'autres, difficile donc de comprendre, mais aussi que l'expérience nous apprend, me semble-t-il, à moins nous méfier des pathologies "bénignes" et plus des pathologies "graves", encore que l'argument de fréquence puisse, comme en pharmacovigilance, nous induire en erreur (comme je n' ai jamais vu de complications, cela ne peut donc pas se produire) et ne pouvant encore moins me comparer aux autres, je voudrais souligner ceci, le fruit d'une expérience unique aux urgences : Soignez vos courriers d'adressage. Ce n'est pas la peine d'en mettre des kilomètres, plus les lettres sont longues et moins l'essentiel est là, le collègue qui lit le courrier est un humain comme un autre, il a besoin d'un message clair, c'est vous le médecin traitant après tout, c'est vous le connaisseur du patient, celui qui a lu dans son passé, qui connaît le père du grand-père de la fille qui a vu le chat, c'est vous le chef, c'est vous qui recevrez les doléances du patient après, je suis resté trois heures ou plus dans le couloir à cause de votre courrier illisible, on a dû faire venir Champollion pour le décryptage, il y avait même un interne égyptien aux urgences, envoyez des courriers tapuscrits et pas des saloperies écrites à la main sur un coin de table avec une écriture de médecin qui a des comptes à rendre à son stylo, adressez des courriers qui sont faciles à lire, qui éveillent l'intérêt du lecteur, le destinataire, celui qui reçoit tellement de courriers de merdre tous les jours de la part de médecins généralistes qui s'étonnent ensuite qu'on les prenne pour des khons, respectez votre malade, respectez votre collègue,  pas seulement le cardiologue avec qui vous dînez les soirs de Rotary mais aussi l'interne des urgences qui a appris le français il y a trois jours, rappelez le traitement courant avec des posologies lisibles, le traitement non courant vous n'en savez rien, soignez votre style car c'est vous qui récupérerez le patient après l'examen au dermoscope ou après l'echodoppler veineux...
Compris ?  

Je n'ai donc pas répondu à la question de départ mais il est clair que l'adressage est une des décisions majeures et quotidiennes du médecin généraliste qu'il ne peut considérer comme banale ou sans conséquences. Cette démarche s'inscrit de façon naturelle dans le questionnement permanent en médecine générale qui est celui de l'Evidence Based Medicine où le patient a un rôle central en raison de ses valeurs et de ses préférences. 
Merci d'avance de vos commentaires.

Notes
(1) Il faudra qu'un jour nous nous interrogions sur le rôle de l'IGAS, sur ses "experts", tant en qualité qu'en intérêts, sur la porosité des rapports entre Haute Administration et IGAS et donc entre les politiques qui décident et les politiques qui contrôlent. On se rappelle cette membre de l'IGAS passée à l'Agence du Médicament et qui était là pour défendre la politique Mediator...
(2) Patients who are referred to specialists tend to incur greater health care spending compared with those who remain within primary care, even after adjusting for health status..
 (3) In conclusion, we found that referrals in the United States from PCPs to specialists grew rapidly from 1999 to 2009, with potential implications for health care spending. As federal and state policymakers consider policies for reforming the health care system, developing methods to measure referral appropriateness and using these to promote appropriate referrals may be an important strategy for controlling growth in health care spending. .
(4) Nous n'oublierons pas  non plus que les médecins spécialistes sont, en raison de la découpe académique du corps des malades, des adresseurs potentiels fréquents....
(5) Pour relire ce que j'écrivais sur le sujet : LA.

Illustration : Ludo au Québec (ICI).

jeudi 18 août 2011

Cancer du colon : le chirurgien compte !


Les problèmes posés par le dépistage du cancer du colon par hemoccult sont connus. Je ne vous ferai pas l'injure de les rappeler et notamment le fait qu'à l'échelle d'une population cible, ce qui compte c'est le nombre de patients ciblés qui pratiquent effectivement le test, qui rend compte de l'efficacité du dépistage (plus de 50 % en l'occurrence).
Je précise encore que les patients qui viennent consulter à mon cabinet ont "droit" à une proposition de ma part à pratiquer eux-mêmes l'hemoccult : je suis pour (sans être très excité).
Mais j'ai toujours prétendu, et ce n'est pas seulement dans le cadre du cancer du colon, que dans le cadre du cancer du colon les résultats étaient fortement opérateurs - dépendants. J'ajouterai aussi que les résultats de la chirurgie sont également équipes - dépendants (environnement hospitalier, qualité des soins pré et post op, et cetera).

Un article publié dans le British Medical Journal (ICI) vient opportunément le rappeler.

Avant de vous parler de cette étude (anglaise), trois points qui me sont très chers et qui concernent l'adressage des patients :
  1. On ne prescrit pas un chirurgien en DCI (dénomination commune internationale) ; il n'est pas possible de ne pas tenir compte de la qualité (supposée ou réelle du chirurgien, supposée ou réelle de la structure) quand on adresse un patient suspect de cancer du colon ; il n'est pas non plus possible de prescrire un oncologue en DCI (mais c'est un autre problème que nous pourrons aborder un autre jour et qui tient compte de la qualité des équipes et de leurs valeurs et préférences)
  2. Dans l'adressage d'un patient à un chirurgien les liens et les conflits d'intérêt sont majeurs (pour ceux qui ne sont pas habitués à cette notion, ils peuvent lire CECI) ; je voudrais donner quelques exemples : le lieu d'exercice a un impact fort à la fois d'un point de vue topographique (de très grande agglomération à village isolé ; de CHU (s) à hôpitaux généraux ; de pléthore à désert médicaux) et institutionnel (le gastroentérologue de l'hôpital X ou de la clinique Y se doit d'adresser au chirurgien de l'hôpital X ou de la clinique Y quelles que soient ses réticences professionnelles ou ) ; les liens d'intérêts : nous avons déjà parlé des contraintes institutionnelles, n'y revenons pas ; mais il existe aussi le copinage, le à toi à moi, les amis politiques, les amis syndicaux, les amis du Rotary, les copains du golf, du tennis, du foot ou de la pétanque, les collègues, les organisateurs de FMC sponsorisées ou non, la contrainte loco-régionale liée simplement au terroir, à l'anti parisianisme ; mais aussi les liens financiers, les retours sur investissement, les caisses de champagne ; et enfin les liens tissés par Big Pharma : la visiteuse qui serait la femme du médecin ou la femme d'un collègue, ou le week-end au golf, le repas au deux étoiles Michelin du coin...
  3. Les dépassements d'honoraires posent de sérieux problèmes d'égalité des soins : certains malades ne peuvent les assumer et / ou décident par principe de ne pas les accepter ; les médecins adresseurs, quelles que soient leurs réticences idéologiques ou politiques ou sociales, finissent par confier des patients à certains chirurgiens malgré le niveau de leurs dépassements ; ou ne le font pas et envoient des patients là où ils n'adresseraient pas leur femme ou leur mari (mais peut-être leur future ex-femme ou leur futur ex-mari...)
Tout cela pour vous dire que l'adressage d'un patient porteur d'un cancer du colon, quelle que soit sa localisation, pose des problèmes pratiques et éthiques considérables. Car le cancer du colon est susceptible de stratégies complexes : chirurgie première ou radiothérapie première, chirurgie traditionnelle ou coelioscopique, anus ou non à la peau, chimiothérapie post op... Il est donc nécessaire de disposer d'une bonne équipe, d'un bon chirurgien, d'un bon gastro-entérologue, d'un bon oncologue, d'un bon centre de radiothérapie et d'un médecin traitant qui est exclu de toutes les décisions par principe et / ou qui ne délègue pas systématiquement pour cause d'encombrement de sa consultation ou d'incompétence prétexte à ne pas continuer de prendre en charge "son" patient.

Je me rends compte que je ne vous ai pas encore parlé de l'étude....
Mais est-ce que cela a une quelconque importance maintenant que vous savez pourquoi j'ai choisi de vous parler du choix des correspondants dans le cas du cancer du colon ? Oui ! C'est important car dans ce cas précis il est rare que la balance bénéfices / risques prise en compte par les auteurs tienne compte aussi du résultat ou des conséquences opératoires du dépistage !
Dans cet essai le taux de réintervention non programmé a été retenu.
Il s'agit en chirurgie d'un bon indicateur (négatif) et particulièrement approprié dans le cas de la chirurgie colorectale qui est fréquente et où les complications sont nombreuses (dont une réintervention dans les 30 jours à cause, par exemple d'infection, de saignement, de blessure ou d'occlusion) ; les commentateurs indiquent que c'est un critère de qualité de technique chirurgicale pure mais il est possible de penser que d'autres facteurs entrent en jeu (qualité des équipes, écologie des services, et cetera) ; mais aussi : stratégie thérapeutique mal choisie, bilan pré opératoire incomplet ou mal fait, manque de coordination des équipes... Par ailleurs, d'autres facteurs de complications sont identifiés comme facteurs indépendants de réintervention (comorbidité, état de déprivation sociale, sexe, site anatomique de la lésion) mais ils sont communs à tous les centres (sauf si certains centres choisissent certains malades et en récusent d'autres...), et, enfin, il est possible que le délai d'adressage par le médecin généraliste ou le délai de prise en charge par le centre (nous sommes en Angleterre) ou le fait que la prise en charge se fasse en urgence ou non, influencent les statistiques... mais ces facteurs ont été pris en compte par l'étude... donc...
Voici ce qui a été constaté.
Il existe des différences de taux de réintervention allant de trois à cinq fois, même dans les grands centres et pour des chirurgiens opérant beaucoup. Pourquoi ? A qui cela est dû ?
Je m'arrête là.
Je répète ceci : adresser ses patients en aveugle est une mauvaise démarche ; nous n'avons parfois pas le choix (urgence) ou parce que les valeurs et les préférences des patients nous y contraignent ou parce que la localisation géographique est problématique ou parce que nos intérêts inconscients nous y invitent ou parce que, de guerre lasse, nous adressons à quelqu'un que nous n'apprécions pas professionnellement ou parce que la CNAM nous y contraint (exemple récent d'un patient que j'avais adressé à Paris pour une écho-endoscopie vatérienne pour laquelle on m'avait demandé pourquoi je n'avais pas adressé au plus près, plus près qui ne le faisait pas) ou parce que le secteur 2 devient impossible à assumer pour les patients...

(Chirurgiens en train d'opérer - Crédit photographique : wikipedia)

Petite histoire pour la route (Coluche) : Pourquoi les chirurgiens portent-ils des masques ? Pour ne pas être reconnus !

lundi 30 août 2010

UN SPECIALISTE COOL - HISTOIRES DE CONSULTATION : TRENTE-SEPTIEME EPISODE



Monsieur A, 67 ans, consulte parce que l'opération qu'il a subie il y a six mois n'a pas réussi. Je l'avais adressé à un chirurgien pour hernie (modeste) de la ligne blanche. Le patient, peu gêné, avait cependant voulu se faire opérer et par le chirurgien de son choix. Je n'avais rien d'ailleurs contre ce chirurgien mais ce n'était pas mon favori ce jour là pour des raisons tenant à la fois à la compétence et au copinage. Aurais-je dû écrire dans un autre ordre : tenant à la fois au copinage et à la compétence ?
Je l'examine et je constate qu'effectivement la hernie a réapparu et de façon tout aussi modeste.
" C'est grave, docteur ?"
J'aurais pu, avec mon mauvais caractère habituel que je réserve pour les grandes occasions, lui répondre : "Vous n'aviez pas besoin d'être opéré la première fois, je n'en vois pas plus la nécessité aujourd'hui..." Au lieu de cela, je réponds : "Non, ce n'est pas grave, vous ne risquez rien. - Que dois-je faire, alors ? - Cela dépend de vous. Si cela vous gêne il faudra revoir le chirurgien, d'abord pour qu'il constate le résultat, ensuite pour vous proposer une solution..."

Monsieur A n'a pas l'air content. "Il n'est pas question que je le revoie. - Bon, je peux vous proposer un autre chirurgien. - Un autre chirurgien ? Mais il ne pourra que me proposer de m'opérer, les chirurgiens, ça opère... - Certes... - Il est bon, au moins ? - Si je vous le conseille. - Vous m'avez bien adressé chez le docteur A... - Mais, si je me rappelle bien, c'est vous qui m'avez demandé de vous y envoyer. - Ce n'est donc pas un bon chirurgien ? - Si. Sinon je ne vous aurais pas fait de lettre... _ Mais vous aviez une réticence... - Non. D'ailleurs cela aurait pu survenir avec n'importe quel chirurgien. - C'est vrai ? - Je vous le confirme."

Je finis par convenir que l'inquiétude du patient est telle qu'il est nécessaire qu'il consulte un chirurgien. J'en ai un sous le bras, probablement celui que j'aurais indiqué en premier choix s'il n'avait décidé de se faire opérer par A. Je commence à rédiger la lettre, je l'imprime et je la tends au patient. Elle lui convient.

Mais je sens que la consultation n'est pas finie. Monsieur A : "Il faut que je vous dise quelque chose... - Oui... - Il faut que vous le sachiez. - Je vous écoute. - Quand je suis allé chez le docteur A, il m'a reçu, il a lu votre lettre et il a dit qu'il fallait effectivement que je sois opéré. Mais il ne m'a même pas examiné. - Comment ? - Non, il ne m'a même pas examiné et il m'a donné une date pour être opéré..."
Nul doute que je devrais être flatté qu'un spécialiste et, qui plus est, un chirurgien, me fasse à ce point confiance. A moins, mais cette hypothèse me plaît un peu moins, qu'il ne fasse surtout confiance à son porte-monnaie.
"Mais", continue Monsieur A "si l'intervention s'est bien passée, ça je n'ai rien à dire, après, quand il passait pour voir si tout allait bien, il n'entrait pas dans ma chambre, il restait sur le seuil et me disait 'Alors, ça va ?', il n'a jamais regardé mon pansement.
Comment les patients peuvent-ils avoir autant d'imagination ?