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lundi 17 décembre 2012

Faut-il revoir les règles de prescription de la pilule estro-progestative ?


Une affaire récente rapportée par le journal Le Monde (ICI) indique qu'il existe des événements indésirables graves liés à la prise de la pilule estro/progestative (E / P).
Non, non, je ne plaisante pas, l'innocuité de la pilule n'est pas totale.
Vous allez me dire : tout le monde le sait. Et je vous répondrai : Tout le monde le sait mais personne ne le dit vraiment.
Le pape non académique de la contraception, je veux dire le docteur Marc Zaffran (MZ), a des avis arrêtés sur la question et vous pouvez les consulter ICI.  Je cite toutefois le titre : "Pour prendre la pilule, examen gynécologique, examen des seins et prise de sang ne sont pas nécessaires..." et il ajoute, sans doute par provocation, "... et le Conseil National de l'Ordre des médecins est d'accord."
Je dois dire que cette position, qui n'est pas nouvelle, a dû rendre service à nombre de médecins feignants et... féministes, dans la mesure où cela leur permettait de banaliser la prescription contraceptive hormonale afin de ne pas rendre les femmes coupables de la moindre chose parce qu'on les aurait examinées ou parce qu'on leur aurait posé des questions indiscrètes, ce qui, pour prescrire un  produit sans danger, pouvait à l'évidence, paraître très intrusif.
MZ ajoute, et il cite l'OMS, que la seule chose à faire avant de prescrire la pilule est de mesurer la pression artérielle. Des données de médecine générale (ICI) indiquent que la prévalence de l'HTA féminine est de 1,23 % entre 16 et 39 ans (et probablement beaucoup moins à l'âge de la primoprescription de la pilule). D'autres données (LA) indiquent chez la femme une prévalence de 4,1 % entre 18 et 34 ans mais avec des critères d'HTA plus larges.
Bon, ben le problème est réglé : la pilule, c'est sûr. 
C'est d'ailleurs ce que pense Joëlle Brunerie Kauffmann dans des propos rapportés par Libération le 11/04/99 (un autre siècle, sans doute) et que je cite en deuxième main à partir d'un texte de Marc Girard (LA) : "Les pilules n'ont aucun effet secondaire." Elle veut probablement dire, mais rien n'est moins sûr, aucun effet secondaire grave en respectant les contre-indications... Non, elle veut dire aucun effet indésirable du tout. Dans des entretiens accordés sur France-Culture, ICI, elle ne change rien même si, poussée par la journaliste hagiographe qui l'interroge, elle dit que, bien sûr, les problèmes de libido, bien exagérés, ça peut exister mais que ce n'est rien par rapport à la vie sexuelle épanouie que procure la contraception (sous entendu : et que nos mères ignoraient, la vie sexuelle épanouie). Je veux bien.
Les propos rassurants de MZ et les propos lénifiants de JBK vont dans le sens de la fameuse chanson d'Antoine (que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître), Les Elucubrations.
Oh, Yeah !
J'ai reçu une lettre de la Présidence
Me demandant, Antoine, vous avez du bon sens,
Comment faire pour enrichir le pays ?
Mettez la pilule en vente dans les Monoprix.
(Voir la video à partir de 3' pour le couplet.)
Mais je m'égare. Pourquoi, puisque la pilule ne présente AUCUN risque, ne la vend-on pas dans les grandes surfaces ? Il suffirait de remplir auparavant un questionnaire sur Internet et se faire prendre la PA sur son smartphone.

Le cas de cette jeune femme est une rareté, une exceptionnalité, me direz-vous. Mais comment savoir vraiment ?
Au delà du type de pilule prescrit et nous ne saurions trop conseiller de ne prescrire ou de ne se faire prescrire que des pilules de deuxième génération, laissant pour l'exception celles de troisième et pour les cas d'espèce (des actions Bayer) celles de la quatrième, il est nécessaire de revenir aux contre-indications formelles et/ ou relatives de la pilule E / P que vous trouverez LA, notamment page 17 d'un document de l'HAS. 

Néanmoins, il est possible d’indiquer qu’un âge35 ans ou une obésité ou une consommation excessive de cigarettes (15/j) ou un antécédent de migraine sans signe neurologique focal ne constituent pas individuellement (en l’absence de cumul des facteurs de risque) une CI à une contraception œstroprogestative.

En revanche, constituent une CI à la contraception œstroprogestative :. l’association des facteurs précédents entre eux (notamment « âge 35 ans + consommation de cigarettes ») ;
. la présence, même isolée, d’un facteur de risque parmi les suivants :
  • –  migraine avec signes neurologiques focaux11, ou lorsqu’elle apparaît ou
    s’aggrave sous traitement (antécédent ou épisode en cours),
  • –  HT A (antécédent12 ou épisode en cours),
  • –  diabète avec complications vasculaires éventuellement associées
    (rétinopathie, néphropathie, neuropathie, etc.),
  • –  dyslipidémie. 


C'est quand même assez flou pour la prescription d'un non médicament (la pilule E / P ne "guérit" rien) qui est administré à des millions de femmes en bonne santé.

Mais préoccupons-nous d'un problème particulier, celle de cette jeune femme qui a fait un AVC en présentant une mutation liée à la thrombophilie.

Un document de l'HAS (LA) définit la fréquence et souligne que ce n'est pas remboursé.

La thrombophilie désigne les anomalies de l’hémostase prédisposant aux thromboses ou la tendance clinique aux thromboses (thromboses veineuses profondes et embolies pulmonaires). Ces anomalies peuvent être liées à la présence de certaines mutations, telles que FV Leiden et FII 20210G>A. La prévalence de la mutation FV Leiden dans la population est en moyenne de 3 à 5 %, celle de la mutation FII 20210G>A est estimée entre 2 et 4 %. Trois actes de biologie permettent de les reconnaître et contribuent au classement des patients par niveaux de risque de thrombose. 


Faut-il changer les choses ? Car le risque d'événements indésirables graves semble ainsi plus important que dans le cas d'une élévation modérée de la pression artérielle. Mais la prise de la PA est gratuite... 

Ainsi, nos experts signalent les risques dont la recherche est remboursée par l'Assurance Maladie mais pas ceux, aussi, voire plus fréquents, dont la recherche est trop onéreuse mais dont les conséquences sont gravissimes.

A moins, bien entendu, que les experts, dont le célèbre Israël Nisand (IN), comme lors d'un entretien sur Europe 1 (ICI) (à partir de 5'30), ne reprennent les arguments suivants (qui rappellent étrangement ceux utilisés par les vaccinologues et les pharmacovigilants pour grippe et Guillain-Barré, à savoir que la vaccination anti grippale protègerait de la maladie de Guillain-Barré...) qui sont aussi ceux de l'Académie Canadienne de gynéco-obstétrique (voir LA à la page 1200) en 2010 (où l'on voit que ce que je disais à propos des gynécologues français (ICI), peut être étendu au Nouveau Monde, Nouveau Monde qui a réagi avant pour le distilbène et / ou le THS - Traitement hormonal Substitutif de la ménopause) :

Les contraceptifs hormonaux entraînent la hausse du risque de TEV au-delà du taux de fond (de 5/10 000 femmes-années chez les non-utilisatrices8 à 9–10/10 000 femmes-années chez les utilisatrices9).
Pour replacer les risques de TEV chez les utilisatrices de CO dans leur contexte, il est important de ne pas perdre de vue que le risque de TEV pendant la grossesse peut atteindre 29/10 0009,10 et que, pendant la période péripartum, on a signalé que ce risque pouvait atteindre pas moins de 300–400/10 0006,7. Faisant partie des modes de contraception les plus vastement utilisés et les plus efficaces, les CO entraînent la baisse des taux de grossesse non souhaitée et abaissent en fait le taux global de TEV au sein de la population, par comparaison avec les taux constatés au sein des populations n’ayant pas accès à une contraception efficace11


Je suis sur les fesses.
Et ce document canadien, en sa conclusion, ne fait aucune différence entre les différents types de pilules, ce qui montre que son objet est non seulement d'innocenter le risque thrombo-embolique de la pilule mais de favoriser la modernité des pilules de nouvelles générations dont on voit maintenant quelles font plus de mal que de bien.
Que faire en pratique ? Continuer de clamer avec MZ, JBK et IN que la pilule est sans effets indésirables ou qu'il vaut mieux prendre la pilule que d'être enceinte ?
Il est vrai que l' HAS dans un document déjà cité (LA) ne conseille pas de bilan de la coagulation avant la prise d'un contraceptif E / P, donc, comme dit l'autre, si on fait de la médecine défensive (juridique), le prescripteur se retrouve blanc bleu dans l'affaire. Et c'est bien la première fois que faire de la médecine défensive signifie pratiquer moins d'examens complémentaires (LA).

Je n'ai bien entendu abordé, à propos d'un cas, que les éventuels problèmes posés par la contraception E / P chez la toute jeune fille. Je n'ai pas encore parlé du reste. Cela viendra peut-être. Rappelons quand même, en passant, que le tabagisme multiplie par dix le risque thrombo-embolique.

(Antoine - Les élucubrations - 1966)

PS - Sylvain Mimoun, qui ne déclare pas ses liens d'intérêt, vient au secours des pilules de troisième génération ICI. Peut-on le comparer à Bruno Lina ?
PS 2 (du 20/12/12) - Les recommandations du Vidal en ligne sur la contraception posent beaucoup de questions. Voir LA.