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jeudi 8 avril 2021

Le nouveau médecin est arrivé : le médecin parfait



Les médecines et les médecins sont des humains comme les autres.

La pandémie mondiale de Covid montre que le fait d'avoir "fait" Bac + 7 ou 8 ou 9 ne rendait ni intelligent ni "scientifique".

Le défilé médiatique ininterrompu et incessant des professeurs, des non professeurs, des pseudo professeurs, de médecine (et/ou de chirurgie) sur les écrans et sur les ondes donne le vertige.

Les patients avec qui, nous, les médecins praticiens, parlons lors de nos entretiens singuliers sont perdus. Et ne sont pas perdus. Ils sont à la fois informés et désinformés. Ils savent et ne savent pas. Ils comprennent surtout et enfin que l'arrogance médicale n'est pas un vain mot.

Il y a aussi une génération spontanée de médecins qui ont toujours raison parce qu'ils suivent les données de la science qui changent tout le temps et donc, s'ils disent le contraire de ce qu'ils disaient hier, c'est parce qu'ils suivent au plus près ces mêmes données de la science. Disent-ils. Sauf que lorsqu'on regarde les données qu'ils avancent pour dire un jour "Oui", un jour "Non" et un jour "Peut-être", ce qui ne manque pas, c'est le manque de données robustes pour étayer leurs dires. 

Cela dit, cela nous change des personnes qui disent avoir toujours raison en gardant la même ligne, celle d'avoir toujours raison sans jamais changer d'avis. Alors qu'ils ne cessent de le faire.

Bref.

Désormais, au fur et à mesure de l'évolution de la situation, nous découvrons qu'il existe des médecins parfaits autoproclamés. Des médecins qui savent toujours tout au bon moment. Une sorte de prédestination intellectuelle et scientifique. Une contingence de l'omniscience. Des Pic modernes de La Mirandole à l'âge des réseaux sociaux et du médicalement correct universel...

Comme l'analogie est un procédé rhétorique méprisable, je ne dirai pas que ces parfaits me font penser à des protagonistes de la guerre idéologique qui sévissait au vingtième siècle entre staliniens et non staliniens.

Ces médecins parfaits autoproclamés portent toujours bien les masques (sauf certains, mais pas d'ad hominem), se passent en boucle la video de Lila Bouadma où elle montre comment les mettre, les porter, les changer, et les portent donc avec autorité et à-propos selon les lieux et les circonstances, savent en une seconde comment transformer un masque chirurgical en FFP2 (sans le toucher) et les raisons scientifiques et sources pour quoi ils doivent le faire et à quelle seconde, ne le touchent bien entendu jamais avec les doigts pendant leurs harassantes journées de labeur où non seulement ils soignent l'humanité souffrante (et reconnaissante) mais où ils planifient les séances de vaccination AZ en leurs cabinets (non sans remercier leur secrétariat si efficace et bienveillant) et vont vacciner dans les centres dédiés pendant leurs week-ends (tout en pestant contre l'idéologie des anciens valorisant les médecins dévoués)... Et ainsi les masques des médecins parfaits ne descendent-ils jamais sous leurs nez alors qu'ils ne cessent de parler d'or à leur patientèle, et ainsi les lunettes des parfaits ne sont-elles jamais embuées,  ilelles respectent des distances sociales (dont on sait par ailleurs, c'est certainement culturel, voire anthropologique, qu'elles sont différentes selon les pays et les latitudes et avec le même niveau de preuves sur leur efficacité, vérité en deçà mensonge au delà), les respectent toujours quelles que soient les circonstances, utilisent le SHA avec dextérité et compétence, se passent en boucle la vidéo de Nathan Pfeiffer Smadja où il montre comment un médecin parfait hospitalier pratique l'hygiène, sans allergie, ilelles aèrent, aèrent, aèrent, ouvrent les fenêtres, créent des courants d'air, se caillent en hiver sans être malades l'oeil rivé sur les appareils de mesure de CO2, et, last but not least, s'informent en permanence, la dernière étude scientifique adoubée par le cercle des parfaits, tout en se moquant des anciennes gloires (qu'ils n'avaient jamais encensées) pour montrer combien ils avaient eu raison de ne pas le faire, (dans l'ordre des pestiférés : Carl Heneghan, Peter Goetzsche, John Ioannidis, Tom Jefferson, Vinay Prasad), et cetera. 

Et pourtant ces médecins parfaits ont encore le temps de réfléchir aux problèmes sociétaux (le confinement, les écoles, la distanciation sociale, les inégalités de santé) puisqu'ils ne voient jamais leur famille, ne voient jamais leurs amis, ne prennent pas les transports en commun, ne fréquentent pas les cabines d'ascenseurs, font porter des masques à leurs enfants à partir de 2 ans, ne les envoient pas à l'école si les mesures barrières scientifiquement établies ne sont pas respectées, ne fréquentent jamais les cantines pas plus que les salles de repos non aérées où trônent les fameuses machines à café et à friandises qui pourraient être les nouveaux bijoux indiscrets à la Diderot, mangent donc et boivent dans leurs bureaux, des parfaits, nous disent-ils.

Les médecins parfaits (et les médecines parfaites) ont quand même des péchés mignons : 

se moquer des crétins anencéphales qui ne pensent pas comme eux, les autres médecins qui ont fait autant d'années d'études qu'eux, voire plus, les autres médecins pauci-neuronaux qui enseignent pourtant à des étudiants en médecine, les médecins qui donnent leur avis sur tout (et qui n'ont le droit de le faire, comme preuve d'adoubement, que s'ils expriment la doxa du jour, voire de l'heure ou de la minute, se moquer des médecins qui sortent de leur spécialité, les vrais comme les faux épidémiologistes, les vrais comme les faux urgentistes, les vrais comme les faux réanimateurs, les vrais comme les faux infectiologues...

se moquer des journalistes sans cerveaux, ah, les journalistes, tous des pourris, des journalistes à qui ces médecins parfaits ne cessent de donner des leçons de journalisme, l'ultracrépidarianisme étant un passe-temps sans limites, se moquer des journalistes et courir sur les plateaux pour en placer une, les seuls journalistes ayant du mérite étant celleux qui rédigent des articles bienveillants sur eux, ces médecins parfaits ne relevant pas eux-mêmes du droit à la critique, puisqu'ils sont parfaits à tout moment, surtout quand ils se trompent, la science étant tellement changeante, et donc, pour en revenir aux plumitifs, les médecins parfaits ont leurs propres organes de presse, les journaux dans lesquels il est possible de s'exprimer, et ainsi l'idée du journalisme qu'ils se font est celle-ci : écrire exactement ce que je leur ai dit...

se moquer des patientes et des patients qui n'ont pas l'heur être bac + je ne sais combien, des passantes et des passants rencontrés dans la rue, des non altruistes qui portent le masque sous le nez, et, sachez-le, braves gens, ce sont des putains d'hommes âgés, on a des statistiques, aussi fiables que celles de l'IHU de Marseille, ou des jeunes qui se claquent la bise à l'entrée des lycées, ou des jeunes, les salopards qui se réunissent pour faire des teufs, des anniversaires, des barbecues ou des apéros... des jeunes qui ne pensent qu'à eux, qui ignorent qu'ils ont des grands-parents, des parents... se moquer des patients et des patientes qui ne comprennent pas à l'instant le cherry-picking des médecins parfaits, qui ne comprennent pas à l'instant les derniers virages de l'opinion scientifique, voire les têtes-à-queue, qui ont le culot de se rendre compte que les grands professeurs issus de la prestigieuse université française sont parfois aussi des crétins finis (et ils ont pourtant suivi le cursus), sont parfois aussi des escrocs finis (et leurs pairs ne disaient rien jusque là), sont parfois des manipulateurs et des fraudeurs minables, sont parfois des délinquants médicaux en prescrivant ou en conseillant de prescrire des traitements inefficaces et dangereux...

Les médecins parfaits débusquent et ont identifié La conjuration des imbéciles plutôt que la conjuration des complotistes...

Il existe donc, comme au bon vieux temps, une ligne du Parti et non pas une ligne scientifique, cette frontière mouvante changeant tout le temps qui s'oppose à la précédente, mais un mur grillagé avec des VoPos pour tirer sur les récalcitrants.

Il n'est pas possible, selon la ligne du Parti, d'être mou/molle, d'être hésitante/hésitant, il faut foncer avec la certitude que demain les lendemains chanteront.

Et il ne faut pas se tromper. Pas faire d'anachronisme ou d'anatopisme.

Quelle est la doxa actuelle des médecins parfaits ? Nous sommes le 7 avril 2021.

Il faut vacciner à tout prix et ne pas s'arrêter à d'éventuels effets indésirables (qu'il faut taire également pour la cause du peuple) parce que la Covid est mortelle et que le rapport Bénéfices/Risques des vaccins restera toujours favorable (sauf en Nouvelle-Zélande). Ce n'est sans doute pas faux.

A ce propos : l'exemple israélien est mis en avant pour 1) démontrer l'efficacité de la vaccination (ce n'est sans doute pas faux) ; 2) mettre en avant l'efficacité de la logistique dans un pays en guerre (ce n'est sans doute pas faux) ; 3) souligner l'importance d'une politique concertée de santé publique (ce n'est sans doute pas faux).

Mais : l'exemple israélien est l'expression : 1) d'un nationalisme intégral ; 2) d'un cynisme intégral ; 3) d'une conduite tout à fait inégalitaire de la vaccination à l'échelle du pays lui-même (les citoyens israéliens puis les autres), de la région (mais le pays est en guerre) ; du monde (les usines de vaccin sont saturées et nous avons piqué les doses aux pays qui avaient moins de ressources et aux pays qui ont cru, naïvement, suivez mon regard, à l'universalisme du commerce mondial).



Ils ont eu raison. Mais il est évident que si tous les pays avaient mené la même politique, c'eût été une guerre mondiale.



La seule solution raisonnable est le zéro Covid. Là, les choses sont moins claires.

Il est possible de discuter. Mais non : le zéro Covid est LA solution. Puisqu'on a réussi à éradiquer la variole (et la poliomyélite) il sera possible d'éradiquer les coronavirus mortels (qui ont un réservoir non humain depuis la nuit des temps). Comme dirait Poutine : On ira jusque dans les chiottes du G7 et dans les latrines du Tiers-Monde pour vacciner tous les sans-abris de la planète, tous les intouchables, tous les Afghans cachés dans des grottes... Est-ce une utopie ? Est-ce la seule façon de revenir à un monde normal ? Est-ce que l'éradication du virus comme en Nouvelle-Zélande (île ou îles de presque 5 millions d'habitants) et sans vaccin (oui mais, disent les parfaits il y a le Vietnam, la Corée du Sud...) signifiera que nous ne porterons plus jamais de masques en hiver (et en été) et dans les transports en commun ? Est-ce que le zéro Covid nous obligera à nous vacciner chaque année contre le coronavirus ?

(Je n'ai pas parlé du dépistage, du diagnostic, de l'isolement, et cetera)

(Je n'ai pas parlé du retour à la société d'avant avec les wagons à bestiaux pour aller travailler, les embouteillages, les temps de transport, les classes bondées, l'enseignement en présentiel qui ressemble à une garderie généralisée pour que les parents puissent aller se faire exploiter avec joie...)

La perfection a ses limites.

Retournons à nos imperfections.

PS - Je vous propose de lire le site Du côté de la science (ICI) pour les informations pertinentes qu'il donne sur de nombreux sujets concernant la pandémie. Selon la formule consacrée : ce n'est pas parce que je conseille le site que je suis d'accord sur TOUT (cf. supra) ce qui est dit et que je peux critiquer ou non, ici ou là, ce qui est écrit et l'idéologie (parfois) sous-tendue. Je revendique la mollesse... l'hésitation... et les certitudes également.