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dimanche 18 mars 2012

Les infirmières meilleures que les médecins en médecine générale ?


En ces temps de disette et d'annonces de la disparition programmée des médecins généralistes et, à terme, de la médecine générale (à condition bien sûr qu'elle ait jamais existé en tant que spécialité, mais c'est une autre affaire dont nous avons déjà beaucoup parlé ICI ), Des Spence, un de mes éditorialistes favoris du British Medical Journal comme vous le savez (LA), vient d'écrire un petit article qui m'a rendu admiratif. On sent bien entendu que Des Spence a écrit avec prudence, pour ne pas heurter la sensibilité des infirmières et pour ne pas entamer le politically correct qui veut que les médecins sont des infirmières comme les autres mais que son second, voire son troisième degré, ne peuvent masquer sa presque certitude de l'intérêt des médecins versus les nurses... Vous pouvez le lire en anglais si vous êtes abonné au BMJ (ICI). 

Je vous raconte l'affaire.

Première partie (démagogique) : Quand nous étions jeunes (très jeunes) docteurs, écrit Spence, que nous étions souvent de garde et que nous ne connaissions rien à la médecine, c'étaient les infirmières qui permettaient que tout se passe bien à l'hôpital. Avec une phrase en plus : Ceux qui ne respectent pas les infirmières ne respectent pas la profession médicale. Fin des flagorneries anglo-saxonnes.

Deuxième partie (factuelle) : Sur Twitter, poursuit Spence, un débat fait rage et on peut le résumer ainsi : les infirmières senior peuvent remplacer les médecins car elles sont meilleures (une étude suggère qu'elles obtiennent un taux plus élevé de satisfaction de la part des patients et que les résultats post consultation sont identiques) et qu'elles coûtent moins cher (en moyenne 35 000  vs 57 300 £). Spence commente : on ne peut discuter le niveau des salaires, certes, pour proposer le remplacement des médecins par des infirmières, mais pour les résultats, il est quand même possible de contester : la plupart des maladies vues en médecine générale sont bénignes, se résolvent d'elles-mêmes, du moins à court terme (c'est moi qui complète) et il est normal que l'on ne voit pas de différences entre infirmières et médecins ; mais le cas des maladies graves et / ou rares, celles où il ne faut pas faire d'erreurs diagnostiques et / ou thérapeutiques d'urgence, n'a pas été spécifiquement pris en compte, ce qui fait la faiblesse de ces études comparatives. Or, c'est dans ces cas qu'il est nécessaire d'être efficace.

Troisième partie (géniale et pertinente et que nos technocrates arsiens -- venus des ARS, ces monstres bureaucratiques nés des lois néo libérales LOLFde 2001 et RGPP de 2007 -LA, ne peuvent ni lire, ni comprendre, ni apprécier, tant ils sont obsédés par la politique du chiffre et par la négation des personnes) : Spence commence par ceci : un aspect économique négligé est celui de la fonction primordiale de la médecine de premier recours qui est de faire barrière  (gatekeeper). Les coûts de la santé publique sont liés aux coûts hospitaliers, poursuit-il. L'efficience de la médecine générale doit être jugée ainsi : une analyse de sang coûte quelques dizaines d'euros, une consultation externe quelques centaines, une admission en urgence quelques milliers. La valeur de la médecine générale ne tient pas à ce qu'elle fait mais à ce qu'elle ne fait pas. Or, l'étude favorable aux infirmières, montre qu'elles prescrivent plus et qu'elles adressent plus. Un adressage ou deux de plus par semaine et même quelques investigations en plus peuvent entraîner des dizaines de milliers d'euros dans le flot des dépenses courantes du NHS. De plus, les infirmières passant en moyenne plus de temps avec les malades que les médecins généralistes (15 - 20 vs 10 minutes), elles seraient en droit de demander des salaires équivalents, mais sont-elles plus coût-efficientes que les médecins ? Nul ne le sait.

Spence continue ainsi : la fonction barrière de la médecine générale requiert une personnalité rassurante et, plus que tout, une aptitude à accepter l'incertitude. Quand on travaille en équipe les titres et les qualifications ne sont pas primordiaux pour endosser ces attitudes. Il existe trois priorités dans la pratique de la médecine générale : l'expérience, l'expérience et l'expérience.

Merci Des Spence.

Un petit commentaire : cette fonction barrière de la médecine générale est souvent décriée en France car on y associe une fonction mineure, non noble, de sous-médecin, d'officier de santé, d'infirmière en quelque sorte, alors que les propos de notre généraliste écossais rappellent que cette fonction est primordiale, demande de l'expérience, des connaissances, de l'empathie, de la persuasion, du dialogue et une part d'acceptation de l'incomplétude de l'art médical, sans compter, et nos bureaucrates politiques dirigeants pourraient éventuellement en tenir compte, qu'elle permet de diminuer les coûts de la santé.
Nul doute, pourtant que les arsiens ne retiendront de cela, leur haine bureaucratique de non médecins pour les médecins étant à la hauteur de leur incompétence, que la possibilité de remplacer à moindre coût les médecins par des infirmières qui, sans nul doute, en raison de la "promotion" dont elles se sentiront investies, ne renâcleront pas trop à la tâche avant de se rendre compte du piège qu'on leur aura tendu.

Mise au point : loin de moi l'idée de dénigrer les infirmières et de surévaluer les médecins généralistes (ce blog est le témoin de mon esprit critique) mais, puisqu'il faut dire les choses, disons les.