Affichage des articles dont le libellé est MESOTHERAPIE. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est MESOTHERAPIE. Afficher tous les articles

mercredi 2 février 2011

BREVES DE MEDECINE GENERALE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODES 64, 65, 66

Sausalito (Ca) (Photo personnelle)

MERCREDI DEUX FEVRIER DE L'AN DE GRÂCE 2011

EPISODE 64 - Monsieur A, 42 ans, vient au cabinet pour la première fois. Il n'est pas content de son ancien médecin qu'il ne me cite pas. Cette entrée en matière est toujours pour moi, comme disent les cuistres, ambivalente. D'un côté je me réjouis qu'un patient insatisfait de son médecin puisse me choisir (sans que j'ignore que je peux avoir été recommandé par un patient à qui je n'ai procuré aucun avantage scientifique véritable mais à qui je parais "sympa", ce qui, du point de vue de mon ego et comparé aux grands services médicaux que je peux rendre en d'autres circonstances et à d'autres patients, n'est pas grand chose ; mais cela vaut mieux que d'avoir été recommandé par la voisine du gars qui sait que le docteurdu16 a une secrétaire avenante...), d'un autre côté je sais par expérience que ce genre de patients aura autant tendance à être volage avec moi qu'il l'a été avec le médecin précédent. Quoi qu'il en soit Monsieur A n'est pas content de son médecin parce qu'il ne lui a pas prescrit de radios alors qu'il souffre, dit-il, de lombalgies. Il est donc nécessaire que je fasse le grand jeu. Je l'interroge, il se déshabille, je l'examine et il s'avère que le diagnostic que je retiens est lombo-radiculalgie gauche L4L5. Avant même que j'aie commencé à faire le beau et à prescrire ou ne pas prescrire, le malade me dit : "Vous êtes un vrai spécialiste." Je lui demande pourquoi il me dit cela et il me répond : "Mon médecin ne me faisait jamais déshabiller." Cet adoubement, spécialiste, me rend encore plus fat. Moi qui ne suis même pas spécialiste en médecine générale. Vox populi, vox dei.

EPISODE 65 - La petite A, onze ans, est conduite par ses parents directement aux urgences d'un grand CHU parisien, pour des douleurs abdominales atypiques et les parents hésitent entre une gastro-entérite et une appendicite (on verra plus tard que les médecins auront le même état d'esprit, enfin, selon les propos des parents). Longue attente, petit examen, échographie difficile à faire "en raison d'interpositions coliques" et retour au domicile avec un vague "diagnostic" (?) de douleurs abdominales. Deux jours après retour au même CHU de la même petite fille : péritonite de chez péritonite. Opération en urgence. L'anamnèse rapporte ceci : une échographie inconclusive a été pratiquée mais ni NFS, ni CRP (à 200 le jour de la péritonite). Quand il n'y aura plus de médecins généralistes il y aura encore plus de monde aux urgences et les urgentistes demanderont encore plus de crédits pour obtenir une échographie en urgence pratiquée par un échographiste junior et ne demanderont pas des examens qu'un médecin généraliste des temps où il y avait encore des médecins généralistes aurait demandés. Vae victis.

EPISODE 66 - Madame A, 64 ans, est suivie par mes soins pour une hypertension artérielle, un diabète non insulino-dépendant et un glaucome (je suis, officiellement, le médecin traitant). Madame A est arthrosique et se plaint depuis des années de douleurs multiples et variées (DMV, copyright docteurdu16) pour lesquelles je n'ai pas trouvé de solutions adéquates. Elle souffre encore. Aujourd'hui elle est en colère. Pas contre moi, ce qui me soulage. Elle est allée voir un mésothérapeute du coin qui a) lui a fait du pique pique (plusieurs séances) et sans résultats ; b) qui lui a prescrit des radiographies des deux mains qui ont conclu, que les lecteurs et trices s'accrochent, à de l'arthrose diffuse touchant les articulations MP et les IPP, et cetera... ; c) qui l'a dirigée, de guerre lasse, vers un rhumatologue qui a jeté un regard dédaigneux sur la lettre du distingué mésothérapeute (mais le témoignage humain, ma brave dame...), qui a prescrit des examens complémentaires (en double ou en triple par rapport à ce que j'avais déjà prescrit il y a longtemps) et qui, oh surprise pour un médecin généraliste spécialiste en rien, a "prescrit" de la cuivramine, un traitement de six mois, accompagné de documents en couleur format fiche de mentions légales pour un médicament en demandant d'envoyer un chèque de 150 euro au dit laboratoire (tout le monde, d'après la patiente qui attendait dans la salle d'attente, ressortait avec les dépliants publicitaires...). Elle voulait, ma chère patiente, savoir ce qu'elle devait faire.
Je lui ai dit ceci : a) le mésothérapeute est un einstein ; b) le mésothérapeute est un charmant confrère respectueux des règles de la déontologie ; c) le mésothérapeute respecte également le parcours de soins mis en oeuvre par la sainte CNAM ; d) le rhumatologue ne pratique pas la dichotomie ; d) le rhumatologue ne touche pas de l'argent cuivramine ; e) j'écrivais de ce pas un petit mot à ma façon au confrère médecin généraliste faisant de la mésothérapie (sur ce dernier point elle a poussé de hauts cris car, "Comment allait-elle faire quand elle aurait de nouveau mal, car il l'avait soulagée de quelques douleurs ici et là ?" Je lui répondis avec un sourire appuyé et sincère : "Mais comme d'habitude, chère Madame A, sans me prévenir." Nous restons bons amis.

lundi 20 décembre 2010

MESOTHERAPIE OU COMMENT SAUVER LA MEDECINE GENERALE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 58


Il y a dix jours.
Madame A, 54 ans, a échoué dans mon cabinet parce que son médecin traitant (le docteur B1) est parti en vacances. Le fichier de l'ordinateur indique qu'elle est venue pour la dernière fois dans ce cabinet il y a huit ans.
Elle est tombée lourdement au travail sur son épaule gauche et elle vient me voir "pour se faire prolonger". Elle me montre une lettre du mésothérapeute du coin qui remercie le médecin traitant de lui avoir confié la patiente. Je grimace. La lettre indique que le mésothérapeute, non content de mésothérapeuter l'épaule (sans résultats, on le verra) a trouvé ce qu'il appelle "un probable syndrome du canal carpien du même côté" dont il va aussi s'occuper.
Conflit d'intérêt majeur : je n'aime pas la mésothérapie et les mésothérapeutes pour avoir pratiqué cette technique dans les années quatre-vingt et l'avoir abandonnée pour, avis personnel, manque d'efficacité notoire.
Quoi qu'il en soit, lors de cette première consultation, l'examen de la patiente montre une épaule inflammatoire et des lésions manifestes du sous et / ou du sus-épineux (je dois dire que je m'emmêle un peu les crayons dans l'examen de l'épaule), en tous les cas il y a quelque chose.
Je demande à la patiente si une IRM a été demandée (ne me cassez pas les pieds avec ma propension à prescrire des IRM dans l'épaule douloureuse et / ou traumatique, c'est mon expérience interne qui me le prescrit et de négliger les arthroscanners pratiqués par les radiologues) et elle me répond cette chose stupéfiante et proprement ininventable (il faut toujours se méfier de ce que racontent les patients, fussent-ils bien ontentionnés, ce sont des hommes et des femmes comme les autres) : le docteur B2 (le mésothérapeute) m'a dit qu'on en ferait une après les séances, si ça ne marchait pas.
Remarque : le médecin traitant de Madame A a confié "sa" patiente au docteur B2, médecin généraliste qui, accessoirement (pas si accessoirement que cela puisque c'est devenu la plus grande partie de son activité) pratique la mésothérapie et il vaudrait mieux dire le docteur B1, médecin traitant, a confié la patiente au docteur B2, mésothérapeute, qui exerce, accessoirement la médecine - générale). Le docteur B1 a fait comme si B2 était un spécialiste et B2 se comporte en plus spécialiste que les spécialistes en décidant des soins qu'il pratiquerait à la patiente qui lui est adressée.
La patiente remarque mon trouble et ma mauvaise humeur.
Moi : Je crois qu'il faudrait pratiquer une IRM. Madame A : Si vous le jugez nécessaire. J'ai déjà fait des radiographies de l'épaule qui étaient normales.
Aujourd'hui.
Je reçois Madame A avec retard. La neige. Beaucoup de neige. Je suis en retard et elle est arrivée en retard : la balle au centre.
Moi : Comment ça va ?
Elle : Je ne veux plus faire de mésothérapie, cela ne sert à rien (je vais me retrouver avec un procès au Conseil de l'Ordre, imaginez qu'elle ait, comme dans les séries américaines, porté des micros cachés dans son double menton lors de la dernière consultation).
Moi : Hum. Si vous me montriez l'IRM.
Elle : Vous aviez raison. Le radiologue m'a dit qu'il fallait que je me fasse opérer.
J'étais sur le point de me réjouir de mon grand sens clinique et voilà qu'elle me gâche ma joie en me parlant des avis du radiologue, le docteur B3.
Je jette un oeil intéressé sur l'IRM où le radiologue, complaisant, a mis des flèches pour montrer les lésions : "Rupture partielle du sus-épineux... bursite inflammatoire sous-acromiale..."
Cette histoire se complique.
Je résume les épisodes : le médecin traitant B1 confie "sa" patiente au docteur B2 mésothérapeute qui manie son appareil (avec dépassements et sans effets antalgiques), les deux considérant qu'une radiographie (face + profil) sans préparation de l'épaule signe la nécessité de faire de la mésothérapie et de ne pas demander d'IRM ; le docteurB1 croit que le docteur B2 est un spécialiste et le docteur B2 se comporte en spécialiste ; le docteurdu16 tente de piquer la malade du docteur B1 (rien à foutre : mon ambition dans ma vie de médecin généraliste : travailler moins pour gagner moins) en prescrivant une IRM et se fait court-circuiter par un photographe qui indique la route de la salle d'opération (mais pas, pour cette fois, le nom du spécialiste de l'épaule gauche, on a du bol).
Je dois faire partie d'un monde différent.
Je commence à fatiguer.
Le plus emmerdant vient de ce que la malade croit que je suis un bon médecin alors que je n'ai fait que le minimum syndical, c'est à dire examiner et prescrire.
Je vais faire une pause et cesser de parler de moi.
Dernier commentaire : le mésothérapeute a compris que la médecine générale était une spécialité en involution et qu'il fallait "innover" et "dépasser". Il a raison et j'ai tort.