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dimanche 27 novembre 2011

BPCO : les pneumologues mettent le paquet !


Tout est parti d'un article chapeauté et commenté par Hugues Raybaud (ICI) qui m'a conduit à lire un article de Esculapepro.com (LA) rapportant des recommandations sur la Bronchopneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) émanant d'un organisme dont j'ignorais jusque là l'existence (The Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease, alias GOLD). 
Le chapeau de Hugues Raybaud est sans nuances (Sans liberté de blâmer il n'est pas d'éloge flatteur et vous savez combien j'aime sa lettre, voir ICI) et semble, mais n'y a-t-il pas une certaine ironie dans le titre, bien péremptoire : La BPCO se place au rang du diabète comme maladie émergente.
Le problème est que contrairement au diabète, la maladie est banalisée. Les patients vivent avec leur maladie, leur essoufflement, jusqu'à ce qu'ils soient hospitalisés lors d'une poussée infectieuse. La maladie est alors diagnostiquée mais il est trop tard pour la freiner.
Le dépistage peut se faire en cinq questions 


  • Avez-vous fumé ou fumez-vous ?




  • Toussez-vous fréquemment ?




  • Crachez-vous fréquemment ?




  • Lorsque vous pratiquez une activité donnée, êtes-vous plus essoufflé(e) que les gens de votre âge ?




  • Avez-vous plus de 40 ans ? Si le patient répond positivement à trois de ces questions, le généraliste peut soit mesurer le souffle du patient à l'aide d'un spiromètre soit orienter le patient vers un confrère pneumologue.



  • Ainsi Hugues Raybaud esquisse-t-il le problème de la stratégie de Knock mais sans en parler vraiment.
    Ainsi nous renvoie-t-il sur le site esculapepro.com qui ne dit pas un mot des liens d'intérêt de GOLD  tout en citant Prescrire (très critique à l'égard de spiriva).  
    Or GOLD entretient des liens avec Big Pharma qui sont pour le moins ténus : vous pouvez retrouver la rubrique About Us dans le menu déroulant de GOLD qui informe sur les liens d'intérêt du Bureau pour l'année 2010 et des relecteurs pour l'année 2011 et, pour les sponsors, on les retrouve à la page 97 du rapport : LA. Ce qui est amusant et intriguant, c'est que GOLD a été créé, dit-on, à l'initiative d'organismes dits indépendant pour le premier (étude ALLHAT, par exemple) et dépendant pour le second (on le sait depuis la grippe "pandémique) : GOLD was launched in 1997 in collaboration with the National Heart, Lung, and Blood Institute, National Institutes of Health, USA, and the World Health Organization.
    Où en étais-je ?
    A ceci : les recommandations, telles rapportées par Esculapepro.com, sont très favorables à l'utilisation des bronchodilatateurs à longue durée d'action, type spiriva, dès le stade II de la BPCO malgré l'absence de preuves d'efficacité et des preuves d'effets indésirables (excès d'AVC de 2 pour 1000 spiriva vs placebo) : ICI. Ne parlons pas du respimat (tiotropium sous une autre forme galénique) qui a définitivement montré sa nocivité : LA.

    Plusieurs commentaires (c'est mon côté je donne des leçons de morale et je ne suis pas parfait moi-même) : 
    1. Les pneumologues de mon "coin" aiment spiriva et, quel que soit le stade de la BPCO, commencent toujours par en prescrire en oubliant le reste
    2. Les médecins généralistes de mon "coin" : itou.
    3. Hugues Raybaud ne devrait pas nous balancer des données brutes sans commentaires.
    4. Esculape itou.
    5. Les pneumologues sont, en théorie les spécialistes de la pneumologie mais ne se posent pas, dans mon coin, de questions sur le tiotropium et il leur arrive même de prescrire Respimat alors que l'on sait déjà depuis longtemps que le produit est dangereux (cf. supra). Une des pneumologues de mon coin, je l'appelle Miss Spiriva car elle tire sur tout ce qui bouge.
    6. Les pneumologues prescrivent du spiriva, prescrivent une consultation anti tabac qui, jusqu'à ces derniers temps, prescrivait champix et autres gracieusetés dangereuses, et prennent pour des khons les médecins généralistes qui osent a) critiquer la prescription systématique de spiriva et exceptionnelle de respimat ; b) osent critiquer la prescription de champix ; c) osent ne pas trop croire à l'efficacité du vaccin pneumo 23 (voir ICI et LA)
    7. La visite médicale spiriva et pneumo 23 doit coucher dans le service de pneumologie de mon coin, organiser des petits-déjeuners, des déjeuners, des dîners, dîners simples ou dîners avec MG compatissants, dîners débats avec le support de l'association de formation continue du coin, et distribuer des chambres d'hôtels dans les golfs de la région, distribuer des billets d'avion pour des congrès de pneumologie en France ou à l'étranger, congrès où il arrive même que Irène Frachon soit insultée, congrès exotiques où la langue parlée est incomprise des dits pneumologues qui, pour certains, ne lisent que des articles écrits en anglais et traduits avec obligeance, quand ils sont favorables, dans la langue de Jules Romain (Knock). Et je n'ai rien dit des prescripteurs d'aérosols... sponsorisés par les grands laboratoires mondiaux.
    GOLD porte bien son nom.

    (René-Théophile-Marie-Hyacinthe Laennec - 1781 - 1826 - mort de la phtisie)

    mercredi 14 juillet 2010

    ALZHEIMER : LA STRATEGIE DE KNOCK S'EMBALLE !

    Peter Falk, atteint de la maladie d'Aloïs Alzheimer (1864 - 1915)

    Un Congrès international sur la maladie d'Alzheimer qui se tient actuellement à Hawaii propose d'élargir les critères diagnostiques pour déclarer un patient atteint de la maladie qui touche déjà 5,3 millions d'Américains.

    Jadis, quand on voulait mettre son grand-père ou sa grand-mère sous tutelle pour cause de démence sénile, on utilisait le test à trois items suivants (International Docteurdu16 Alzheimer Score - IDAS) :
    1. Quel est le nom de l'inventeur de la maladie d'Alzheimer ?
    2. Quel est le prénom de l'inventeur de la maladie d'Alzheimer ?
    3. Quelle est la date de naissance de l'inventeur de la maladie d'Alzheimer ?
    (Score 0 : maladie d'Alzheimer certaine ; score 1 : possible ; 2 : envisageable ; 3 : malade ayant déjà passé le test et non Alzheimer.) In : Docteurdu16 JC. International Docteurdu16 Alzheimer Score (IDAS): external and internal validity. J of Docteurdu16 2010;2:153-6.

    Désormais les chercheurs, probablement non influencés par les industriels (alias Big Pharma), ayant constaté que les ventes d'anti Alzheimer stagnaient malgré la propagande institutionnelle et l'inefficacité de ces médicaments (qui aurait dû entraîner, au contraire, une baisse des ventes), et, probablement, non influencés par les marchands de sommeil (les promoteurs constructeurs d' institutions pour personnes âgées démentes) au moment où une étude française publiée dans le British Medical Journal indique que les services de neurologie spécialisés dans les troubles de la mémoire ne font pas mieux, dans l'évolution de la maladie légère à modérée, que les médecins généralistes : ici), veulent prévenir la maladie d'Alzheimer et favoriser la recherche (sic) comme le rapporte un article du New York Times.

    La stratégie de Knock s'est mise en place de façon classique et habituelle :
    1. Mise en avant d'une nouvelle hypothèse étiopathogénique, la démence n'étant que la phase terminale de la maladie
    2. Nouvelle classification des stades de la maladie : a) stade préclinique ; b) atteinte cognitive légère ; c) démence
    3. Modification des critères diagnostiques sur la base de la faible sensibilité (?) des tests de mémoire actuels afin, bien entendu, d'élargir le champ de la maladie : scanners, P E T scans, IRM, ponctions lombaires.
    4. Campagne de presse grand public des experts de la maladie interrogés dans les grands médias et indiquant qu'il s'agit d'un "progrès", d'un "espoir", d'une "avancée"
    5. Occultation du fait qu'aucun traitement efficace n'est proposable
    6. Minimisation des effets collatéraux : erreurs diagnostiques, anxiété des malades et de leur famille, augmentation des dépenses de santé
    7. Bonne conscience
    Nous attendons sans impatience et avec effroi les conséquences françaises de cette annonce : montée aux créneaux et aux étranges lucarnes (je verrai bien un reportage de l'ineffable Brigitte Fanny-Cohen dans Télé Matin) des gérontologues, des réseaux de soins (on trouvera bien un médecin généraliste spécialiste en Alzheimer), des marchands de médicaments, des promoteurs immobiliers (les premières résidences qui vous feront attendre "votre" Alzheimer dans la joie et le confort d'un nid douillet) et des assureurs...

    Nous vivons une époque formidable !

    mercredi 7 juillet 2010

    UN NOUVEAU MARCHE : L'INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE

    Les néphrologues ont toujours été des spécialistes à part parce qu'ils prétendaient savoir tout mieux que tout le monde et notamment sur l'usage et les effets indésirables des médicaments. Et ils étaient d'autant plus casse-pieds que leurs moyens d'action étaient peu contributifs pour freiner la "maladie", à savoir l'insuffisance rénale chronique (IRC) ; leurs consultations étaient une longue litanie contre le mésusage des médicaments par leurs confrères cardiologues et autres schmoutzologues et, bien entendu, par les médecins généralistes ; aujourd'hui ils ne peuvent pas faire plus, sinon produire des essais peu convaincants sur la fameuse freination de l'IRC, mais ils continuent de polluer la relation thérapeutique que nous avons avec nos patients.
    Je m'explique.
    Le vieillissement de la population et la popularisation du calcul de seconde main de la clairance de la créatinine grâce à la formule de Cockcroft rendent toutes les personnes vieillissantes insuffisantes rénales.
    Et à partir de là, comme dirait mon maître à penser Didier Deschamps, d'un point de vue tactique et technique, tout est possible. En effet, la moindre diminution de cette fameuse clairance de la créatinine, les rend excités comme des poux.
    Irions-nous jusqu'à dire que le marché de la dialyse est juteux ? Que nenni ! Nous n'avons aucune mauvaise intention.
    Les néphrologues se sont emparés de la baisse de la clairance de la créatinine avec l'âge pour en faire une maladie à part entière.
    La stratégie de Knock est classique et facilement identifiable en ce cas : 1) Exagérer le nombre de patients atteints : prétendre que 10 % de la population serait touchée alors que les registres anglais des MG indiquent 4 % ; 2) Exagérer le risque alors que seuls 1 % des patients avec une IRC au stade 3 atteindront le stade de l'IRC terminale après 8 ans d'évolution : ici ; 3) Exagérer les effets des rares traitements proposés : dire que 25 % des 1 % précédents auront leur progression arrêtée au prix d'une baisse agressive de la pression artérielle sans mettre en avant le fait qu'il faut traiter 3200 patients par an pour y arriver : HOPE et micro HOPE study ; 4) Prétendre que le traitement de l'IRC diminuera l'incidence des accidents ischémiques coronariens alors que ce n'est pas le cas : ici ; 5) Proposer des traitements non seulement illogiques mais aussi contre productifs comme l'association de deux IEC ou de deux AA2 : KU E et al Arch Intern Med 2009;169:1015-8 (non disponible en accès libre)...

    Ainsi faut-il considérer que l'IRC n'est pas une maladie sur laquelle on peut influer vraiment. Il est logique de ne pas prescrire des produits néphrotoxiques chez la hypertendus a fortiori s'ils sont aussi diabétiques, il est plutôt logique de prescrire des IEC comme anti hypertenseurs chez les patients diabétiques hypertendus mais que faire de plus sinon participer à la peur collective induite par la création d'une maladie ?
    Les MG sont confrontés à cette peur. Peur de passer à côté du malade qui pourrait être amélioré ; peur de passer à côté du patient qui aurait pu être plus investigué ; peur de ne pas avoir prescrit les médicaments qui auraient pu freiner l'évolution de la "maladie" ; peur de passer pour un ignorant.
    Mais l'adressage des patients chez les néphrologues est, selon mon expérience personnelle, source d'anxiété, de débauche d'examens complémentaires, de consultations à répétition, de vaccination contre l'hépatite B, de changements de traitements (diabète, hypertension) et d'élévation de la pression artérielle ou de l'HbA1C.
    Je souhaite que mes collègues MG ne se laissent pas intimider par l'IRC. Que mes collègues MG ne se laissent pas intimider par les néphrologues. Que mes collègues MG ne se laissent pas intimider par le chantage du sentimentalisme médical et de la prévention comme idéologie de la bien pensance...
    (Et je n'ai pas parlé des cliniques de l'IRC, des cliniques de reins artificiels...)

    L'idée de cette chronique m'est venue à la lecture d'un article de Des Spence dans le BMJ : ici.

    lundi 24 mai 2010

    LE SYNDROME METABOLIQUE : UNE CHIMERE INVENTEE !


    Je vous avais parlé de la collusion entre France Télévision et le docteur Boris Hansel pour promouvoir le syndrome métabolique et la prise du tour de taille dans les pharmacies et vous avais dit combien cela sentait l'arnaque absolue : ici.
    Je ne vous rappellerai pas la définition du syndrome métabolique dont des sites, théoriquement sérieux, comme Esculape se sont faits l'écho et d'autres, moins sérieux en théorie, ont largement contribué à la diffusion, car ce serait perdre votre temps.
    Eh bien, une étude publiée au mois de mai dans le Journal du Collège Américain de Cardiologie et signée par des auteurs "sérieux", doute fortement de l'implication de ce syndrome dans la survenue d'un infarctus du myocarde. Ce n'est pas un petit essai puisqu'il a inclus 26903 patients dans 52 pays ! En réalité, pour être juste, cette étude montre que le syndrome métabolique seul n'est pas un facteur de risque au même titre que le diabète seul ou l'HTA seule. L'auteur principal de l'article suggère donc de traiter d'abord les facteurs de risque habituels et de ne pas s'intéresser au syndrome métabolique per se.
    Rangez vos centimètres.
    La Stratégie de Knock ne passera pas par vous !

    vendredi 21 mai 2010

    LA PUB POUR LES LECTEURS DE GLYCEMIE


    Dans ma très grande naïveté j'avais simplement dénoncé l'ouverture des vannes par l'Assurance Maladie, c'est à dire la généralisation annoncée des lecteurs de glycémie à tous les diabétiques, eh bien, cela n'a pas traîné !
    La Stratégie de Knock en marche comme je vous en avais déjà parlé dans un message précédent.
    Voilà qu'une campagne grand public a été déclenchée pour vanter les bienfaits des lecteurs de glycémie : ici et qu'elle est relayée par les sites sponsorisés : .

    On va de nouveau passer du temps à expliquer aux patients...
    Lassant....

    vendredi 5 mars 2010

    LE DIABETE DE TYPE 2 : UN CAS D'ECOLE POUR LA STRATEGIE DE KNOCK


    La stratégie de Knock (ou disease mongering) consiste, dans le cas du diabète sucré de type 2 (ou diabète gras ou diabète de la maturité) à



    1. Dramatiser sa fréquence à partir de chiffres vérifiables mais peu vérifiés : deux millions de Français seraient porteurs d'un diabète de type 2 et il en existerait 600 000 qui s'ignoreraient (diabétiques "invisibles") selon Wikipedia. Trois millions selon la Mutuelle Nationale Territoriale.

    2. Dramatiser l'augmentation des nouveaux cas réelle et prévisible en parlant d'une maladie épidémique.

    3. Imposer une stratégie de lutte reposant sur un rationnel éprouvé (sinon prouvé) : combattre les complications cardiovasculaires et microcirculatoires sans preuves réelles (oeil et rein).

    4. Promouvoir une stratégie thérapeutique simple et univoque en visant trois critères de substitution : l'HbA1C ou hémoglobine glyquée inférieure à 7, le LDL cholesterol inférieur à 1 et la pression artérielle inférieure à 140 - 90.

    5. S'appuyer sur un leitmotiv univoque qui serait que "The Lower the better" ou, en français "Moins c'est mieux".

    6. Privilégier les essais sponsorisés par Big Pharma qui n'apportent rien sur le plan essentiel de la diminution significative de la mortalité totale mais qui autorisent la vente de nouveaux médicaments qui n'ont fait la preuve ni de leur efficacité ni de leur innocuité (cf. les glitazones).

    7. Négliger l'article fondateur du traitement du diabète ou UKPDS (pour United Kingdom Prospective Diabetes Study) qui privilégie uniquement la metformine.

    8. Faire des campagnes nationales grand public pour "sensibiliser" les patients et, surtout, les futurs malades. En France comme à Abidjan.

    9. Mobiliser les associations de patients comme l'AFD (Association Française des Diabétiques) dont on connaît les liens, il suffit de regarder la page d'accueil, avec l'industrie pharmaceutique et les marchands de diététique. Mais une recherche rapide sur google est impressionnante : ici et .

    10. Mobiliser les experts de tous poils afin que, tels des Hare Krishna, les leaders d'opinion internationaux, nationaux, locorégionaux psalmodient partout "MOINS C'EST MIEUX !", à tous les coins de rue, dans les Congrès comme dans les restaurants où ils mangent au frais de Big Pharma, dans les hôpitaux comme dans les Formations Médicales Continues sponsorisées par Big Pharma, par la CPAM ou par les syndicats médicaux... dans les allées du pouvoir (la DGS) comme dans les locaux des Agences Gouvernementales (HAS) ou presque (InVS). Hare Krishna, Hare Krishna.

    11. Investir tous les lieux de pouvoir afin de promouvoir le traitement (voir le CAPI), le dépistage, le surdépistage et la propagation des fausses rumeurs, tout ceci, au nom des experts, et le faire assumer par la CPAM, bon toutou de la HAS et des industriels, qui agit sous le masque de l'amélioration des performances et de carottes budgétaires pour les médecins.




    Il est également nécessaire de cacher, de taire, de réduire au silence tous les arguments contraires et de nier tous les faits qui s'opposent à cette fantastique stratégie d'intoxication.

    Et les experts peuvent compter sur le silence de la presse médicale qui est, à quelques exceptions près, aux ordres, sur le silence de la presse grand public dans le même métal, le silence des politiques qui ne savent qu'emboîter le pas sur celui des leaders d'opinion qui leur permettent de faire du sentiment (sauver des vies !) et d'engranger facilement des voix.


    Quels sont les principaux arguments contre le tout diabète (LE MOINS EST L'ENNEMI DU MIEUX)
    1. Il n'existe quasiment qu'une seule étude qui montre une diminution de la morbimortalité en traitant le diabète de type 2 : l'étude UKPDS et vous verrez ici les commentaires que j'en ai faits (l'étude, brandie comme un étendard par les experts dits indépendants, est d'une très faible qualité méthodologique, surtout vers la fin puisque le nombre des perdus de vue est aussi important que dans le cas d'une étude menée par l'InVS et qu'elle est non comparative). Elle est surtout favorable à la metformine (glucophage, stagid en France), ce dont les industriels et donc les experts ne sont pas SATISFAITS puisque la molécule est génériquée depuis de nombreuses années

    2. Le critère de substitution HbA1C est sujet à caution ou plutôt l'application de la formule "The Lower the Better" n'est pas appropriée le concernant : un essai récent (Lancet 2010;375:481-9) a montré qu'une HbA1C en dessous de 7 entraînait plus de morts qu'une HbA1C supérieure à 7 et qu'une augmentation de mortalité réapparaissait au dessus de 9 ! Etonnant, non, pour les experts du Toujours Moins ? Et cet essai dit observationnel confirme trois essais contrôlés dont je vous ai déjà parlé ici. Ce qui n'empêche pas les recommandations grand public de préconiser un chiffre inférieur à 7 sur le net comme dans la rue !

    3. La baisse jusqu'auboutiste et de la pression artérielle et du LDL cholesterol conduit également à des effets inverses (la fameuse courbe en U) ou n'entraîne pas les effets escomptés.
    4. Des études indiquent que la baisse de la mortalité cardiovasculaire chez les diabétiques s'est déjà produite avant que l'on ne s'occupe de faire baisser strictement l'HbA1C (Fox CS et al. JAMA 2004;292:2495-9 ; Dale AC et al. BMJ 2008;337:a236) et que le nombre des dialyses rénales pour diabète a diminué de 40 % aux Etats-Unis entre 1996 et 2006 alors que c'était la période où l'accès à la dialyse était devenue plus facile (Burrows NR et al. Diabetes Care 2010;33:73-7)
    5. Le slogan "Toujours moins !" induit une débauche de prescriptions tant pour la baisse de l'HbA1C (jusqu'à la trithérapie) que pour la baisse de la pression artérielle (tri voire quadrithérapie) et du cholestérol (bithérapie) avec, en outre, de l'aspirine pour délayer le tout. Les interactions médicamenteuses font florès et sont rarement prises en compte.
    Nous sommes bien au coeur de la Stratégie de Knock : le diabète est une cause nationale, tout le monde doit s'en préoccuper, les médecins, les malades comme les futurs malades, les sociétés ssavantes, les associations de patients, les politiques, les Autorités de santé dans une gabegie formidable de fonds, d'allocations, de ressources.
    Tout le monde y croit. Tout le monde se sent concerné.
    Les industriels du médicament et des dosages vont ganger de l'argent.
    Les médecins également par le biais du nombre de consultants et des honoraires accordés par la prime à la Performance (appelée CAPI).
    Mais il s'agit, à n'en pas douter, de mauvaise médecine. comme l'écrit Des Spence, médecin généraliste à Glasgow (un des endroits du monde avec la Karélie finlandaise où le taux d'infarctus du myocarde est un des plus élevés de la planète), dans le British Medical Journal.
    Je vous livre sa conclusion avec laquelle, comme d'habitude, vous me connaissez, je ne suis pas d'accord à cent pour cent, mais je vous laisserai conclure : Le diabète de type 2 est véritablement de la mauvaise médecine car il a autorisé les médecins à se vautrer dans le confort facile d'un modèle de maladie, évitant le chaos froid d'une politique sociale s'attaquant à l'obésité. Il est temps pour les médecins de promouvoir la santé plutôt que d'être payés pour promouvoir Big Pharma.


    jeudi 2 avril 2009

    FIBROMYALGIE : LE MARCHE DE LA DOULEUR

    Ce matin : chronique "médicale" sur Télé-Matin par Brigitte Fanny-Cohen.
    La fibromyalgie en première ligne.
    Un publi reportage pour un professeur de la Salpétrière. Un publi reportage pour trois molécules (non citées). Une approche univoque et sans esprit critique sur la "maladie" et sur sa fréquence : 600 000 personnes en France (hypothèse basse). Une caution médicale : l'OMS.
    On est loin du disease mongering, on est en plein délire knockien ou en plein emballement mimétique (girardien).
    Je viens de lire dans le British Medical Journal un article rapportant le fait que deux patients ont perdu leur procès contre le NICE (National Institute for Health and Clinical Excellence) qui mettait en avant dans ses recommandations la pratique de la Thérapie Cognitive Comportementale et de l'Exercice Physique Gradué. Les arguments des plaignants étaient ceux-ci : conflits d'intérêt détectés chez les membres du NICE ; non évaluation des risques possiblement causés par les deux techniques mises en avant ; sur estimation du rapport York analysant les différentes thérapeutiques et leurs résultats ; non prise en compte du point de vue des patients.
    Les patients ne veulent pas entendre parler d'une approche psychosociale mais désirent qu'on les considère comme atteints d'une maladie biométabolique. En d'autres termes ils se sentent minorés par la non reconnaissance d'une maladie qu'ils souhaiteraient à substratum anatomopathologicophysiologique pur et par le soupçon d'une participation psychologique (voire psychiatrique) à leurs souffrances. En d'autres termes, ils préféreraient que leur maladie ne s'appelle pas Chronic Fatigue Syndrome mais Myopathic Encephalomyopathy.
    Au delà de cette controverse, on voit ici combien la douleur des patients peut être au centre d'une réflexion générale dépassant la Stratégie de Knock et, a fortiori, le disease mongering.
    La fibromyalgie fait l'objet d'un intérêt croissant en raison du fait que le nombre de malades qui en seraient atteint "explose". Rien de bien extraordinaire pour ceux qui suivent l'actualité, déjà ancienne, des "nouvelles" maladies, des maladies mimétiques et du marketing médical : dans le cas précis il y a invention d'une maladie (en 1955), regroupement de symptômes, agrégation d'évidences, définition de critères, appropriation par des "experts" qui croient être des pionniers se battant contre les moulins à vent de l'académisme, puis appropriation par les malades, enfin reconnus, puis académisation de la maladie, reconnaissance par l'OMS (ça en jette, l'OMS, surtout lorsque l'on n'analyse pas les conflits d'intérêts multipliés à la puissance cent), par l'Association Américaine de Rhumatologie, la FDA, et cetera... Et, enfin, last but not least : on propose des molécules, d'abord anciennes puis nouvelles.
    Un petit tour sur google donne le vertige : le nombre de sites est impressionnant et, au bout du compte, tout patient souffrant de fibromyalgie (polyenthésopathie) peut se reconnaître, demander à son médecin de le reconnaître afin de lui coller une étiquette sur le front et de le gaver de médicaments.
    La controverse britannique maladie biométabolique / maladie psychosociale est amusante. En France où les Thérapies Cognitivo Comportementales sont peu répandues en raison de la chappe freudienne, il y a aussi la psychothérapie d'obédience analytique qui est également mise en avant.
    Mais là où le paradoxe devient excitant c'est au moment où les partisans de la théorie organique réclament des médicaments qui sont soit des antisérotoninergiques (comme dans la dépression ?), soit des amitryptiliques (comme dans la dépression ?), soit des antiépileptiques (maladie qui fut longtemps, et encore, une maladie honteuse). Le dernier produit émane de chez Pfizer et les études me semblent-ils ont été réalisées par un escroc.
    Un autre paradoxe : les tenants, comme moi, de la prise en compte des Values and Preferences des patients, se trouvent pris à leur propre piège : elles me renvoient à un débat que je ne veux pas avoir.
    Car argumenter sur la fibromyalgie c'est aussi asseoir la maladie dans son statut.
    Et comme le dit David Michaels à propos de Byg Pharma : Le Doute est leur Produit.
    Plus les controverses sont fortes, plus le patient est conforté dans ses certitudes.
    Et le patient souffre !

    jeudi 12 mars 2009

    LES PERSONNES AGEES : UNE CIBLE REVEE POUR LA STRATEGIE DE KNOCK / DISEASE MONGERING

    Cet article est en relation avec les deux premiers articles publiés sur Stratégie de Knock et Disease Mongering : premier et deuxième.


    Les personnes âgées (on dit désormais le troisième, voire le quatrième âge) sont au centre d'enjeux importants :


    1. L'allongement continu de leur espérance de vie est un critère majeur avancé par les politiques et par les médecins (les medias attendent avec impatience les derniers chiffres et le classement des Etats / systèmes de santé) pour justifier l'excellence du système de santé, les dépenses engagées et les dépenses à engager. (On se plaît en détaillant ces classements globaux à douter de l'existence d'une corrélation entre l'organisation des soins et la longévité des populations.)


    2. Cette longévité pose le problème de la dépendance et nécessite des investissements pour que les personnes âgées puissent finir leur vie entourées d'un personnel qualifié à domicile ou en institutions médicalisées ou non. Il paraît acquis d'un point de vue sociétal que les personnes âgées (nos parents pour faire trivial) ne doivent plus compter sur leur famille sinon sur un plan financier, et encore.


    3. Le cas particulier de l'apparition de nouvelles maladies comme l'Alzheimer et les démences en général inquiète à la fois sur le plan de la santé mais aussi sur un plan économique : que faire de ces patients déments ?


    4. La mort est devenue un sujet tabou. Si quelques médecins promettent l'immortalité, la société se fixe deux objectifs pour elle-même : une existence et une mort sans souffrances. La société demande la généralisation de l'accompagnement médicalisé vers l'au-delà avec services de fin de vie et réseaux locaux dans le même métal. Ce que l'on appelle les soins palliatifs. Il est possible qu'un député veuille un jour inscrire le Droit aux soins palliatifs dans la constitution.


    5. Les personnes âgées sont déjà et potentiellement un marché lucratif pour : les médecins, les sociétés d'assurances, les groupements immobiliers, les entrepreneurs, les services de restauration à domicile, le paramédical (y compris les ambulanciers, les infirmiers et les aides-soignants, les kinésithérapeutes...), les associations, les politiques...


    6. La Stratégie de Knock peut donc s'y exercer avec délectation.


    Un point de vue vient d'être publié dans le British Medical Journal, malheureusement l'accès est payant. Je vais essayer de vous le résumer car il est passionnant. L'auteur s'appelle Michael Oliver, il est professeur émérite de cardiologie et exerce à Edimburgh. le titre de son papier : Let's not turn elderly people into patients. Ne rendez pas malades les personnes âgées.


    Notre collègue replace cela dans le contexte du programme du NHS s'appelant QoF (Quality and outcomes Frameworks) qui s'intègre dans le programme du paiement à la performance mis en place pour les médecins généralistes.


    Son article commence ainsi : "De nombreuses personnes âgées, souvent à la retraite [nous ne sommes pas en France - Note de JCG], sont convoquées par leur médecin généraliste pour un bilan annuel. Ils se sentent généralement bien mais le NHS ne permet pas toujours une telle euphorie. On leur dit qu'ils pourraient être hypertendus, avoir un diabète, un cholestérol élevé ; qu'ils pourraient être obèses, qu'ils pourraient faire peu d'exercice, mal manger et boire trop. Et ainsi demande-t-on à nombre de ces patients de nouvelles investigations. Il est possible qu'il commence à prendre des pilules. Très peu semblent être considérés comme non à risques de quelque chose. Et ainsi nombre d'entre eux qui se sentaient en bonne santé reviennent chez eux malades. Et ils peuvent en être effrayés et ne plus vieillir confortablement."


    Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?


    Et il continue : "De quelle sorte de médecine s'agit-il ? Ce sont les politiques qui prennent le pas sur le professionnalisme [des médecins], c'est l'obsession des objectifs gouvernementaux qui écrase le bon sens, c'est le paternalisme qui remplace les opinions personnelles."


    Les commentaires qu'il fait sur les raisons de cette extrême préoccupation pour la santé des personnes âgées est classique : le poids des Recommandations mal digérées ou lues sans esprit critique ; la pression financière du NHS, des économistes gouvernementaux et des assurances privées ; la force de persuasion de Byg Pharma.


    Pour le reste, nous soulignerons des éléments classiques que l'on retrouve constamment lorsque la Stratégie de Knock est en marche.

    1. Les Recommandations ont tendance à élargir le champ des maladies (cf. l'HTA) et à négliger les sous-groupes à risques ou, dans le cas présent, à non risques. La limite de 140 / 90, contestée chez l'adulte sain pour faire entrer un patient dans la cohorte innombrable des hypertendus et considérée comme un dogme par l'ensemble des recommandations internationales, devient ridicule au delà de 75 ans (et même avant). Toujours dans le même ordre d'idée, la façon de mesurer la PA mériterait que l'on s'arrêtât sur le nombre de diagnostics par excès qui deviennent justifiés puisque la prescription d'un médicament permet d'obtenir, ensuite, une PA normale...
    2. La méconnaissance par la majorité des médecins de la moindre notion d'épidémiologie et / ou de statistiques médicales facilite l'interventionnisme des marchands de médicaments et des médecins qui vivent des personnes âgées. Deux exemples : a) la différence entre risque relatif et risque absolu qui est fondamentale dans la décision thérapeutique. Imaginons un traitement qui diminue le risque relatif de 20 à 25 % mais le risque absolu de 1 % Qu'en sera-t-il chez une personne âgée avec une espérance de vie a priori plus restreinte ? 2) Le nombre de malades à traiter pour éviter un événement. Imaginons qu'il faille traiter 75 hypertendus âgés légers pour éviter un Accident vasculaire Cérébral, est-ce que les décideurs économiques comprennent qu'il faut traiter 74 personnes âgées pour rien (et à vie) ?
    3. La sous-estimation des effets indésirables chez les personnes âgées qui sont probablement plus importants en nombre, intensité et gêne que chez des personnes plus jeunes. Faut-il risquer chez des hypertendus légers de provoquer, en baissant la pression artérielle, des vertiges et des chutes ? Les myalgies liées aux statines ne sont-elles pas plus gênantes que leur non prescription chez des personnes à faible risque cardiovasculaire ? La sous notification de ces effets n'est-elle pas encore plus grande dans ce groupe particulier de population ?
    4. Le fait que les Recommandations négligent les groupes atypiques comme les personnes âgées ou font semblant de croire que les critères intermédiaires ou de substitution (pression artérielle, LDL ou HDL cholestérol , glycémie à jeun ou HbA1c) sont à prendre en compte de la même façon chez des personnes fragiles, à faible espérance de vie ou, au contraire, à espérance de vie spontanée plus importante qu'il ne pourrait y paraître.
    Ainsi les personnes âgées sont-elles un enjeu économique majeur que l'enjeu moral (il serait criminel de ne pas traiter, la santé n'a pas de prix) surévalue et la réflexion des médecins au moment de la prescription doit tenir compte d'une interprétation correcte des données existantes non appropriées à des personnes âgées.

    Mais surtout : pourquoi pourrir la fin de vie de patients qui ne se sentent pas malades ?



    dimanche 15 février 2009

    STRATEGIE DE KNOCK ET DISEASE MONGERING : UNE TENDANCE SOCIETALE ?


    Stratégie de Knock et Disease mongering. Deuxième épisode : une tendance sociétale (cf. premier épisode) ?

    La Stratégie de Knock n’est pas seulement une marchandisation capitaliste de la santé (ce que serait, finalement, le disease mongering) où tout serait à vendre chez l’humain, son corps (ses organes, ses symptômes, ses syndromes et ses maladies) et son âme (les fantasmes, le bonheur, la bonne santé et l’éternité), et dont profiteraient les professionnels de la santé et leurs dépendances (sociétés savantes, agences gouvernementales, conseils de l’ordre, Universités, Assurance Maladie, Ministère de la Santé), les industriels (marchands de médicaments, de matériel médical, de tests diagnostiques, compagnies d’assurance, mutuelles), les faiseurs de politiques de santé, les payeurs et, à un moindre degré, les patients malades organisés en associations…
    Si la Stratégie de Knock prospère, c’est qu’elle s’inscrit dans un mouvement historique profond qui se manifeste par le désir des citoyens de satisfaire leurs besoins coûte que coûte, de consommer toujours plus et d’exiger le bien-être généralisé pour chacun et pour tous (la Qualité de Vie). La Stratégie de Knock, ou le Triomphe de la Médecine, a beau jeu de se justifier en vantant l’allongement ininterrompu de l’espérance de vie dans les pays développés (ce qui signifie a contrario que dans les autres pays il n’y a pas assez de médecine), en mettant en avant les performances de la médecine moderne (Résonnance Magnétique Nucléaire, opérations chirurgicales robotisées) et en soulignant la diminution considérable de la mortalité infantile et la quasi disparition des maladies infectieuses mortelles mais en feignant d’oublier que ces progrès sont aussi le fait de l’amélioration de l’hygiène et que les effets indésirables du tout médical sont très importants (maladies nosocomiales en particulier).
    La Stratégie de Knock prospère parce que les citoyens des pays développés ne veulent pas seulement être soignés, ils revendiquent le Droit à la Santé qui implique une existence sans douleurs, un vieillissement sans contraintes voire une société sans maladies où la mort, que l’on voudrait repousser le plus loin possible, ne pourra être que douce. Ainsi, non seulement il ne faudrait pas souffrir quand on est malade mais il faudrait prévenir la survenue de la maladie d’où la popularisation de l’idée de prévention comme logique implacable du développement moderne du bien-être.
    Tout aussi paradoxalement la Stratégie de Knock, dont le principal défaut selon ses détracteurs serait de créer des maladies (le disease mongering), s’accommode très bien d’une autre tendance historique, celle de la société sans défauts, où, entre autres, la maladie devient insupportable et la différence à la fois acceptée et refusée : le trisomique n’est plus appelé mongolien, on le montre, on l’exhibe parfois, on lui donne des droits et, au même moment, on tente de le supprimer complètement avant qu’il ne naisse… Cette tendance à l’eugénisme se répand volontiers pour d’autres maladies avérées ou potentielles (les cancers par exemple ou d’autres maladies chromosomiques) et ce qu’elle avait de scandaleux quand elle émanait du national-socialisme devient de l’ordre de la normalité quand elle est exprimée dans une société démocratique.
    Une des autres caractéristiques de la Stratégie de Knock est de faire peu de crédit du citoyen bien portant / malade. Au nom d’idéaux volontiers humanistes, le Droit à la Santé, le disease mongering utilise la propagande et le mensonge pour promouvoir ses idées (et sa camelote). Mais ses adversaires, il vaudrait mieux dire, ses dénonciateurs, oublient également de prendre en compte l’opinion du bien portant / malade qui ne peut seulement être considéré comme un manipulé au nom d'un certain paternalisme médical.
    Il est évident que nous ne sommes plus sur le terrain de la médecine mais sur celui de la morale. Faudrait-il alors seulement condamner les excès de la Stratégie de Knock qui est, on l’a vu, un phénomène désormais ancré dans la société ? Faudrait-il plus simplement dire aux citoyens qu’ils doivent accepter leur condition ? Faudrait-il, à l’inverse, que les désirs et les souhaits des citoyens soient pris en compte au nom de la démocratie et du droit à pouvoir disposer de leur corps et ainsi fournir les moyens de l’assouvissement de leurs désirs ?
    On voit qu’on est loin d’une critique purement anticapitaliste ou, plus précisément, d'une critique de la seule industrie pharmaceutique. Il s’agit plus probablement d’une tendance lourde de la société à rechercher le bien-être et la Qualité de Vie et les acteurs de la Stratégie de Knock peuvent avoir des rôles changeants : au cours du temps, voire au même moment : la personne bien portante devenue malade, le malade redevenu bien-portant. Mais surtout le citoyen peut être au centre de conflits d’intérêts qui le traversent : en tant que bien-portant il s’insurge contre le niveau des dépenses de santé ; en tant que parent de malade il se satisfait des chimiothérapies compassionnelles ; en tant que patient il revendique tous les examens complémentaires ; en tant que professionnel de la santé il se pose des questions sur l’utilité de son métier ; en tant qu’économiste il s’interroge sur les coûts ; en tant que scientifique il pose des questions sur l’utilité du dépistage ; en tant que citoyen il se demande si les contraintes de la Stratégie de Knock ne vont pas amputer son libre-arbitre…
    Dans le prochain épisode nous tenterons de définir précisément les acteurs et les moyens de la Stratégie de Knock.

    mardi 3 février 2009

    DISEASE MONGERING OU STRATEGIE DE KNOCK


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    Disease mongering ou Stratégie de Knock : Premier épisode
    Une petite histoire du concept.

    La traduction en français de l’expression anglo-saxonne disease mongering est incertaine ou, plutôt, imparfaite : invention de maladies, façonnage de maladies ou colportage de maladies (dans le sens ancien du colporteur / bonimenteur).
    Je propose comme traduction : la Stratégie de Knock.
    Les Anglo-Saxons ont souvent l’art de réinventer des concepts existants et de se les approprier en leur donnant des noms attractifs et rapidement universels. Or, le disease mongering n’est qu’une version mineure et partielle de la Stratégie de Knock qui est fondée sur le slogan du personnage titre de la pièce de Jules Romains, Knock ou le triomphe de la médecine (1922), : « Toute personne bien portante est un malade qui s’ignore. »
    Ce slogan est d’une modernité époustouflante. Il permet de comprendre quels sont tous les partenaires de cette machination sociétale : les bien-portants et les malades, les maladies et les symptômes, les médecins et les non médecins, les fabricants de matériels diagnostiques et thérapeutiques et leurs utilisateurs, les autorités de contrôle les citoyens et les politiques au sens large.
    Il souligne aussi pourquoi l’industrie pharmaceutique est seule capable de développer un modèle promotionnel global incluant une démarche marketing complexe (marketing mix) et pourquoi les autres acteurs, dont le point de vue est plus restreint, sont enclins à dire que l’enfer du disease mongering, c’est les autres oubliant que chacun y trouve un intérêt.
    Mais la Stratégie de Knock ne peut être comprise sans la replacer dans un contexte historique. Nous en resterons à la période moderne mais nous savons qu’à toutes les époques la façon de considérer la maladie et les malades et a fortiori de les désigner a toujours été un constituant fort du lien social et un instrument déterminant du pouvoir.
    Si à l’époque moderne le rôle de l’industrie pharmaceutique au sens large (Byg Pharma) est montré du doigt, cela n’a pas toujours été le cas : Le Malade Imaginaire de Molière (1673) insistait autant sur la bêtise des malades que sur la duplicité des médecins à vouloir faire plaisir aux patients tout en leur soutirant leur argent ; Bernard Shaw, dans son essai décapant de 1903, Doctor’s Dilemma, insistait sur l’outrecuidance des médecins omniscients et sur leur avidité qui leur commandait de traiter un maximum de patients avec pour conséquence inattendue de rendre malades ceux qui ne l’étaient pas encore ; on retiendra d’Ivan Illich (Nemesis Médicale, 1975) qu'il a d'une part attiré l’attention sur la médicalisation de la société et sur l’impasse médicale vers laquelle cela menait en termes d’efficacité et d’autre part qu'il a rendu à l'hygiène ce qui appartenait à l'hygiène en minimisant ce qui revenait à la médecine proprement dite.
    Plus près de nous, c’est Lynn Payer (1994) qui a contribué à identifier le concept de disease mongering en insistant sur le lien très fort existant entre l’augmentation du nombre des malades et la courbe des ventes des médicaments.
    Il n’est pas inintéressant, dans une perspective plus dynamique, de rappeler la French Theory de René Girard, et l’application de sa Théorie Mimétique aux maladies en général avec, ouvrage dernier en date, la parution en français de Anorexie et désir mimétique (2008).

    N’oublions pas non plus que si des maladies apparaissent (et il est difficile de croire que le SIDA fait partie du disease mongering) il y en a d’autres qui disparaissent non pas seulement grâce à la médecine et à l’hygiène comme nombre de maladies infectieuses (du moins sous nos climats) mais aussi par effet de mode anti mimétique (l’hystérie). L'histoire de la médecine est remplie de ces apparitions / disparitions qui permettent de mettre à jour le contexte historique de ces phénomènes et non seulement leur origine psychologique ou sociologique.

    Quels sont donc les procédés majeurs de la Stratégie de Knock ?
    Je reprends une phrase de Monique Debauche (http://www.grouperechercheactionsante.com/diseasemon_llg51.htm) que je mélange à des données retrouvées dans l’article de Monhyan et al. [Moynihan R, Heath I, Henry D. Selling sickness: the pharmaceutical industry and disease mongering. BMJ 2002;324:886-91.]

    Le principe de la Stratégie de Knock est d’élargir le plus possible les frontières du pathologique traitable pour y inclure un maximum de personnes et ainsi vendre plus de tests diagnostiques, d’examens complémentaires, de consultations médicales et de médicaments. Soit en transformant un trouble mineur ou un processus ordinaire du vieillissement en maladie (la calvitie), soit en élargissant les critères d’une maladie existante (l’hyperactivité chez l’enfant), soit en transformant des symptômes légers en sévères (le syndrome du colon irritable), soit en transformant des facteurs de risques en maladies susceptibles d’être traitées sans qu’en définitive le pronostic du patient ne soit amélioré (ostéoporose)soit en médicalisant des troubles privés (les chagrins d'amour) ou sociétaux (les phobies), soit en exagérant la fréquence ou la gravité d’une maladie pour inviter les patients à consulter (troubles de la fonction érectile), soit en créant de toute pièce une maladie à partir de symptômes mal définis (fibromyalgie), soit en popularisant un syndrome pour en faire une maladie (le syndrome des jambes sans repos), soit en développant une politique de prévention (la pré hypertension, le pré diabète) pour faire peur.

    La Stratégie de Knock se sert de tous les moyens anciens et modernes pour arriver à ses fins : la cupidité des médecins depuis le haut jusqu’au bas de la pyramide (cadeaux en tous genres), le besoin de reconnaissance des médecins (faire des diagnostics faciles, publier des articles que l’on a ou non écrits, mettre son nom sur des tests diagnostiques) et des patients (associations de malades), manipuler des données épidémiologiques pour faire peur, négliger les effets indésirables des traitements, etc. Elle infiltre les Institutions comme l'Académie de Médecine, l'Afssaps, la HAS, la Direction Générale de la Santé mais aussi la CPAM et les syndicats d'usagers, de malades et de médecins...

    Il ne faut pas croire qu’il y ait un seul chef d’orchestre clandestin à cette Stratégie (qui serait Byg Pharma) : il existe dans la société tout entière un désir d’être en bonne santé et d’exiger que tout soit mis en œuvre (la santé n’a pas de prix) pour que les besoins collectifs et individuels soient satisfaits. Il existe aussi un désir de ne pas souffrir pour rien : il faut que les souffrants aient leur maladie identifiée, que les médecins fassent leur diagnostic, que les vendeurs vendent leurs tests diagnostiques, leurs examens complémentaires et leurs thérapeutiques et que les dirigeants des institutions se glorifient d’être à l’origine de cette bonne santé généralisée grâce à l’argent qui a été injecté et, surtout, grâce aux sentiments qu’ils ont prodigués aux bien-portants comme aux malades.
    Et tout cela fait d’excellents citoyens.
    Mais, finalement, la Stratégie de Knock permet la médicalisation de la société qui rassure en tentant de faire croire que l’on pourrait d’une certaine mesure échapper à la mort et, là, de façon contractuelle, aux souffrances éventuelles de la mort.

    Dans un deuxième épisode nous tenterons d'approfondir la réflexion.