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mardi 6 novembre 2018

Scènes de la vie vaccinale en France



Parler des vaccins est devenu difficile (truisme).

Critiquer tel ou tel vaccin est devenu impossible (fait).

Imaginons qu'un médecin dise et publie qu'il existe des impuretés dans certains lots (génériques) de valsartan. Dira-t-on pour autant qu'il est un anti médicaments anti hypertenseurs (antiHTAxx) et/ou un anti médicaments génériques (antigenerixx) ? Non. On lui expliquera bla bla que, voilà, il est possible, dans le processus industriel que des erreurs soient commises. Il sera plus difficile de faire admettre que ce manque de contrôle est lié par nature à la globalisation du marché des médicaments et à leur banalisation.

Imaginons qu'un médecin dise et publie que l'utilisation des antibiotiques dans les angines virales est inefficace et pourrait favoriser la survenue de résistances bactériennes, on l'écouterait de façon polie, tout le monde le sait, et on lui dirait qu'il a raison de le souligner, qu'il est effectivement nécessaire de sensibiliser encore plus les médecins aux bonnes pratiques. Dira-t-on pour autant qu'il est un anti médicaments antibiotiques (antiantibioxx) ?

Imaginons qu'un médecin dise et publie (ICI) que depuis la mise sur le marché des vaccins anti pneumococciques chez l'enfant, le nombre d'infections à pneumocoque a peu diminué et que l'on a vu l'émergence de nouvelles souches provoquant des infections tout aussi graves. Eh bien, là, branle-bas de combat contre un complotiste, un anti science, un agent des forces obscures, un sectaire, un mangeur d'enfants au petit déjeuner, un égoïste, et cetera (et finalement un antivaxx).


Le débat vaccinal est un débat intellectuel comme un autre à ceci près qu'il existe des données dures, c'est à dire vérifiables et reproductibles.

Certains médecins pro vaccins a priori (je signale que je fais partie de la cohorte des médecins qui sont à la fois favorables sans réticences aucunes à certains vaccins, plus réticents vis à vis d'autres vaccins mais vaccinant tout de même et très réticents à l'égard d'autres que j'essaie de ne pas injecter), certains médecins vaccinolâtres (c'est un mot qu'ils revendiquent), sont tombés à bras raccourcis sur ce dernier médecin qui a produit ces faits. J'ajoute que les antivaxx ont fait de même mais que j'ai un peu de mal, bien que les méthodes intellectuelles se ressemblent, à mettre dans le même panier les premiers et les seconds pour d'évidentes raisons de Santé publique. (1)

Tous ces braves gens (et notons qu'il est possible, ici et là, que je puisse parfois prendre la même posture intellectuelle) sont soumis à des schémas intellectuels qu'ils n'ont pas analysés.

Ils oublient le principe de charité qui peut être défini ainsi selon les écrits de deux philosophes états-uniens (Quine et Davidson) : "Le principe de charité est un type de compréhension des propos d'autrui qui consiste à attribuer aux déclarations de ce dernier un maximum de rationalité." Voir LA.

Mais les vaccinolâtres qui refusent le débat pour des raisons idéologiques qui seraient un amalgame entre la science pure et dure qui dit la science, la lutte contre le charlatanisme et la pensée magique, affirment haut et fort que les vaccins sont la première raison de la diminution de la mortalité infantile au cours des âges et de l'allongement quasi illimité (ils se trompent) de l'espérance de vie à la naissance et qu'ils sont ontologiquement sans danger (l'incertitude existe), utilisent une triple démarche pour disqualifier le médecin qui rapporte des faits troublants sur les vaccins anti pneumococciques
  1. Les motivations honteuses qu'on lui attribue (se faire mousser par hypertrophie de l'ego et/ou vendre un livre et/ou être finalement un antivaxx caché)
  2. Les complicités douteuses qu'on lui découvre (des antivaxx avérés ont pu déjà citer ses écrits ou propos)
  3. Les conséquences désastreuses que son discours est censé produire (diminuer la couverture vaccinale)
(Je reprends ici exactement les termes d'André Perrin dans son livre "Scènes de la vie intellectuelle en France, Paris 2016, Edition de l'artilleur/Toucan, 238 pages" à la page 45)

Un autre procédé bien connu est celui de l'argument d'autorité. Les seuls qui ont droit de parler des vaccins (à part ceux qui y sont favorables et pour lesquels leur statut n'a aucune importance, c'est à dire qu'on ne leur demande pas "d'où ils parlent" puisqu'ils sont d'accord) sont les infectiologues,  les virologues, les immunologistes, voire les ministres de la santé, et cetera. C'est la République des experts issue du meilleur système du monde, celui de la méritocratie pure (on lira avec intérêt le rapport de la DREES sur l'origine sociale des inscrits en première année de médecine et sur le taux de réussite en fonction de l'origine sociale : ICI)(2). 

Mais la dernière posture intellectuelle des vaccinolâtres est celle-ci : dénoncer des idées contenues dans des propos que l'on n'a pas lus. Car le principe premier de la critique intellectuelle de mauvaise foi est de ne pas lire ce qu'écrivent les gens qui ne pensent pas comme vous. Il arrive même, mais la paresse intellectuelle est un puits sans fond, qu'ils ne lisent pas plus ce qu'écrivent les gens qui sont réputés penser comme eux. Je vais en donner un exemple tout à l'heure à propos des vaccins.

On remarquera également que les anti vaxx utilisent la même posture intellectuelle quand il s'agit de disqualifier un médecin qui ne critique que certains vaccins parce qu'il ne critiquerait pas assez ce vaccin ou qu'il ne critiquerait pas tous les vaccins. 

Cette symétrie tragique, et on peut dire toutefois que les vaccinolâtres ont (beaucoup) moins de risques de se tromper que les antivaxx, et surtout à l'échelle populationnelle, ne renvoie pas dos à dos les deux populations, elle illustre que les procédés déloyaux de la critique intellectuelle sont éminemment partagés.

Malheur aux mous, aux tièdes, à ceux qui n'ont pas une pensée binaire, voire une pensée militante (la science ou l'anti vaccinalisme). Mais il n'est pas illicite de penser que les mous sont ceux qui ne critiquent les consensus fondés sur du vent que lorsque leur hiérarchie leur a donné le feu vert.

Quant à l'argumentation justifiant la vaccination anti grippale et venant des pro vaccins, elle a largement changé (et pas à la lumière de nouvelles données de la science puisque ces données existent depuis longtemps).

Jadis :

  1. La vaccination contre la grippe est efficace, même chez les personnes de plus de 65 ans
  2. La vaccination contre la grippe ne présente pas d'effets indésirables
  3. La vaccination anti grippale est un geste altruiste pour protéger nos aînés et les personnes fragiles en général
  4. La vaccination anti grippale est un geste citoyen.
(3)

Désormais :
  1. Même si la vaccination contre la grippe est peu efficace, notamment chez les plus de 65 ans, il est nécessaire de la pratiquer et, notamment dans les établissements de soin pour les personnes âgées, par simple bon sens (voir LA un article peu enthousiaste)
  2. Même s'il n'existe pas de preuves il faut vacciner les personnels de santé pour éviter la transmission et le portage sain (aucune preuve) par simple bon sens
  3. La vaccination anti grippale ne présente pas d'effets indésirables (même si des articles montrent le contraire : LA)
  4. La vaccination anti grippale est un geste altruiste et citoyen.


Enfin, tout médecin qui s'interroge sur l'efficacité des vaccins, est obligé pour des raisons de terrorisme intellectuel de se positionner et de donner des preuves qu'il n'est pas complotiste (un des arguments favoris des vaccinolâtres, mais nul doute que dans les autres domaines de la scène intellectuelle c'est la même antienne). Nous pourrions développer largement ce que recouvre le complotisme si l'on considère le complexe santéo-industriel, c'est à dire que les intérêts financiers sont à la base des décisions de Santé publique, qu'il s'agisse de la France ou d'autres régions du monde néolibéral développé. Je rappelle enfin que les libéraux, et plus encore les néo-libéraux sont les plus féroces complotistes qui soient quand ils parlent de la main invisible du marché.

Quoi qu'il en soit, merci d'en faire de l'egolâtrie, je vaccine en mon cabinet de médecine générale sans enthousiasme, sans prosélytisme, sans catastrophisme, en tentant, autant que faire se peut de parler avec les patients.

Je ne me vaccine plus depuis quelques années et ce que je me reproche le plus, ce n'est pas de manquer d'altruisme et de citoyenneté, c'est, le seul après-midi de consultations "libres" au cabinet, de ne pouvoir mettre en place des mesures barrières (dont d'ailleurs nous n'avons aucune preuve de l'efficacité. Rajout : on me fait remarquer, CMT, JG, BP, que j'exagère un peu, qu'il y a des preuves de l'efficacité, efficience (?), voir ICI sur le lavage des mains chez les militaires pour prévenir les infections respiratoires... mais, finalement, assez peu de choses démontrées sinon par le bon sens et je vous rappelle ce billet sur les gants et les blouses : LA).


Notes :
(1) Une vieille lune des vaccinolâtres : tous les vaccins ayant la même indication se "valent" a priori en termes de rapport bénéfices/risques. C'est faux. L'exemple le plus récent est celui du Pandemrix retiré du marché pour causes (démontrées) de risques de narcolepsie. L'exemple plus ancien, est celui du vaccin contre l'hépatite B, Hexavac, retiré en 2005.
(2) Petite scolie : il est tout à fait intéressant que l'origine sociale des étudiants en médecine, en raison sans doute d'une neutralité scientifique affirmée a priori, n'influence pas le comportement des étudiants en médecine dans leur acquisition des connaissances médicales à l'université et dans leurs pratiques médicales hospitalières et/ou libérales. Il est par ailleurs tout à fait symptomatique que les genristes ne s'émeuvent pas du fait que la minorité des hommes soit sous-représentée et que la profession maïeutique (sages-femmes) soit réservée aux femmes : les stéréotypes de genres, que voulez-vous ? Un article sur Egora.
(3) En 2014 (ICI)

Résumé de l'argumentaire de Big vaccine pour promouvoir la vaccination anti grippale :

  1. Les vaccins (ce pluriel est voulu) sont efficaces et sûrs et en particuliers les vaccins anti grippaux. Personne ne peut le nier et quiconque émet l'esquisse de l'esquisse d'un doute est à ranger dans la catégorie détestable et rétrograde des anti vaccinalistes.
  2. Les preuves d'efficacité manquent pour la vaccination des personnes âgées de 65 ans et plus et pour celle des personnels de santé dans le but de protéger les patients fragiles et c'est dû à la mauvaise qualité des essais.
  3. Puisque les essais de cohorte sont inconclusifs et que les méta analyses sont dans le même métal, il est nécessaire de mettre en place des essais comparatifs versus placebo qui devraient être financés par des organismes publics.
  4. Mais la mise en place d'essais randomisés de ce type est contraire à l'éthique puisque les vaccins sont efficaces. Ainsi, ce que préconise le plan cancer dans des pathologies autrement plus préoccupantes que la grippe saisonnière, la protocolisation extensive des malades dans des essais cliniques versus placebo ou non (j'ai déjà dit mon désaccord sur cette généralisation mais pas sur le principe), n'est pas éthiquement acceptable pour Big vaccine.
  5. Pendant les travaux, la vente continue. Et non seulement la vente continue mais le marketing de la vente, à savoir les études de marché et les campagnes de publicité sont facturés aux agences gouvernementales et aux ministères de la santé qui doivent trouver les meilleurs moyens a) de populariser la vaccination auprès de la population (le taux de vaccination étant devenu le substitut du substitut des critères d'efficacité des vaccins - soit le taux d'anticorps), b) d'écrire des articles justifiant la faible efficacité des vaccins acceptable et suffisante comme argument de vacciner, et rendant recommandable, voire obligatoire, comme préalable à toute production de preuves
  6. En revanche des essais vaccins vs vaccins adjuvés sont eux envisageables : on ne peut prouver l'efficacité vs placebo et on pense pouvoir le faire avec deux principes actifs.
  7. Depuis 40 ans qu'existe la vaccination anti grippale les industriels n'ont pas été capables de mettre en place des essais concluants (ou ils ont mis à la poubelle les essais négatifs) et comptent désormais, pendant qu'ils continuent de vendre des vaccins non généricables, sur l'Etat pour venir à leur secours non seulement pour prouver l'efficacité de leur camelote mais pour que les campagnes de santé publique vaccinales destinées à vendre leur camelote soient financées par le contribuable.