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lundi 17 novembre 2025

Réponse à Michaël Sikorav, psychiatre : metformine, psychotropes, prise de poids, schizophrénie, cherry-picking, medical reversal. Un cas d'école.

1 : préambule

Tout commence par une déclaration triomphale sur X d'un certain @M.SikoravMD que je ne connaissais ni sur X ni IRL (aucun lien d'intérêts), les miracles de l'algorithmie, et qui s'annonce psychiatre et bipolaire.


Une analyse sémiologique, sémantique et philologique de ces trois paragraphes mériterait qu'un étudiant en fasse son sujet de mastère. Retenez trois mots-clés que j'ai identifiés : "150", "science" et "98 %"


2 : Le Monde

Ensuite, notre confrère tweete une copie d'écran de la tribune publiée dans un supplément du journal Le Monde, éminente revue scientifique avec comité de lecture, sans joindre le lien, qu'il se flatte d'avoir signée. 



3 : unus testis, nullus testis

Puis, toujours dans un souci de clarté pédagogique et scientifique, il publie sur X la courbe de perte de poids sous metformine d'un de ses patients (à qui, sans doute, il a demandé un consentement écrit pour la publication) sans préciser ni l'indication ni les molécules associées.




J'ai fini l'article, y'a plus qu'à faire l'étude


Notre quatrième mot-clé : "Taxonomie des preuves cliniques en fonction de leur poids" Je ne peux m'empêcher, mais je suis taquin sans doute, d'indiquer que ce genre d'information (la courbe) se situe sur la pyramide des preuves dans les niveaux inférieurs de la rumeur, du témoignage et/ou de la sagesse populaire (des psychiatres, bien entendu).


Echosciences Grenoble


4 : metformine et Michaël Sikorav

Ce billet concerne uniquement la metformine.

Après que j'ai fait sur X quelques remarques (pertinentes a priori et fondées a posteriori) à propos de la tribune, Michaël Sikorav (j'avoue à ma grande honte être allé voir ce qu'on dit de lui sur "Transparence Santé" et sur "PubMed" et, dans les deux cas, il y a un grand vide, ce qui est plutôt bien dans le premier cas - 4 DPI - et plutôt rigolo dans le second - aucune publication, mais "Le Monde" n'est pas encore intégré dans PubMed...). J'ai aussi consulté son compte X où on le voit physiquement beaucoup en train de discourir sur différentes pathologies psychiatriques (le DSM-5 ne m'indique pas le diagnostic)... Mais il s'aventure ailleurs : ce qu'il dit sur "Hormones et Ménopause" illustre un autre mot-clé : "ultracrépidarianisme". 

Bref, après qu'il a lu mes remarques (un peu) agressives (c'est mon style et nul doute qu'après cette dispute notre confrère ne signe une tribune dans le New-York Times pour (ré)intégrer cette agressivité dans le DSM-6 mais sans la bénédiction d'Allen Frances et sans le remboursement de la CPAM), il a publié une réponse dans Substack.

C'est ICI.


5 : Le débat ou l'effet Streisand

Le titre est assez mystérieux.

Je remarque combien mon ego pourrait être flatté puisque qu'il est écrit en gras et en police augmentée : 

Attention, c’est probablement un des posts les plus importants du substack.

Je suis la muse de l'artiste. Ouah ! Mon instant Warhol. Non, son instant Warhol !

MS prend alors un ton passif-agressif (les experts de la tribune du monde sont en train de se demander si la notion ne devrait pas être réintégrée dans le DSM-6 — cf. plus haut...)


Il me cite sur X : "Les psys sur X, ça ne s'améliore pas" J'ai droit à un "commentaire malheureux" et à une absolution.

"Les psys français sur X" aurais-je dû écrire en généralisant (#PasTous) car j'ai regroupé ceux que je connais dans "Le club de la psychiatrie heureuse", celle du tout sérotoninergique, de la "Chemical inbalance" et des thérapies cognitivo-comportementales comme remède merveilleux (sauf que personne ne les pratique vraiment — en France).

Je pourrais vous donner des exemples des membres de ce club avec photographie à l'appui, livre et bons conseils mais ce sera sur abonnement. Pardon : je suis hors-sujet.




6 : HAS !

Le ton professoral de MS (il s'adresse quand même à un médecin généraliste qui, sur l'échelle du mépris est situé au top de la pyramide) est impressionnant : 

Il écrit :  

Vous notez que l’information sur la metformine lui était inconnue jusqu’ici.

J’ai invité mon confrère à les chercher lui-même. Je pense qu’il est toujours plus intéressant de voir ce que les praticiens retrouvent comme papier.

L'information sur la metformine concernant sa recommandation (et par là-même son efficacité) en coprescription avec les psychotropes m'était effectivement inconnue dans l'indication "perte de poids".  Les quelques coprescriptions de metformine que j'avais notées ici ou là en 42 ans de médecine de soins primaires m'avaient paru anecdotiques, en revanche les 3 courriers émanant de psychiatres que j'ai reçus en 42 ans de médecine de soins primaires n'en donnaient pas les raisons. Pour ce qui est des prises de poids sous  psychotropes, cela ne m'avait pas échappé... Il y en avait plus que 3 !



Par ailleurs, et la suite le démontrera, s'il fallait que je retienne les prises en charge médicales non fondées sur les preuves, je ne pourrais pas me concentrer sur les prises en charge médicales fondées sur des preuves et tenter de prescrire de façon raisonnée en m'adaptant à des patient.e.s qui ne sont pas celleux des études et en les prévenant avant l'instauration d'un traitement des effets indésirables possibles, probables, fréquents, et cetera. Tout en connaissant le degré de faillabilité de la HAS et son niveau parfois moyen de recommandations, sans oublier son degré de corruption. Je laisse notre ami chercher tout seul car, comme il l'écrivait si bien dans un style audiardesque , "Je ne parle pas aux cons, ça les instruit", "Je pense qu'il est toujours plus intéressant de voir ce que les praticiens retrouvent comme papier"

Pour ce qui est des recommandations proprement dites et la façon dont elles sont rédigées, avouons pourtant que les intérêts industriels et financiers pour la metformine (génériquée) ne sont pas évidents, mais les liens/conflits d'intérêts ne sont pas toujours financiers(l'ego). 

En d'autres domaines les recommandations (officielles ou officieuses) pour prescrire — ou non — des antibiotiques en médecine communautaire ne sont validées par des preuves que dans 8 % des cas, ce qui est très inquiétant (c'est ICI) et pour ce qui est de l'American Thoracic Society, nous en sommes à 26,5 % (c'est LA).


7 : l'effet Streisand

La photo du domaine Streisand à l'origine de "l'effet Streisand" Source Wikipedia

Puis, à l'attention de ses lecteuristes peu informé.e.s il explique ce qu'est l'effet Streisand et en vient à cette conclusion : 

Ayant moi-même prescrit de la metformine à plusieurs centaines de patients sous psychotropes, il y a de quoi s’étonner.

Il ajoute : 

Et comment quelqu’un qui ignorait jusque là tout de ces propriétés peut-il, en 30 minutes, prétendre que les 150 signataires de la tribune, dont des psychiatres universitaires, se trompent ?


Je ne peux que m'incliner bien bas : un psychiatre qui prescrit une molécule à 150 patients, des psychiatres qui prescrivent une molécule à 150 patients a/ont une expérience interne à toute épreuve. Vive l'EBM !

Tout comme les médecins qui prescrivaient du médiator à 150 patients ou les pédiatres qui prescrivaient du fluor à 150 patients ou les neurologues qui prescrivaient des anti-Alzheimer à 150 patients, ou les rhumatologues qui prescrivaient du Vioxx à 150 patients ou les réanimateurs pédiatriques qui prescrivaient le procubitus à 150 nourrissons... La liste est encore longue et les analogies sont douteuses, je le conçois, mais j'illustrais simplement le principe d'autorité et une version édulcorée de l'EBM ou Eminence Based Medicine.


David Sackett 1934 - 2015

Il eût certes mieux valu que je m'en tienne à mon impression initiale et que je ne passe pas 30 minutes de mon temps précieux à faire un tour de la littérature sur une indication non AMM d'une molécule dont l'indication princeps, le diabète de type 2, est largement remise en cause en raison de l'absence de preuve sur son efficacité sur la morbimortalité liée au diabète de type 2, ce que Michaël Sikorav n'ignore pas. Sinon, je source : LA en 2016 et ICI en 2023. Et bien que la HAS, pour des raisons incompréhensibles ou trop compréhensibles (voir plus haut), continue de recommander la metformine en première intention (après les mesures hygièno-diététiques classiques bien entendu) : c'est LA.


8 : l'intérêt des malades

La suite va nous confirmer quelle perte de temps ce fut que ma recherche bibliographique.

Nous entrons alors dans le coeur du "Débat".

Avant ceci, je me permets une remarque personnelle : ne perdons pas de vue que ce "Débat" ne peut se concevoir seulement comme un combat de coqs (malgré l'apparente agressivité des deux parties qui semble plus être une posture que...) mais seulement dans la perspective de l'intérêt des malades. Cet intérêt comprend un certain nombre de composantes : le diagnostic précis de ou des maladies, la validation par des essais de bonne qualité des prises en charge médicamenteuses et non médicamenteuses, l'évaluation de la balance bénéfices/risques pour chaque psychotrope prescrit (ou association de psychotropes), des données solides sur la prise de poids sous chacun de ces psychotropes, et, bien entendu le bénéfice pour les malades : poids, BMI, et résistance à l'insuline, blabla.


9 : un cherry-picking de compétition en LCA

Et j'ai droit, c'est moi qui suis en première ligne, à un festival de cherry-picking (la cueillette des bonnes cerises). Il est vrai que d'avoir avoué que j'avais passé 30 minutes à travailler la question était à l'origine une démarche identique. 



La recommandation la plus récente que j'ai retenue n'est la bonne (elle date de 2025) selon MS.

MS se met à pratiquer la LCA (lecture critique d'articles) en mode cueillette des bonnes cerises, c'est à dire en ne critiquant dans un premier temps que les articles que je cite puis en critiquant à peine les articles qu'il cite. 

Il est tout à fait intéressant que pour les méta-analyses il concentre son esprit critique sur celle menée par la Collaboration Cochrane (que vous retrouverez LA) en commençant par faire du whataboutisme (c’est d’ailleurs le même groupe qui avait retrouvé un effet statistiquement non significatif sur le port du masque lors du COVID-19 pour diminuer la propagation du virus respiratoire.)

Avant d'argumenter, il tente de me discréditer.

Il ignore sans doute combien, depuis l'affaire Tamiflu, j'ai répercuté sur mon blog (que MS cite élégamment) le fait que la Collaboration Cochrane ait baissé de qualité, fasse du marketing et ne veuille plus dévoiler les raw data... 



Bref, MS dézingue la Collaboration Cochrane, ce qui est quand même contre-productif, car il prétend ensuite qu'elle donne raison à la metformine dans l'indication perte de poids après prose de poids sous psychotropes. 

Cela dit il m'accuse aussi de ne pas savoir lire puisque je trouve que la Cochrane est beaucoup moins enthousiaste que cela sur la metformine (c'est que je copie-colle) : 

Authors' conclusions

There is lowcertainty evidence to suggest that metformin may be effective in preventing weight gain. Interpretation of this result and those for other agents, is limited by the small number of studies, small sample size, and short study duration. In future, we need studies that are adequately powered and with longer treatment durations to further evaluate the efficacy and safety of interventions for managing weight gain. 

Et voilà ce que dit la publication Oxford (LA) — qu'il critique au début et approuve ensuite selon les points de vue qu'il a à défendre — concernant la Cochrane et sur le point précis de la co-prescription d'un antipsychotique et de de metformine : 

A 2022 Cochrane review of pharmacological interventions for the prevention of AIWG found that metformin was the only pharmacological agent that may be effective for preventing weight gain when started with an antipsychotic.

"Maybe effective" : est-ce scientifique ?

En revanche, la méta-analyse de 2015 (743 patients) (ICI) trouve grâce aux yeux de MS et il ne fait aucune remarque sur les études qui ont été incluses (et non-incluses, d'ailleurs). La cueillette des bonnes cerises signifie choisir les essais qui correspondent aux préjugés et aux croyances qui existaient dans la tête du cueilleur avant la réalisation des études (cette remarque m'est également adressée).


10 : MAIS

S'il m'avait un peu lu, il saurait qu'une critique générale des méta-analyses nous fait nous rejoindre et que, selon la formule anglo-saxonne bien connue et bien trouvée : GIGO : Garbage In, Garbage Out.


Au lieu de demander que les méta-analyses soient mieux faites par des experts des méta-analyses, MS fait son tri et c'est d'un ennui profond car cela rejoint toutes les critiques qui sont faites depuis les débuts de l'EBM sur la question.

En gros, sachant que la prise de poids due aux psychotropes en général est >= 7 %, est-ce qu'une baisse de poids de 4 kilos en moyenne paraît cliniquement significative même s'il elle l'est statistiquement ?

MS continue donc en critiquant la méta-analyse que j'ai citée et en ne critiquant pas les méta-analyses qu'il cueille.


11 : les études open-label




MS continue donc, en m'appelant toujours "cher confrère", ce qui a le don de m'irriter mais je dois être chatouilleux sur le plan du mépris anti MG, en proposant à ma sagacité des études open label qui sont presque le degré zéro de la taxonomie des preuves cliniques en fonction de leur choix.

La littérature mondiale est remplie de critiques sur les études non comparatives, non randomisées et sur leur faible degré de preuves concernant l'efficacité des prises en charge (elles peuvent être en revanche, comme le sait notre confrère, intéressantes dans le cadre de la pharmacovigilance des molécules ou pour l'extension à des populations qui ne faisaient pas partie des études robustes ayant permis la délivrance de l'AMM) et je le laisse chercher : "Je pense qu'il est toujours plus intéressant de voir ce que les praticiens retrouvent comme papier"


12 : medical reversal

Je termine par ceci : je parle de Medical Reversal sur X et notre ami et néanmoins confrère me cite un article de 2011 de Cifu et Prasad (ICI) pour me contredire. Bien. Avec un argument qui n'est pas tout à fait le bon car c'est la première phrase de l'abstract qui est reprise ! Alors que si la dernière phrase de l'abstract avait été citée le propos eût été plus conforme aux critiques de La Tribune que j'exprimais.

The solution to reversal is upfront, randomized clinical trials for new clinical practices and a systematic method to evaluate practices already in existence. 



Par ailleurs, je connais (un peu) Cifu et Prasad et notamment le livre qu'ils ont publié en 2015. Je l'ai abondamment commenté sur mon blog il a nourri et continue de nourrir mes réflexions. Il n'est plus de mise de s'autociter mais pour celleux qui pensent que c'est acceptable c'est LA, ICI et LA.

Ce livre nous informe également sur le nombre de prises en charge fondées sur des preuves parmi toutes les pratiques de soins dans les grandes institution américaines : c'est renversant. Seules 30 à 50 % de ces pratiques sont validées !


13 : conclusion

A propos de cette tribune je n'ai parlé que de la metformine. Pour le reste : je n'en sais rien et cette expérience désastreuse de perte de temps m'a vacciné.

Que 98 % des patients en hôpital psychiatrique aient au moins une prescription n'est pas une gloire mais un désastre. Un désastre qui n'est pas que français et qui touche également les enfants et les adolescents (ICI).

Les chose étant ce qu'elles sont et les prix étant ce qu'ils sont il est probable que des études en double-aveugle sont en cours pour tenter de montrer l'efficacité des analogues du Glucagon-like peptide-1 dans l'indication de La Tribune. Cela coûtera bien entendu beaucoup plus cher que la metformine...

Une étude robuste contrôlée avec la metformine : peu probable.

Je n'ai pas parlé du remboursement : vous savez pourquoi. Ce n'est pas d'actualité.

Quant à la science : La médecine n'est ni art ni science, c'est au contraire une discipline empirique fondée sur des talents diagnostiques et thérapeutiques, aidée par la technologie, c'est à dire l'application efficace de la science (Skrabanek P and McCormick J, 1989)

Qui a parlé d'effet Streisand ?


Asterix et Metformix : non


Peut-être