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jeudi 14 février 2019

L'affaire des assistants médicaux : la fin de l'histoire de la médecine libérale.


Les ARS ont trouvé le remède à la désertification médicale de la France : les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (voir ICI).

On se rappelle la fameuse phrase d'Alphonse Allais pour lutter contre les miasmes des grandes villes, "Il suffit de construire les villes à la campagne", eh bien les ARS ont trouvé une formule tout aussi plaisante : "Il suffit de construire l'hôpital en ville".

Les CPTS, je cite ICI, ont pour rôle de coordonner les professionnels d'un même territoire qui souhaitent s'organiser  -- à leur initiative -- autour d'un projet de santé pour répondre à des problématiques communes : organisation de soins non programmés, coordination ville-hôpital, attractivité médicale du territoire, coopération entre médecins et infirmiers pour le maintien à domicile...

Ainsi, les ARS, dont on sait qu'elles ne sont que les courroies de transmission de la technostructure étatique qui gère le complexe santéo-industriel, ont décidé l'extension du domaine du bordel hospitalier à la médecine libérale "de ville".

Tout le monde en est convaincu : l'hôpital public est une catastrophe organisationnelle, humaine, sociologique (ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les hospitaliers eux-mêmes, depuis les chefs de service jusqu'aux agents d'entretien)...

Mais c'est un centre de pouvoir.

Eh bien, les dignes représentants de la technostructure persistent et signent : l'hôpital ne fonctionne pas, élargissons le champ de ses incompétences au monde libéral pour en finir définitivement avec le reste d'indépendance organisationnelle, idéologique et/ou sociologique de cette médecine libérale.

Gardons le pouvoir.

Quels sont les fondamentaux de l'hospitalisation de la médecine libérale de ville ? 

On ne peut faire de la bonne médecine en exerçant seul : regroupons les médecins dans des maisons médicales.

On ne peut faire de la bonne médecine en ne disposant pas d'examens complémentaires : proposons des plateaux techniques décentralisés.

On ne peut faire de bonne médecine sans Réunions de Concertation Pluridisciplinaires (RCP) : organisons des réunions, hiérarchisons les décisions de soins sous l'égide des spécialistes des différentes maladies, la maladie qui est devenue chronique. On réintroduit le disease management qui était le nec plus ultra de l'industrie pharmaceutique des années quatre-vingts.

J'ajoute bien entendu que les CPTS sont un formidable moyen de coercition pour les libéraux qui seront obligés de se plier aux injonctions de la puissance publique tant en termes d'honoraires, de financement des infrastructures, de priorités de santé (les fameux problèmes de santé publique qui apparaissent tout les quatre matins en fonction des objectifs de vente) que de traitements.

Pour ne pas parler en l'air j'invite les professionnels de santé à considérer ce que l'hospitalisation à domicile, un exemple formidable de coopération entre l'hôpital et la ville, entraîne comme contraintes, le plus souvent catastrophiques d'un point de vue humain et médical (voir LA).

Les Temps Modernes (1936) : le médecin généraliste et son assistant.


Quant à la CNAM, elle a trouvé le remède à la désertification médicale de la France : augmenter les cadences des médecins généralistes avec comme objectif de passer de 4 patients par heure en consultation à 6 patients par heure. Voir ICI la pétition lancée par JB Blanc.

(Dans les années soixante-dix les pouvoirs publics avaient trouvé une solution au déficit chronique de l'Assurance Maladie : raréfier l'offre de soins. Ils avaient brillamment, et avec l'aval des syndicats médicaux, mis en place le numerus clausus.)

L'ambition de Nicolas Revel est de satisfaire le consommateur (de soins).

Satisfaire le consommateur signifie consommer (truisme).

Consommer signifie faire plaisir au complexe santéo-industriel.

Consommer du soin participe à l'augmentation du PIB : c'est progressiste.

La santé est un marché comme un autre.

L'augmentation des cadences est un procédé industriel. Nul doute que Nicolas Revel et collaborateurs se sont inspirés de la littérature ad hoc : par exemple un article comme celui-ci.

La CNAM a également trouvé la Magic Bullet, les assistants médicaux, le McGuffin de derrière les fagots (Expression introduite par Hitchcock, le McGuffin est un élément de scénario primordial en tant que moteur de l’histoire, mais dont on se contrefiche de la vraie nature. Voir LA).

Les assistants médicaux sont un concept fourre-tout qui permet de tout dire et son contraire.

Quand et où seront formés les assistants médicaux ? S'agira-t-il d'emplois aidés ? Pendant combien de temps ? Quelles seront les objectifs fixés par la CPAM en termes d'augmentation de la clientèle ? Vous lirez ailleurs tous les problèmes que cela pose.

On nous dit que la présence d'assistants médicaux permettra d'augmenter le temps médical de consultation. Hum.

Je pense, je n'ai pas d'essais randomisés, que la multiplication des patients, les médecins ne sont pas des machines sans âme, entraînera sans nul doute : une augmentation de prescriptions de médicaments le plus souvent inutiles, une augmentation de prescriptions d'examens complémentaires, une augmentation de prescriptions d'arrêts de travail, une augmentation du nombre d'adressage chez les spécialistes publics ou privés pour des motifs futiles qui auraient pu être réglés avec quelques minutes de plus.

Les médecins généralistes sont déjà débordés, à la limite de la rupture, comment pourraient-ils, intellectuellement, gérer plus de patients, mieux réfléchir à des stratégies, et cetera ?

La CNAM est un "employeur" efficace qui se préoccupe des méthodes managériales modernes. Après avoir introduit le ROSP, c'est à dire Le Paiement à la Performance utilisé pour "motiver" les vendeurs de voitures neuves ou de savonnettes, dont les expériences antérieures (vous pourrez en lire le détail LA) ont montré tant aux Etats-Unis d'Amérique qu'en Grande-Bretagne que cela n'améliorait pas l'état de santé des populations, elle parfait la taylorisation de la médecine en intronisant officiellement le travail à la chaîne dans les cabinets médicaux.

Quant à l'étape suivante, et nul doute qu'elle est déjà dans les cartons de Nicolas Revel et collaborateurs, c'est le questionnaire de satisfaction à envoyer à la CNAM pour permettre aux patients de juger la qualité de l'accueil, de l'assistant médical, de la secrétaire, et du médecin. Pas pour moi, merci.

La santé est un marché comme un autre car le néo-libéralisme économique ne s'impose aucune frontière : tout est bon pour l'économie.

Je dois être un vieux conservateur qui ne comprend pas combien le fait de consulter 6 patients par heure sera un bienfait pour la santé publique.

J'invite tout le monde, mes confrères installés comme ceux qui seraient prêts à le faire, à dire NON.

Service de presse : LA

Un article de blog de Aupaysdesvachesmauves : Les assistés.

Un article de blog de Farfadoc : Non à l'abattage en médecine générale.