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jeudi 20 mars 2014

Confraternité et patient bashing : quelques commentaires sur les commentaires.


On avance. Pour faire suite au billet précédent (ICI) et surtout aux commentaires je propose quelques réflexions :
  1. Je remercie le commentateur (Tony Lambert) me rappelant combien faire confiance à la CPAM pour le règlement du tiers-payant intégral serait une erreur. Adopté.
  2. La revalorisation des honoraires est une revendication syndicale majeure dans toutes les professions. L'histoire du syndicalisme médical semble être compliquée et pleine de rancoeurs mais pas plus, me semble-t-il, que les conflits entre la CGT, la CFDT,  FO et... les autres. S'agit-il, plus généralement, d'un problème de représentativité du syndicalisme français qui explique, outre le faible niveau des honoraires, l'absence d'une société française et savante de médecine générale qui puisse peser sur les pouvoirs publics ?
  3. (Je signale un lien d'intérêt majeur : je vote MG France quand je vote (ne détournez pas les yeux, je suis quand même un être humain)).
  4. Je rappelle que vous lisez un site de médecine générale qui tente de défendre la médecine générale. Je suis obnubilé par le statut de la médecine générale, vous l'avez remarqué. Par son contenu et, accessoirement, par son contenant. C'est pourquoi aussi je vote MG France parce qu'à un moment ou à un autre il fallait cesser de lier nos intérêts intellectuels et financiers à ceux des spécialistes qui, pendant des années et toujours actuellement, n'ont jamais cessé de nous cracher dans la goule, de nous mépriser et, derrière leurs belles paroles, "quel métier difficile", de nous prendre pour des demeurés.
  5. Mais je ne crache pas non plus contre, ce que mes collègues MG militants, appellent les spécialistes d'organes. C'est pourquoi mon enthousiasme pour MG France est assez limité. Je répondais l'autre jour à un militant de MG France (MA qui se reconnaîtra) qui me reprochait de développer dans le blog un fond de commerce anti spécialiste qu'il ne s'agissait pas de cela mais d'un profond agacement contre les avis d'experts d'où qu'ils viennent. Et il existe des avis d'experts en médecine générale.
  6. Je réponds à notre consoeur gynécologue qui s'est longuement exprimée (DTB) : je n'ai rien contre les gynécologues en général mais beaucoup contre les gynécologues moutonniers qui ont suivi le mouvement qui les a conduits du DES au THS en passant par le dépistage organisé forcené du cancer du sein par mammographie et, désormais, à la défense des pilules de troisième et quatrième génération et à la recommandation de la vaccination des jeunes filles prépubères contre le papillomavirus.
  7. Chantal nous a rappelé qu'il fallait se placer du point de vue de la santé publique. Vaste programme. Mais qui s'en soucie véritablement ? Les associations de patients ? 
  8. Je remercie CMT pour ses commentaires toujours aussi éclairés, ici sur les revenus des médecins, et pour les références qu'elle nous fait redécouvrir. Les comparaisons avec les cadres français et les médecins des pays étrangers sont pertinentes bien que les statistiques incluant des chèvres et des choux puissent être contestées ici ou là. Je ne pense pas que les cadres supérieurs français travaillent 35 heures par semaine comme le prétend JCGhaleb mais il n'est pas contestable que leurs avantages en nature sont importants. Je ne crois pas non plus que les MG français travaillent en moyenne 60 heures par semaine (j'ai déjà dit ici que mes horaires se situaient entre 46 et 50 heures).
  9. Je crois en la sincérité de JCGhaleb mais je ne comprends pas qu'il se place en défenseur des chirurgiens qui seraient sur le point de disparaître alors qu'il est très facile d'obtenir un rendez-vous avec eux, contrairement à ce qui se passe, par exemple, en ophtalmologie et, dans une moindre mesure, en dermatologie.
  10. JCGhaleb nout dit aussi que les médecins français vont fuir à l'étranger. Je n'y crois pas une seule seconde à part quelques brillants éléments. Deux raisons : la faible connaissance des médecins français pour les langues étrangères et l'anglais en particulier (ils pourront certes choisir la Suisse romande, la Wallonnie, le Luxembourg) et la qualité de vie en France (oui, je sais, j'idéalise, mais ce n'est pas tout à fait faux).
  11. J'en profite pour dire à CMT que traiter JCGhaleb de Goebbels n'est pas très gentil et  certainement inapproprié. Quant à Christian Lehmann, il est assez grand pour se défendre. Encore un point : CMT, d'après ce que je sais autour de moi, n'est pas, mais pas du tout, représentative des médecins des centres de PMI et des para médicaux des centres de PMI, puisqu'elle réfléchit, qu'elle ne prend pas Infovac pour argent comptant, que le Comité des vaccinations n'est pas pour elle le nec plus ultra de la pensée scientifique, que le lait de croissance n'est pas sa tasse de thé, et cetera... 
  12. L'Union Française pour la Médecine Libre oublie un point majeur, c'est la liberté de ne pas être inféodé à l'industrie pharmaceutique. Or, je le conçois, c'est extrêmement difficile en raison du lobby santéo-industriel qui infiltre tout depuis les cours de la faculté jusqu'aux aliments que l'on mange en passant par les recommandations des sociétés dites savantes.
  13. Comme CMT je ne crois pas au tact et à la mesure des médecins dans la fixation de leurs honoraires comme je ne crois pas que la finance mondiale s'auto-régule pour des raisons morales. Les médecins qui s'installent en zone "riche" ont des loyers de "riches", des secrétariats de "riches", des chaussures de "riches", des bureaux de "riches" et il est clair que les 23 euro ne sont pas suffisants pour ce train de vie. Peut-être devrait-on organiser un "busing" pour emmener les riches consulter à Aubervilliers. Cela signifie-t-il que la consultation à prix unique devrait disparaître, qu'il faudrait moduler les prix en fonction de la taxe d'habitation ou de l'épaisseur de la moquette ? C'est déjà le cas.
  14. La liberté, UFML, ce n'est pas seulement fixer librement les prix des honoraires et des services en fonction, d'après ce que j'ai compris, non de la qualité du médecin (qualité souvent médiatique et médiatisée, les exemples récents des professeurs Debré et Even sont démonstratifs : qui aimerait se faire opérer par le professeur Debré ou faire suivre son asthme par le professeur Even ?) mais de son parc immobilier, c'est aussi, dans la démarche du questionnement EBM, répondre au cas par cas aux demandes / plaintes / symptômes / maladies des patients, prendre des décisions qui aillent dans le sens de la Santé Publique. Pas simple et je ne pense pas y arriver tous les jours.
  15. J'ai déjà écrit combien nombre d'idées de l'UFML me paraissaient raisonnables mais qu'elles n'étaient pas suffisantes. Sur le point des mutuelles il n'est pas inintéressant de noter qu'il s'agit ni plus ni moins d'un système à l'américaine où les médecins gagnent beaucoup d'argent, pas tous d'après certains articles du NYT, mais au prix d'une perte totale de leur indépendance : listes de médicaments à prescrire et d'interventions à faire.
  16. L'UFML oublie également un point : l'insolvabilité prochaine de l'Etat et des assujettis
  17. Pour terminer je voudrais souligner combien ce gouvernement est nul de chez nul et combien Madame Touraine est une grande bourgeoise égarée dans le peuple (Bertold Brecht a dramaturgé là dessus) qui n'a jamais vu un quartier et un médecin généraliste et qui, pour des raisons idéologiques qu'elle seule comprend, n'a pas supprimé les franchises, favorise les mutuelles et veut instaurer le tiers-payant généralisé tout en laissant faire Benoit Hamon sur les lunettes internétisées. 
  18. Quant au patient-bashing il devrait être observé à la loupe  car, dans une société consumériste, le vendeur qui méprise ses clients est condamné à ne pas vendre. Le médecin qui méprise ses patients mal élevés... 
On avance mais il faut continuer.
Je voulais que l'on refonde la médecine générale et le sujet s'est épuisé de lui-même.
Je voulais faire sécession et il me semble que peu de gens partageant mes points de vue, je sécesse tout seul.
A plus.

PS : Si l'on porte sur un axe la satisfaction professionnelle liée à l'argent que l'on gagne, elle se situe  de - l'infini à zéro ;  celle liée à l'intérêt personnel que l'on y porte va de zéro à plus l'infini. D'où les demandes sans cesse renouvelées de plus d'argent.

Illustration. La liberté guidant le peuple. Eugène Delacroix 1830.

vendredi 11 février 2011

LA GRIPPE N'EST PLUS CE QU'ELLE ETAIT...

Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis. Pierre Corneille : Sertorius (1662)

L'INVS (Institut National de Veille sanitaire) annonce dans son dernier bulletin (ICI) que l'épidémie de grippe 2010 - 2011 a fait jusqu'à présent 79 morts.
Nul doute qu'il s'agit de 79 morts de trop.
Il est tout a fait curieux que le fait de vraiment compter les morts et que les "gens" ne se soient pas fait vacciner cet hiver (non en raison d'une volonté délibérée des Autorités de Santé qui auraient vu la vérité les frapper derrière un pilier de la basilique afssapsienne de Saint-Denis, mais en raison des mensonges de ces mêmes Autorités de Santé l'an dernier) ait rendu l'hypothèse de 5 à 7000 décès par an liés à la grippe saisonnière extrêmement incertaine...
Nous ne rappellerons pas ici le nom des prophètes de malheur qui nous ont pollués l'esprit depuis des années avec des chiffres fantaisistes dignes de bonimenteurs de foire. Nous ne dirons pas, dans une envolée de prétérition, que ces experts s'appelaient Flahault, Lina et autres Manuguerra, voire Bricaire. Nous ne rappellerons pas comment le spécialiste de la grippette, un certain Bernard Debré, recommandait quand même de vacciner les nourrissons.
Mais il faut bien se rendre à l'évidence : la grippe a été, ces deux dernières années, d'une bénignité insolente.
Et ainsi, si nous mettons d'un côté de la balance la bénignité grippale et de l'autre côté l'inefficacité supposée des vaccins antigrippaux notamment dans les populations dites à risques, il est urgent de vendre nos actions Glaxo et Sanofi !
Mais les experts sont en train de nous concocter des explications lumineuses qui leur permettront d'une part de garder leur statut d'expert, c'est à dire leur statut de cumulards (chefs de service hospitalier, membres de think tank dans l'industrie vaccinale, expérimentateurs d'essais cliniques pour l'industrie vaccinale, rédacteurs de rapports d'essais cliniques pour l'industrie vaccinale ou simples signataires de rapports qu'ils n'ont pas écrits, rapporteurs dans des commissions d'évaluation de vaccins pour des agences gouvernementales indépendantes, membres de commissions d'AMM, membres du Haut Comité de la Santé Publique, membres du Comité Technique des vaccinations, membres de la Direction Générale de la Santé, grands communicants pour le Ministère de la Santé, pour l'industrie vaccinale --communications, tables rondes, séminaires, congrès-- et, pour certains, députés, présidents d'Instituts), d'autre part de nous expliquer pourquoi notre soeur est muette. Mais ces grands professeurs, à quel moment examinent-ils des patients ? A quel moment entretiennent-ils des colloques singuliers avec leurs malades ?
Le bulletin de l'INVS est aussi terriblement moqueur pour les experts : le virus B se maintient à 43,3 % ; le deuxième pic, non seulement se fait attendre, mais l'épidémie est en plateau !
L'édifice s'effondre. Toutes les belles constructions grippales et anti grippales ne tiennent pas devant la réalité des faits.
Revenons à plus grave : est-ce qu'un seul de nos experts, un seul de ceux qui nous ont rassurés sur les adjuvants, un seul de ceux qui nous ont bassinés avec l'innocuité des squalènes, ces fameux ailerons de requin que l'on sert à la cantine du personnel de l'Institut Pasteur, un seul de ces experts qui parlaient sur preuves, pas d'effets indésirables, on peut injecter du pandemrix (le vaccin aux 7 morts dans le dossier d'enregistrement) aux femmes enceintes et aux nourrissons quand le vaccin non adjuvé n'est pas disponible et en raison de la grande dangerosité de la grippe, a-t-on donc entendu un seul de nos experts parler de l'épidémie de narcolepsie finlandaise ? Non ! Ils se taisent. Il s'agit sans nul doute selon ces experts, d'un accident industriel, d'une péripétie finno-finlandaise, les 60 narcoleptiques sont le fruit de l'imagination de l'Agence Finlandaise, avec nos pharmacovigilants, rien ne serait arrivé. Les Finlandais sont, selon nos experts, des empêcheurs de tourner en rond, nul n'a le sommeil entamé, ils dorment sur leurs deux oreilles... (voir ICI pour les détails)
Les effets indésirables graves ne passent pas la frontière, la ligne Glaxot de sinistre mémoire.
Daniel Floret ira-t-il en congrès à Helsinki ? Ou à Rovaniemi, la patrie du Père Noël ? Pour dire aux Finlandais que ce sont des crétins et qu'ils doivent avoir rompu la chaîne du froid ?
Nul doute que nos experts enfarinés doivent brûler des cierges pour qu'enfin la mortalité augmente, pour qu'enfin le spectre de la grippe espagnole se transforme en réalité. Mais nous faisons confiance aux virus. Ils vont bien muter un jour.
La seule chose qui ne change pas, c'est l'expert, droit dans ses bottes, fier de sa vérité, incapable de s'adapter à une réalité mouvante et à la méthode expérimentale.
L'expert garde son poste à vie. Longue vie à l'expert cataleptique.
La grippe n'est plus ce qu'elle était depuis qu'elle est sous les feux de la rampe et non plus dans les yeux microscopiques des experts.
Rendez-nous, crient en choeur les experts, notre grippe d'antan !

dimanche 5 décembre 2010

EXPERT MONGERING OU LA FABRICATION DES EXPERTS


Les experts (Miami)

Introduction.
La crise de l'expertise révélée par la dernière "pandémie" grippale n'est toujours pas réglée. Les experts grippaux qui avaient fait des prévisions farfelues sur la gravité, le nombre de morts, l'utilisation des anti viraux ou la nécessité de la vaccination, sont toujours en place. Aucun n'a perdu son poste. Ils oeuvrent toujours dans les différents lieux de pouvoir et d'argent qui décident en France et à l'étranger de la politique vaccinale.
Cette immunité expertale n'est pas nouvelle et continue de faire des ravages car elle pervertit le système démocratique et le système dit méritocratique. L'inamovibilité des experts pose un problème majeur et, en France particulièrement, car elle est le stigmate du mépris des gens en place pour la nouveauté et la vérité. La cooptation des élites et l'impossibilité de la méritocratie absolue (qui signifierait qu'à chaque instant il faudrait comparer les mérites des experts) rendent compte de la paralysie de l'intelligence.
Il fut un temps où il n'y avait pas d'experts mais des "savants" dont l'autorité, à tort ou à raison, n'était pas discutée et dont les avis s'exprimaient dans des livres et des publications.
Désormais les "experts" sont exhibés dans les media et se congratulent en public ou font mine de s'écharper sous le contrôle bienveillant des Autorités qui n'hésitent pas à organiser des émissions télévisées pour faire passer leur message au nom de l'intérêt général ou de la morale publique. Si bien que le public au sens large navigue entre deux extrêmes, la déférence aveugle et la défiance généralisée.
Il existe une telle perversion du raisonnement que, par exemple, les sites spécialisés dans la dénonciation des rumeurs (ici), plutôt que de dénoncer le "complot" grippal préfèrent stigmatiser le "complot" anti vaccinal. Sous prétexte que les rumeurs anti vaccinales seraient plus graves que les rumeurs anti grippales.
Un autre aspect de la crise expertale provient des soupçons de collusion financière entre l'industrie et les dits experts. C'est ce qu'on appelle les liens d'intérêts. Là aussi le jugement navigue entre deux extrêmes : les uns prétendent qu'il est normal que les experts, en raison de leurs compétences, participent à des programmes de recherche fondamentale ou clinique en collaboration avec l'industrie qui supplée les organismes publics qui manquent de fonds et d'autres voudraient que les experts cherchent dans leur tour d'ivoire et coupent tout lien avec le pouvoir politique et économique (les fabricants).
Il est ainsi difficile d'entendre les experts qui mangent à tous les râteliers (et qui s'en vantent) et de ne pas dénoncer leur naïveté qui leur fait oublier que qui paie commande. Il est impensable de penser qu'en travaillant avec Big Pharma le matin on puisse penser autrement le soir quand on travaille dans son laboratoire ou dans son service.
Il est tout aussi difficile de prôner, à l'instar du Formindep (ici), une indépendance absolue des experts vis à vis de Big Pharma condamnant ces experts à des recherches publiques qui sont elles-aussi pleines de liens d'intérêts financiers (salariat) et académiques (promotion), quand il ne s'agit pas de liens idéologiques (syndicaux).
Nous dirons aussi un mot de l'idéologie de la transparence qui semble être très à la mode. La nécessité de déclarer ses liens d'intérêts telle que cela est défini par la Loi chaque fois qu'un expert "conseille" médiatiquement n'est pas appliquée actuellement. Nous ne nions pas qu'il faille être informé des liens mais nous ne pouvons pas penser que ces liens décrédibilisent a priori les propos de celui qui les a déclarés. Car, comme nous l'avons déjà dit ailleurs dans ce blog, les liens les plus pervers sont les liens cachés non financiers (idéologiques, académiques, amoureux, amicaux) liés, si j'ose dire, à des intérêts pervers comme l'ego, la paranoïa ou la haute estime de soi. Cette recherche absolue des liens (quelles sont les limites ?) conduit au totalitarisme car, et c'est peut-être malheureux, le secret est une donnée primaire anthropologique de l'humanité. On ne doit pas soupçonner la femme de César, certes, mais sa maîtresse ? Et qui connaît ou connaîtra la maîtresse de César : les détectives privés payés par les avocats ou les Commissaires politiques ?... La transparence "totale" est une idiotie, les êtres humains sont liés dès leur naissance : lire ou relire Lucien Malson (Les Enfants Sauvages in 10/18).
Pour terminer, je voudrais signaler un des écueils majeurs de l'expertise, c'est à dire l'hyper spécialisation. Il existe, mais nous le reverrons, des niches expertales qui permettent à un expert, à partir d'une publication de jeunesse, de rester le spécialiste de ce sujet pendant toute sa vie académique. Or l'hyper spécialisation conduit à l'hyper ignorance : on s'en aperçoit quand le spécialiste mondial du genou droit se met à parler du genou gauche par projection, extrapolation ou approximations, ce qui rend son propos peu convaincant...

La fabrication des experts ou expert mongering (cette idée m'a été suggérée par des conversations avec Marc Girard).
Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais quid de l'expert ? S'il est expert, Madame Michu, c'est qu'il a des compétences... et des talents.
Les experts bio médicaux sortent tous du milieu universitaire et académique.
Ces experts ont donc été nommés, comme on dit, sur leurs Titres et Travaux.
Prenons deux ou trois exemples d'experts qui parlent à la télé et à la radio.
Exemple numéro 1 : le professeur P1 a suivi la filière classique de l'université française, il est Professeur des universités et chef de service dans un CHU. Il est membre de la Société Française de Pédiatrie, membre de la Société Internationale de Pédiatrie, expert auprès de l'OMS, membre de la HAS (Haute Autorité de Santé), membre du HCSP (Haut Conseil de la Santé Publique) et expert auprès des Tribunaux. Sans compter son élection à l'Académie de Médecine. Quand, entre ses apparitions à C dans l'air ou ses participations au Téléphone sonne, peut-il examiner des malades ? Et qui oserait lui demander, avant de parler au journal de TF1, et selon l'Article L.4113-13 du Code de la Santé Publique, quels sont ses liens d'intérêt ?
Exemple numéro 2 : Madame P2 est chef de service à l'AFSSAPS, elle a publié une thèse intitulée La Recherche biomédicale, un enjeu économique pour la France, elle a d'abord travaillé à la DGS (Direction Générale de la Santé) puis elle a été Maître de Conférences à Sciences Po Paris avant d'intégrer l'agence gouvernementale. Sa thèse a été largement facilitée par Big Pharma et, ayant acquis une expertise expertale grâce à Big Pharma, elle est allée se "blanchir" dans l'Administration où, sans nul doute, elle a oublié ce qu'elle devait à Big Pharma.
Exemple numéro 3 : le professeur P3 est chercheur dans un organisme semi public, ses fonds de recherche dépendent à plus de 50 % du privé et ses recherches débouchent parfois sur la mise au point de médicaments. On l'interroge à la télévision sur sa spécialité et nul doute que lorsqu'il mange chez lui, il coupe sa viande avec un couteau indépendant de l'industrie et met la viande à sa bouche avec une fourchette d'Etat.
Exemple numéro 4 : le professeur P4 et comment il est devenu expert. Une visiteuse médicale hospitalière l'a remarqué quand il était jeune Chef de Clinique Assistant à l'Assistance Publique de Paris pour ses qualités d'orateur et sa façon d'animer des réunions (et de parler des nouveaux produits). Le laboratoire a donc commencé par le rémunérer pour ses interventions, le promener en France à droite et à gauche, lui demander d'écrire des articles pour des revues de pacotille, l'intégrer dans des programmes d'essais cliniques (sous l'autorité de son patron) puis l'aider à publier (ghost writers) pour des revues de bonne qualité nationale, lui permettre de se rendre dans des congrès nationaux et surtout internationaux tous frais payés, d'abord comme touriste puis comme intervenant (le laboratoire fabriquant les textes, les diapositives, la traduction en anglais... puis en fournissant l'ordinateur, la présentation Power Point quand l'ère de l'informatique est arrivée...). Les articles en français puis en anglais signés en premier (avec le nom de son patron en dernière position) et publiés, grâce à la force de frappe du Laboratoire dans de bonnes puis de très bonnes revues internationales (ce qui ne pouvait manquer de flatter le patron tout juste capable de prononcer trois mots dans la langue de Pfizer), sont devenus la substance de ses Titres et Travaux qui le conduiront à l'agrégation... Bien entendu le futur professeur P4 est devenu incontournable pour les sociétés savantes de sa spécialité, il a également compris qu'il ne devait pas seulement travailler pour le laboratoire L1 et accepter d'autres participations pour ne pas passer aux yeux de ses collègues et de ses supérieurs qui voteront un jour pour sa nomination à l'agrégation, pour l'expert exclusif du laboratoire L1, il est ainsi devenu indispensable pour les think tanks des autres laboratoires (L2, L3 et L4) et intégrés dans d'autres essais cliniques... Tant et si bien que le futur professeur P4 a acquis non seulement une stature nationale mais aussi internationale et que, son niveau en anglais augmentant, il s'est vu confier des participations à des Comités Scientifiques Internationaux, il a animé des débats Pro / Cons, et cetera. Une fois nommé professeur, il s'es imposé dans les Agences Gouvernementales, dans les Société Savantes internationales, et on a commencé à le voir un peu partout dans les médias... Il s'est imposé, on l'a imposé, comme expert et ses nombreux jetons de présence, loin de le disqualifier, l'ont rendu, bien au contraire, encore plus raisonnable et écoutable.
Exemple numéro 5 : Madame P dirige la pharmacovigilance à l'AFSSAPS. A ce titre elle publie des articles collectifs à partir des données recueillies par les Centres régionaux de Pharmacovigilance et à partir des essais initiés par l'Agence dans le cadre du suivi des molécules post commercialisation, soit dans le cadre des Agences gouvernementales. On peut retrouver ses publications dans Pub Med. Ce qui est intéressant c'est que sa compétence, elle l'a acquise APRES sa nomination, Pub Med ne montre en effet rien de très probant avant cette nomination... Il est probable que ce sont ses fonctions gouvernementales et non sa compétence expertale antérieure qui lui ont permis, ENSUITE, de publier dans de bonnes revues.

Conclusion (provisoire) :
La fabrication des experts ne se fait pas seulement à coups d'accointances politiques (la nomination des professeurs agrégés et des chefs de service obéit aussi à une logique de bloc UMP / PS), d'argent de Big Pharma qui finance tout depuis le portable Mac jusqu'à un dîner chez Gallagher à New-York City, de postes gouvernementaux à vie (je passe de l'administration A à l'administration B ou j'obtiens un droit de sortie pour gagner plus d'argent chez Big Pharma avant de faire un retour remarqué dans une Agence Internationale, OMS, UNESCO ou ONU) ou de petits services rendus entre copains, elle se fait aussi en fonction de la belle gueule ou du bon bagout (un bon client) pour les émissions médiatiques. Ce qui fait que tel expert autoproclamé ou élu par les médias qui ne pourrait pas faire un exposé devant ses pairs tant il serait moqué et critiqué, se permet de faire le malin à TF1 ou sur France 5 en toute impunité.



Cette fabrication des experts peut aboutir à des résultats scientifiques corrects mais rien n'est moins sûr. Des solutions ? Une meilleure divulgation des liens d'intérêt n'est pas suffisante mais elle est un début car elle permettrait déjà de calmer l'arrogance des experts. Etablir une distance statutaire à l'égard des organismes publics dirigés directement par le pouvoir politique ne serait pas inutile. Organiser de vrais débats contradictoires, pouvoir obtenir un droit de suite, et cetera...

La discussion est ouverte.

PS du 25 février 2013 : magnifique article sur les cadeaux aux étudiants en médecine US : le curriculum caché. ICI


jeudi 3 juin 2010

LA NOUVELLE CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE : ON PREND LES MEMES ET ON RECOMMENCE !


(L'inoculation. Louis Leopold Boilly. 1807)
Dans l'indifférence générale et dans un grand anonymat le Haut Conseil de la Santé Publique a publié la stratégie vaccinale pour la saison 2010 - 2011. Cette stratégie émane d'un Groupe de Travail qui nous rappelle de bons souvenirs.

Lire ce document appelle, à mon sens, plusieurs remarques d'importances inégales (libre à vous de pondérer) :
  1. Les experts. Le fiasco des recommandations 2009 - 2010 prônées par les mêmes experts n'a pas changé les experts. Les mêmes experts qui ont proposé ex cathedra la vaccination pour tous en pensant L'intendance suivra, les mêmes experts qui n'avaient pas, a priori, l'expérience des vaccinations de masse en Afrique qui avaient échoué faute de s'appuyer sur des structures existantes et qui ont accusé les administratifs et les médecins généralistes de n'avoir pas suivi des consignes "impossibles", les mêmes experts qui ne se rappellent plus (il serait bon, à titre préventif, de leur prescrire un placebo comme du donézépil) avoir débité des contre-vérités scientifiques tant dans leurs écrits que dans leurs blogs ou que sur les estrades gouvernementales de Roselyne IMC Glaxo... Car, ces experts, ce sont toujours les mêmes : Jean-Claude Manuguerra qui fut si mauvais lors d'une émission C dans l'air qu'on le cacha des caméras jusqu'à la fin de la campagne gouvernemento-bigpharmienne, Daniel Levy-Bruhl qui, comme sur les devantures des quincailleries, pourrait afficher sur son front Expert depuis cent ans, Bruno Lina, l'inénarrable expert pétri de liens d'intérêt qu'il revendique comme preuve de son indépendance, Daniel Floret, toujours aussi charismatique et brillantissime, Christian Perronne, spécialiste des ailerons de requin, et j'en passe... Ils se sont trompé du tout au tout et on continue de les interroger. Ou, plutôt, Didier Houssin, l'ineffable chirurgien les a interrogés...
  2. Les données scientifiques. Le Groupe de Travail (GdT) s'est fondé sur les travaux de l'InVS dont on connaît et la rigueur scientifique et la renommée internationale. Cette même InVS qui recueillait des données concernant des patients "grippés" dont 50 % n'étaient pas documentés pour le critère Age ! Par ailleurs le GdT s'est servi des données de mortalité du Cepi-DC pour les années 2003 - 2007 pour faire des comparaisons avec les décès de la grippe dite pandémique... Nous avons vu que ces données étaient farfelues en raison du mode de comptage, de l'imprécision des certificats de décès et que l'absence de sérologie grippale effectuée donnait raison prioritairement à la clinique (risques de sur diagnostic).
  3. Les hypothèses fantaisistes. Derrière leur bureau et entre deux réunions de travail au restaurant, le GdT a avalisé des prévisions. Prenons-en une : L'immunité de la population générale estimée entre 19 et 30 % : et nous voilà repartis dans des extrapolations à partir de rien, des projections gratuites, des présupposés sans fondement. De qui le GdT se moque-t-il ? Il y a pourtant une référence (rigolote) : ici.
  4. On ne parle plus de pandémie. Bien que l'OMS n'ait pas renoncé à la pandémie, voire tout simplement à un recul dans le niveau d'alerte, le GdT ne parle plus de grippe pandémique, ce qui est normal mais ce qui est contradictoire avec les instructions internationales.
  5. La pharmacovigilance est toujours aussi indigente. Les techniques d'imputation sont les suivantes : quand un effet indésirable est grave il ne peut être imputé au vaccin ; quand un effet grave et possiblement attendu est signalé (9 Guillain-Barré par exemple) il est balayé d'un revers de la main et on lit ceci : "le nombre de cas de syndromes de Guillain-Barré notifié (sic) a été inférieur au nombre attendu de l'incidence annuelle de la maladie en France." Arrêtons-nous sur ce point : quelles hypothèses explicatives pouvons-nous faire ? a) la pharmacovigilance a été peu faite ; b) le nombre de Guillain-Barré en France est supérieur à ce qui est notifié ; c) la vaccination contre la grippe pandémique a protégé contre le Guillain-Barré. Ainsi, le nombre des syndromes grippaux est-il surestimé car attesté par des critères cliniques et non sérologiques et le nombre des effets indésirables potentiels sous-estimés car attribués à autre chose que le vaccin anti grippal.
  6. La pharmacovigilance chez les femmes enceintes : c'est le pompon ! On ne sait rien mais on conclue et on termine par cette phrase inouïe : "Les ratios cas attendus / cas observés ne peuvent à ce jour être calculés en l'absence de connaissance du nombre de femmes enceintes exposées aux vaccins."
  7. Toujours pas d'études cliniques indiquant que le vaccin dit pandémique protège 1) contre la grippe pandémique ; 2) contre les Syndrome de détresse respiratoire aiguë. Aucun expert ne peut affirmer que le vaccin dit pandémique protège.
  8. Toujours pas de remise en question de l'efficacité des vaccins saisonniers chez les personnes de plus de 65 ans, coeur de cible des campagnes antérieures de vaccination qui n'évitaient pourtant pas, selon les chiffres alarmistes des épidémiologistes gouvernementaux, 5 à 7000 morts par an. Alors que l'on sait qu'un organisme indépendant (la Collaboration Cochrane) doute de cette efficacité. Mais, il est vrai, que le journal indépendant Prescrire ne doute pas.
  9. Enfin, les recommandations du GdT sont d'une grande prudence et d'un grand confusionnisme : hormis les patients éligibles pour la grippe saisonnière (vaccin trivalent) on vaccinera avec le vaccin monovalent a) les femmes enceintes sans facteurs de risque pour la grippe saisonnière ; b) les personnes atteintes de maladies endocriniennes susceptibles d'être décompensées par une infection aiguë ; c) les personnes ayant un IMC égal ou supérieur à 30
  10. On lit aussi cette phrase intéressante : "l'efficacité de la vaccination chez les jeunes nourrissons n'est pas formellement démontrée et le nombre de sujets à vacciner pour éviter un cas est élevé." Est-ce une façon élégante de dire autre chose ?
  11. Enfin, nos experts viennent de se rendre compte que La Réunion n'était pas dans l'hémisphère Nord et demandent, lisez-bien, des modifications réglementaires pour que la République Française l'admette...
Cette nouvelle "stratégie" montre que rien ne change, que rien ne bouge, que les experts restent les experts, qu'ils aient ou non déclarés leurs liens, et que le manque crucial d'études cliniques est au centre des incertitudes qui ne troublent pas le GdT.

BHW a gagné !
(Bachelot, Houssin et Weber)

Les médecins généralistes ne pourront rien dire.

A vos seringues !

lundi 31 mai 2010

LA NOUVELLE EXPERTISE MEDICALE APRES LE FIASCO GRIPPAL : PIERRE BACHELOT

Nous nous demandions tous avec angoisse comment Roselyne IMC Glaxo allait prendre le virage de la nouvelle expertise après le fiasco de la campagne menée contre la grippe pandémique.
Car il est vrai que d'énormes problèmes se posaient : les rapports de l'expert avec le vulgum pecus, les rapports de l'expert avec la science, les rapports de l'expert avec l'épistémologie, les rapports de l'expert avec la compétence, les publications, les industriels, Big Pharma, le pouvoir politique, le principe de précaution, le catastrophisme éclairé, l'éthique, la démocratie... et j'en passe. Toutes ces réflexions étant, on l'a bien compris, le pain quotidien de cette Ministre et son souci permanent.
Roselyne IMC Glaxo n'a pas traîné : avec son enthousiasme habituel, son sourire ravageur, ses convictions inébranlables, sa morale inattaquable et exemplaire, son esprit d'à propos, son sens aigu de la communication, sa légendaire bonhommie, elle a fait fort.
Auparavant, pour être un bon expert selon Roselyne, il suffisait, si j'ose dire, d'être Médecin des Hôpitaux, de penser droit et à droite, d'avoir des conflits d'intérêts si voyants qu'il était difficile de savoir quel palefrenier avait rempli sa mangeoire, de ne pas forcément être très bon, de mal connaître la littérature internationale, d'ignorer la Collaboration Cochrane, de peu publier ou de publier beaucoup dans des revues lues seulement dans les kiosques, de ne pas parler anglais, de cotiser dans les caisses de retraite de l'industrie pharmaceutique, d'occuper un poste officiel éminemment politique ou de ne pas avoir tout cela, avoir un simple CESAM comme outils statistique, avoir comme références des emplois dans le marketing ou d'être idiot tout simplement.
Eh bien Roselyne, en femme politique qui sait ce qu'elle veut, a tranché : elle a nommé son fils Pierre Bachelot, à l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé). Pour faire taire les mauvaises langues, et ne doutons pas que ces méchants parleront de népotisme, de favoritisme, d'interventionnisme, je vous propose de lire un article du Figaro dont la rudesse et la méchanceté seraient passées inaperçues dans Libération mais qui, dans l'organe de la sarkozye, ne manque pas d'intérêt : ici. On y apprend que le fiston dont on voit le portrait en haut de ce billet, doit sa carrière à l'ascension de sa mère, qu'il sera chargé de lobbying (la famille a des gènes solides) et que la liste de ses diplômes est aussi épaisse que le nombre d'essais cliniques effectués chez les femmes enceintes avant la pandémie...
Les experts bachelotiens sont donc des fils pour elle et il est clair que François Bricaire et Bruno Lina, experts devant l'Eternel, et pourtant fils perdus de l'inconséquence expertale, ne pourront qu'être jaloux de cette nomination qui, malgré tout, est probablement es qualités.
Madame Bachelot a-t-elle une fille ?