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jeudi 10 janvier 2019

Les 124 contre l'homéopathie. Bilan 2018.

Il s'agit de deuxième degré

Peu importe que je n'aie pas signé la pétition pour des raisons que j'ai énoncées ICI, peu importe que la suite des événements m'ait conforté dans l'idée que ne pas l'avoir fait était un bon choix et peu importe que l'homéopathie soit une branche marginale de l'activité des médecins, ce qui est important c'est de souligner combien cette pétition a été (un peu) un pavé dans la mare et commence à bouger le système (avec des conséquences sur ses propres signataires).

J'ai lu la prose homéopathique et j'ai été envahi par une stupeur paralysante : le discours des homéopathes était d'une bêtise et d'une ignorance insondables. Je n'imaginais pas que des médecins puissent sortir de pareilles énormités et être aussi peu au courant des dernières données scientifiques concernant la discipline qu'ils pratiquent.

Il n'est pas certain que les lecteurs médecins non homéopathes du Quotidien du Médecin en sachent beaucoup plus.

J'ai aussi lu les justifications des homéopathes par rapport aux pratiques des autres médecins (on passe plus de temps avec les malades, on les écoute plus, bla bla, on fait faire des économies à l'Assurance maladie), elles m'ont semblé farfelues et peu convaincantes.

L'homéopathie est une doctrine holistique qui prétend tout traiter (certains homéopathes, car il ne faut pas généraliser, proposent le traitement de l'homosexualité et/ou du cancer du pancréas) avec des granules magiques et sans effets indésirables. L'homéopathie ne remet pas en cause la geste médicale de la prescription, le consumérisme, le paternalisme... et elle participe aussi de l'Eglise de préventologie.

J'ai lu le discours de non homéopathes universitaires et académiques défendant l'homéopathie  comme pratique empathique mais il y a bien des coiffeurs, des ongologues ou des esthéticiennes dans les services de soins palliatifs, pourquoi pas des homéopathes, du moment que cela permet d'en virer les oncologues ? Les arguments des Kierzek/Khayat m'ont paru bien faibles.

J'ai lu que certains doyens d'université préféraient que l'homéopathie continue d'être enseignée dans les universités par des médecins plutôt qu'à l'extérieur par des charlatans : il y a bien quelque chose de pourri au Royaume du Danemark.

J'ai suivi distraitement les plaintes des homéopathes contre certains signataires de la pétition même si j'ai plaint avec attention mes naïfs confrères confrontés à la vraie vie mais j'ai  été ravi de voir que la vraie nature du Conseil de l'Ordre des médecins apparaissait dans toute sa splendeur procédurière, réactionnaire, conservatrice, libérale, néo-libérale, corporatiste, cléricale, droitière, institutionnelle, lèche-bottes, paternaliste, et j'en passe, et qu'il était temps soit de décider de sa dissolution, soit de recentrer ses actions vers la défense exclusive de l'éthique de la profession vis à vis des intolérables intrusions de la société dans son fonctionnement et de la morale de ses membres vis à vis des tâches ontologiques de la profession médicale, à savoir prendre soin et ne pas nuire aux patients qui la consultent.



J'ai lu les arguments post tribune des 124 contre l'homéopathie et j'ai été saisi d'un vertige absolu. Pourquoi fallait-il qu'ils montrent autant d'ignorance sur "notre" propre médecine ? Pourquoi fallait-il qu'ils confondent systématiquement placebo et effet placebo dans le genre "L'homéopathie est un placebo" ? Pourquoi certains voulaient-ils ignorer l'effet placebo dans leur pratique quotidienne, en prescrivant une molécule et/ou une procédure ?, pourquoi certains autres ne se posaient-ils pas la question éthique de l'utilisation d'un placebo pur ou impur sans informer les patients ?
Pourquoi fallait-il qu'ils considèrent la médecine comme une science ? 
Pourquoi fallait-il qu'ils persistent dans l'erreur en ne s'informant pas ? 

J'ai ressenti avec effroi que les 124 et leurs compagnons de route avaient réinventé la formule : Il vaut mieux avoir tort avec les 124 que raison avec le reste du monde. On me dit dans l'oreillette qu'il y a des exceptions (je les connais pour les avoir lus ou entendus publiquement ou de façon privée).



Et il ne vaut mieux pas aborder les sujets qui fâchent comme l'extension du domaine de la lutte à des sujets mineurs comme les liens d'intérêts, le dépistage organisé du cancer du sein, la vaccination obligatoire, les dérives de l'oncologie, la télésurveillance des patients, un des 124 a écrit : Il suffit que vous écriviez une tribune et nous vous soutiendrons. La science tribunicienne devenant l'alpha et l'omega de l'évaluation en médecine.



Quoi qu'il en soit, les derniers soubresauts de l'HAS à qui l'intègre Agnès Buzyn a demandé son avis, éclairent les 124 sur le pourrissement infini du lobby santéo-industriel... Quand le pouvoir politique organisait des réunions "citoyennes" sur la vaccination obligatoire des nourrissons ou le dépistage organisé du cancer du sein et en manipulait les conclusions, personne ne mouftait, ou presque, mais quand l'HAS "enquête" en posant des questions orientées pour obtenir les réponses voulues, les 124 se réveillent de leur léthargique sommeil protestataire.

Et voilà qu'on lit ici ou là, de la part des 124, que l'HAS ne serait pas intègre, que l'HAS serait livrée aux conflits d'intérêts, que l'HAS serait le bras armé ou la courroie de transmission du pouvoir politique... Mieux vaut tard que jamais.

Finalement, cette Tribune est un bienfait : elle permet une prise de conscience sur le pouvoir absolu du lobby santéo-industriel, elle éclaire sur le rôle du Conseil National de l'Ordre des Médecins, elle souligne à nouveau l'incompétence corrompue de l'HAS, et elle ravive notre admiration pour Agnès Buzyn...

Espérons encore que les pharmaciens cesseront de vendre des vaccins homéopathiques contre la grippe, que les masseurs-kinésithérapeutes cesseront de pratiquer l'ostéopathie ou la chiropraxie, que les obstétriciens et les sages-femmes cesseront de faire redresser les crânes des nouveaux-nés par des ostéopathes... On peut toujours espérer...

Les difficultés rencontrées par les 124 pour, simplement, exiger que l'homéopathie ne soit plus remboursée, alors que tous les éléments scientifiques sont présents, donnent le vertige : combien de temps faudra-t-il pour obtenir l'esquisse de l'esquisse d'un mouvement contre les pratiques académiques liées à l'Empire des industries du médicament et du matériel et ses suppôts médecins ?




mardi 31 juillet 2018

Homéopathie et santé publique : the single-bullet theory.

Assassinat de JFK : the single-bullet theory

La guerre picrocholine entre anti et pro homéopathie devient risible (Picrochole étant le syndicat des homéopathes et Grandgousier, je vous laisse choisir pour ne pas faire de jaloux, Wargon, Et un peu de neurologie ou Lehmann).

Il semblerait que le déremboursement des produits homéopathiques soit l'oeuf de Colomb de la santé publique.

Il suffit même, regardez twitter, d'être l'un des 124 ou un sympathisant (fût-il anonyme), demandant le déremboursement de l'homéopathie pour s'auto attribuer la médaille en chocolat de médecin scientifique.

Les médecins refusant l'homéopathie et soutenant les 124 sont également de vaillants ruraux installés dans des déserts médicaux, ils font encore plus la preuve de leur scientificité.

Il suffit désormais d'être un 124 partner, en anglais c'est plus chouette, anti FakeMed, pour avoir droit dans sa salle d'attente à une vignette : "Votre médecin traite selon les données de la science".

Le déremboursement des granules homéopathiques est la Magic Bullet de la santé publique.

Si les urgences sont débordées et les personnels fatigués, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si la prescription d'antibiotiques est au zénith en France, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
S'il existe des neurologues (et gérontoneurologues, si si, ça existe) distingués pour défendre les pseudos anti-Alzheimer dangereux, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
S'il existe des violences obstétricales en France, et Martin Winckler nous y fait penser avec sagacité, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si 3,4 millions d'hommes sans cancer de la prostate ont eu un dosage de PSA en 2014, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie : voir LA.
Si l'INCa n'est pas capable de fournir des données objectives aux femmes soumises au dépistage organisé du cancer du sein, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie. Voir LA.
Si la France est le seul pays du monde où la kinésithérapie respiratoire est prescrite en ville dans le cas des bronchiolites, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si on a prescrit du Mediator, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si l'Eglise de dépistologie prétend sauver des vies avec les dépistages organisés du cancer du sein et du cancer du colon, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si la médecine de précision balbutie, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si les critères d'attribution des AMM en cancérologie diminuent et que le prix des médicaments explose, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie (c'est aux US).
Si le taux de mortalité infantile est si élevé dans le neuf trois, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.
Si la décision partagée est une chimère pour les médecins français, c'est dû au non déremboursement de l'homéopathie.

Je suis en vacances et il me reste 111 situations où le déremboursement de l'homéopathie résoudrait les problèmes de santé publique de notre cher pays.

On va y arriver.

Vivement la rentrée.






jeudi 21 juin 2018

La médecine m'inquiète : microf(r)ictions (90)



Voici donc ce que prétendent les 124 (ou l'un d'entre eux) à propos de leur mouvement. 

Je rappelle que le régime du concordat existe toujours en Alsace-Moselle.

Faut-il être assez ignorant pour penser que la médecine serait une sorte d'entité hors sol, non construite, bien entendu, pure comme un théorème, sans croyances ?

Nous demandons la séparation de la Médecine et de l'Eglise de Dépistologie.

Expulsion du grand séminaire des idolâtres du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie

Légende réelle : Expulsion du grand séminaire de Quimper en 1906 (à la suite de la loi de 1905)


dimanche 25 mars 2018

L'homéopathie, la médecine sans les preuves qui cache la forêt de la mauvaise médecine.

Henri II guérissant des écrouelles

La pétition de 124 médecins contre les Fake Médecines suscite énormément de commentaires. Vous lirez la pétition  ICI.

(Attention : le 4 mai 2021 je constate que le site sur lequel était publié la pétition des 124 a été supprimé. Pourquoi ? Les signataires avaient balayé à l'époque les arguments avancés ici ou là sur le fait qu'il y avait plus important que l'homéopathie en santé publique. L'arrivée du Covid et du professeur Raoult l'ont confirmé. Ils avaient également affirmé haut et fort que leur combat contre l'homéopathie n'était qu'un début. C'était une fin.)

Je n'ai pas signé cette pétition.

Pour de mauvaises raisons, sans doute.

La plus mauvaise raison est celle-ci : je ne pense pas que l'homéopathie soit un problème majeur de santé publique. La réponse que l'on m'a faite : "Il faut bien commencer par quelque chose."

Pas par ça.

La meilleure raison : je ne suis pas certain que mes fesses soient assez propres pour monter au cocotier.

L'homéopathie est le bouc-émissaire facile (pas si facile que cela d'après les réactions) de la mauvaise médecine.

Combattre l'homéopathie est scientifiquement juste mais la tribune n'est pas juste avec la médecine en général.  Elle s'attaque à une pratique infondée et magique comme si la médecine académique n'était pas, elle-aussi, (très) souvent infondée et magique.

La pétition ne rend pas compte de la pratique réelle de la médecine en général et comment elle s'inscrit dans le contexte général du consumérisme sociétal au double sens du terme : sociologique (la société de consommation) et libéral (la consommation comme moteur du capitalisme). Avec comme corollaire :  la satisfaction du client. La médecine moderne, non homéopathique ou pas, suggère aussi qu'il est possible de tout traiter. Cette sur promesse hédoniste (je n'ai pas le temps ici de parler du refus de la mort dans les sociétés modernes) fait le lit de la magie.

L'autre mauvaise raison est que l'on met les doigts dans un engrenage terrible.

Pour la première fois à ma connaissance ce sont les prescripteurs qui sont attaqués. Nommément. Tous les homéopathes sont des charlatans.

Dans l'affaire Mediator on avait attaqué Mediator, on avait attaqué Servier (en préservant d'ailleurs les autres firmes), on avait vaguement attaqué les autorités réglementaires, on avait soigneusement préservé les prescripteurs (ces pauvres prescripteurs qui ne pouvaient pas savoir ce qu'ils faisaient).

Ici, il est demandé que les médecins homéopathes purs (des médecins qui ne pratiquent que l'homéopathie) et impurs (des médecins qui utilisent aussi l'homéopathie dans leur pratique) soient frappés d'interdiction professionnelle.

Pas moins.

La pétition fait aussi appel au serment d'Hippocrate (elle oublie de nous préciser de quelle version il s'agit car lorsque l'on invoque, je cite, "un des plus anciens engagements éthiques connus", s'agit-il de celui qui mentionnait l'interdiction de l'avortement ?) et au Conseil de l'ordre des médecins comme garant de son application.

Est-ce une rigolade ?

Comme il faut que je me justifie, on pourrait m'accuser d'être un suppôt des homéopathes purs et impurs, de Boiron et consorts, voici quelques données simples :
  1. L'homéopathie est une croyance.
  2. Une croyance datée.
  3. L'homéopathie a été initiée en 1796. En opposition à la médecine traditionnelle. Il est vrai qu'il était possible d'être déçu, à cette époque, par les thérapeutiques inexistantes, je ne parle pas que des lavements et des saignées. Rappelons que le fondateur de l'homéopathie, Samuel Hanhemann, est mort en 1843. La lecture des traités de thérapeutique traditionnelle en 1843 ne manquerait pas de faire également rire.
  4. La médecine d'alors était essentiellement magique, issue du chamanisme, du dieu médecin et ne pouvait prétendre à une quelconque scientificité.
  5. Nombre d'homéopathes purs et impurs disent la messe (prescrivent) mais ne croient plus depuis longtemps (j'ai des exemples dans mon coin de transformation des obésologues, mediatoro-prescripteurs, qui sont devenus homéopathes comme ils étaient mésothérapeutes, tisanothérapeutes, naturopathes et autres billevesées). Ils préfèrent prescrire un placebo pur plutôt qu'un placebo impur.
  6. Le dé remboursement de l'homéopathie est donc une option raisonnable.
  7. Son non enseignement dans les Facultés de médecine paraît tout aussi justifié.


Je voulais vous faire partager cette video (watch) qui critique la pétition : je ne sais pas qui se "cache" derrière, je ne sais pas si la jeune femme est médecin, marchande des quatre saisons ou ingénieure, mais elle dit beaucoup de choses justes (et certaines choses fausses).

Revenons à la pétition.

L'homéopathie est une cible que je croyais facile, trop facile. Pratiquée par des médecins, non étayée par des essais modernes (contrôlés), vaguement sectaire, je me demandais qui elle pouvait bien attirer.

Les réactions ont été curieuses. Démesurées. Irrationnelles.

Il n'est pas étonnant que les homéopathes se défendent. Il n'est pas surprenant qu'ils utilisent des arguments peu étayés leur permettant d'éviter le point central : l'homéopathie n'a rien démontré scientifiquement parlant.

Finalement, ce sont les réactions des non homéopathes, des médecins médiatiques, des pharmacologues médiatiques, pro, sympathisants ou tolérants à l'égard de l'homéopathie, qui justifient a posteriori l'intérêt de cette pétition. Elles permettent de souligner que la pensée magique n'est pas seulement homéopathique. En résumé : les Kierzek et compagnie (Chast et consorts) prétendent que cela ne peut pas faire de mal, que les homéopathes prennent plus de temps avec leurs malades, les écoutent mieux, et cetera.

Mais le plus intéressant n'est pas là : les pétitionnaires contre l'homéopathie utilisent des arguments à son égard, des arguments "justes" a priori, qui sont le reflet d'une dissonance cognitive avancée car ces arguments s'appliquent parfaitement à leurs (nos) propres pratiques.

Mais pas que des arguments justes. Il est écrit dans la pétition "Les thérapies dites "alternatives" sont inefficaces au delà de l'effet placebo, et n'en sont pas moins dangereuses". Vraiment ? Cela signifierait-il que l'effet placebo serait non dangereux ?

Ce qu'on peut le plus reprocher à un médecin c'est de prescrire un placebo en sachant que c'est un placebo ! Qu'il soit pur (des granules homéopathiques) ou impur (des antibiotiques pour traiter une rhino-pharyngite). J'écrivais ceci en répondant à un confrère : "La prescription d'un placebo (pur ou impur) est une rupture du pacte de confiance avec le patient puisqu'on lui ment sciemment ; que lui répondrez-vous quand il vous demandera à quelle classe thérapeutique ou pharmacologique il appartient ? Que penserez-vous de lui quand il "répondra" au placebo ? On ne peut plus écrire des ordonnances sans expliquer au patient quel est le but de cette prescription. ... Quand vous avez devant vous un patient venant de chez un autre médecin qui réagit, par exemple, au magnesium vous en penserez quoi ? Vous serez content pour lui, pour vous ou vous le regarderez comme un demeuré ? ... Prescrire un placebo, enfin, c'est tourner le dos au questionnement EBM, c'est considérer le patient comme persona non grata dans la démarche thérapeutique. Tout au plus peut-on dire à un patient à qui on prescrit un placebo, que notre geste est irraisonné, magique, que cela marche parfois et que l'on peut faire le pari que cela marchera dans ce cas précis et contre toute attente. (je rajoute ceci : des études ont montré que dire au patient qu'on lui prescrit un placebo "marche" aussi). Il ne faut pas confondre prescrire un placebo et profiter de l'effet placebo pour renforcer les effets déjà démontrés d'une molécule." Voir ICI pour le billet. Dans le cas des homéopathes purs ou impurs il y a un doute : certains pensent qu'ils ne prescrivent pas un placebo. Quant à la démarche d'aller consulter un médecin homéopathe elle contient l'effet placebo en elle-même... puisqu'il s'agit d'une croyance.

Le schéma suivant, archi connu, est éclairant.



Pas que des arguments justes. Prétendre que l'homéopathie, seule, conduit à "sur médicaliser la population en donnant l'illusion que toute situation peut se régler avec "un traitement"", c'est un peu fort de café ! Comme si la médecine traditionnelle, comme si les médecins traditionnels ne faisaient pas la même chose ! Les médecins sont partout dans les médias à donner des conseils normatifs, comment être un bon père, une bonne mère, comment donner le biberon ou ne pas le donner, comment faire son deuil, comment faire l'amour, comment ne pas prendre de poids, comment ne pas avoir d'enfants ou comment en avoir, maigrir ou grossir, comment dépasser une déception amoureuse, comment ne pas souffrir de la prostate, du dos, du petit doigt...

Il s'agit, comme le disait Ivan Illich, de la médicalisation de la santé. On disait jadis "Tout est politique" on dit désormais "Tout est médical."

Oui, l'homéopathie exclusive est dangereuse car elle peut faire croire que des granules peuvent guérir des non maladies, des états anodins et, surtout, que ces granules magiques pourraient venir à bout des inégalités sociales et comportementales (il y a un lien d'intérêt entre les deux) qui sont la source majoritaire des "vraies" maladies dont on souffre et dont on meurt, il suffit de comparer les courbes d'espérance de vie dans les sous-groupes populationnels professionnels et genrés, il suffit de jeter un oeil sur la mortalité infantile dans le département 93. Mais la médecine non homéopathique agit-elle autrement ?

Oui, l'homéopathie est très dangereuse aussi quand elle prétend (mais ce sont des ultra minoritaires) guérir des cancers, par exemple. Il faut la dénoncer et dénoncer les médecins inscrits à l'Ordre qui se comportent de cette façon.

Pas que des arguments justes.
"Exiger de l’ensemble des soignants qu’ils respectent la déontologie de leur profession, en refusant de donner des traitements inutiles ou inefficaces, en proposant des soins en accord avec les recommandations des sociétés savantes et les données les plus récentes de la science, en faisant preuve de pédagogie et d’honnêteté envers leurs patients et en proposant une écoute bienveillante."

Ce paragraphe est incantatoire. Les pétitionnaires ont certainement rédigé dans la foulée une tribune contre la faim dans le monde, pour la disparition de la misère, contre le plafond de verre, et cetera.

La réalité est la suivante : la médicalisation de la santé, ce n'est pas seulement prescrire des médicaments, c'est aussi prescrire des examens complémentaires inutiles, c'est aussi céder à l'Eglise de Dépistologie (dépistage organisé du cancer du sein, dépistage sauvage du cancer de la prostate, frottis du col utérin tous les ans, mammographies avant 50 ans, et cetera), céder à la tentation de la fabrication des maladies (alias disease mongering) en étendant le champs des critères, des indications, en exagérant la dangerosité de ces dites maladies, suivre les recommandations fallacieuses des sociétés savantes et des agences gouvernementales polluées par l'argent de l'industrie et par la bêtise académique (la lecture de la revue Prescrire critiquant les guides HAS serait la bienvenue, la lecture des actions du Formindep se battant contre la corruption des agences gouvernementales serait elle aussi utile)... Faire preuve de pédagogie c'est aussi introduire la décision partagée, ce qui semble être une démarche surhumaine pour nombre de non homéopathes (quant aux homéopathes ils ne peuvent partager que leurs croyances avec leurs patients), faire preuve d'honnêteté, c'est aussi ne pas mentir aux patients sur ses conditions de survie en cas de maladies mortelles, c'est aussi parler des effets indésirables des traitements non seulement dans les maladies mortelles mais aussi dans les maladies chroniques, c'est aussi ne pas proposer que de la médecine mais des soins de support, du social, et cetera.

Nul doute que les pétitionnaires et les non pétitionnaires sont d'accord avec cela, je n'en doute pas. Mais l'homéopathie et les homéopathes sont bien loin.

Les commentaires de défense, les éléments de langage, des pro pétitionnaires, les plus mis en avant sont ceux-ci : la médecine non homéopathique, contrairement à l'homéopathie, prend acte des données de la science. Mon oeil.

Je vous invite à lire, en anglais, les livres d'Adam Cifu et Vinay Prasad (Ending médical reverse) et de Jeanne Lanzer (The danger within us). Dans le premier livre les deux auteurs voudraient que l'on en termine avec l'instauration trop rapide de standards thérapeutiques non fondés sur des preuves afin que l'on n'ait pas à revenir en arrière, non parce que les données de la science auraient changé mais parce qu'il n'y avait pas de données scientifiques à l'origine pour les instaurer. Dans le second livre l'auteure rapporte combien les dispositifs médicaux aux Etats-Unis (ce n'est pas le cas chez nous, rassurez-vous) font l'objet de peu d'essais d'efficacité et de sécurité avant leur implantation et combien les industriels sont favorisés par la loi contre les poursuites pénales. C'est effarant.

Ce qui est intéressant dans le livre de Cifu et Prasad c'est de compter les jours, les semaines, les mois, les années, qui s'écoulent entre le moment où un traitement, une procédure, un examen sont considérés comme inefficaces et/ou dangereux et le moment où ils sont réellement abandonnés par les praticiens non homéopathes. Les données de la science, disiez-vous ? Faisons des paris à propos de l'étude Orbita (ICI) : 100 ans pour que l'on arrête de stenter des patients qui n'en ont pas besoin ? Quand abandonnera-t-on le dépistage organisé du cancer du sein en France ? Quand les médecins cesseront-ils de prescrire des prétendus médicaments anti Alzheimer et avant même qu'ils ne soient déremboursés ?

J'ai des centaines d'exemples.

J'espère donc que la pétition, va continuer de faire son bonhomme de chemin à la télévision, sur les réseaux et qu'elle va finir par exploser à la figure de la médecine tout entière.

Mais cela n'arrivera pas.

Le tribunal intérieur des bonnes manières va envoyer ses injonctions afin de sauver le bébé, c'est à dire cette terrible médecine néo-libérale objet asservi et bientôt e-connecté au complexe santéo-industriel.

Car n'oubliez pas que l'industrie pharmaceutique, aux Etats-Unis, fournit plus d'argent aux politiciens que la trop fameuse NRA, elle s'appelle la PhRMA. Croyez-vous qu'elle le fasse pour des raisons philanthropiques ? Voir LA. Elle salarie 2 lobbyistes par membre du congrès et elle a dépensé en 2016 152 millions de dollars pour influencer la législation et 32 seulement pour les campagnes électorales.

Je soulignerai enfin que le mot patient n'apparaît pas une seule fois dans cette pétition.

C'est, comment dire, symptomatique.

Alerte enlèvement à 23H17 : Christian Lehmann me signale que le mot patient est présent dans le texte. Dont acte.

L'honneur est sauf.


PS
Pour écouter des signataires de la pétition (Christian Lehmann LA et Matthieu Calafiore ICI)

Le JIM commente : ICI.

PS. Martine Bronner nous livre une réflexion éclairante sur ce sujet. Balancée et juste. Voir LA.