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jeudi 20 juin 2013

Pedia.doc, le type même de document / site qui n'est pas de la médecine générale.


Les avis ont été unanimes : le site Pedia.doc (ICI) est génial.

Je suis désolé de mettre les pieds dans le plat : ce site ne me convient pas.

Il s'agit même d'un problème de fond : le site Pedia.doc pose de façon cruciale la réalité de la médecine générale en tant que spécialité : telle qu'elle est enseignée et telle qu'elle n'est pas pratiquée.
Je vais m'attirer les foudres des sociétés savantes de médecine générale (encore que, vous le verrez plus loin, l'unanimité n'existe pas chez les généralistes enseignants) et de mes collègues admiratifs et impressionnés par cette somme qui diront qu'il n'est jamais content, qu'il critique toujours tout, qu'il râle tout le temps mais il faut bien que quelqu'un se dévoue : je reconnais donc qu'il s'agit d'un travail magnifique, académique et pédiatrique (hospitalier), que j'ai appris quelques trucs, que j'en apprendrai encore et que je pourrais éventuellement m'y référer, mais j'y ai vu un document pour étudiants en médecine passant un concours, un empilage de connaissances sorties de leur contexte et un esprit acritique qui m'a horrifié.

Mais si ce site peut éventuellement être un passionnant document de pédiatrie (encore que n'étant pas pédiatre je ne sais pas si c'est vraiment le cas et si les pédiatres hospitaliers ne se sont pas gaussé en le découvrant), ce n'est pas un site de médecine générale. Où est le problème, me direz-vous ? C'est le problème. Je pourrais, si j'osais, ajouter ceci : ce site est un tribut des médecins généralistes enseignants aux pédiatres académiques dans le style "On est capables de faire aussi bien que vous et on attend votre reconnaissance."

Ce site n'est pas fait pour l'exercice de la médecine générale mais pour l'exercice de la pédiatrie hospitalière en ville. Grosse nuance.

Exagéré-je ? 

Trois aspects sont envisageables : le fond (une question d'Examen Classant National) ; la forme (un listing de ce qu'il faut faire et ne pas faire sans références explicites) ; la praticité (les outils sont oubliés ou présumés acquis d'avance).

Laissez-moi envisager quelques points :
  1. Le titre pompeux annonce un contenu qui n'existera pas : "La santé de l'enfant en soins de premier recours" et l'intitulé du site Internet n'est pas moins trompeur : "Le suivi des enfants de 0 à 2 ans". Il eût été plus juste d'annoncer "La santé de l'enfant qui n'a pas de fièvre, qui ne tousse pas, qui n'a pas de boutons, qui n'a pas mal aux oreilles, qui ne siffle pas, ..., qui n'est pas malade en quelque sorte". Je passe également sur la formulation hasardeuse Soins de premier recours qui ne rend compte de rien mais c'est un vieux débat : nous le reverrons plus loin mais l'examen du jeune enfant entre 0 et 2 ans, c'est de la médecine de famille
  2. La page de présentation est un monument érigé au politiquement correct de la Santé Publique politique et sa vacuité est sidérale. Jugez un peu. La première phrase : "La prise en charge de la santé de l’enfant en soins de premier recours est une mission essentielle de l’offre de soins de proximité garantie à chaque enfant au sein de nos territoires." Tous les thèmes politiques sont au rendez-vous. Le reste est du même tonneau : "prégnance", "situation d'accueil", "harmonisation des pratiques cliniques", "site dédié"... On dirait un texte normatif de l'ARS qui aurait été relu par un collège d'énarques. La proximologie me rase.
  3. Sur le pré-requis de l'affaire : la consultation de médecine générale est un compromis. Elle est aussi une réponse à un questionnement (que j'ai appelé le questionnement EBM en médecine générale, EBMG, voir ICI). Quatre des points majeurs qui fondent la médecine générale (mais la liste n'est pas exhaustive) ont été oubliés par les auteurs de ce site : premièrement, la médecine générale est aussi mais n'est pas seulement une médecine de famille, c'est à dire que nous n'accueillons pas un enfant en notre cabinet, mais une famille ; l'enfant amené par son ou ses parents, nous en connaissons le plus souvent le père ou la mère qui sont ou qui ont été "nos" patients, voire même quand ils étaient enfants ou nourrissons, accompagnés par leurs parents, les  grands-parents de l'enfant actuel ; nous sommes même parfois, il est vrai que malheureusement cette pratique se perd, allés au domicile des parents et / ou des grands-parents et avons constaté les conditions de vie, la propreté ou le reste, in situ ; deuxièmement, la médecine générale est le lieu d'excellence  de la médecine transversale et de la médecine longitudinale ; pour un patient et pour sa famille qui sont suivis dans le temps, ce ne sont pas des consultations à un coup mais à plusieurs, ce qui permet de se rendre compte de l'évolution de tous les facteurs envisagés par le site ; troisièmement, la médecine générale n'est pas un lieu institutionnel, ce n'est pas un service de pédiatrie, nous n'avons pas tout notre temps, il n'y a pas de kinésithérapeute dédié (sic), d'assistante sociale dans le même métal, mais des correspondants, et elle dispose parfois d'un plateau technique restreint et le médecin généraliste a parfois une expérience interne parcellaire ou limitée (ce qui explique parfois aussi pourquoi il aime les listings)  ; quatrièmement, et je ne ferais pas l'injure aux enseignants académiques de le leur rappeler, il existe un point central dans l'exercice de la médecine générale c'est la VPP, la Valeur prédictive Positive, qui s'élève de la médecine générale vers l'hôpital ou, pour faire moins savant, le nombre de nouveaux cas (l'incidence) est basse, voire exceptionnelle et certaines maladies très rares (prévalence). Placer tous les diagnostics sur le même plan et sans argument de fréquence est un des oublis les plus fréquents des académiques quand ils parlent de médecine générale.
  4. Je prends comme premier exemple d'inadéquation académie / médecine générale, l'examen du huitième jour : le sous chapitre 'Environnement bio-psycho-social' (je passe sur l'interrogatoire sur les revenus des parents qui me semble assez "étonnant") parle de l'abus sexuel (d'un enfant de 8 jours) et il est demandé d'interroger seul l'enfant... Il s'agit donc d'un copié collé pour tous les âges mais de quels âges s'agit-il ? A deux ans est-il possible de demander à un enfant qui lui a fait des avances ? Le sous chapitre 'Prévention et dépistage' demande que l'on vérifie que les tests au papier buvard ont été réalisés : il est bien rare que ces données soient fourniees par l'hôpital ou de façon parcellaire, une formation des hospitaliers serait la bienvenue ou il faudrait appeler l'hôpital à chaque fois. Les recommandations sur la vitamine K sont floues pour l'enfant allaité exclusivement au sein : jusqu'à 3 mois pour les recommandations étrangères ou jusqu'à 6 mois pour les recommandations françaises. Enfin, sauf erreur, et pardon de parler de "mon" expérience multi ethnique et multi culturelle, rien sur l'origine des enfants, rien sur les condtions d'élevage chez les Peuls, les Sri-lankais ou les Bretons. Il n'y a que des Nougaro à Toulouse.
  5. On voit donc que le listing a été réalisé de façon automatique et par un robot.
  6. Je m'intéresse d'abord à mes insuffisances : deux sujets que je connais mal et que je pratique mal pour savoir si ce site va pouvoir m'aider. 
  7. Les troubles de l'audition : leur détection commence à l'examen de 8 jours dit Pedia.doc (LA). Les problèmes : a) argument de fréquence : la surdité permanente néonatale : prévalence : 1 pour 1000 naissances (800 nouveaux-nés par an) ; b) le babymètre ne détecte que les surdités profondes bilatérales ; c) les tests suivants (Oto émissions acoustiques provoquées et poteniels évoqués auditifs)  indiqués ne sont pas pratiqués par un MG mais en milieu spécialisé. Dois-je continuer l'analyse aux différentes étapes ?  Je vous propose, pour vous renseigner, ce diaporama particulièrement bien fait et qui émane de la SFTG (Société de Formaion Thérapeutique du Généraliste) : LA
  8. Les troubles de la vision. Je n'ai rien appris que je ne sache pas déjà. Le document de la société française de pédiatrie de 2009 est beaucoup plus intéressant (bien que très incomplet pour la pratique) et il est (mal) cité par le site qui le prend en référence : ICI. Très décevant.
  9. Je m'intéresse ensuite à mes dadas (et je conseille à tout le monde de s'intéresser à ses dadas, ce qui lui permettra de juger de la pertinence du site sur les sujets que l'on connaît bien et d'en inférer sur ce qu'il est licite de penser sur les sujets que l'on ne connaît pas ou mal) à partir desquels il me sera possible de me faire une idée sur la qualité intrinsèque du document (je ne suis pas un expert mais j'ai un peu étudié la question :  les laits dits de croissance, la prévention fluorée, les vaccinations).
  10. Les laits dits de croissance (entre 1 et 3 ans) :  dans ma population "défavorisée" les laits dits de croissance sont un investissement important. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Sur Pedia.doc on ne discute pas de cette (anodine) question. Or il est possible d'en discuter. Il y a des arguments scientifiques qui sont d'ailleurs liés aux arguments économiques (voir ICI). Ce document réalisé par le département de médecine générale de l'UFR Paris Ouest (qu'il est d'ailleurs difficile de trouver dans la jungle googlienne totalement acquise à l'utilisation des laits dits de croissance, de suite et tout le toutim) est éclairant et très bien fait et les auteurs toulousains auraient eu le bon goût de s'en inspirer : Je vous demande de le lire ! En voici la conclusion : 
    1. ce travail n’a pas permis d’objectiver de plus value des laits de croissance pour la santé justifiant leur utilisation systématique. Bien que les laits de croissance soient une source intéressante d'apport en fer susceptible d’être bénéfique aux populations carencées, leurs prix sont un obstacle d'autant que carence martiale et bas niveau socioéconomique sont intimement liés. 
  11. Les laits dits de suite (ex deuxième âge) (entre 6 et 12 mois) : mon avis est identique mais les éléments de preuves sont beaucoup moins forts en faveur de leur non utilisation. A ceci près que les Britanniques, par exemple, peuplade reculée du Nord de l'Europe, ne font pas de différence entre lait de suite et lait de croissance (aucune étude n'ayant jamais démontré aucun intérêt à utiliser ce qu'ils appellent 'follow on milk') et qu'ils ne proposent rien au delà de 18 mois. Que les Canadiens et les Suisses, pays du tiers-monde bien connus, ne conseillent rien à l'instar de l'OMS, ce qui devrait quand même nous faire encore réfléchir à l'exception française.
  12. La prévention fluorée. Ce sujet est délicat et compliqué car l'évaluation des risques est difficile, le suivi aléatoire et les moyens préventifs peu évidents à mettre en oeuvre. Pour le site Pedia.doc et en lisant rapidement il faut supplémenter dès l'apparition de la première dent de lait chez les enfants à risque carieux fort. Les recommandations de l'ANSM sont moins "évidentes" : LA, tout en sachant que le brossage des dents entraîne une prise systémique importante de fluor. Il est donc nécessaire de connaître la quantité de fluor dans les eaux de boisson (voir LA pour mes communes d'exercice et d'habitation), mettre le paquet sur le brossage des dents avec des dentifirces fluorés (mais l'étiquetage est assez flou et rock and roll), éventuellement "prescrire" des sels de table fluorés et pas de fluor en gouttes.
  13. Les vaccinations. Bon, vous connaissez mes positions : les instances décisionnelles de la politique vaccinale en France sont marquées par les liens d'intérêt et l'absence de prises de décisions en dehors de leur cénacle convaincu comme en témoigne le dernier communiqué du HCSP (Haut Comité de Santé Publique) sur le futur plan de vaccination contre la grippe saisonnière visant les enfants dans les écoles et remettant sur le tapis l'utilisation des vaccinodromes. Ce n'est donc peut-être pas le lieu du site pedia.doc que de discuter des avantages et des inconvénients des différents vaccins : son but est de promouvoir la politique de Santé Publique décidée. Cependant, même dans ce cadre, on remarque que la vaccination par le BCG n'est abordée  qu'à l'examen du 8° jour alors qu'il est exceptionnel en nos contrées que la vaccination soit faite en milieu hospitalier dès la naissance. 
Je ne suis pas certain de l'intérêt d'un tel site.
Ce n'est pas gentil pour les collègues qui y ont passé du temps, qui ont travaillé, probablement dur, mais  ce site est a-critique, il n'exprime aucun doute, il est normatif, ses intentions en sont que tous les médecins généralistes fassent la même chose en leurs cabinets.
Ce n'est pas possible.
Nous avons parlé de l'EBMG (l'Evidence Based Medicine Générale) dans un billet précédent (LA). Ce site fait partie de l'expérience externe et n'aborde pas l'expérience interne. 
Je voudrais, pour terminer, aborder deux sujets polémiques que je n'ai pas l'intention d'alimenter maintenant : l'alimentation des nourrissons à la demande et le moment de la diversification de l'alimentation. Ces thèmes me touchent beaucoup car, en 34 ans d'exercice j'ai dû subir les diktats des pédiatres et des puericultrices, redoutables pour faire passser les messages officiels, diktats qui, comme dans tout régime autoritaire, ont changé une bonne dizaine de fois en 34 ans.
Nous y reviendrons.

(Je remercie CL qui se reconnaîtra pour sa participation volontaire / involontaire. Le citer clairement pourrait induire qu'il est d'accord et je n'en sais rien.)
(Illustration : test de Moatti)

mardi 26 octobre 2010

DEUX ENFANTS FEBRILES - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODES 47 ET 48


Je n'apprendrai à personne, et encore moins aux médecins, combien la médecine générale est une discipline incertaine (mais je ne nie pas non plus que la médecine de spécialité ou, parfois plus exactement, de deuxième intention, est tout aussi incertaine malgré, parfois, la débauche d'énergie et d'examens complémentaires qui n'aboutissent pas à grand chose), ces deux exemples en font foi.
Le même jour, un lundi après-midi, je reçois, à une heure d'intervalle, deux garçons de huit ans et demi, l'un de janvier, l'autre de mars, qui présentent à peu près le même tableau : un syndrome fébrile datant de 48 heures pour A et de la veille au soir pour B, que j'appellerai ORL avec toux et nez bouché. Je marque dans le carnet de santé "rhinopharyngite banale" dans les deux cas. Dans l'ordinateur je note deux ou trois trucs de plus : "RP sans gravité ; pas d'éruption ; auscultation pulmonaire normale ; nuque souple ; myringite a minima pour A.
Toutes choses égales par ailleurs, une expression difficile à assumer en médecine, il existe quand même des différences dont j'ai tenu compte dans mon examen : l'enfant A est familier des rhinopharyngites et il a déjà fait des convulsions fébriles à l'âge de 14 mois ; l'enfant B a fait une pneumopathie d'origine indéterminée (indéterminée parce que, malgré une radiographie et un avis pneumologique, il n'a jamais pu être tranché entre une image virale ou une image à mycoplasmes) à l'âge de 13 mois.
A et B : je ne prescris pas d'antibiotiques (malgré l'insistance de la maman de A) ; je prescris du paracétamol avec des instructions précises. A : désinfection rhinopharyngée.
A revient en consultation le troisième jour : la fièvre ne décroche pas de 38°5 ; il s'est mis à tousser franchement mais l'auscultation pulmonaire reste normale ; je le rééxamine et je ne retrouve rien de plus. Dans ces cas là : on s'interroge trop vite sur un foyer pulmonaire sans oublier une infection urinaire sans symptômes et sans compter tout ce qui peut entraîner une fièvre à 38°5 chez un enfant de huit ans et demi. Nous sommes mercredi, nous sommes au troisième jour, je demande à la man de me rappeler vendredi (je ne travaille pas le jeudi). La maman de B me téléphone : la fièvre est oscillante, 37°8 le matin et 38°5 le soir depuis quatre jours ; l'enfant supporte bien la fièvre, il tousse à peine, une légère modification de la voix... Je lui demande de me rappeler vendredi matin.
Vendredi matin. A : fièvre qui ne décroche pas (cela fait presque sept jours) ; je le revois et je ne retrouve rien de rien, peut-être un petit quelque chose (des ronchi dans le champ gauche et en cherchant bien) ; je prescris, en désespoir de cause, un thorax face + profil et fait pisser le gamin (la bandelette est négative). La maman de A réitère sa demande d'antibiotiques. Je redis non et elle me demande si, en raison des antécédents de A, il ne faudrait quand même pas prescrire du valium. Je redis non. B : la fièvre oscillante oscille toujours et je prescris un thorax face + profil (la maman vient chercher l'ordonnance au cabinet) . La maman de A arrive à décrocher un rendez-vous dans l'après-midi et elle me rappelle vers 17 heures pour me dire qu'il y a quelque chose. Elle arrive au cabinet, très détendue, sans aucune acrimonie, et les radiographies montrent un foyer systématisé du lobe supérieur du poumon droit. Je prescris des antibiotiques (deux) et de nouveaux clichés. A n'a pas fait de convulsions.
Samedi matin. Vers huit trente, la maman de B me téléphone et me dit : "B n'avait plus de fière hier soir et n'en a toujours pas ce matin. J'ai un rendez-vous de radios pour 11 heures 30, je maintiens ?" Je réfléchis : "Non. Vous annulez." La fièvre de B a duré six jours ; elle oscillait et devait être virale. Il semble qu'il n'ait pas refait de syndrome pulmonaire aigu.
Une semaine après. A est toujours apyrétique et les radiographies sont quasiment revenues à la normale. Réflexion de la maman de A : "La prochaine fois qu'il aura de la fièvre, j'espère que vous me le mettrez tout de suite sous antibiotiques..." Moi : "Je ne crois pas. Car la dose qu'il a reçue n'est pas la même que celle que j'aurais donnée à l'aveugle. C'est même le double pour la pénicilline." B est toujours apyrétique. La maman de B : "Vous avez bien fait de ne pas lui donner d'antibiotiques." "Les antibiotiques, c'est pas automatique.", je lâche finement.

Ces deux exemples sont là pour dire que la médecine générale demande un peu d'expérience et... d'humilité.

jeudi 21 octobre 2010

PREVENAR DE 7 A 13 : LE MARKETING VACCINAL DANS TOUS SES ETATS

Vierge à l'enfant - Quentin METSYS : 1529.

(Il est désormais utile chaque fois que l'on parle de façon critique des vaccins de préciser ceci : je ne suis pas Témoin de Jehovah ; je ne suis pas un anti-vaccinaliste primaire ; je vaccine mes patients selon l'Etat de la Science ; je n'ai jamais déjeuné avec Daniel Floret --président du Comité Technique des Vaccinations... Cela me rappelle, et cela m'évoque toujours, mais ne me dites pas que je vais atteindre le point Godwin, que les anti-totalitaristes ont toujours besoin de se justifier politiquement (pour ne pas passer pour des agents du Grand Capital ou de la Réaction) devant des gens qui n'ont jamais émis la moindre protestation quand les camps régnaient en maître dans toute l'Europe.)

Mais revenons à notre sujet : le marketing mondial de Prevenar.

La saga Prevenar, telle qu'elle a été conçue dans les antres du marketing pfizerien est d'une simplicité redoutable : il y a des infections à pneumocoques ; il y a des enfants (petits, très petits) qui en meurent ; il est possible de proposer un vaccin ; il est commercialisé aux Etats-Unis contre des sérotypes états-uniens ; on va, comme le Coca-Cola ou le Mc Do, le commercialiser partout dans le monde même si les sérotypes qui tuent ne sont pas les mêmes, notamment en Europe.

Acte I : l'implantation.

A partir de là, un argumentaire destiné au Reste du monde est fabriqué.
Les laboratoires Pfizer adaptent le discours de visite médicale à la France, discours qui sera relayé par les grands pontes de l'infectiologie et de la vaccinologie et aussi pour les petits pontes loco-régionaux (mandarins et mandarines de province) à qui l'on promet notoriété, argent et publications.
L'argumentaire français est le suivant : le pneumocoque tue en France des petits enfants de moins de deux ans ; la seule arme efficace est le vaccin ; les chiffres américains montrent que l'utilisation du Prevenar a) a fait diminuer la mortalité et la morbidité chez les enfants de moins de deux ans aux Etats-Unis et b) n'a pas, à ce jour, entraîné l'émergence de nouvelles souches pathogènes induites par le vaccin ; pas d'effets indésirables connus (sinon les classiques rougeurs aux point d'injection et /ou quelques épisodes fébriles).

Au début, le vaccin n'est pas remboursé.
Cela fait partie de la stratégie marketing même si les financiers, ceux qui déjeunent (et dînent) avec les Autorités responsables du remboursement (Comité Economique du Médicament, président Noël Renaudin). Cela permet de faire monter la sauce : vous vous rendez compte, un vaccin qui est capable de sauver tant de vies et que l'on ne rembourse pas ; avec toute la gabegie ambiante ; c'est bien la France... Du coup, lors du remboursement, c'est la ruée médiatique, la ruée des leaders d'opinion qui ne déclarent jamais de liens d'intérêts, on en cause partout, à la télévision, à la radio, dans les journaux... Les PMI sont approvisionnées....

On vaccine tout le monde.

Docteurdu16 : Plusieurs points, soulignés en son temps par la revue Prescrire qui, comme chacun sait n'est pas en ligne pour les non abonnés, c'est pourquoi nous ne nous casserons pas la tête à fournir des liens sans objet, étaient en suspens (et d'ailleurs la consultation des données officielles de l'EPAR -- European Assessment Report-- est à cet égard éclairante) :
  1. Les sérotypes sont américains : L'EPAR indique (je traduis et je résume mais vous pouvez consulter page 7) : pour les infections invasives à pneumocoque les sérotypes américains contenus dans Prevenar 7 sont adaptés pour 80 à 89 % des infections invasives ; en Europe, et selon les pays européens, entre 54 et 84 % chez les enfants de moins de 2 ans.
  2. L'incidence des infections invasives à Pneumocoques est plus importante aux US qu'en Europe et l'efficacité du vaccin est probablement moindre dans le dernier cas.
  3. L'efficacité sur la prévention des otites moyennes aiguës (OMA) est plus que douteuse (une étude finlandaise contrôlée portant sur 1662 enfants (avec les 4 doses) montre outre une efficacité d'environ 54 - 57 %, une augmentation des OMA dues à des pneumocoques de sérotypes non vaccinaux de 33 % et, finalement, une réduction de 6 % des OMA quelle que soit l'étiologie).
  4. La tolérance est bonne selon toutes les sources. En allant faire un tour sur l'EPAR et, après expérience personnelle : Tout praticien qui fait des vaccins sait que Prevenar fait mal. Et on le sait d'autant mieux que le jour du vaccin, à 2, 3 et 4 mois on fait aussi un DTPCH mais sans H supplémentaire (c'est ma DCI à moi) sur l'autre membre et que, lui, ne fait pas mal. Or, que lit-on sur le site de l'EMEA au chapitre tolérance locale (section 4.8) No consistent increased local or systemic reactions within repeated doses were seen throughout the primary series or with the booster dose, the exceptions being a higher rate of transient tenderness (36.5 %) and tenderness that interfered with limb movement (18.5 %) were seen with the booster dose. et on lit aussi sur le chapitre tolérance générale : Reactogenicity was higher in children receiving whole cell pertussis vaccines concurrently. In a study, including 1,662 children, fever of 38 °C was reported in 41.2 % of children who received Prevenar simultaneously with DTP as compared to 27.9 % in the control group. Fever of > 39 °C was reported in 3.3 % of children compared to 1.2 % in the control group.
    Les grands et les petits pontes ne vaccinent plus...
Malgré tout cela la Revue Prescrire dans son numéro d'octobre 2001 conseille de prescrire.

Acte II : les adaptations.

Les chiffres de vente de Pfizer ne sont pas ceux qui ont été annoncés aux fonds de pension. Version académique : le taux de couverture vaccinale n'est pas suffisant.

Tout d'un coup, mais probablement avec des essais incluant un nombre suffisant de patients, je n'ai pas réussi à me les procurer, il devient impératif de changer le schéma vaccinal.
Ce qui était impératif hier, c'est à dire un schéma d'injections 2 mois, 3 mois, 4 mois, 12 mois, devient obsolète : il est possible de passer à un schéma "simplifié" 2, 4 et 12 mois, avec les mêmes preuves d'efficacité. Bien entendu.
En allant voir sur le site de l'EPAR (European Assessment Report) (ici) je lis ceci (je traduis) : "Prevenar a été administré à 2, 4, 6 et entre 12 et 15 mois." Pour les études. Pourquoi le schéma français initial était-il différent ? Parce que les vaccinologues français avaient d'autres données qu'ils ne nous ont pas communiquées ? Non, par praticité d'administration. On croit rêver.
Mais les vraies raisons avancées du changement du schéma vaccinal (qui n'était pas le vrai schéma des études) sont celles-ci : améliorer la couverture vaccinale en simplifiant le schéma, donc augmenter la rentabilité des fonds de pension.

La Revue Prescrire (numéro 307 de mai 2009) est convaincue. Et comme à l'accoutumée elle croit les yeux fermés les avis du Comité Technique des Vaccinations dans lequel siège un de ses collaborateurs, Jérôme Sclafer.


Acte III : Prevenar 13 lave plus blanc.

Arrivée en fanfare du nouveau Prevenar 13 valences !
Comme dirait Coluche, Prevenar 13 lave plus blanc !
Les objections d'hier deviennent les arguments d'aujourd'hui pour Big Pharma et pour ses affidés.

Mais ce qui est plus intéressant c'est
  1. La position de la HAS qui considère toujours que le vaccin anti pneumococcique est un progrès thérapeutique majeur, tout en précisant l'inefficacité de ce vaccin sur les OMA à pneumocoques contrairement à l'extension d'indication qui avait été octroyée pour les OMA récidivantes.
  2. La position de La Revue Prescrire qui, après avoir considéré que le Prevenar 7 "Apportait quelque chose" (octobre 2001), après avoir affirmé que l'extension d'indication aux OMA récidivantes à pneumocoque n'était pas justifiée, freine des quatre fers avec Prevenar 13 en affirmant que le vaccin est "Eventuellement utile" (octobre 2010) et en publiant un résumé de dossier (page 655 du numéro de septembre 2010 : Rev Prescrire 2010;30(323):655) qui n'est pas piqué des hannetons car il donne autant envie de prescrire le "nouveau" vaccin que de se faire inviter à déjeuner par Roselyne IMC Glaxo ! On apprend d'abord qu'aucune étude clinique n'a été faite pour étayer la pertinence de l'extension du nombre de sérotypes ; ensuite que, selon le réseau Epibac (dont La Revue Prescrire ne nous dit pas qu'il s'agit d'un groupe de travail de la glorieuse INVS qui s'est investie avec succès dans l'épidémiologie de la grippe et dont vous pourrez juger ici de la qualité de la publication) l'utilisation du vaccin à 7 valences dans la période de référence (1998 - 2002 à 2007) s'est accomagnée d'une diminution de 32 % des infections invasives à pneumocoques chez les enfants de moins de deux ans qui a été partiellement annulée (Docteurdu16 : on aimerait quand même des données plus précises !) par l'augmentation des méningites à sérotypes non contenus dans le vaccin ; au delà de 2 ans une légère (sic) augmentation des méningites (non précisée) a été observée... ; efficacité dans l'OMA : nulle.
  3. Prevenar 13 est déjà dans les PMI

Acte IV : Extension du domaine de la vaccination chez le grand enfant.

Les laboratoires Pfizer conseillent un rappel avec Prevenar 13 chez les grands enfants qui auraient déjà reçu Prevenar 7 à bonnes doses.


Acte V : Chez l'adulte !

Les laboratoires Pfizer, selon Pharmactua.com, voudraient obtenir l'autorisation de Prevenar 13 chez l'adulte, ce qui pourrait générer selon Martin MacKay, Président de la division Pharmatherapeutics de Pfizer, un bénéfice supplémentaire de 1,5 milliard de dollars.


Bon, en gros, que faut-il tirer de tout cela ? Est-il possible d'y voir clair ? Est-ce que les mensonges de Pfizer nous permettent de jeter le bébé avec l'eau du bain ? Pour l'instant, je prescris Prevenar et je vaccine. Est-ce que le rapport bénéfices risques est devenu négatif ? Comment résister ? Comment obtenir des données fiables et comment parier sur l'avenir ?

Si quelqu'un...









vendredi 13 février 2009

BRONCHIOLITE : PAS DE CORTICOIDES AUX URGENCES !

Bien que les corticoïdes soient couramment utilisés en pratique courante dans le traitement des bronchiolites, il n'est pas inutile de rappeler que les preuves manquent de leur efficacité.

Une étude multicentrique américaine publiée en juillet 2007 (http://content.nejm.org/cgi/content/short/357/4/331) a randomisé 600 enfants âgés de deux à douze mois amenés aux urgences pour un premier épisode de wheezing coté modéré à sévère en deux groupes : dexamethasone (D) en dose unique à 1 mg / kg et placebo (P).

Le premier critère de l'essai était admission ou non après 4 heures d'observation de l'enfant.
Le deuxième critère : Respiratory Assessment Change Score (RACS).
Autres critères : la durée de l'hospitalisation, le nombre de consultations après sortie, les effets indésirables.

Résultats : Le taux d'admission était identique pour les deux groupes : respectivement 39,7 % et 40,1 % pour D et P. Le score clinique a été amélioré de la même façon dans les deux groupes. Les autres critères n'ont pas été différents.

Conclusion : Chez des enfants souffrant d'une bronchiolite modérée à sévère la prescription aux urgences de dexamethasone à 1 mg / kg n'a changé ni le taux d'admission, ni le score clinique, ni l'évolution ultérieure par rapport à un placebo.

En serait-il autrement en médecine générale ?