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mercredi 5 mars 2025

L'odeur de l'argent dans la salle d'attente d'un hôpital/clinique privé. Histoire de santé publique sans consultation 26.


J'accompagne un de mes amis (médecin) en consultation dans un établissement qui se présente à la fois comme une clinique et comme un hôpital privé, les financiers ou les spécialistes du marketing de la santé n'ont pas su choisir entre le sens un peu vétuste mais terriblement académique du mot hôpital et le sens moderne mais mercantile du mot clinique...

L'établissement renommé est situé dans le 92. 

J'accompagne mon ami médecin parce que sa femme, médecin, n'a pu se libérer, et qu'il ne voulait pas se rendre seul à la consultation. Bien qu'il soit beaucoup plus affuté que moi dans de nombreux domaines de la médecine et que mes discussions avec lui atteignent rapidement le seuil de mon incompétence (et parfois, ne soyons pas modeste, le seuil de son incompétence, chacun ses passions en médecine), il a souhaité que je vienne avec lui car il perd pied quand un médecin le reçoit, l'interroge, l'examine, parle de lui et lui soumet ses conclusions. Il me dit : "Je me fais toujours embobiner". Je connais cette perte de compétence mais je suis toujours ébahi que mon ami, si virulent dans les réunions de concertation pluridisciplinaires, si mordant lors de ses communications dans les congrès, si pertinent dans les staffs, puisse perdre ses moyens quand il est le sujet de l'histoire. Je suis donc son témoin, celui qui pourrait intervenir s'il était perdu ou s'il ne savait pas qu'il l'était.

La salle d'attente est pleine de patients et de familles de patients attendant d'être reçus d'abord par les secrétaires, ensuite par les chirurgiens.

Personne n'est masqué (à part votre serviteur et son ami).

La salle est aveugle, blindée de monde et la circulation de l'air est tout à fait insuffisante.

Je n'ai pas mon mimiryudo® portable avec moi (je n'en ai d'ailleurs pas) et je ne peux vous fournir aucun chiffre sur le taux de CO2 régnant dans la pièce. Mais mon nez renifleur m'indique que l'on doit dépasser de très loin les chiffres admissibles par ceux qui les ont définis (soyons prudents).




Les patients font donc d'abord la queue pour atteindre le bureau des secrétaires puis on leur demande de s'asseoir pour attendre les médecins qui viendront les appeler. C'est une jolie pagaille.

Les deux amis n'ont pas l'habitude d'être assis dans une salle d'attente, ils n'en connaissent pas les rites, les habitudes, les coutumes, les règles. 

Ils sont estomaqués. Vous savez ce que font les gens avant de prendre leur place dans la queue ? Ils comptent leurs espèces. Pour payer le dépassement d'honoraires.

Mon ami ne paiera pas de dépassement car il est médecin. La clinique, pour l'intervention, se "vengera" sur l'hôtellerie.

Pour son intervention, et après enquête : 300 euros pour l'anesthésiste, 1500 euros pour le chirurgien. Mais il ne paiera rien.

La salle d'attente, contrairement à toute attente, n'est pas remplie de princes saoudiens, de qataris ou d'émiratis, mais il y a beaucoup d'étrangers qui viennent de loin pour être opérés à l'hôpital clinique dont la réputation (en termes monétaires) est en-dessous de l'Hôpital Américain, là où tous les riches à la mode (et les super riches) sont les sujets de la médecine et de la chirurgie de luxe (les médecins mondains ont été décrits cent fois dans la littérature et pas dans les meilleurs termes).


Salle d'attente (vide) à l'Hôpital Américain de Paris (classouille)


S'il n'y avait que les riches qui consultaient à la clinique H ou à l'hôpital A, ce serait une vengeance de la lutte des classes, mais il existe aussi des non-riches qui les fréquentent pour atteindre leur zone d'accessibilité sociale.

Sans oublier les étrangers (riches ou apparatchiks dans des pays autoritaires) qui sont victimes d'un marketing mensonger.

C'est déplaisant.

On se croirait dans un film de gangsters.

On devrait mettre des compte-billets dans la salle d'attente à destination des "usagers" de la médecine de luxe.


J'imagine l'entrée de l'hôpital comme une vaste salle où, comme dans un hôtel de Las Vegas, il faut traverser les dizaines de machines à sous, pour atteindre la réception. 


Mais ce ne sont pas des machines à sous à l'entrée de la clinique, ce sont des DAB (distributeurs automatiques de billets) et des compte-billets pour vérifier que le bandit-manchot n'a pas triché.

Voilà où nous en sommes.

Vu des US : 






samedi 28 mars 2015

Guy Vallancien à propos de l'argent comme Célimène vis à vis de ses soupirants.


Une tribune récente de Guy Vallancien (ICI), néolibéral affirmé et PSAolâtre distingué, qui fait suite à d'autres et qui précède celle-ci (LA) où il affirme avec véhémence que l'argent lui paraît être inodore, indolore, neutre et sans danger sur les cerveaux mandarinaux, trop forts les gars d'échapper à la dissonance cognitive, et a fortiori celui venant de big pharma ou de big matériel, fait penser (sur une suggestion de Dany Baud)  à Célimène dans Le Misanthrope de Molière quand Alceste lui reproche d'avoir trop de soupirants (Acte 2, scène I) et qu'elle lui répond qu'en avoir beaucoup est la preuve qu'elle n'en a pas un en particulier, ce qui devrait le rassurer.

Alceste.
...mais votre humeur, Madame,
Ouvre, au premier venu, trop d’accès dans votre âme ;
Vous avez trop d’amants, qu’on voit vous obséder 
Et mon cœur, de cela, ne peut s’accommoder.
Célimène : 
Des amants que je fais, me rendez-vous coupable ?
Puis-je empêcher les gens, de me trouver aimable ?
Et lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
Dois-je prendre un bâton, pour les mettre dehors ?
Plus loin.
Alceste :
C’est que tout l’univers est bien reçu de vous.
Célimène :
C’est ce qui doit rasseoir votre âme effarouchée,
Puisque ma complaisance est sur tous épanchée :
Et vous auriez plus lieu de vous en offenser,
Si vous me la voyiez, sur un seul, ramasser.

Tout est dit.
La théorie inavouée de Bruno Lina (voir ICI), virologue, grippologue, voire gripouillologue, est confirmée : "Trop de corruption tue la corruption." ou, dans sa version célimènesque : "Trop d'amants tue l'infidélité".

(Illustration : Ludivine Sagnier interprétant le rôle de Célimène - 2007)

dimanche 31 octobre 2010

UNE JEUNE FEMME QUI NE SUPPORTE PAS LA VENTE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 49


Mademoiselle A appelle le cabinet pendant la consultation du samedi. Il n'y a plus de place. La secrétaire me dit qu'elle est en larmes et que cela n'a pas l'air d'aller du tout. C'est une jeune femme fragile. Pas de tendances suicidaires, pas d'anxiété démesurée mais une grande fragilité émotionnelle. Je lui trouve une place "entre deux" et, coup de chance, un patient qui avait rendez-vous ne se présente pas. Nous serons moins à l'étroit.
Elle est en larmes dès qu'elle entre dans mon bureau.
"Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Je ne supporte plus mon boulot.
- Qu'est-ce que tu fais ? Je ne me rappelle plus.
- J'ai changé. Je travaille le week-end dans une agence immobilière.
- Ah oui, ta mère me l'avait dit..."
Mademoiselle A est en mastère 2 et, pour payer sa chambre qu'elle partage avec son copain, elle travaille en plus de ses études.
"Si tu m'expliquais...
- Je n'en peux plus. J'en ai assez.
- Tes patrons ne sont pas sympas ?
- Non, ils sont très gentils, au contraire, ils me traitent comme leur fille, mais je ne supporte pas l'ambiance...
- ...
- Ils ne pensent qu'à l'argent...
- ...
- Il faut constamment mentir aux clients... Je n'arrive pas à le faire...
- Mentir ?...
- On ment sur tout. Le prix, les défauts, les avantages...
- N'est-ce pas le principe du commerce ?
- Oui, mais, à ce point là...
- Tu n'es peut-être pas faite pour la vente...
- Non, ce n'est pas cela. Je ne suis pas faite pour raconter des histoires aux gens... et parfois des pauvres gens...
- Je vois..."
Nous nous mettons à parler de la seule solution évidente : elle doit trouver un autre job ailleurs. Elle en convient mais elle pleure toujours. Elle a besoin d'être rassurée, elle a besoin de certitudes, elle a besoin qu'on l'aime, elle a besoin de savoir que le monde (ce n'est pas moi qui interprète, c'est elle qui a formulé l'idée :) n'est pas aussi pourri que cela...
J'essaie de la rassurer et lui conseille, elle n'a pas eu besoin de moi, de se retourner vers les gens qu'elle aime, ses parents, ses soeurs, son frère. Elle l'a déjà fait. "Seule ma soeur me comprend..." Je ne dis rien mais je souris intérieurement car les relations entre les deux soeurs sont compliquées : une grande compétition entre elles et qui date de leur toute petite enfance ; elles ont un an d'écart.
"Cela va aller ?
- Je crois."
Je n'en crois rien. Cet emploi d'étudiante dans une agence immobilière n'est bien entendu qu'un prétexte à laisser éclater ses problèmes existentiels. Elle ne sait pas où elle est, comment elle doit se situer, quel rôle lui est attribué, et pourquoi les autres n'ont pas l'air de se poser de questions.
Elle n'a jamais eu de tendances suicidaires mais je me méfie de ces personnalités qui n'ont pas une très grande estime d'elles-mêmes. Elle est jolie, avenante, plutôt bonne élève et elle se sent moche, asociale et incapable de mener des études.
Elle repart comme elle était venue, les yeux rouges.
Sa mère me téléphone une heure après, un peu agressive : "Vous ne lui avez pas donné de médicaments ? - Non, pourquoi ? - Elle a besoin de quelque chose. Elle pleure encore. - Madame A, nous en avons discuté, je ne vais pas vous refaire la consultation au téléphone, nous sommes convenus qu'il n'était pas nécessaire de prendre des médicaments. Elle a pris rendez-vous pour samedi prochain. - Bon."