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dimanche 29 octobre 2023

Bilan médical du lundi 23 au dimanche 30 octobre 2023 : placebo et effet placebo, spasfon, les cancérologues payés par l'industrie, tramadol, lithium dans la maladie bipolaire, MG pas représentative des MG

 

Une jeune femme états-unienne pas antisémite pour un cent : elle veut mettre les Juifs à la poubelle.

286. Placebo et effet placebo

Après la parution du livre de Juliette Ferry-Danini sur le spasfon, un placebo prescrit par des médecins dans l'indication règles douloureuses pour des raisons que l'autrice estime genrées (je n'ai pas lu le livre), 


j'ai fait un test sur twitter en demandant de citer un placebo très utilisé par les médecins.



J'ai déjà écrit de nombreux billets sur l'utilisation d'un placebo en médecine : ICI, LA (chapitre 1) et LA (numéro 161).

Ce numéro 161 est particulièrement éclairant. A mon sens.

Ce n'est pas nouveau : 

"Platt (1947) a ainsi constaté avec amertume que la fréquence d'utilisation des placebos était en relation inverse avec l'intelligence combinée du médecin et du malade."
" L'effet placebo dû au médecin lui-même peut être plus puissant que celui des médicaments."
" Le succès de la médecine, et jusqu'à un certain point celui de la chirurgie, repose en grande partie sur l'effet placebo. Fait étonnant, les ouvrages médicaux n'en parlent pratiquement pas."
" De même que les pèlerins à Lourdes ne peuvent bénéficier de discussions avec un rationaliste, les malades ne sont pas invités à suivre des conférences sur les placebos avant d'en recevoir un..."
" Le médecin incapable d'exercer un effet placebo sur son malade devrait se tourner vers l'anatomopathologie ou l'anesthésie..."
" La meilleure façon d'améliorer l'efficacité de n'importe quel traitement consiste à ne pas tenir compte des études contrôlées. Le médecin y gagne, le malade aussi ; seule la science en souffre."

Vous pouvez suivre le fil TWT de toutes interventions (en sachant qu'il y a des réponses partout, des réponses à des réponses et des culs-de-sac) : ICI 

Je rappelle donc : 
  • Il ne faut pas confondre le placebo pur (un produit inerte) et le placebo impur : une molécule qui n'a jamais fait la preuve de son efficacité et qui a obtenu une authentique AMM (une molécule comme le phloroglucinol/spasfon) ou une molécule active qui n'a non seulement pas fait la preuve de son efficacité mais qui provoque des essais indésirables potentiellement graves (les vasoconstricteurs nasaux) ou une molécule active utilisée dans une indication où elle n'a aucune efficacité (un antibiotique prescrit dans une affection virale) 
  • et
  • l'effet placebo qui est l'effet produit chez le patient par la prescription d'un placebo pur (comme lors d'un essai clinique) ou impur (le spasfon qui a pignon sur rue malgré l'absence de preuves de son efficacité) dans le contexte d'une consultation médicale dans un cabinet médical public ou privé ou lors d'un conseil pharmaceutique dans une pharmacie, ce que l'on appelle aussi l'effet contextuel.
Ensuite : il y a le problème éthique de la prescription d'un placebo : 
  • le médecin sait qu'il prescrit un placebo et il ment
  • le médecin ne sait pas qu'il prescrit un placebo (l'expérience interne du médecin lui dit que spasfon marche et que s'il n'y a pas d'essais cliniques concluants c'est parce que le produit est ancien et qu'il n'était pas besoin de faire d'études, par exemple) parce qu'il ne connaît pas la littérature et il ne ment pas
  • est-ce qu'on est obligé de mentir au malade pour le soulager ?
  • est-ce que prescrire un placebo, c'est du soin ? 
  • que faire quand le placebo ne "marche" pas ? 
  • est-ce que ne pas prescrire un placebo c'est envoyer le patient vers des charlatans ? 
Des études récentes ont montré qu'il valait mieux dire au patient qu'on lui prescrivait un placebo, cela pourrait augmenter son efficacité... et cela éviterait de mentir. Cela s'appelle le placebo "honnête".

Cette analyse (ICI) permet d'obtenir en fin de résumé un grand nombre d'essai sur le placebo "honnête".

Mark Rothko (1903-1970)



287. Quand l'industrie paye des cancérologues, ça sert à quelque chose.


L'article est ICI.

L'industrie du cancer n'est pas que philanthropique.

Quand elle donne de l'argent aux oncologues elle en tire un retour sur investissement.

Les médecins à fort DPI (nombre de déclarations publiques d'intérêts protestent pourtant de leur indépendance).

Conclusion de l'article : 

Dans le cadre de certains scénarios les paiements des médecins par l'industrie sont associés à la prescription de molécules non recommandées ou de faible valeur. Ces résultats soulèvent des préoccupations concernant la qualité des soins liée à des relations financières entre l'industrie et les médecins.







288. Qu'est-ce qui ne va pas avec le tramadol ? Beaucoup de choses. C'est une drogue dure.





Je vous propose de lire ce fil de David Juurlink, extrêmement documenté : LA.

Je ne vous rappelle pas qu'en tapant "tramadol" dans le moteur de recherche du blog vous trouverez de nombreux billets sur la question.




289. Le lithium est le meilleur traitement de la maladie bipolaire.

Voir l'article ICI

Attention, c'est une étude épidémiologique rétrospective sur fichiers électroniques ! Niveau de preuves : moyen.

C'est en Finlande.



Question : pourquoi le lithium n'est-il pas plus utilisé ?

290. Quand la MG choisie par le gouvernement dans la mission interministérielle "santé des soignants" ne va pas.

Marine Crest Guilluy est :

  • secteur 2
  • et voici son Doctolib :



lundi 8 mai 2023

Bilan médical du mardi 2 au lundi 8 mai 2023 : territoires, placebo et effet placebo, empowerment, experts, BNP.

 

160. Comment les territoires sont organisés : on hésite entre Jérôme Bosh et Jackson Pollock. ⏫⏫⏫

Et ce schéma des Yvelines est ancien. D'autres structures se sont ajoutées, les DAC ou dispositifs d'appui à la coordination (suite) dans le nord et le sud du département... par exemple.


Nicolas de Stael

161. Placebo, effet placebo : cessons de mentir aux patients. 

Les habitués de ce blog savent quel est mon point de vue sur l'utilisation d'un placebo en médecine.

Je l'ai exposé ICI en novembre 2008 avec comme titre provocateur : "L'usage du placebo en médecine : un danger pour le prescripteur." 

Rappelons ceci : 

1) L'effet placebo est estimé entre 30 et 60 % selon les pathologies.

2) On parle aussi d'effet contextuel, le fait d'être reçu par un professionnel de santé dans une structure médicale, par exemple, d'où la notion d'effets placebo au pluriel

3) Il ne faut pas confondre le placebo et l'effet placebo

4) L'effet nocebo est une autre version de l'effet placebo mais il semblerait qu'il fût moins recherché... 

5) Les dangers de l'utilisation d'un placebo

Les tenants et les aboutissants de l'usage du placebo en médecine sont malheureusement oubliés par les médecins, surtout quand il s'agit d'essais cliniques contrôlés (1). Ainsi, je voudrais souligner plusieurs dangers liés à l'utilisation d'un placebo : cela pollue la relation médecin malade, cela accentue la relation asymétrique -paternalisme- existant entre les médecins qui savent et les patients qui souffrent, cela peut être médicalement dangereux -spécialement quand le but du médecin est de savoir si oui ou non le patient souffre d'une affection organique- et renforce l'arrogance du médecin, infantilisant les patients encore plus. Citons Howard M Shapiro : "Finalement nous avons à considérer ce qui peut être le plus grand danger pour le médecin, à savoir que donner un placebo pourrait lui donner une opinion encore meilleure de ses propres capacités à aider."(2)

(1) Spiegel D, Harrington A. What is the placebo worth? BMJ 2008;336:967-8. (3 May.)[Free Full Text] 
(2) Shapiro HM. Doctors, patients, and placebos. Yale: Yale University Press, 1986.


Un article paru dans le journal du CNRS (LA) interroge encore sur l'usage du placebo. 

Le problème éthique est au centre de l'utilisation de placebos en médecine, enfin, pour certains médecins, car d'autres ne s'embarrassent pas de ce genre de préoccupation et prétendent, et ce point de vue est défendable, que le but des soins est de soulager les patients et que peu importent les moyens (conséquentialisme, utilitarisme, et cetera).

L'article du CNRS aborde la question sous l'angle de l'utilisation d'un placebo honnête qui permettrait de contourner le mensonge ou la trahison (en anglais : deception) liés à l'utilisation d'un placebo classique. En réalité, il s'agit plutôt d'une façon plus honnête de prescrire un placebo ou une façon de prescrire un placebo sans tromperie.

Il rappelle une étude de Kaptchuk TJ et al (LA) parue en 2010 qui a été très souvent citée.

Son titre (je traduis) : Placebos sans tromperie : un essai randomisé contrôlé dans le syndrome de l'intestin irritable.

Il s'agissait donc de comparer un groupe de patients à qui on prescrivait un placebo en leur disant que c'était un placebo et en leur expliquant que cela pouvait avoir un effet positif (placebo honnête) à un groupe de patients non traités. 

Cet essai a montré une amélioration statistiquement significative des symptômes à J11 et J21 dans le groupe placebo honnête par rapport au groupe non traité mais ce simple énoncé indique que l'essai souffre de limitations méthodologiques majeures.

  • Le colon irritable est une entité pathologique mal définie
  • L'étude est randomisée, contrôlée mais n'est pas aveugle
  • Il y aurait dû y avoir 3 groupes : produit "actif" (dans le colon irritable ?), placebo honnête avec explications et placebo sans explications.

Une étude ultérieure randomisée mais ouverte (2017), LA, a comparé, en cas de douleurs localisées, les effets de 4 prises en charge : 

  • crème placebo honnête (le malade sait qu'il reçoit un placebo), 
  • crème placebo honnête avec informations (le malade sait qu'il reçoit un placebo mais on lui explique les mécanismes d'action physiopathologiques possibles d'un placebo), 
  • Crème placebo trompeuse (on ne dit pas au malade qu'il s'agit d'un placebo)
  • Pas de traitement du tout.
Les résultats montrent qu'il n'y avait pas de différences significatives entre les 3 premiers groupes mais que le fait d'informer diminuait l'efficacité (NS).

Enfin, les auteurs de l'article du CNRS présentent des résultats préliminaires d'un essai sur la douleur qui indiquent qu'il n'y a aucune différence entre la prescription d'un placebo annoncé comme produit efficace et d'un placebo annoncé comme un placebo.

Pourquoi donc mentir aux patients ? 

On me signale un podcast sur France-Culture, voir LA, dont l'épisode 5/6 parle de "Placebo, le tromperie qui soigne ?" :  c'est gratiné de chez gratiné ! Et très peu en rapport avec les études que je viens de vous citer.

Un autre essai passionnant : https://psycnet.apa.org/record/2003-07872-001 où l'on voit que cacher aux patients l'administration d'une prise en charge pharmacologique ou non pharmacologique est moins efficace que le leur dire...

Conclusion : 

  • Quand on utilise un placebo il vaut mieux le dire aux patients pour des raisons d'éthique et d'efficacité.


Lumières de la nuit par @dominiqueloubet


162. Tribune surréaliste dans l'Express : l'empowerment expliqué aux Nuls.

Les tribuniciens/ciennes ont encore frappé : voir LA

Une tribune qui ne parle pas de l'empowerment.

J'aurais pu signer mais, bien entendu, personne parmi les signataires n'auraient pu me le proposer. Cela aurait fait tache. Un incroyant qui prierait avec des zélotes...  Ou alors un croyant priant avec des pècheurs.

Comme on dit, on peut rire de tout mais pas avec tout le monde, j'aurais pu signer ce catalogue de bonnes intentions mais pas avec tout ce monde.

Car.

Parmi elles, #PasToutes, les tribuniciens/ciennes, il y a des champions du monde de l'anathème, de l'insulte, de la dénonciation,  qui n'hésitent pas à traiter le collectif qui ne pense pas comme eux de négationnistes (l'approche du point Godwin n'est pas furtive), de révisionnistes, de tueurs d'enfants (à la pleine lune), 

parmi eux, #PasTous, il y a les championnes du monde de la prédiction catastrophique, les fausses Cassandre, les Elisabeth Tessier de l'épidémiologie, les astrologues de la mort en masse des enfants dans les écoles, les prévisionnistes fous du PIMS généralisé, du covid long à tous les étages, 

parmi elles, #PasToutes, il y a les champions du monde du dépistage des cancers tous azimut sans information des participantes (surtout les femmes, hein) et des participants sur la non diminution de la mortalité globale, sur les sur diagnostics et les sur traitements, 

parmi eux, #PasTous, il y a les championnes du monde de la consultation à 50 € et du déconventionnement, sans doute dans un but d'un meilleur accès collectif aux soins, il y a les champions du monde de la non déclaration des liens d'intérêts avec l'industrie du médicament et des matériels, sans doute parce que le marché de la médecine académique est sous l'influence du marché et de sa main invisible...

parmi elles, #PasToutes, il y a les champions de la stricte méthodologie des essais cliniques, de la stricte interprétation de la robustesse des mêmes essais, confondant la veille documentaire et la lecture critique des articles, ne s'inquiétant pas une seule seconde de l'absence d'essais contrôlés randomisés en double-aveugle versus placebo (ECR+) sur les mesures non pharmacologiques de la prévention de la dissémination du virus,  pas plus, sinon sur des critères de substitution sur l'efficacité des boosters chez les enfants, les adolescents, voire les vieillards, préférant les études épidémiologiques rétrospectives cas-témoins (au mieux) aux ECR+ quand les données fragiles vont dans le sens de la dureté de leurs convictions, adoubant ou rejetant, la Cochrane, la HAS, le CDC, au fil des croyances et non au fil de la qualité des recommandations...

mais surtout, parmi elles, parmi eux, #Tous, pas un mot sur le collectif social, il est probable que la composante idéologique du collectif pose problème, non pas seulement parce que les signataires n'ont pas les mêmes idées politiques, mais parce qu'ils ont "oublié". Ils ont oublié que la pandémie a montré combien la fragilité sociale était la tache aveugle des politiques de santé, combien les programmes collectifs de santé publique n'atteignaient que les populations non concernées s'ils n'étaient pas centrés sur les plus pauvres, les moins éduqués, les plus mal logés, les plus mal nourris... que le port du masque dans les transports publics, par exemple, aurait dû s'accompagner de distributeurs de masques dans les transports comme il y eut jadis les préservatifs à un franc (merci Jean Lamarche)...

et enfin, terminons par la polémique, je n'avais pas encore commencé pour celles et ceux qui ne l'avaient pas remarqué, dans cette tribune collective, traversée par l'arrogance auto satisfaite, la certitude de la certitude, pas une once d'autocritique, pas un mot sur les conseils erronés donnés sur le lavage des mains, le port de charlottes dans les cabinets de médecine générale, le port des masques en tissu, chirurgicaux, FFP2, la désinfection des locaux, la distanciation (1mètre, 1,5 mètre, voire 2), le confinement, la fermeture des écoles, l'épuration de l'air, sur la base d'absence d'études robustes tout en prétendant qu'il s'agissait de la Science, des données de la Science alors que c'était faux...

et, voyez, je suis prudent, je n'ai pas encore parlé de la vaccination, de l'enthousiasme délirant de certaines et de certains, #PasToutes, #PasTous, 95 % d'efficacité sur tout et sur rien, tous les vaccins se valent, mais, ne vous inquiétez pas, tribuniciens/ciennes, je ne suis pas la police, je n'ai pas fait de copies d'écran, je n'ai pas constitué de dossiers, heureusement car je me suis moi-même trompé sur le vaccin Astra-zeneca, sur le vaccin Jansen, sur l'efficience des vaccins sur la transmission, et cetera.

Le collectif et l'empowerment...

J'espère par ailleurs que les quelques amis qui ont signé cette tribune ne le prendront pas mal : comme le disait Proust, quand on apprend que son meilleur ami est trompé par sa femme, faut-il le lui dire ou ne pas le lui dire, par gentillesse, par méchanceté ou par amitié ?

J'avais aussi réagi à chaud sur twitter : LA

Et @audevisine m'avait répondu : ICI.

Bon, en conclusion, et contre toute attente, travaillons ensemble, oublions les anathèmes, les rancoeurs, fondons un collectif sur des bases saines, sur des principes méthodologiques éthiques, sur les fondements de la recherche clinique, et non sur le bon sens ou les particularités de clocher, les principes amicaux ou les inimitiés tenaces.


Pas la peine de venir avec un avocat : je vais me lever pour te donner à manger.


163. Palmarès du Point sur les meilleurs experts médicaux français de spécialités.

  • Passons sur la méthode où sont pris en compte les publications (et on voit que certains des experts publient plusieurs fois par mois depuis des années) et les liens d'intérêts (plus les liens d'intérêts avec l'industrie sont forts, plus les experts sont glorieux).
  • Passons sur l'intérêt d'un tel classement sinon pour engorger des consultations déjà engorgées et pour permettre des dépassements d'honoraires encore plus extravagants.
  • Passons sur l'intérêt de la décence commune, la proximité ou le fait que la position centrale de l'AP-HP dans ce classement est assez curieuse, toute la France devrait prendre rendez-vous à Paris, et qui connaît l'AP-HP... sait que...
  • Passons surtout sur le fait qu'une seule spécialité a été oubliée, la médecine générale, c'est à dire les soins primaires...

Où sont les experts en médecine générale ?






164. Illustration de la controverse cardiologues vs pneumologues sur le BNP




Définition du BNP pour les nuls : Bonne Nouvelle pour le Pneumologue.


mardi 13 décembre 2022

Calendrier de l'avent médical - Jour 13 (placebo)

Quelle est la molécule placebo que vous avez le plus prescrit dans votre carrière ? 

(ma réponse :

Sans aucun doute le tanganil (acetylleucine).
Mais Spasfon (phloroglucinol) n'est pas loin.

(J'ai honte)

Deuxième question : En prescrivant un placebo dites-vous au patient qu'il s'agit d'un placebo et bla bla bla ?

Jamais
Parfois
Assez souvent
Très souvent
Toujours


(ma réponse : j'ai évolué de jamais pendant très très longtemps à une fois sur deux).


Troisième question : pourriez-vous évoluer vers : Je ne prescrirai plus jamais de placebo ?


(ma réponse : je n'ai jamais pu y arriver complètement)


mardi 13 novembre 2018

Placebo, effet placebo, granules, homéopathie, éthique, Assurance maladie.


Pour résumer de façon succincte et non exhaustive.
  1. La médecine "moderne", "scientifique" (et "occidentale") est fondée en théorie sur l'exigence de preuves qu'une procédure (une molécule seule ou associée, une intervention chirurgicale, une prise en charge kinésithérapique, un dispositif implantable, une mesure de dépistage, une mesure de prévention, un ou des soins, et cetera) est efficace et qu'elle présente un rapport bénéfice/risque acceptable. Ces preuves peuvent être apportées au mieux par au moins un essai contrôlé positif (mais il vaut mieux qu'il y en ait deux), c'est à dire randomisé, en double-aveugle, procédure active versus placebo (essais de supériorité) ou procédure active versus procédure ayant déjà fait la preuve de son efficacité (essais de non infériorité). 
  2. La médecine moderne évaluative date de 1948 quand a été publiée la première étude randomisée en double-aveugle streptomycine versus placebo dans l'indication tuberculose pulmonaire, Streptomycin treatment of pulmonary tuberculosis, dont les promoteurs étaient une structure publique.
  3. Il s'agissait de prendre en compte (et d'éliminer) l'effet placebo, c'est à dire d'identifier le "vrai" pouvoir thérapeutique d'une molécule active, toutes choses égales par ailleurs (1) (2) (3). Quelques précisions supplémentaires : (4)
  4. En 2018 aucun essai "granules homéopathiques versus placebo" n'a fait la preuve de l'efficacité des dites granules.
  5. La messe est dite
  6. Je vous épargnerai la fameuse, trop fameuse phrase : l'absence de preuve n'est pas une preuve d'absence.
  7. Du point de vue de la médecine moderne les granules homéopathiques, quelles que soient les indications thérapeutiques dans lesquelles ils sont proposés, peuvent donc être considérés comme des placebos purs
  8. Il paraît donc normal et licite que les granules homéopathiques ne soient plus remboursés par l'Assurance maladie.
  9. Ce qui est gênant est ceci : nombre de molécules, de procédures et/ou de soins, sont remboursés par l'Assurance maladie sans qu'ils aient été soumis à des essais contrôlés ou, plus grave, il arrive que des essais aient été menés et aient montré qu'ils n'étaient pas efficaces et il n'y a pas eu de déremboursement (5). Des chercheurs états-uniens et britanniques ont montré que seules 35 à 54 % des procédures thérapeutiques sont validées selon les critères de la médecine moderne (voir LA)
  10. On peut donc affirmer que l'utilisation de placebos en médecine est courante, qu'elle soit volontaire ou involontaire.
  11. L'utilisation des placebos impurs est rarement abordé. Les placebos impurs sont par exemple des antibiotiques prescrits pour des angines virales ou dans des bronchites sans facteurs de risque. Ce sont aussi des vitamines prescrites hors carence ou des fluidifiants bronchiques. Les placebos impurs sont aussi des molécules actives prescrites hors AMM dans des indications où des évaluations scientifiques n'ont pas été faites mais où des bruits de couloir parlent d'une efficacité (cf. infra point 18).
  12. La question n'est donc pas, comme il est lu ici ou là, de renoncer ou non à l'effet placebo en médecine car il est inhérent à la pratique médicale mais aussi à la pratique non médicale qu'elle soit sacrée ou non.  A partir du moment où une personne souffrante, malade décide de consulter un médecin, un non médecin ou un chaman, elle se livre, par conventions sociales, sociologiques,  religieuses, anthropologiques ou autres à l'effet placebo. C'est l'aspect contextuel de la recherche du soulagement ou de la guérison (ce que l'on appelle de façon contemporaine Les représentations collectives de la santé). Même s'il n'y a pas de prescription médicamenteuse.
  13. Renoncer à l'effet placebo serait aussi renoncer à l'efficacité globale des procédures actives (cf. supra le schéma en haut du billet) mais c'est bien entendu impossible puisque l'efficacité de tout geste de soins comprend l'effet placebo (même et surtout un simple contact physique empathique avec le patient).
  14. Donc, les homéopathes qui argumentent sur l'effet placebo que les médecins non homéopathes combattraient se trompent de cible. Tout comme les médecins non homéopathes qui leur répondent.
  15. Un des arguments "marronniers" des homéopathes, non démontré à ma connaissance, serait qu'il écoutent plus et mieux leurs patients que les autres. C'est introduire une nouvelle notion, celle du médecin médicament qui est une notion répandue chez tous les pourvoyeurs de soins (voir plus haut l'effet contextuel). Un analyste d'obédience freudienne, Michael Balint, souvent cité, peu lu, a mis à jour deux faits de ses observations tirées de la pratique de groupes avec des médecins généralistes, sur les interactions entre patients et médecins : a) le médecin considère souvent qu'il est le meilleur médicament pour son patient ; b) le médecin peut exercer un effet nocebo considérable sur ses patients. D'où l'intérêt des groupes Balint pour en discuter.
  16. Une incise : un placebo peut entraîner un effet nocebo. Les essais randomisés en apportent la preuve. Dans un essai placebo versus anti hypertenseur il existe des effets indésirables de la série cardiovasculaire dans le groupe placebo. Dans un essai placebo versus anti ulcéreux il existe des effets de la série gastroentérologique dans le groupe placebo. Ainsi, par un effet évident, les effets indésirables supposés de la molécule active sont attribués au placebo.
  17. Une autre incise : il est parfois très difficile de démontrer l'efficacité d'une molécule dans des domaines où il est reconnu que l'effet placebo en général, lié à la prescription on non d'une molécule active, est très élevé. L'effet placebo est en moyenne de 30 à 35 % mais il peut atteindre 75 à 80 % dans les pathologies anxieuses et/ou dépressives !
  18. La vraie question est celle-ci : Est-il éthique de prescrire un placebo à un patient en sachant qu'il s'agit d'un placebo ? (6)
  19. Répétons les propos de Howard M Shapiro qui me semblent fondamentaux : "... Je voudrais souligner plusieurs dangers liés à l'utilisation d'un placebo : cela pollue la relation médecin malade, cela accentue la relation asymétrique -paternalisme- existant entre les médecins qui savent et les patients qui souffrent, cela peut être médicalement dangereux -spécialement quand le but du médecin est de savoir si oui ou non le patient souffre d'une affection organique- et renforce l'arrogance du médecin, infantilisant les patients encore plus... Finalement nous avons à considérer ce qui peut être le plus grand danger pour le médecin, à savoir que donner un placebo pourrait lui donner une opinion encore meilleure de ses propres capacités à aider."
  20. En résumé : quand les homéopathes nous parlent de l'effet placebo, au lieu de leur répondre, "Ben, on est pareils", ce qui est vrai, il serait plutôt nécessaire de les (nous) interroger sur l'aspect éthique de la prescription d'un placebo.
  21. Ainsi, l'autre question cruciale est : les homéopathes sont-ils sincères en pensant ne pas prescrire un placebo ? (Il est probable qu'il est difficile de parler des homéopathes en général, certains étant exclusifs, d'autres prescrivant des procédures non homéopathiques en plus de leurs prescriptions de granules, d'autres ne le faisant qu'exceptionnellement, en appoint.)
  22. Faudrait-il qu'ils disent à leurs patients (comme cela a été suggéré par certains chercheurs à propos de placebos non homéopathiques - avouons que cette distinction ne manque pas de sel !) : Je vous prescris des granules homéopathiques qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité dans des essais contrôlés mais qui peuvent vous soulager.
  23. Et surtout : il existe un problème d'indications. Quand un homéopathe prescrit des granules pour soulager l'anxiété, ce n'est pas pareil que lorsqu'il prescrit d'autres (?) granules pour traiter un cancer.
  24. Ce qui sous-tend ceci : Est-il éthique de prendre en charge un patient dans une pathologie pour laquelle nous ne sommes pas capables de lui proposer des solutions répondant à l'Etat de l'Art actuel ?
  25. Pour terminer ce bref aperçu abordons la question suivante : Faut-il que les consultations faites par des homéopathes soient remboursées par l'Assurance maladie ? La réponse est compliquée :  les homéopathes purs sont des médecins qui prescrivent des placebos à des patients qui croient en l'homéopathie. Est-il contraire à l'éthique de prescrire des placebos granuleux dans des indications comme l'anxiété, le rhume ou l'insomnie ? Voir le point 18. Mais si les indications sont cancer, corps étranger intra trachéal ou vaccination contre la grippe, cela relève du Conseil de l'ordre des médecins.
  26. Enfin : l'homéopathie est une croyance à l'aune de ce que nous savons actuellement de la médecine moderne. Cette croyance est facile à combattre avec des arguments scientifiques, éthiques et pratiques. Il est en revanche plus difficile de lutter contre les croyances de la médecine académique. Mais c'est un autre sujet (cf. point 9).
  27. Quant aux laboratoires qui fabriquent des granules homéopathiques, c'est une histoire qui mériterait une enquête approfondie sur l'industrie pharmaceutique en général et sur la corruption des esprits en particulier.

Notes

(1) Iain Chailmers, un des fondateurs de la Collaboration Cochrane, en explique ICI les raisons. Pour les plus curieux l'étude de 1948 n'arrive pas comme un cheveu sur la soupe, elle a une histoire racontée brièvement par Bothwell et Podolsky dans le NEJM : LA.
(2) Rétrospectivement on peut dire que les promoteurs prenaient peu de risques... Pourtant, des cliniciens se sont cru obligés de le faire et ils ont eu raison.)
(3) Cette étude aurait pu être le modèle qui allait être suivi par tous et partout pour l'expérimentation et la commercialisation de nouvelles procédures. Mais ce n'est qu'en 1970 que la FDA a exigé ce type d'études et seulement pour les molécules, pas pour les procédures en général !
(4) Dans les essais cliniques randomisés en double-aveugle (et malgré toutes les critiques méthodologiques que l'on peut faire en général et selon les essais) les patients sont avertis qu'ils sont tirés au sort, et l'aspect des molécules (principe actif et placebo) est identique, ce qui évite en théorie l'effet médecin bien qu'il faille également prendre en compte l'effet centre (la structure dans laquelle le patient est reçu), l'effet boîte, l'effet couleur, bla bla bla, ce qui élimine également les effets classiques en médecine "ouverte" à savoir la régression à la moyenne, l'effet Will Rogers et le paradoxe de Simpson mais surtout l'effet Hawthorne (LA) : Les modifications des comportements naturels de sujets d'études en raison de leur participation à cette dernière peut entraîner une surévaluation des effets du traitement, en particulier dans le groupe contrôle
(5) De nombreux exemples contraires peuvent être trouvés mais il s'agit le plus de retraits du marché liés à des effets indésirables graves
(6) (http://www.bmj.com/cgi/content/full/337/oct23_2/a1938)
A peu près la moitié des internistes et des rhumatologues qui ont répondu à l’enquête (679 sur 1200 contactés, 57 %) rapportent qu’ils prescrivent des placebos de façon régulière (46 à 58 % selon les questions posées). La plupart des praticiens (399, 62 %) pensent que cette pratique est éthiquement admissible. Peu rapportent l’usage de comprimés salés (18,3 %) ou sucrés (12,2 %) comme traitement placebo alors qu’une large proportion rapporte l’usage d’analgésiques en vente libre en pharmacie (over the counter) (267, 41 %) et de vitamines (243, 38 %) comme traitement placebo durant l’année pasée. Une petite mais notable proportion de médecins rapporte l’usage d’antibiotiques (86, 13 %) et de sédatifs (86, 13 %) comme traitement placebo pendant la même période. Bien plus, les praticiens qui utilisent les traitements placebo les décrivent à leurs patients comme potentiellement bénéfiques ou comme non classiquement utilisés pour leur maladie (241, 68 %) ; très rarement ils les décrivent explicitement comme des placebos (18,5 %).

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vendredi 1 mai 2015

Faut-il interdire la domperidone ?












Le billet de Dominique Dupagne, que je vous invite à lire ICI, pose plusieurs questions médicales, industrielles et idéologiques qui vont bien au delà du problème de la molécule elle-même.

Il faut d'abord dire que ce billet présenté sous la forme d'un questionnement fictif est avant tout un plagiat.

Plagiat d'un article de Marc Girard que vous pouvez lire LA.
Si j'avais le temps et l'intérêt de surligner les "doublons"vous seriez surpris du résultat.

La domperidone est une molécule peu active dont le Service Médical Rendu est soit modéré (soulagement des symptômes de type nausées et vomissements), soit insuffisant dans toutes ses autres indications.

Voici donc quelques réflexions qui mériteraient chacune de longs développements.
  1. Qu'est-ce qu'une publication ou une "recommandation" de la Revue Prescrire ? Est-ce qu'une revue de littérature de la Revue Prescrire a la même valeur prescriptive qu'une méta-analyse de la Collaboration Cochrane ? Marc Girard a répondu sur le point de la valeur scientifique d'une publication en interne dont les tenants et les aboutissants, c'est à dire les validités intrinsèque et extrinsèque sont pour le moins floues et franchement liées à une expertise a priori, avis d'expert, qui serait ici la Revue Prescrire elle-même. J'ajouterai ceci (et je précise, je déclare mes liens d'intérêt,  que je suis abonné à la Revue Prescrire, que j'en suis parfois relecteur) :  la Revue Prescrire m'a apporté, elle continue de m'apporter, de moins en moins car cela ronronne sec, un éclairage pertinent sur ma façon de prescrire en médecine générale... (Je ne développe pas non plus les critiques qui peuvent être faites sur la Collaboration Cochrane mais il faut se rappeler que l'esprit critique est indispensable même et surtout quand il s'agit d'institutions). Dans le cas présent la Revue Prescrire publie un communiqué de presse (ICI) à partir d'un article édité dans un journal de pharmacoépidémiologie (LA) signé par Catherine Hill et 5 autres personnes (relevons, dans le cadre de la transparence, que le communiqué de presse ne mentionne pas que l'un des signataires, PN, est un abonné de la revue et qu'un autre, BT, en est le directeur éditorial) et, en lisant entre les lignes, demande d'abord le déremboursement, puis, sans doute, l'interdiction de la molécule. La méthodologie de l'étude même pose problème. J'ai déjà signalé (LA), mais les interprétateurs étaient différents, à propos d'un rapport de l'ANSM sur les glitazones, que les bases de données utilisées (celles de la CNAM) étaient pour le moins peu pertinentes et que la robustesse des donnée était pour le moins farfelue. Voir le rapport ICI.
  2. Faut-il interdire des molécules commercialisées depuis plusieurs dizaines d'années ? La question peut paraître sotte si on ne la considère que sous l'aspect des effets indésirables et, plus généralement, du rapport bénéfices/risques. Si les effets indésirables sont graves et/ou le rapport bénéfices/risques défavorable (les effets de la domperidone sont pour le moins modestes), où est le problème de les retirer du marché ? Il y a 4 interrogations en réalité : (a)  : Comment se fait-ce que l'on ne s'en soit pas rendu compte avant ? Est-ce lié à la sous déclaration des effets indésirables ? Est-ce lié à un mésusage ? Est-ce lié à des doses aberrantes ? Est-ce lié au fait que cela n'est pas vrai, tout simplement ? ; (b) : Ne s'agit-il pas d'une manoeuvre de big pharma pour laisser passer au bon moment des informations qu'elle avait tues jusqu'à présent ou fournir de fausses informations alarmantes dans le but, dans les deux cas, de promouvoir d'autres produits, plus récents, moins étudiés, et dix fois plus chers ? ; (c) : N'y a-t-il pas un danger de transferts de prescriptions vers des molécules encore moins sûres ? ; (d) Est-ce que le fait que certains malades, même quelques uns, puissent vraiment en bénéficier suffit à ce que le retrait ne soit pas prononcé (tout en sachant que la preuve de ce besoin exclusif pour certains patients soit affirmée) ?
  3. Si ce que prétendent Hill et coll est vrai, le scandale du Mediator, c'est de la gnognote par rapport à celui de la domperidone. 231 morts en une seule année (2012) ! Qui dit mieux ? Il faudrait prendre des mesures urgentes alors que le plus souvent la domperidone est prescrite dans des indications mineures et de confort. Nous ne parlons pas des nausées/vomissements induits par la chimiothérapie (ça marche peu) ou des vomissements prolongés de la grossesse (ça marche pas beaucoup mieux) mais des vomissements dans les gastroentérites où la situation clinique est la plus souvant hyper gênante mais ne met pas le pronostic en jeu (sauf chez les nourrissons où les solutés de réhydratation...), sauf chez les personnes âgées où là, justement, les risques d'accidents électriques cardiaques sont les plus importants en raison de la déshydratation, des pathologies et des médicaments associés.
  4. Rappelons également pour mémoire l'affaire prepulsid/cisapride retiré du marché américain le 14 juillet 2000 par la firme Janssen et du marché français le 3 mars 2011. La molécule était en particulier "indiquée" chez l'enfant de moins de 3 ans et utilisé larga manu par les pédiatres dans le cas de reflux gastro-oesophagien alors qu'une publication Cochrane indiquait que son efficacité n'avait pas été démontrée (LA). Cette affaire était exemplaire de la mécanique big pharmienne de promotion dans le cadre du phénomène général de disease-mongering : dossier d'évaluation sans preuves ; promotion intense en amont de l'AMM ; mise en avant de la "gravité" de l'affection chez les "petits" ; AMM obtenue avec des restrictions ; promotion intense en aval chez les pédiatres et les médecins généralistes pour élargir la cible promotionnelle (c'est à dire prescrire chez des sujets non identifiés refluant) ; persuader les médecins que "ça" marche dans leur expérience interne et rendre le médicament "indispensable". La crainte de procès a fait le reste.
  5. Faut-il publier des listes positives ou des listes négatives de médicaments ? La Revue Prescrire a choisi la deuxième solution (voir LA). Indépendamment de la question de fond (l'interdiction, au bout du compte), est-ce que cela marche ? Il serait intéressant de regarder la courbe des ventes des 71 molécules jugées inutiles ou dangereuses par la revue. J'en suis incapable personnellement car il faut disposer de données payantes. Qui pourrait nous donner des informations ?
  6. Faut-il faire confiance à l'information éclairée des possibles prescripteurs et des patients ? Ce point est crucial. Marc Girard et Dominique Dupagne sont d'accord sur ce point : ils pensent, sauf information à laquelle j'ai échappé, que les retraits de médicaments sont contre-productifs. Ce qui signifie, selon moi, qu'ils pensent que le marché va se réguler tout seul. Personnellement, je ne fais confiance à personne et encore moins à des médecins qui seraient de purs scientifiques au service de leurs patients. J'ai soutenu, avant même que l'affaire n'éclate,  le retrait de Diane 35 et de ses génériques. Avais-je tort ? Je n'en sais rien mais la prescription des pilules 3G et 4G se sont effondrées (selon les dires des agences gouvernementales). Je ne crois donc pas beaucoup au tact prescripteur des prescripteurs à moins qu'ils ne soient menacés personnellement de poursuites pénales ou de pertes financières. (Je ne souhaite pas entrer encore une fois dans la querelle libéralisme, néo-libéralisme, voire libertarianisme, les libéraux en général prétendant que ce sont les individus pensant et informés qui doivent décider par eux-mêmes, une régulation "naturelle" se produisant "naturellement")
  7. Faut-il prescrire des placebos ? Cette question peut paraître incongrue dans le contexte de l'interdiction éventuelle d'un médicament pour effets indésirables graves mais elle a été soulevée dans les commentaires du billet de Dominique Dupagne. J'ai trois petits commentaires à faire sur le commentaire de JM Bellatar ***. Précisons ceci sur l'utilisation d'un placebo en médecine : j'ai largement exprimé mon opinion contre l'utilisation de placebo en médecine (sans omettre qu'il m'arrivait de le faire dans des moments de grande fatigue, de désespoir ou de renoncement) : voir ICI ce que j'en pense. Les commentaires : (a) : l'effet médecin fait certes partie de l'effet placebo mais l'effet placebo, c'est surtout le médicament (du moins dans notre culture et notamment dans les essais contrôlés où l'on tente de négativer cet effet pour dégager l'effet thérapeutique du médicament actif) ; (b) : le remède-médecin décrit par Balint est surtout critiqué par lui pour ses effets nocebo : les mots ont un fort pouvoir létal, prétend-il ; (c) : le fait de ne pas prescrire un médicament actif (en l'occurence un "placebo" avec des effets indésirables) dans des pathologies où le malade "guérit" tout seul ressort de la déprescription que nous tentons de nous promouvoir.  
  8. Je lis aussi que quelques malades en ont vraiment besoin. Est-ce vrai ? 
  9. Enfin, il me semble, je peux me tromper, que le billet dont nous parlons peut être ressenti comme une attaque violente contre la Revue Prescrire et, indirectement contre Catherine Hill.

Conclusion : faut-il ou non interdire la domperidone ? Sans doute oui si l'essai de Hill et coll. est fondé. Sinon : de grosses restrictions d'utilisations sont à prévoir.
Conclusion 2 (après le commentaire d'un anonyme) : faut-il ou non interdire la domperidone ? Immédiatement (mais sur le plan réglementaire cela va être compliqué) si l'essai de Hill et coll. est fondé mais vous avez compris qu'il me semble que cela n'est pas le cas. Sinon : campagne grand public et sérieuses restrictions d'utilisation à prévoir notamment chez les personnes à risques et en limitant sérieusement les doses.


*** j’utilise de plus en plus l’effet placebo (encouragé par la revue Prescrire ), que l’on peut appeler aussi remède-médecin selon Balint, ou pour le dire autrement un temps d’écoute prolongé de la parole du patient, avec une amélioration des symptômes très fréquente sans aucune prescription médicamenteuse(je n’ai jamais réellement cru à l’effet de la dompéridone).



dimanche 12 janvier 2014

Les dangers de l'utilisation d'un placebo (bis, ter, quater repetita). Histoire de consultation 159.


Monsieur A, 46 ans, a été opéré de son rachis lombaire au décours d'une défenestration accidentelle et avinée il y a déjà trois ans. Il marche désormais avec une béquille, est en invalidité, suit des séances de kinésithérapie et combat son addiction avec succès et sans baclofène.
Il lui arrive d'avoir des "blocages"douloureux de son rachis lombaire accompagnés de spasticité des deux membres inférieurs qui "passent" volontiers avec une corticothérapie ponctuelle et des antalgiques codéinés dont je me méfie en raison d'un autre passé addictif.
Cet homme est intéressant au sens où les discussions que nous avons ensemble au cabinet indiquent une intelligence supérieure à la normale, nonobstant le fait qu'il n'a pas fait d'études supérieures et, peut-être, grâce au fait qu'il n'a pas fait d'études supérieures. Avant son accident il était grutier.
L'autre jeudi, mon jour de congé, il a appelé le cabinet car il souffrait atrocement de douleurs lombaires depuis la veille et mon associée a proposé de le voir mais il a refusé.
Le samedi il m'a appelé pour me dire qu'il allait mieux.
Il m'a raconté qu'il avait contacté "son" chirurgien qui lui a dit de passer à la clinique où il avait été opéré (à environ 40 kilomètres de son domicile). Son frère l'y a emmené (sans bon de transport).
Lui : J'ai été soulagé immédiatement.
Moi : Qu'est-ce qu'ils vous ont fait ?
Lui : Ils m'ont perfusé un nouveau produit, m'a dit le docteur B. Cela a marché au bout de deux heures...
Moi : Un nouveau produit ?
Lui : Oui. Il faudra que vous lui demandiez ce que c'est pour la prochaine fois que cela m'arrivera. Car cela fait un sacré déplacement. 
Moi (prudent) : Il peut s'agir de produits hospitaliers...
Quelques jours après, Monsieur A a pris rendez-vous au cabinet et nous reparlons de son cas.
Il marche comme avant sa crise, c'est à dire lentement, avec précaution, une seule canne, mais il est venu à pied et il a marché environ 1500 mètres sans pratiquement s'arrêter.
Lui : Vous avez téléphoné au docteur B ?
Moi : Oui.
Lui : Il vous a donné le nom du produit ?
Moi : Oui.
Lui : Alors ?
Moi : Alors, ben, c'est un produit que l'on ne peut utiliser en ville. C'est embêtant.
Lui : Le docteur B ne peut pas vous le fournir ?
Moi : C'est compliqué.
Vous avez deviné de quoi je veux parler. J'ai appelé le docteur B qui m'a répondu goguenard qu'il avait perfusé du sérum américain... 
Moi : Vous me placez dans une situation difficile.
Lui : Oui, mais je l'ai soulagé.

J'ai déjà évoqué plusieurs fois le problème de l'utilisation des placebos en médecine. Notamment ICI où j'en soulignais les dangers pour le patient et pour le médecin.
J'ai eu l'occasion de défendre mon point de vue sur différents forums ou blogs et il m'a semblé que l'opinion générale des intervenants (je ne parle pas des autres) ne m'était pas favorable.
Voici un exemple de billet de blog sur farfadoc (LA) et les commentaires.

Pour provoquer, je dirais ceci (tout en ayant précisé qu'il m'arrive encore sciemment de prescrire des placebos à mes patients, depuis du tanganil dans des vertiges qui seraient "passés" tout seuls jusqu'à des antibiotiques dans une bronchite virale particulièrement cognée, personne n'est parfait et personne ne peut résister, tout le temps, à la pression du patient qui veut un traitement, mais disons que je me soigne lentement, je ne suis pas si autoritaire que cela à mon égard, je tente de me calmer) : l'utilisation consciente d'un placebo est, très simplement, une manifestation subtile (mais parfois brutale) du paternalisme médical. Dernier point : il ne faut pas confondre l'effet placebo et l'utilisation d'un placebo.

(illustration : chaman amazonien)

jeudi 22 septembre 2011

Alzheimer : des experts montent au créneau pour défendre des médicaments peu efficaces !


La maladie d'Alzheimer progresse.
La maladie d'Alzheimer se répand.
La maladie d'Alzheimer est en phase pandémique (l'OMS ne l'a pas encore annoncé).

Les critères diagnostiques sont flous.
Les solutions pharmaceutiques sont quasiment inexistantes.
La prise en charge familiale et institutionnelle est difficile et coûteuse.

Il semblerait que les médicaments dits anti-Alzheimer soient sous le coup d'une réévaluation par la Commission de Transparence de la Haute Autorité de Santé qui les rendraient non remboursables à 100 %

Les visiteurs médicaux académiques se déchaînent :
  1. Le professeur Ollier de Sainte-Anne est interrogé sur Europe 1 et, sans aucune Déclaration Personnelle d'Intérêt (DPI), DPI qui montrerait, si elle était sincère, des liens avec des molécules qu'il prescrit tous les jours, enfile les perles des contre-vérités, voir ICI, notamment sur l"efficacité des molécules.
  2. Le docteur Christophe Trivalle, Praticien Hospitalier, commet un article dans le journal Le Monde qui est un modèle de désinformation et d'incompréhension de la Santé Publique (LA). C'est d'une telle sottise qu'on est partagé entre l'admiration et la résignation. Le bon docteur prétend, en bon soldat du disease mongering ou fabrication des maladies ou stratégie de Knock (voir ICI pour le disease mongering), et en dévoilant le dessin invisible de la manoeuvre, que la quasi disparition des médicaments anti- Alzheimer, rendrait la maladie moins structurée, empêcherait que le diagnostic fût fait, découragerait les médecins à adresser les patients dans les centres de mémoire et ruinerait les trois plans Alzheimer antérieurs. La médecine hospitalière a donc rendu les armes : elle ne prend pas en charge quand elle n'a pas de médicaments à prescrire (fût-ce des placebos...) comme on le reprochait et qu'on le reproche encore à la médecine générale praticienne... La dernière phrase de son article est exceptionnelle, il a dû la polir et la hurler dans son gueuloir hospitalier, à moins qu'il ne l'ait soumis à ses amis de Big Pharma... "Si on supprime ces médicaments, la France sera le premier pays qui verra ainsidisparaître la maladie d'Alzheimer, car plus personne ne fera de bilan diagnostique pour une pathologie sans aucun traitement. Et on en reviendra à la démence sénile et au bon vieux gâtisme d'antan." Car Dominique Dupagne nous apprend aussi sur son site (LA) que le bon docteur et ses envolées lyriques sont fortement connotés : il a présidé un symposium au Pavillon Dauphine (haut lieu de la scientificité parisienne) sponsorisé largement par Big Pharma... Mais il n'en parle pas dans son article du monde. Une sorte d'anosognosie intraitable.
  3. Le professeur Bruno Dubois fait feu de tout... bois dans les media. Il faut dire qu'il défend sa paroisse, étant Président de l'Institut Alzheimer de l'Hôpital de la Pitié Salpétrière, et il fait de l'annonce dans deux voies : une molécule, dont je ne vous dirai pas le nom, a montré, en double-aveugle contre placebo (nous attendons la publication), qu'elle diminuait la diminution de la taille de l'hippocampe qui serait une donnée anatomique chez les patients Alzheimer ; un vaccin aurait été mis au point et il agit, selon les dires Dubois, de façon spectaculaire chez les souris (il ne nous dit pas s'il s'agit de mâles ou de femelles). Voir ICI. Tout baignerait donc bien dans le monde merveilleux de l'Alzheimer s'il n'y avait pas, comme le dit si bien le docteur Trivalle, la revue Prescrire, les syndicats de médecin généraliste et des médecins médiatiques (ICI ENCORE)...
Et je pense que nous n'avons rien vu...

Je voudrais également, en passant, dire un mot de l'échelle qui permet de "faire le diagnostic", la MMS (Mini Mental State) (ICI), échelle qui n'est pas spécifique de l'Alzheimer, il faut le préciser.
Elle n'est pas spécifique mais elle est utilisée larga manu pour prescrire les molécules sus citées.
Non spécifique mais spécifique de la prescription systématique des médicaments anti-Alzheimer : on en était à un, cela ne marche pas, alors on est passés à l'association...
J'avais proposé ICI un questionnaire facilement administrable pour faire le diagnostic de la maladie (International Docteurdu16 Alzheimer Score), un complot l'a enterré...

Cela m'a fait drôlement penser aux MMS, les bonbons chocolatés (voir plus haut).

Une étude française (et toulousaine) parue dans le British Medical Journal est tout à fait confondante mais on n'en a pas beaucoup entendu parler : ICI. Elle raconte ceci : A comprehensive specific care plan in memory clinics had no additional positive effect on functional decline in patients with mild to moderateAlzheimer’s disease.. Ce qui, en français signifie ceci : un programme d'intervention dans les cliniques de la mémoire associant patients et aidants ne fait pas mieux (ou fait aussi mal si on veut) qu'un suivi en milieu ouvert par le généraliste sur le déclin fonctionnel des patients présentant une maladie d'Alzheimer légère à modérée.

Qu'en conclure ?
Que la prise en charge des patients Alzheimer est faite par des spécialistes qui n'ont que l'effet placebo comme argument thérapeutique.
C'est navrant.
(Ne me faites pourtant pas dire que les médecins généralistes font mieux, disons qu'ils font ce qu'ils peuvent dans le cadre du domicile ou de la famille, et que ce peu est un investissement considérable en temps et en pénibilité.)


(Photographie : MMS)


lundi 22 novembre 2010

DES ACOUPHENES ET LE BON ORL - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 55

Vincent Van Gogh - Autoportrait à l'oreille coupée. 1889

Monsieur A, 40 ans, rappelle le cabinet : il veut l'adresse d'un autre ORL car celui chez qui je l'ai adressé n'est pas bien. Ou plutôt : cela s'est mal passé. La secrétaire m'en parle et je ne bouge pas. Le lendemain, Monsieur A me rappelle pour expliquer : l'ORL lui a dit qu'il n'y avait rien à faire. Il veut voir un ORL à Paris et, sur Internet, il a trouvé, c'est moi qui caricature, un acouphènologue. En fait il a trouvé un spécialiste des acouphènes : n'est-ce pas la même chose ?
Monsieur A, 40 ans, souffre d'acouphènes depuis environ six semaines, il n'a jamais travaillé en atmosphère bruyante, il ne se plaint pas d'hypoacousie, sa pression artérielle est normale, ses conduits auditifs sont libres, il y a eu un épisode vertigineux qui pouvait être attribuable à un Vertige Paroxystique Positionnel Bénin mais la manoeuvre de Dix a été négative. J'ai demandé un scanner avec injection afin de visionner sa fosse postérieure : le scanner est normalissime.
C'est le problème des acouphènes.
C'est le problème de la médecine symptomatique.
J'aurais dû envoyer le patient à un ORL moins direct, à un ORL qui sait parler aux patients, un ORL qui sait ce que la placebothérapie est, un moyen de trahir la confiance du malade (je sais, je sais, j'entends déjà les cris des bons docteurs qui me rappellent, qui me hurlent le chamanisme, que ça a toujours existé, et cetera et cetera, que ça peut rendre service au malade), un ORL qui est toujours prêt à prescrire des placebos remboursés par l'Assurance maladie, vous voulez des noms ? Vastarel, tanganil, lectil, serc, quoi encore ?
L'ORL à qui j'ai adressé Monsieur A lui a dit la vérité : une fois éliminée une cause possible, les acouphènes s'éteignent d'eux-mêmes ou jamais. Ou presque jamais.
Je ne dis pas que je ne prescris jamais de placebos remboursés par l'Assurance Maladie, je dis que le malade s'attendait à ce que l'ORL lui prescrive quelque chose de différent ou le rassure ou le conforte ou diminue son anxiété. Il n'y est pas arrivé, mais, en plus il ne lui a rien prescrit...
Je continuerai à adresser des patients à cet ORL qui est, en outre, un excellent chirurgien.
Plus généralement, je plains les médecins spécialistes qui sont obligés de prescrire des placebos pour faire croire qu'ils sont des spécialistes. Je ne plains pas, je les comprends, les médecins généralistes qui, en présence d'acouphènes ou d'autre symptôme sans espoir, envoient le patient chez le spécialiste pour se laver les mains, pour se décharger de leurs responsabilités de praticien qui se doit de prendre en charge le patient de façon globale, et qui se plaignent ensuite que le spécialiste dise du mal d'eux ou les conchie, parce qu'ils ne savent pas prescrire des placebos avec conviction.
Mais bien entendu que Monsieur A, j'aurais dû lui dire la vérité : vous avez des acouphènes et je vous envoie chez l'ORL, un bon ORL, parce que les acouphènes ne se traitent pas, je vous envoie chez l'ORL pour qu'il confirme mon diagnostic et mon pronostic. A savoir : il n'y a rien à faire avec ces putains d'acouphènes.
Mais j'aurais pu aussi lui prescrire du vastarel en me disant que l'effet placebo est universellement en moyenne de 35 % de répondeurs. Mais cela peut atteindre les 70 % de répondeurs dans le traitement des symptômes de la dépression...
Je ne l'ai pas fait et "mon" ORL a été traité de nul, ou presque.
Ce qui est embêtant c'est que je n'ai dit la vérité au patient ni soulagé le malade.
Je vous ai déjà parlé de l'effet placebo, notamment ici.
Je ne voudrais pas me paraphraser sur les médecins qui prescrivent des placebos en toute conscience et droits dans leurs bottes. Je ne suis pas d'accord. Bien que je le fasse. Existe-t-il une différence entre être content de faire mal et se poser des questions quand on fait mal ? Réponse : oui. Voici ce que j'ai écrit dans le BMJ à ce sujet : ici.
Je le pense toujours et je persiste.

samedi 1 mai 2010

PAS DE SIROPS AVANT DEUX ANS : UN SCANDALE SANITAIRE ?

Après les poumons "blancs" de Madame Bachelot (cf. supra image de D Falcon), voici les poumons "inondés" de l'AFSSAPS.
Sans autre forme de procès, l'AFSSAPS a adressé une note à certains médecins, note que je n'ai toujours pas reçue, qui stipule que les fluidifiants bronchiques et autres sirops sont désormais interdits chez les enfants de moins de deux ans. Cette information se retrouve ici sur le site de l'Agence.
Cette note a suscité un certain nombre de réactions sur les forums médicaux que je lis régulièrement et qui sont fréquentés de façon presque exclusive par des médecins généralistes.
Les réactions sont diverses et variées et témoignent, selon moi, de la formidable hétérogénéité du corps médical généraliste français et, au bout du compte, mais ce n'est pas la première fois que je le remarque, qu'il est, en les lisant et les analysant, extrêmement difficile de parler d'une communauté généraliste...
Et d'abord, pour clarifier les choses : J'ai été, je suis et je ne pourrai plus être un prescripteur de fluidifiants bronchiques chez les enfants âgés de moins de deux ans ; chez les nourrissons j'ai toujours considéré que les fluidifiants bronchiques (carbocystéine, acétylcystéine) étaient des produits peu efficaces sinon des placebos ; tout comme le benzoate de méglumine (fluisedal) et la bave d'escargot (hélicidine) ; je suis connu pour mes positions (très) critiques sur l'utilisation des placebos en médecine (ici par exemple), ce qui signifie une contradiction de plus dans mon exercice professionnel.
Et ensuite, avant de parler des autres, voici mon avis : Cela m'embête un peu que ces médicaments soient retirés du marché car il va me falloir plus de temps pour expliquer aux parents qu'il n'est plus possible de prescrire AUCUN traitement dans la rhinopharyngite ou la toux ou la bronchiolite de l'enfant ; cela m'embête aussi parce qu'ils vont se demander pourquoi j'en prescrivais avant (réponse complexe que je vous proposerai plus tard).

Voici un florilège (mais ce n'est ni critique ni moqueur) des propos que j'ai lus sur les forums.
  1. L'AFSSAPS a pris une décision brutale alors qu'elle a été beaucoup moins empressée pour le retrait d'autres spécialités comme le mediator ou le diantalvic (allusion à la collusion de l'organisme gouvernemental à Big Pharma)
  2. L'AFSSAPS ne connaît pas les "nécessités" de la médecine de ville où il est nécessaire de prescrire des sirops (la médecine d'en haut contre la médecine d'en bas)
  3. L'AFSSAPS ne peut pas dire que ces produits sont des placebos et aussi des produits dangereux (incohérence des autorités)
  4. Nous avons besoin de placebos pour soigner nos patients (débat complexe sur lequel j'essaierai de revenir un autre jour)
  5. Les fluidifiants ne sont pas vraiment des placebos, on constatait une amélioration (avis d'experts)
  6. Ces sirops, par quoi allons-nous les remplacer ? (inquiétude)
  7. Le médecin généraliste a besoin de prescrire des médicaments pour rassurer les patients (prendre le point de vue du patient)
  8. Il s'agit d'une décision autoritaire qui ne repose sur aucune donnée scientifique (mépris des gens d'en haut contre ceux d'en bas)
  9. Cette interdiction rend paradoxalement ces produits efficaces au delà de l'âge de deux ans... (incohérence administrative)
  10. Il y a un risque que l'on utilise des produits plus dangereux encore... (politique du pire)
  11. Nous allons devoir adresser plus d'enfants aux urgences (chantage)
  12. Les parents vont être déboussolés (les médecins sont déboussolés)
  13. C'est un scandale que les Autorités se mêlent de nos pratiques... (autoritarisme gouvernemental)
  14. Les conseils donnés aux parents sont d'une indigence absolue : conditions de couchage, hydratation, température de la pièce
  15. Rien n'est proposé pour remplacer les dits sirops : miel, et cetera...

Et ce que je n'ai pas lu : à savoir surtout que l'AFSSAPS continue de dire que la kinésithérapie respiratoire a un intérêt alors qu'il semblerait, d'après les dernières publications connues, que son efficacité ne soit pas encore établie.

Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos pratiques.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos habitudes.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos croyances.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur nos habituelles facilités prescriptrices.
Bien entendu que cette brutale décision pose des questions sur notre arrogance prescriptrice.
Bien entendu que cette brutale décision nous impose de réfléchir à nos réflexes conditionnés.
Bien entendu que cette brutale décision nous impose de perdre plus de temps avec nos petits patients tousseurs.
Bien entendu que tous nos petits patients tousseurs ne se ressemblent pas.
Bien entendu que nos petits patients porteurs de bronchiolites vont encore plus nous poser des questions sur la gravité de leur état.
Bien entendu que cette décision brutale doit nous obliger à réévaluer nos pratiques.
Est-ce si irraisonnable ?