samedi 19 novembre 2011

Plus de jours de carence : plus de carences dans l'équité.


Les nouvelles mesures gouvernementales (ou annoncées par le gouvernement) concernant les jours de carence (passage de 3 à 4 dans le privé et de 0 à 1 pour les fonctionnaires) sont bien entendu des mesures électorales et sont implicitement des mesures inéquitables à l'égard des faibles revenus et des travailleurs exerçant des métiers pénibles et non choisis.

Des mesures électorales car c'est, encore une fois, et de façon facile, s'attaquer aux feignants, aux tire-au-flanc, aux glandeurs, aux flemmards, aux paresseux, aux traîne-patins, tous ces individus douteux qui ne peuvent être que les autres. C'est la différence éternelle entre le citoyen, le patient et le malade. Quelqu'un qui s'arrête ou qui se fait arrêter est suspect : il feint, il fait semblant d'être malade et, par la même occasion, il trouve un médecin qui le croit, qui fait semblant de le croire et qui l'arrête pour de mauvaises raisons. Les arrêts de travail ne concernent que les autres et quand nous sommes arrêtés, nous, nous le sommes pour la bonne cause.
Des mesures inéquitables. Point n'est besoin de faire pleurer Margot pour constater que le délai de carence touche surtout les travailleurs des petites structures où il n'existe pas d'accord de complémentaire santé pour indemniser les jours de carence. Ces petites structures (20 % des entreprises, me dit-on) sont bien entendu celles où les travaux sont les plus pénibles, les moins motivants et les moins payés. Comment un énarque pourrait-il imaginer ce que représente sur la feuille de paie d'un (e) salarié (e) qui touche 1000 euro nets par mois la perte de trois et maintenant de quatre jours de salaire ? Plus le salaire est bas et plus la perte d'un jour de travailest importante : les énarques ne savent pas compter. Quand on s'arrête et que l'on "gagne" 1000 euro nets par mois, le fait-on pour s'amuser ? le fait-on pour se reposer ? Quand on a une grosse fièvre et que l'on passe quatre heures par jour ou plus dans les transports en commun, que l'on travaille à la chaîne, ou dans le froid ou les deux, ou les trois à la fois, sur une machine dangereuse ou sur un pont roulant, est-ce la même chose que d'être cadre dans une entreprise, de travailler dans un bureau chauffé et avec des jours de RTT en masse à rattraper ? Quand on s'arrête cinq jours, une angine blanche apparue le lundi, est-ce tout bénef, comme dirait Laurent Wauquiez le ministre zézayant, de ne pas être payé quatre jours et d'être payé en maladie le cinquième ? Car être payé en maladie, sans complément de salaire, ce n'est pas être payé autant qu'en travaillant, les énarques de droite (et de gauche) l'auraient-ils oublié ? Voir ICI. Et ne parlons pas des lombalgies, le mal du siècle, le mal du siècle des travailleurs sur les chantiers, dans les usines, dans les entrepôts, sur des charriots élévateurs ou dans les préparations de commande, mais pas le mal du siècle des cols blancs à moins qu'ils ne fassent de gros travaux dans leurs résidences principales ou secondaires. Un lombago pour un maçon, ce n'est pas la même chose qu'un lumbago chez une secrétaire ou, a fortiori, un DRH... Pour reprendre un travail salarié...
Après les franchises médicales (voir ICI) appliquées aux travailleurs pauvres comme aux travailleurs riches, voici le non paiement d'un quatrième jour de carence (- 33 %) pour les "privés" et le non paiement d'un premier jour de carence (- 100 %) pour les fonctionnaires. Ne parlons pas des "jours enfants malades" qui concernent une certaine catégorie de travailleuses... dans le privé (ICI) comme dans le public (LA) mais aussi en fonction des conventions collectives. Les IJ (indemnités journalières) seraient-elles plus rentables que le travail ? Qui pourrait croire des choses pareilles ? Ne parlons pas des arrêts de longue durée qui sont le plus souvent liés à des accidents de travail ou à des maladies graves, arrêts de travail décidés de concert par le médecin traitant et par le médecin conseil mais pour lesquels les jours de carence n'entrent pas en compte.
Pour les travailleurs pauvres travaillant dans les petites entreprises ou dans les entreprises ne donnant pas de complément de salaire, quel est l'intérêt financier de s'arrêter ? Quelles sont les raisons pour lesquelles un salarié s'arrête ? Pour gagner de l'argent ou pour se soigner ?

Je ne suis qu'un médecin généraliste exerçant en zone sensible, dans une zone où il y a des ouvriers et des employés pauvres, des précaires, des CDI, des intérimaires qui travaillent chez Renault ou chez Peugeot et dont le premier arrêt de deux ou trois jours entraîne un licenciement immédiat, des cinq heures de transport par jour, des quatre heures de transport par jour, des trois heures de transport par jour, des mères de famille qui travaillent dur, qui transportent dur, qui font une double journée, qui sont payées au lance-pierre, dans les usines, dans les hôtels, dans les entreprises de nettoyage, des hommes et des femmes qui sont, aussi, des immigrés ou des fils d'immigrés, des femmes doublement exploitées comme travailleuses et comme femmes, des femmes qui s'occupent de leurs enfants et qui n'ont pas de jour enfants malades, je sais aussi qu'il existe des abus, désolé de donner des armes au gouvernement, tout le monde sait que le sport national, profiter des lois sociales, profiter en mentant, profiter en détournant des lois, profiter en trafiquant, est un sport qu'il est possible d'exercer à son profit mais qu'il est impossible que les autres exercent à leur profit...

Je revendique pour mes malades des arrêts de travail dus aux mauvaises conditions de travail, des arrêts de travail dus au manque de motivation, des arrêts de travail dus à une ergonomie des postes de travail imbécile, des arrêts de travail dus à un manque de respect pour les travailleurs, à des arrêts de travail dus à une organisation débile du travail, à des arrêts de travail comme soupapes de sûreté pour des travailleurs qui n'en peuvent plus...

Je revendique le retrait des dernières mesures iniques décidées pour faire du chiffre électoral, pour faire du chiffre économique, pour faire du chiffre social.

Qui m'aime ou ne m'aime pas me suive !

PS du 29 novembre 2011 : Je n'y suis pour rien : le quatrième jour de carence est finalement abandonné par le gouvernement mais pas le premier jour de carence pour les fonctionnaires : verre à moitié plein ou à moitié vide ?

4 commentaires:

CMT a dit…

Il y a quelques jours il s'en est fallu de peu que l'Europe ne coupe les subventions aux associations fournissant de l'aide alimentaire aux plus pauvres.
Si la France est dans la ligne de mire des agences de notation c'est parce qu'elle a encore une politique bien trop "sociale" au goût des marchés financiers. Quels serait le but? atteindre le niveau de sous-développement des Etats Unis? Avoir 20% de la population ne dessous du seuil de pauvreté?
Comme c'est facile de taper sur ceux qui ne peuvent pas se défendre!D'enfoncer sous l'eau la tête de ceux qui sont en train de se noyer.
Pour satisfaire qui?
Les marchés?
Ce ne sera jamais assez.
Ce n'est pas très honorable.
VOUS n'êtes pas très honorables messieurs et mesdames les politiciens.

Ha-Vinh a dit…

Je vous suit!!!
Bravo. L'augmentation des jours de carence favorise le présentéisme.
Des études ont montré que le présentéisme (venir au travail alors qu'on est malade et que l'on devrait s'arrêter) était néfaste sur le long terme à la fois sur la santé du travailleur et sur la productivité de l'entreprise. Vous pouvez voir mon post sur le présentéismme ici:
http://philippehavinh.wordpress.com/2011/11/17/presenteeism/
Bien cordialement.

DB a dit…

Vous prechez à des convaincus !!
Mais ceci n'est que le DEBUT de la descente aux enfers qui nous attend tous !.

Jacques Denarnaud a dit…

J'ai une activité principale en ville et un secteur public.

Je vois en ville, un certain de nombres de patients, les nouveaux privilégiés qui s'ignorent, fonctionnaires, cadres moyens de grosses entreprises aux conventions sociales extremmement favorisées (travaillant dans des mutuelles notamment) qui profitent clairement de la société, pour certains en l'assumant, pour la majorité en ne s'en rendant même pas compte.

Je vois au moins autant de patients dont c'est la société qui abuse, abjectement. Qui pour 1000 euros par mois sont obligés de "travailler" dans des conditions atroces de précarité et de misère humaine. Qui supportent les diktats de sous-chefs de rayon craintifs appliquant les politiques "manageuriales" créées par des consultants arborant des cravates vulgaires et sortant d'écoles de commerce respectées érigeant le profit financier à court terme en valeur universelle.

Je m'occupe de femmes enceintes. Je me bats quotidiennement contre des sous-directeurs de cafétéria de grande surface ou des manageurs de fast-food de ZAC qui font subir une pression inhumaine (au sens premier du terme) à leurs salariées pour qu'elles se fassent arréter le plus tôt possible car ils ont appris qu'une femme enceinte est moins productive. Et ils gagnent dans 100% des cas s'ils le veulent vraiment, leur mesquinerie et meur inhumanité n'ayant pas de limites (j'en ai vu retirer le tabouret des caissières qui restaient ainsi debout tout leur service à 30 semaines de grossesse). Le système social (et le médecin qui délivre son viatique arrêt de travail) sont complètement manipulés par ces nouveaux Kapos, qui au dmeurant sont des maris et des pères attentionnés.

Les syndicats ne servent à rien dans ces affaires, seulement occupés qu'ils sont à défendre les privilèges des leurs centrales, ils méprisent les petits qui ne votent pas pour eux, n'ayant plus aucun espoir.

La justice sociale, c'est à mon sens accepter de dire qu'il y a effectivement des privilégiés, mais qu'il y a des exploités qui sont en nombre au moins aussi important. Et que l'on est complice de leur exploitation en essayant de payer toujours moins, ce qui revient forcemment à dégrader les conditions de travail de ceux-là.

Le système ne changera pas tant qu'on ne changera pas notre mentalité ne voyant que l'intêret à très court terme de notre catégorie socio-professionnelle. Belle utopie!.

J.Denarnaud.