Affichage des articles dont le libellé est CONSEIL D'ETAT. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est CONSEIL D'ETAT. Afficher tous les articles

vendredi 28 novembre 2014

Le Conseil d'Etat annule les arrêtés modifiant les modalités de remboursement du traitement de l'apnée du sommeil.

C'est la première fois que je fais cela, republier un billet paru le 18 janvier 2014, mais la décision du Conseil d'Etat (voir ICI) annulant les arrêtés du 9 janvier et du 22 octobre 2013 modifiant les modalités de remboursement par l'assurance maladie du traitement de l'apnée du sommeil est fondamentale pour les libertés publiques. Ce texte est en effet fondamental pour comprendre quels sont les enjeux sociétaux de l'affaire. Vous pourrez également relire ce que j'en écrivais (LA) et vous rappeler que le Conseil National de l'Ordre, pour des raisons économiques, n'y avait rien trouvé à y redire.

L'ère de la télé surveillance est en route. A propos de l'apnée du sommeil. Un texte du docteur Dany Baud.


Je publie un texte du docteur Dany Baud qui me paraît essentiel. Je tenterai de le commenter dans le billet suivant.

Télésurveillance obligatoire des patients atteints de Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) et traités par ventilation en Pression Positive Continue (PPC).

Qu’il soit nécessaire de justifier le sentiment d’indignation suscité par une loi manifestement inique et liberticide place celui qui s’est trouvé à l’instant indigné dans une situation de totale incompréhension, doublée si ses pairs ne trouvent rien à redire, de celle de profonde solitude. C’est dans ces sentiments que m’a plongé cette décision de placer des individus dont la seule faute était d’être atteint d’une maladie chronique, sous surveillance électronique comme il est fait par le bracelet du même nom pour les délinquants. Que certains quels qu’ils soient et quelle que soit leur position sociale puissent s’arroger le droit de rentrer dans l’intimité de « la vie des autres » sous prétexte d’avancées techniques et au seul argument de prétendus avantages économiques est dans un pays démocratique comme la France parfaitement inadmissible.    

 Odieux agenda et hidden agendas

Le SAOS est une maladie caractérisée par des arrêts respiratoires au cours du sommeil responsables d’une fatigue, d’une somnolence et parfois compliquée de maladies cardiovasculaires. Ce syndrome est fréquent, il touche  2 à 5% de la population adulte en France et environ 500 000 patients sont traités par PPC (générateur de débit d’air délivrant une pression continue  aux voies aériennes supérieures par l’intermédiaire d’un tuyau  et d’un masque adapté au nez du patient). Le traitement est assuré par des prestataires de service (les mêmes que ceux ayant en charge l’oxygénothérapie et la ventilation à domicile). Il donne lieu à une dépense importante et croissante estimée à plus de 400 millions d’euros/an, soit 40% du coût total de la liste des produits et prestations  remboursables (LPPR) pour les maladies respiratoires. L’observance des patients traités par PPC est bonne et même meilleure que l’observance médicamenteuse constatée au cours des maladies chroniques (75% versus 50%).
Jusqu’à maintenant pour bénéficier d’une prise en charge de cette PPC, le diagnostic de SAOS devait être affirmé par un enregistrement de la respiration au cours du sommeil (polysomnographie ou polygraphie ventilatoire) et le patient devait utiliser sa PPC au moins 3 heures/nuit, tracées en mémoire de machine. Le forfait facturé à la Sécurité Sociale (SS) par le prestataire est actuellement de 21 Euros/semaine  pour un prix de machine  difficile à connaître précisément car variable selon le volume acheté et négocié par ces mêmes prestataires aux fabricants  mais se situant entre 300 et 600 euros sans compter le consommable. L’achat direct de ces machines est inaccessible aux patients qui de fait sont captifs du système en place.
Le renouvellement de cette prise en charge était conditionnée à cette utilisation minimum de
3 heures par nuit et à la constatation par le médecin de l’efficacité clinique de ce traitement instrumental. En cas de défaut d’observance persistant, c’est dans le cadre de la consultation médicale que  le médecin demandait  la suspension du traitement après concertation avec son patient.
En pratique, un certain nombre de patients non revus systématiquement par leur médecin avaient une PPC dont ils ne se servaient peu. La lenteur de communication de cette information par le prestataire (autrefois tenu à 2 passages par an) et l’absence de réactivité de certains médecins faisaient que le traitement était suspendu avec retard avec pour conséquence une perte financière pour les organismes payeurs.
Pour remédier à ce problème, ces derniers ont imaginé avec les prestataires, les fabricants de matériels, les hébergeurs de données électroniques, un système de télésurveillance permettant de suivre en temps réel l’utilisation de la machine par le patient. C’est dorénavant au prestataire de suspendre le remboursement du traitement après avertissements et propositions correctives shuntant ainsi le médecin prescripteur prévenu de la procédure mais mis devant le fait accompli.
Cette mesure a fait l’objet d’un arrêté (09.01.13) précisant les modalités de la télésurveillance et les sanctions progressives en cas de défaut d’observance. Ce dernier a donné lieu à une  demande d’annulation portée par la fédération des patients insuffisants respiratoires (FFAAIR) auprès du Conseil d’Etat qui n’a pas abouti au motif que cette annulation viendrait contrarier l’activité économique des fabricants de matériel et des prestataires, dont Philips, Resmed, et le leader mondial des gaz pour l’industrie Air Liquide qui a repris ces dernières années une partie importante de la prestation notamment associative et réputée à but non lucratif. Ce premier arrêté a néanmoins été abrogé du fait que la CNIL n’avait pas  été consultée sur sa  conformité aux  lois sur l’informatique et les libertés. On notera que le fait que seul cet argument économique ait pu être avancé par les représentants du Ministère de la Santé et de l’Economie, sans qu’il n’ait jamais été question de l’intérêt des patients, est pour le moins choquant. Après que cet avis a été donné, un nouvel arrêté a été promulgué sans changement notable par rapport au premier à quelques détails techniques prés, la CNIL ne s’étant pas prononcée sur le caractère motivé ou non de celui ci. Sa mise en œuvre est aujourd’hui effective.

 Cet arrêté et son application posent des questions multiples au plan éthique, juridique et économique. Il est notamment en contradiction avec la loi de 2002 garantissant les droits des malades.
 -En effet cette télésurveillance inaugure une modification du système de remboursement des soins qui pour la première fois serait dépendant de l’observance. Réservé aux seuls patients porteurs de SAOS, il est pour eux discriminatoire, stigmatisant et inégalitaire puisque non appliqué aux autres types de prestations et aux autres malades.
 -Par ailleurs et c’est probablement la faute inexcusable de cette loi, c’est qu’elle impose au malade qu’elle brutalise en l’assimilant  à un délinquant potentiel, une sorte de bracelet électronique l’assignant à domicile ou tout au moins le géolocalisant et enregistrant les détails de ses nuits : heure de coucher, de lever, durée totale passée au lit. Ces données sont ensuite récupérées chaque jour par un hébergeur dont le rôle est de les transmettre à la SS. On imagine facilement quel usage pourrait être fait de ces informations emblématiques de la vie privée par diverses officines (assurances, employeurs, police, juges, avocats…).
 -Enfin, différents acteurs (fabricants de matériel, prestataires) viennent par cet arrêté prendre la place du médecin du patient mettant en péril la relation médecin-malade, seule garantie éthiquement fondée pour décider d’une prestation médicale et de son arrêt éventuel qu’elle soit remboursable ou non. Les précédents désastreux sur le plan sanitaire et financier de la vaccination antigrippale H1N1 organisée par le ministère de la santé  en dehors du parcours de soins habituel et de la relation de confiance entre le patient et son médecin n’a pas servi de leçon.

Faire des économies et mieux traiter les patients ?
On ne peut qu’approuver et soutenir la volonté de l’état de maîtriser les dépenses imputables au traitement du SAOS. Par contre la stratégie qu’il a mise en place pour y parvenir a de quoi surprendre. Ainsi se focalise-t-il sur l’extrême pointe émergée de l’iceberg en tentant de réduire le délai de désappareillage des patients inobservants sans s’attaquer au prix réellement exorbitant d’un traitement  qui une fois accepté et régulièrement suivi et point important, définitif, ne nécessite que peu ou pas de surveillance. Sur le plan strictement économique comme l’a souligné la FFAAIR, on comprend mal qu’on puisse espérer réduire les dépenses en ajoutant au prix de la PPC celui  de la mise en place des mouchards de télétransmission même si les prestataires se trouvent selon cette loi, obligés d’en assumer  le coût. On remarquera d’ailleurs que ces dispositifs sont fabriqués à la fois par les fabricants de machine et certains industriels exerçant aussi comme prestataire. Sans parler de son caractère humiliant et dévalorisant particulièrement mal vécu par les malades, on peut raisonnablement questionner le bien fondé d’une surveillance sur des dizaines d’années de milliers de patients parfaitement observants et corrigés par leur PPC de façon quasi immuable. Le phénomène de rente que constitue le fait de facturer à la SS plus de 1000 Euros par an pour la location d’une machine amortie de longue date et un seul passage annuel au domicile de ces patients ne semble pas avoir attiré l’attention de nos brillants économistes de la santé.
Quant à la plus value médicale d’une surveillance quotidienne pratiquement en direct  de la durée d’utilisation de la PPC  et si la CNIL en laisse la possibilité, des données que sont le degré de correction du SAOS et le niveau des fuites au masque, est dans la pratique sans réelle pertinence. Nous avons accès depuis longtemps à ces données stockées sur les cartes mémoires de ces appareils que nous analysons avec nos patients à chaque consultation. Mais en vérité, une fois trouvé le masque  adapté au visage du patient, l’habitude venant, au bout de quelques mois, 6 au maximum, ces informations n’ont ensuite que peu d’impact sur les réglages et la conduite du traitement, le patient utilisant son appareillage comme d’autres leurs lunettes. Faire penser qu’il faudrait « monitorer » et surveiller les patients souffrant de SAOS traités par PPC comme des malades de réanimation n’a tout bonnement aucun sens.
Au total, en y regardant de plus près, la raison essentielle  de la télésurveillance semble être la télésurveillance. Elle bénéficiera à l’évidence aux professionnels de ce secteur d’activité et ce n’est pas par hasard que l’on voie les grands de la téléphonie monter à l’assaut de ce marché. Elle constitue également une stratégie de «  pied dans la porte » qui ne peut que nous inquiéter pour l’avenir sur les conditions d’accès aux soins et de leur prise en charge.

Pour finir, cette loi est emblématique des  politiques nouvelles qui ont déjà atteint de multiples secteurs de la société et qui s’en prennent aujourd’hui à la médecine. Elles sont la conséquence de  la dérive technico-scientiste caractérisant les utopies totalitaires qui finalement sont au service de l’argent et de ses représentants que sont l’industrie et la grande distribution. Leurs élaborations et applications reposent en partie sur des fonctionnaires zélés dont le sentiment de toute puissance n’a d’égal que l’opacité des fonctionnements. Elle est  relayée sur le terrain par des experts que des intérêts particuliers poussent à entretenir le mythe du progrès.
Aussi aujourd’hui pour penser la médecine, il est préférable de sortir de son champ. Les travaux des philosophes qui nous sont proches comme Michel Foucaud montrant  que la traçabilité est devenue la forme moderne de la punition, devraient aider à voir l’évidence  des caractères liberticide et inacceptable de certaines lois comme celle qui fait l’objet de cette protestation. De même ceux de Jocelyne Porcher sur la mécanisation et l’industrialisation de l’élevage des animaux associant réglementations barbares, novlangue « ad nauseam », maltraitance généralisée et burn out des professionnels, nous offrent un nouveau cadre de réflexions d’une pertinence aussi inattendue qu’essentielle. Comme d’autres dans d’autres secteurs, nous, médecins, allons vers une médecine hors sol et délocalisable où la relation médecin malade ne sera plus qu’une double exclusion. En vérité nous sommes passés du temps des lumières à celui des projecteurs ; on ne regarde que ce qui est montré et se retourner vers la source lumineuse nous éblouit ou nous aveugle.

Docteur Dany Baud, pneumologue, chef de Service au Centre Hospitalier Spécialisé en Pneumologie de Chevilly Larue, membre et ancien responsable du groupe Education Thérapeutique au sein de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF)

(Illustration : Le siège de la National Security Agency dans le Maryland (USA))

dimanche 1 mai 2011

Le Conseil d'Etat donne raison au Formindep : les recommandations sur le diabète étaient "corrompues"

Déontologie et indépendance (selon HAS)

L’indépendance, qui est l'un des 3 principes fondateurs
de la HAS, se manifeste, entre autres, par des exigences déontologiques
aussi bien pour les membres du Collège et les personnels permanents,
que pour les membres des commissions spécialisées et les collaborateurs
extérieurs.En effet, dans le cadre de ses missions,
la Haute Autorité de santé doit mettre en oeuvre une compétence
d’expertise scientifique et technique, notamment sur les produits,
actes et prestations de santé. Elle est ainsi en interface avec des
acteurs dont les intérêts peuvent diverger.L’obligation de déclaration
publique d‘intérêt résulte du décret n° 2004-1139 du 26 octobre 2004
(art. R.161-84 à R.161-86 du code de la sécurité sociale) et du
règlement intérieur du Collège (art. III.2 et 3). Socle déontologique
de la Haute Autorité de santé, la DPI contribue à en garantir
l’indépendance.

Un formulaire de déclaration d'intérêts est remis à toute personne qui
souhaite collaborer aux travaux de la HAS. Le formulaire doit être
retourné à la HAS avant le début de l'exécution de la mission. La
personne y indique tout lien direct ou indirect avec :

- les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de l'HAS

- les organismes professionnels de ces secteurs

- les société de conseil intervenant dans ces secteurs

Symbole d’une approche préventive privilégiant la transparence des liens entre
industriels et experts, la DPI participe à la crédibilité de nos avis.

Afin d’inscrire la démarche dans une dynamique d’amélioration continue et de
bénéficier des apports qui s’attachent à un regard externe, la Haute
Autorité de Santé a souhaité en outre s’adjoindre le conseil d’un
groupe indépendant dénommé «Déontologie et indépendance de
l’expertise». Présidé par un conseiller d’État (M. Christian
Vigouroux), et composé de personnalités issues du monde médical et
scientifique (Pr. Jacques Roland et Pr. Charles Caulin), d’un juriste
(M. Joël Moret-Bailly) ainsi que d’un membre du Collège de la Haute
Autorité (M. Etienne Caniard), ce groupe a pour fonction d’évaluer en
toute indépendance les procédures mises en œuvre, de formuler toute
proposition de nature à améliorer les règles déontologiques et de se
prononcer - à la demande du Président ou du Directeur - sur des
situations individuelles.



Après un long combat qui a dû coûter temps et argent au Formindep, le Formindep a gagné. Les Recommandations que la HAS a consacrées au traitement du diabète étaient, selon le Conseil d'Etat, "corrompues".
Enfin, j'interprète, les termes exacts sont : Le Conseil d'Etat abroge la Recommandation professionnelle relative (élaborée par la Haute Autorité de Santé) au traitement médicamenteux du diabète de type 2 (ICI).
Mais je vous mets en lien avec le site du Formindep, il le mérite bien, il vous expliquera cela mieux que moi (LA).
Nul doute que la Haute Autorité de Santé va réagir mais le recours sur les recommandations consacrées à l'Alzheimer va certainement lui aussi être invalidé pour Conflits d'intérêts non déclarés.
Cette affaire est grave.
Car la HAS est au centre d'un système décisionnel, voire opposable, qui tente de définir la norme et ce système produit de la matière qui sert de caution à l'Assurance Maladie, pour la prise en charge des ALD, par exemple, ou pour installer le CAPI. Ne parlons pas non plus de la
Justice qui prend en compte ses recommandations pour dire le Droit.
Cette affaire est grave car, même si le Formindep n'a attaqué que sur deux Recommandations, la validité des avis de l'HAS en général devient plus flou et moins opposable.
Cette affaire est grave car elle pose désormais le problème de l'expertise
indépendante (vaste sujet) dans un monde universitaire et libéral corrompu par l'industrie depuis les premières années de médecine jusqu'aux FMC pour retraités remplaçants.
Nous avons besoin d'une HAS qui travaille, nous avons besoin d'une HAS qui soit ouverte, nous avons besoin de la publicité des débats (et, éventuellement, de la publicité des ébats), nous avons besoin d'experts, de praticiens, de médecins, de pharmaciens, qui ne soient pas des potiches quand, au moment de la décision, c'est la DGS qui rend la médecine au nom des intérêts supérieurs de la Nation (et du lobby politico-administrativo-académico-industriel).

Je suis sérieusement dubitatif comme je l'avais été pour la réorganisation de l'AFSSAPS, de la non réorganisation de l'INVS (toutou de la DGS) et du Haut Conseil de Santé Publique ou de la reconduction des experts à vie de la vaccination au décours de la fabuleuse campagne H1N1, via le Comité Technique des Vaccinations.

Rendons grâce au Formindep de son action déterminante mais soyons aussi attentifs aux autres vaches sacrées qui ne peuvent être critiquées pour des raisons idéologiques comme la Revue Prescrire et pour ne pas, comme on disait dans les années 50, donner des armes à Big Pharma.

(Nous ne savons toujours pas pourquoi des membres de la rédaction de Prescrire
participent à des organismes officiels sans le dire.)