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dimanche 12 mars 2023

Bilan médical entre le lundi 6 et le dimanche 12 mars 2023 : l'employé de la Macronie de la semaine, Big Onco et les associations de patients, antidépresseurs : efficacité et syndrome de sevrage, ozempic, cancer de la prostate, pression artérielle, sur prescriptions

97. L'employé de la Macronie de la semaine


98. Les menteurs de la macronie en une image



99. Les associations de patients au secours de Big Onco.

Cette tribune du journal Le Monde est un bijou : ICI.

Un professeur et un président d'association de patients crient au scandale car la HAS, dont on connaît la proverbiale indépendance, ne conseille pas un nouveau médicament "innovant" dans le traitement du myélome (Carvytki). 

Les arguments sont assez gratinés : 

  • Essai de phase 2
  • Essai non randomisé
  • Traitement de quatrième ligne
  • Pas de prix évoqué

Au-delà de l'efficacité elle-même du traitement, problématique (voir le communiqué de la HAS LA), et de son prix, regardons avec attention les deux déclarations de liens d'intérêts.


C'est à mourir de rire.

Rappelons que le produit est commercialisé par Janssen.

Le professeur Hervé Avet-Loiseau est un menteur et ne respecte pas la loi. C'est un visiteur médical de Janssen. Voici des informations recueillies sur le site d'Hervé Maisonneuve (LA)

"En bref, plus de 270 déclarations pour probablement plus de 200 000 € (à la louche) dont des liens avec le labo supporté dans la tribune."

Edward Hopper : Bateau à vapeur (1908)


100. Les antidépresseurs et David Masson

David Masson est un bon informateur sur twitter (@psy_massondavid).

Voici un fil sur les antidépresseurs (LA)

Il fait des fils toujours très intéressants et notamment pour les non-psychiatres.

L'article cité : LA

Je rappelle ceci, et vous pourrez utilement lire le point suivant : les antidépresseurs semblent avoir démontré leur efficacité que dans les dépressions sévères.

David Masson est optimiste.

Zino Francescatti : un son inimitable de la première division


101. Le syndrome de sevrage post IRS utilisés dans la dépression


Commentaires : 

  • Il n'y a pas que les IRS dans la vie
  • Quand on prescrit des IRS dans des dépression légères à modérées il faut retenir leur faible efficacité et la possibilité d'un syndrome de sevrage
  • Se méfier des surdiagnostics et des prescriptions hâtives.

102. Ozempic : le nouveau Mediator


Le moniteur des pharmacies : ICI

L'ozempic (semaglutide est un anti diabétique qui dispose de l'AMM en France). Il est désormais prôné par des influenceurs des réseaux sociaux pour perdre du poids. En sachant qu'à l'arrêt du traitement les bénéfices pondéraux sont perdus.

Ainsi, des influenceurs influences des médecins qui prescrivent hors AMM de l'ozempic hors AMM, pour faire plaisir à leurs patient.e.s Sont-ce les mêmes qui prescrivaient du Mediator parce que nous le valons bien, ou les mêmes que ceux qui prescrivaient (et qui prescrivent toujours selon des sources bien informées) de l'ivermectine et/ou de l'azithromycine dans l'indication Covid non hospitalisé ?

Attention, ces propos sont capables d'entraîner de violentes réactions : 

  • Les réflexions sur les faillites du système de prescription et de de pharmacovigilance ont peut-être été menées à propos du Mediator mais aucune conséquence n'en a été tirée d'un point de vue pratique
  • La stigmatisation de la grossophobie rend plus difficile l'abord du problème du surpoids, de l'obésité, bla-bla, et les médecins sont sommés de ne pas faire de la morale (ce qui est au moins un point positif. Rappelons ceci : chaque fois qu'un médecin fait la morale à un patient il s'éloigne autant de la médecine que de la morale)
  • L'obésité est un marqueur social (plus t'es pauvre plus t'es gros) mais aussi une tendance sociétale.
  • Les partisans de l'ozempic (semaglutide) et d'autres molécules appartenant à la famille des analogues du GLP-1, rappelons qu'aux États-Unis d'Amérique les pédiatres souhaitent le prescrire aux enfants dès l'âge de 12 ans !, veulent sortir, disent-ils du diptyque régime/exercice physique.
  • L'obésité n'est plus une maladie sociétale (due à la malbouffe et au manque d'exercice physique) : il existe une pilule miracle.
  • Donc, chers amis médecins et/ou pharmaciens et/ou obésologues, vous pouvez investir dans des fonds de pension qui vont vous aider à améliorer votre maigre retraite liée à la répartition, contenant à la fois des actions KFC et Novo/Nordisk.

Brillant podcast de la BBC sur le sujet : LA.



103. Une personne qui en a assez des personnes qui ne portent pas de masques en lieux clos.

LA

Mon commentaire : La personne n'est pas médecin, semble-t-il. Elle a le droit de faire de la morale.

Est-ce que ce genre d'admonestations morales fera plus porter de masques ? Nous n'en savons rien.

Les "hygiénistes" sont à la ramasse : 

ICI

Et le fil : LA

104. Cancer de la prostate : une étude sur 15 ans sur la mortalité en fonction des modalités de suivi.

LA dans le NEJM






Faut-il commenter ce que nous savons depuis de nombreuses années (vous pouvez lire les différents billets que j'ai écrits sur la question avec l'expression clé Cancer de la prostate) ?

105. Variabilité des mesures de la pression artérielle d'une consultation à une autre : quelles conséquences en tirer ?

Très belle étude rétrospective parue aux USA (ICI) chez 537 218 patients hypertendus ou non (et donc traités ou non) qui montre que les variations de pression artérielle systolique intervisite  sont de 10,6 mm Hg.

Le fil twitter de Harlan Krumholz (@hmkyale) commente : ICI

Conclusions : 

  • Ne pas se hâter pour initier ou modifier un traitement
  • Plus la mesure de la pression artérielle (ici en moyenne 13 fois chez les patients) est faite et moins il existe de certitudes sur les variations.
  • D'autres études sont nécessaires.

106. Plus d'1 examen médical sur 4 serait inutile

Ne vous inquiétez pas : ce n'est pas en France mais au Québec (voir LA)

107. Les médecins généralistes sont de la merdre en barre.



108. Hors sujet Michael Zemmour interrogé par Apolline de Malherbe sur la réforme des retraites



C'est clair et net.



dimanche 27 novembre 2022

Bilan médical de la semaine du lundi 21 au dimanche 27 novembre 2022 : articles et ordonnance alakhon, la réintégration des soignants vaccinés, le cannabis thérapeutique, vérités aujourd'hui = erreurs de demain, soins palliatifs, antidépresseurs.



Viggo Mortensen
Il est temps de renoncer à changer la médecine.

1. L'article alakhon de la semaine. Laure Dasinières

Après avoir publié un article le 22 novembre 2022 dans Numerama (ICI) intitulé sobrement "'J'aimerais qu'il existe  un traitement' : la détresse du Covid long toujours sans remède" et que l'on peut résumer ainsi :

  • Disease Mongering
  • Fear Mongering
  • Veillée des chaumières
  • Hype pharmaceutique
  • Hype boursier
  • Indignité

article qui aurait mérité une publication plus appropriée dans Gala ou dans Closer...

Lire ma version longue : ICI.

2. Mais la semaine alakhon n'était pas terminée.

... notre journaliste qui-ne-se-trompe-jamais publie le 25 novembre suivant un nouvel article (LA) appelé sobrement "Le populisme nuit gravement à la santé" en association cette fois avec le prophète helvète Antoine Flahault, l'épidémiologiste qui-ne-s'est-jamais-trompé-sauf-une-fois-au-moment-de-la-pseudopandémie-de-grippe-mais-il-est-pardonné-parcequ'il-s'est-excusé que l'on peut résumer ainsi : 

  • Nous sommes les représentants du Ministère de la vérité 
  • Nous savons ce qu'est la Science 
  • La médecine est une science
  • Toute personne qui n'est pas d'accord avec nous est trumpiste, bolsonarienne ou rahoultienne
  • Théorie de l'homme de paille.
  • Fausse objectivité.

Résumons encore : toute personne qui ne pense pas comme le duo Flahault-Dasinières ou le duo Dasinières-Flahault est : trumpiste, bolsonariste ou raoultien. Et donc criminel.


James Dean (1931-1955)
En train de calculer son score calcique


3. Faut-il réintégrer les soignants non vaccinés ?

Le débat fait rage à l'Assemblée, chez les professionnels de santé, dans la société civile.

Je pense que non, il ne faut pas réintégrer les soignants non vaccinés.

Mais de quels non vaccinés s'agit-il ? Ceux qui n'ont reçu aucune dose ? Ceux qui ont refusé le premier booster ? Ceux qui ont refusé le deuxième ?

Il existe une gradation à l'intérieur du cerveau des non vaccinés et il est possible de faire la différence entre les professionnels de santé qui pensent que les vaccins ARNm protègent incomplètement contre la transmission et ceux qui affirment que les vaccins ARMm tuent.

Où placer le curseur ?

Voici une réflexion sur twitter qui mérite attention : LA.

Ne nous embêtons pas : il y a des recommandations, il faut les suivre. En sachant que les recommandations ne sont pas fondées.

La question suivante est celle-ci : faut-il désintégrer tous les professionnels de santé qui ne suivent pas en ce moment les recommandations (je ne dis pas 'de la science' puisque vous savez ce que je pense de cette assertion mensongère en médecine...) ?

La fréquentation des hôpitaux publics, des cliniques à but non lucratif ou lucratif, des cabinets médicaux de ville, est désespérante, j'ai des sources sûres, des infiltrée.e.s dans ces différents lieux, pour ce qui est du respect, hors vaccin, du respect des mesures-barrières (ah, le lavage des mains avant, pendant et après les soins, le non port des masques, le port farfelu des masques, je parle toujours des professionnels de santé) et le hiatus entre l'affichage (les petites croix dans les petites cases de respect des consignes et le non-respect des consignes)... S'il y avait un permis à point pour le non-respect des mesures-barrières de base, j'investirai dans les sociétés organisant des stages de requalification des soignants...

Quant au reste...


4. L'addictologue de la semaine. Nicolas Authier.


Mais n'oublions pas les dernières références sur l'absence de preuves (et je rajoute pour les savants : l'absence de preuves n'est pas la preuve de l'absence) : ICI


5. Il y a aussi l'alcool thérapeutique.


(Via Daniel Corcos).

Il est quand même rassurant que le bon docteur Bertillon se soit reconverti dans les glaces...


6. Margaret McCartney toujours juste.

Cela peut s'appliquer à ce que nous faisons en ce moment, bien entendu.

Voir ICI pour la suite : pratiques inadaptées

  • Rester allongé en cas de sciatique
  • Utiliser des anti-arythmiques en post infarctus
  • Un débriefing après un traumatisme empire la situation
  • La vertébroplastie en cas d'ostéoporose 
  • Chirurgie Arthroscopique pour inflammation du genou
  • Couchage en procubitus pour les nourrissons
  • Les soins palliatifs améliorent la survie par rapport à des soins "normaux"
  • Vous avez le droit de rajouter plein de trucs

Quelques brèves conclusions :

  • Le bon sens ne remplace pas les essais cliniques robustes
  • La physiopathologie n'est pas de la médecine
  • Le lucre n'est pas une bonne idée médicale
  • Avant de proposer une prise en charge, assurez-vous de posséder des données solides
  • Avant de suivre les recommandations, lisez-les


Jimmy Hendrix
1942-1970


7. Mon espace santé : une porte d'entrée pour le privé.



On savait déjà l'inanité médicale de Mon Espace Santé mais on sait désormais qu'il s'agit désormais d'une plate-forme commerciale. Rien ne nous sera épargné.


8. Le nouveau schéma vaccinal alakhon contre le Covid





9. Les soins palliatifs : les patients doivent savoir.



Cela fait des années que nous dénonçons le fait que les choix thérapeutiques en oncologie sont le plus souvent décidés en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) où la personne la plus importante, le patient, n'est pas présent et où le médecin qui connaît le mieux le patient, le médecin généraliste, n'est jamais convié.

Quant à la phase Palliative spécifique, c'est un mensonge.

Rappelons ici à tous que le but de l'oncologie est d'administrer des soins à des patients avec des prises en charge qui ont montré qu'elles augmentaient l'espérance de vie globale (et pas, par exemple, la réduction de la taille d'une tumeur solide dans incidence sur la survie) tout en respectant la qualité de vie.

Quant aux soins palliatifs : ne pas emmerder le ou la patiente en respectant la qualité de vie.


10. Freudisme



Via Christian Lehmann
-20% en envoyant le code #TaMèreAToutFaux au 81212


11. L'ordonnance alakhon de la semaine

Via @gniwing


Behind the scenes of Rear Window...
Via Rithy Panh



12. Le Danemark est le seul pays d'Europe où la prescription des antidépresseurs a diminué.


Lire l'article LA.

Et la France n'est pas mal placée.


Mads Mikkelsen attendant que la médecine change.




dimanche 21 mars 2010

UNE FEMME EPLOREE - HISTOIRES DE CONSULTATION : DIX-NEUVIEME EPISODE

Madame A, cinquante-trois ans, traîne sa douleur depuis maintenant deux ans. Elle a perdu son mari écrasé par une voiture à quelques mètres de leur domicile et elle vit son deuil avec une constance qui fait l'admiration de tous.
La seule personne, mais il s'agit probablement de vantardise, qui ne partage pas cet enthousiasme sociétal pour une femme qui joue le rôle de la femme éplorée devenue inconsolable, c'est son médecin traitant.
Cela ne demande-t-il pas des explications ?
Un médecin traitant a le redoutable privilège de connaître, autant qu'il est possible de le faire, l'intimité des familles. Il est le témoin, il est le voyeur, il est la commère, il est le confident, il est aussi le réceptacle, involontaire ou non, le truchement, inconscient ou non, il est le gêneur ou le facilitateur, il est le dépositaire de secrets, parfois terribles, parfois banals, il est le citoyen, aussi, qui aurait envie de donner son avis, l'homme, qui le donne parfois, et, surtout, il est, à la surprise de tous, un catalyseur d'émotions qu'un romancier, même pétri d'imagination, aurait du mal à inventer..
Quand un médecin généraliste parle, à mots couverts (et en respectant le secret professionnel) de ce qu'il entend dans son cabinet, des propos qui lui sont tenus, des confidences qui lui sont faites, des secrets qui sont abordés en sa présence, la réaction de ses interlocuteurs est stéréotypée : ce n'est pas possible que les gens puissent parler comme cela à leur médecin, fût-il traitant, en tous les cas, moi je ne le fais jamais et ne pourrais jamais le faire, c'est inconcevable de se livrer ainsi, ce n'est quand même qu'un cabinet médical... de médecine générale. Mais il faut croire que ces interlocuteurs, membres de la famille, amis, inconnus, autres malades, ne se rendent pas compte du fait que l'impudeur n'est pas une donnée fixe, absolue, qu'elle est relative, qu'elle dépend des gens, des circonstances et de l'idée que l'on s'en fait... Que l'impudeur n'est pas seulement jouer les exhibitionistes dans une émission de télévision ou se promener poitrail au vent dans une rue de station balnéaire... Quant à la pudeur, elle se niche où elle peut, elle se cache aussi, elle dépend tout autant des lieux, des circonstances, des individus et des situations, mais elle peut tout au contraire s'étendre, envahir tout, paralyser les rapports intimes comme ceux de la société et, parfois, au moment le moins approprié. Et ainsi, les patients qui entrent dans un cabinet médical finissent par se sentir à l'aise, finissent par penser qu'un homme ou une femme qui ont le droit de toucher au corps des autres ont aussi le droit d'entendre des chose qu'on ne dit à personne... et encore moins à ses amis ou à ses parents.
Quoi qu'il en soit, Madame A s'habille en noir, pleure à l'occasion, et, heureusement, supporte mal les anti dépresseurs. Heureusement ou malheureusement, cela dépend. Lorsque son mari est mort, et les circonstances en ont été si brusques qu'elle n'a pu se préparer, qu'elle n'a pu, comme lorsque le décès survient après une longue agonie (dans le cas d'une longue maladie, par exemple), préparer son entrée en scène, peaufiner les détails, se voir en veuve, s'imaginer en deuil, se regarder dans le regard des autres, elle s'est effondrée et elle a fait dire à ses enfants, connus du médecin généraliste, qu'elle ne voulait "rien", qu'elle ne voulait être aidée par aucun médicament, comme si, l'acceptation de la médecine pouvait être considéré comme un refus, un début d'oubli, une occasion d'échapper à la douleur...
Puis, au bout de quelques jours, elle a quand même consulté. Elle avait certes besoin d'un arrêt de travail, "ne se sentant pas le courage de reprendre et de pleurer devant ses collègues...", mais, surtout, "... étant certaine de ne pas pouvoir supporter le regard des autres et surtout les questions qui ne pouvaient être qu'idiotes...", mais, son médecin en était persuadé, elle avait besoin d'aide, de la part de quelqu'un qui la connaissait, elle et sa famille, mais aussi, et là le médecin traitant en aurait juré, de savoir comment lui, il allait réagir...
Le médecin traitant prit l'air qu'on ne lui avait pas appris à la faculté de médecine, en ces années anciennes où les cours de médecine se réduisaient à des cours magistraux livresques et que l'étudiant, en suivant la visite du grand patron, du professeur agrégé, du chef de clinique et de l'interne, n'apprenait qu'en imitant servilement ou en se rebellant tout aussi servilement.
Son visage était en vrac, les cheveux ébouriffés, les yeux déformés par les larmes. Elle regardait ses pieds puis elle commença à fixer "son" médecin.
Le médecin traitant fut sidéré. Mais il tenta de ne pas le laisser paraître, ce qui est, de toutes les manières, la meilleure façon de montrer quelque chose à quelqu'un qui ne se doutait de rien a priori. Mais elle se doutait de quelque chose, il y avait une part de provocation dans son attitude. Le médecin traitant fut sidéré car il avait du mal à croire qu'elle penserait qu'il allait se laisser avoir par son effondrement ou, mieux, qu'il allait y adhérer. La seule question que pouvait se poser le médecin était : quelle attitude dois-je adopter ? Dois-je me laisser porter par ma pente naturelle, celle qui me ferait laisser paraître mon doute ? Dois-je lui mentir et, pour son bien, me laisser porter, jusqu'à un certain point, par sa façon de se présenter au monde ? Faut-il que je sois ferme ? Faut-il que je gagne du temps afin de pouvoir fixer ma réaction ? C'était, lui semblait-il, tout l'enjeu de cette première consultation. Il devait d'abord analyse le tableau qu'elle lui proposait, celui d'une femme éplorée. Plusieurs interprétations s'offraient à lui : elle s'est laissée dépasser par la situation et elle se laisse porter par cette réaction convenue ; il s'agit d'une attitude de défense avant de pouvoir se positionner par rapport à elle-même ; c'est ce qu'elle a choisi et elle va s'y tenir.
Il ne peut pas être neutre, il est bien obligé de dire des mots, d'esquisser des gestes ou de les accomplir, les gestes convenus, adaptés, tels qu'on les accepte dans la société ou telle que la télévision les rend banals, le rôle d'un médecin et de sa malade, allant, aux extrêmes, de docteur House à Docteur Sylvestre en passant par Brichot...
Mais Madame A est quand même venue parce qu'elle souffre et qu'elle n'y arrive pas. Elle veut finalement des médicaments, "... mais pas trop forts, pas trop abrutissants, je veux être consciente, mais je veux quand même dormir...un peu...". Elle ajoute : "C'est trop dur."
Madame A est une maligne de chez maligne : elle veut savoir ce que pense son médecin, elle veut de l'aide, mais elle balise le terrain, elle souhaite plus de médicaments que de mots... Pendant que le médecin lui prescrira des médicaments il ne lui posera pas de questions sur la mort de son mari. Est-ce la vérité ?
Le médecin traitant va lui prescrire un truc pour dormir, un hypnotique qui donne un bon coup sur la tête, malgré toutes les bonnes recommandations déconseillant l'utilisation de ce genre de produits. Mais pourquoi n'aurait-elle pas le droit de dormir ? Pourquoi fait-on toute une histoire pour les douleurs physiques qu'il est impératif de soulager, même et surtout avec des substances fortes et capables d'entraîner de la dépendance, et pourquoi y aurait-il un tabou à l'encontre des substances qui permettent de dormir ? Mais Madame A, après avoir refusé, voudrait aussi un antidépresseur car, elle le sait, elle fait une dépression, et les dépressions, c'est grave, on peut en mourir, d'ailleurs, elle a des idées, comment dirais-je, noires... Madame A connaît bien sa leçon, elle déroule le tapis des symptômes qui rendent un cas "intéressant" et... dangereux pour le médecin. Tout le monde le sait, les déprimés peuvent se suicider ! Là, il faut le dire, le médecin traitant est beaucoup trop critique... Il est en train de quitter son attitude neutre pour emprunter les chemins de la dérision et de la contestation. Mais elle entre dans les critères ! Alors, allons-y !
Mais Madame A, si elle avait envie qu'on lui prescrive des antidépresseurs, avait oublié que les antidépresseurs sont des médicaments et que, comme tous les médicaments, ils sont capables de devenir méchants, de produire des effets indésirables, des effets non voulus, et elle aurait dû se rappeler, également, qu'il lui arrive souvent, trop souvent, de ne pas supporter les médicaments, fussent-ils les plus banals.
Et c'est ce qui arriva. Elle téléphona le surlendemain pour dire qu'elle avait arrêté de les prendre : elle se sentait mal, elle avait envie de vomir, elle avait des vertiges, la tête lourde... Le médecin traitant était partagé entre le sentiment qu'il n'aurait pas dû lui en prescrire, que les effets indésirables confirmaient son scepticisme et qu'il lui restait donc à suivre cette patiente.
Mais un jour il en eut marre. Car la situation s'enkystait. Madame A répétait toujours la même chose, comme cela arrive si souvent quand les patients tournent en rond avec eux-mêmes, quand aucune ouverture ne leur est offerte, quand les mots ne viennent pas, quand la situation familiale est enlisée, quand la reprise du travail n'a pas produit les effets désirés, quand l'oubli ne fait pas son deuil, et cetera, et cetera. Ne fallait-il pas un électrochoc ?
Il lui dit combien, d'une voix douce et mesurée, il avait été surpris qu'elle ait pu autant pleurer son mari alors qu'il avait été si méchant avec lui.
- Comment ?
- Eh oui, Madame A, voulez-vous que je vous rappelle combien de fois vous êtes venue avec un coquard ou des hématomes sur les cuisses, combien de fois je vous ai rédigé un certificat de coups et blessures, vous voulez que je les ressorte de l'ordinateur ? Combien de fois vous vous êtes plainte de sa violence quand il avait bu, de ses coups, pas seulement contre vous mais contre les enfants ? Vous le voulez ?
- Vous ne pouvez pas dire cela.
- Et pourquoi donc ?
- Mais parce qu'il est mort.
- Et cela efface tout ? Cela gomme les soirées sans sommeil, les engueulades, les insultes, les gifles, les coups de pieds, l'argent dépensé au café, les cigarettes et le début d'incendie...
- Mais je l'aimais quand même...
Elle l'aimait quand même ?