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jeudi 28 août 2014

Brèves (médicales) de vacances


Pour ceux qui auraient vraiment déconnecté pendant les vacances, ce qui semble être une solution élégante pour prévenir le burn-out, voici quelques idées glanées ici et là que je tenterai de développer plus tard (mais je suis certain que je n'en aurai pas le temps).

Mes amis les oncologues...
Je tenterai d'éclaircir le cas Nicole Delépine que j'avais encensée ICI pour les questions qu'elle posait sur la protocolisation extensive des patients. Il semble, d'après des sources dignes de foi, qu'il faudrait se méfier. Se méfier de la personnalité elle-même de la professeure et se méfier de ses soutiens (anti vaccinalistes et extrême-droite). Mais il est évident que les constatations que je fais constamment sur la façon dont les patients porteurs d'un cancer sont pris en charge ne peuvent que me rendre attentif à quelqu'un du sérail qui ose dire ce que personne ne dit.
Si quelqu'un veut bien s'y mettre...
Je suggère également à la personne qui aurait le temps de se pencher sur le sujet d'une enquête sur les financements, les pratiques, les médecins de l'Institut Gustave Roussy qui fait la pluie et le beau temps sur les prises en charge et les traitements dans le cancer : une fondation privée implantée au centre de l'Etat et profitant des décisions de l'Etat. A suivre.
Toujours est-il que je découvre un article estomaquant dans le JAMA (ICI pour l'abstract et LA pour l'article) : les 71 molécules anti cancéreuses (tumeurs solides réfractaires et / ou métastasées et / ou avancées) approuvées par la FDA entre 2002 et 2014 ont augmenté l'espérance de vie de 2,1 mois en moyenne et au prix moyen de 10 000 dollars par traitement sans compter de sévères effets indésirables (voir LA un commentaire Minerva). Merveilleux !

La pilule estro-progestative pourrait entraîner un sur risque de cancer du sein. L'article publié dans le journal américain Cancer Research est lisible in extenso LA. Il pose de réelles questions même s'il concerne les forts dosages en estrogènes. J'avais abordé ce sujet lors d'une réunion Prescrire en 2012 où intervenait Peter Götzsche (voir LA). Il m'avait dit ne pas avoir d'informations sur le sujet et un chercheur français, Philippe Autier (ICI), m'avait renvoyé dans les cordes avec autorité. Nul doute que les données japonaises (pays où il y avait peu de cancers du seins et peu de contraception estro-progestative, ce qui achangé désormais) sur les liens entre cancer du sein et contraception devront être envisagés dans les années qui viennent... à moins que l'augmentation considérable du nombre des cancers du sein au Japon ne soit liée, comme le suggère Götzsche, qu'à l'augmentation du nombre des mammographes...
Il est évident que nous avons besoin de confirmations et d'autres travaux mais, pour le moment, cette information doit être cachée, les femmes ne doivent pas le savoir, car, selon les socio-historico-anti hygiénistes (voir LA), l'avancée majeure scientifico-sociétale de la contraception ne saurait se satisfaire de propos contraires au progrès.


Formidable offensive pro vaccin anti HPV dans le British Medical Journal.
Dans le même numéro un éditorial (ICI) et un point de vue (LA) insistent sur l'impérieuse nécessité de vacciner les garçons contre le HPV. Je suis choqué. Non par seulement par le contenu de ces articles mais par le fait qu'il s'agit de publi-reportages :
L'éditorial est écrit par trois auteurs (Margaret Stanley, Colm O'Mahony et Simon Barton). MS signale comme liens d'intérêts : "member of scientific advisory boards for GSK Biologicals, MSD Merck, and Sanofi Pasteur MSD and has received consultancy fees from these companies)" ; CO : has received lecture fees from GlaxoSmithKline and Sanofi Pasteur MSD) ; SB : no competing interests. Ils s'autocitent (première référence) avec un éditorial de 2013 où CO et SB have received lecture fees from GSK and SPMSD. On comprend mal que SB, entre 2013 et 2014, soit passé du statut de liens d'intérêts à indépendant de big vaccine.
Quant au point de vue personnel de Gillian Prue (affiliée au HPVAction.org dont il n'est pas possible de savoir s'il y a ou non des sponsors, il ne cesse de citer des articles sponsorisés par GSK, Sanofi Pasteur MSD...
Que fait le BMJ ?


Les médicaments pour traiter l'hépatite C sont trop chers.
Nous avons assisté à un feuilleton politico-médiatique concernant cette affaire et c'est un repenti, JF Bergmann, lui qui fut au centre d'un système qui se tut pour le Mediator, qui a écrit un article lumineux  sur le sujet : big pharma met le paquet sur le prix des médicaments anti hépatite C car la maladie est en train de disparaître ! Lire LA.

La génétique au service de la médecine "prédictive" est une imposture.
Un numéro de la Revue Esprit est consacré à ce sujet (ICI). Je retiendrai essentiellement ceci : il n'existe pas d'un point de vue génétique de médecine "individualisée" (pour 1000 dollars il est possible d'obtenir de décryptage de son génome) car la génétique est avant tout, et sauf exceptions, une science des populations. J'essaierai d'expliquer les deux versants du pari génétique : épistémique et ontologique. C'est fait ! ICI

Une note littéraire.
Je lis le Dictionnaire amoureux de Marcel Proust écrit par les Enthoven père et fils et je tombe sur une entrée consacrée au docteur du Boulbon ou plutôt à l'albumine mentale. Je ne me rappelais pas que ce médecin était l'ancêtre de Knock de Jules Romains (et du disease mongering anglo-saxon, voir LA) et je vérifie que Proust a bien écrit avant Jules Romains : avant, mais de peu (1922). Les Enthoven m'apprennent que le docteur du Boulbon faisait parfois attendre ses patients jusqu'à ce qu'il ait terminé la lecture d'un livre...
Passage savoureux dans Proust (La Recherche Tome II, p 303 - La Pléiade 1952). La grand mère du narrateur, malade, s'adresse au docteur :
"Mais j'ai aussi un peu d'albumine.
- Vous ne devriez pas le savoir. Vous avez ce que j'ai décrit sous le nom de l'albumine mentale. Nous avons tous eu, au cours d'une indisposition, notre petite crise d'albumine que notre médecin s'est empressé de rendre durable en nous la signalant. Pour une affection que les médecins guérissent avec des médicaments (on assure, du moins, que cela est déjà arrivé quelquefois), ils en produisent dix chez des sujets bien portants en leur inoculant cet agent pathogène, plus virulent mille fois que tous les microbes, l'idée qu'on est malade..."
Je propose donc que la stratégie de Knock soit remplacée par la stratégie de du Boulbon (voir LA) et que l'on rende à Marcel (dont le père et le frère étaient médecins) ce que l'on attribue à tort à Jules.
(PS du 25/08/19 : Luc Perino a "pompé" mon billet en date du 15/01/19)

Un article de blog utile.
J'étais passé à côté d'un billet remarquable (un peu trop enthousiaste à mon goût sur les vertus de l'administration) du docteur Milie (ICI) qui concerne le travail de nos patients et ce qui peut leur arriver (arrêts, invalidité). On y trouve des conseils pertinents.

(Chicago : photographie du docteur du 16)

dimanche 6 juillet 2014

Histoire de non consultation 173.


A la sortie de la boulangerie, vers midi, je rencontre Madame A, 60 ans, qui me fait un grand sourire, ce qui me surprend.
La dernière fois qu'elle est venue consulter au cabinet doit remonter à une petite trentaine d'années.
Et je me rappelle parfaitement les circonstances de sa dernière visite. Cela m'a marqué.
Pendant tout ce temps je l'ai aperçue de très nombreuses fois dans le centre ville à l'heure du déjeuner mais à une distance telle qu'elle ne pouvait m'aborder.
Je me rappelle parfaitement la raison pour laquelle, selon moi, elle a cessé de venir au cabinet. J'ai comme un sentiment de gêne depuis ces années.
Elle est restée une grande belle femme mais, maintenant que je suis près d'elle, à distance de conversation, je remarque qu'elle a vieilli (et sans doute pense-t-elle la même chose de moi).

"Docteur, je voulais vous dire combien je vous considère comme un bon médecin et je regrette de ne pas avoir continué à venir vous voir.
-Ah...
- Oui, vous savez, il y a quinze ans, j'ai fait un cancer du sein...
- Et ? "

Madame A était alors secrétaire à la mairie.

Elle était venue consulter pour que je lui represcrive la pilule. On était au tout début des années quatre-vingt, j'avais trois ans d'installation en médecine générale, j'avais été un étudiant zélé formé à Cochin Port-Royal, on m'avait enseigné...

(et, à l'époque, mais j'espère que cette époque est révolue, on me dit pourtant que je me fais des illusions, je n'avais même pas l'idée que les cours, les conseils prodigués en cours, les recommandations -- bien que ce terme n'existât pas encore--, pouvaient être criticables et critiquées. L'autorité de la Faculté, des professeurs, je n'imaginais même pas que l'on puisse la remettre en question. J'avais bien remarqué la structure pyramidale universitaire et hospitalière, son côté "le patron a toujours raison même quand il a tort", son machisme, sa misogynie, son conservatisme, sa morale réactionnaire, sa politisation à droite, et j'avais aussi pu identifier des îlots de liberté ou  de liberté de ton ici ou là mais qui pouvaient être attribués à des vengeances personnelles ou à des rancoeurs, des querelles de personnes ou des querelles politiciennes, et il y avait même eu mai 68, les événements avaient été sévèrement réprimés à Cochin avec blocages de nominations, interruptions de carrière, et cetera, mais je n'avais pas encore pris conscience que c'était scientifiquement que le discours pouvait être biaisé, influencé, perverti, par des intérêts moraux, éthiques, financiers, politiques et autres qui asseyaient le système mandarinal que l'on pouvait assimiler sans erreur à un système totalitaire)
... on m'avait enseigné que pour prescrire une pilule il fallait faire plein de trucs dont palper les seins. Je me rappelle même que la femme d'un collègue m'avait dit lors d'un "repas de labo", et j'avais opiné du bonnet (humour), à propos d'une gynécologue de Mantes "Elle ne palpe même pas les seins", ce qui était le comble de l'ignorance et de la faute professionnelle.

Donc, à l'époque, et les choses ont mis du temps à évoluer, et je crois qu'elles n'ont toujours pas évolué dans l'esprit de certains médecins, la prescription de pilule signifiait, entre autres, palper les seins, la femme les mains sur la tête, quadrant par quadrant, on décrivait même dans les bons livres la façon de placer les doigts, et, selon ma morale commune, je ne savais même pas ce qu'était une étude en double-aveugle, enfin, je savais un peu mais je n'en avais jamais lu une, mais encore moins une étude de cohorte, il fallait palper les seins. J'ignorais tout autant ce que signifiait un sur diagnostic et plein d'autres choses qui ne semblaient pas intéresser la Faculté de médecine mais il me semblait tout à fait indigne et immoral de ne pas palper les seins selon les canons de la médecine de l'époque.
Je lui avais donc palpé les seins non sans remarquer, qu'elle en avait été surprise, voire gênée. 
Et elle n'était jamais revenue me voir mais elle m'avait fait remarquer en passant que son médecin ne le lui faisait jamais.

Nous sommes debout dans la rue, sur le trottoir non loin de la boulangerie.
"Et mon médecin ne m'avait jamais palpé les seins. C'est vous qui aviez raison.
- Je ne comprends pas.
- Eh bien oui, s'il m'avait palpé les seins, il aurait trouvé la tumeur, j'aurais gagné du temps et j'aurais eu des traitement moins durs.
- Vous aviez quel âge ?
- Quarante-cinq ans."

Que fais-je ? Je lui raconte l'histoire du dépistage du cancer du sein, j'insiste sur le fait que la palpation des seins... que le dépistage organisé actuel et controversé ne commence qu'à 50 ans...
Je lui offre un grand sourire. Et je ne dis rien. Et nous en restons là.

Je ne sais pas dans quelles circonstances son cancer du sein a été découvert, quel type d'intervention elle a subie, si elle a eu une radiothérapie, une chimiothérapie.

Elle ajoute ceci : "Vous n'auriez jamais dû ce jour là examiner mes seins, je n'y étais pas prête, vous avez fait cela comme si vous m'aviez serré la main, cela m'a traumatisée, j'étais votre objet, et, en outre, j'ai vraiment cru qu'il y avait quelque chose de sexuel dans votre façon de faire. J'étais troublée et vous aviez l'air si froid, si professionnel. Vous étiez  inhumain."

Je voulais donc dire ceci :

  1. Le jugement empathique des patients à l'égard du médecin est un leurre qui conduit à la sur estimation de soi, à la perte des repères, au sentimentalisme médical, à la notion de toute puissance, et, au bout du compte, au burn-out (je n'entre pas à dessein dans le modèle du transfert / contre transfert) (1) quand les divergences entre la réalité rêvée et le vécu quotidien deviennent aiguës. La patiente pense que si on lui avait palpé les seins le cancer aurait été diagnostiqué plus tôt. Pas sûr.
  2. L'Etat de l'Art est à la fois une donnée qui permet de se repérer, de se décider, de travailler, de survivre, et une illusion qu'il convient d'analyser de façon instantanée (ce que l'Etat de l'Art cache : les liens et conflits d'intérêts sous-jacents, l'effet de mode, les illusions collectives, l'absence de données contrôlées, le corporatisme, la volonté de puissance, l'argent, le suivisme...) et de façon longitudinale (la relativité des connaissances, leur volatilité, il ne faut pas avoir raison trop tôt -- et trop tard, douter même si tout va dans le même sens, ne pas lire que les publications qui vont dans le sens de l'histoire et de son histoire personnelle, ne pas tweeter que les publications qui vont dans le sens de ce que l'on pense a priori,...). 
  3. La prescription d'une contraception hormonale n'avait pas la même signification philosophique et sociétale en 1982 que maintenant. On m'avait appris qu'il s'agissait d'un médicament et qu'il y avait des risques, des risques en général, risques avancés qui ne sont pas les mêmes que ceux que l'on avance aujourd'hui. Ainsi, avec le temps, est-on passé d'une grande prudence (examen gynécologique complet, prise de sang, et cetera) dans la prescription de pilule à un je-m'en-foutisme banalisant (le sociétal, à savoir la liberté de la femme pouvant disposer de son corps à tout prix, prenant le pas sur le conservatisme de la mise en avant de possibles effets indésirables mortels ou invalidants) à une prise de conscience des dangers là encore mis sous le boisseau pour cause de société. Mais que de résistances encore ! Nous en avons largement parlé ici et tous les problèmes ne sont pas réglés entre les "sociétaux" qui nient  tout effet indésirable de la contraception hormonale (car la pilule est la plus grande révolution scientifique et sociétale du vingtième siècle...), les big pharmiens qui nient aussi pour faire du chiffre et pour toucher des pourboires et les médecins qui s'occupent de leurs patientes sans se soucier de l'idéologie ou du fric et qui savent que la pilule n'est pas un médicament et que ses effets indésirables sont à la fois mortels, invalidants et... sociétaux.
  4. L'histoire que je raconte est à mon avis exemplaire de l'évolution des relations patients / médecins depuis 1982 et ne conclut rien sur le problème scientifico-sociétal du dépistage organisé du cancer du sein. 
  5. Exemplaire d'un point de vue relationnel : j'avais des certitudes et je les ai imposées à ma patiente ; je ne lui ai pas demandé son avis ; je lui ai palpé les seins sans lui expliquer pourquoi je le faisais ; que savait-elle de l'intérêt de palper les seins ? Ignorais-je (la réponse est non) que palper des seins est aussi un acte sexuel ? 
  6. Exemplaire du problème scientifico-sociétal posé par le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie qui dépasse le débat scientifique pur (je suis d'accord : un débat scientifique pur n'existe pas mais il existe cependant une part objective des données -- à ceci près que générer des données, c'est à dire faire des hypothèses, penser un protocole, l'écrire, penser des cahiers d'observation, les écrire, présupposer un mode d'analyse statistique, interpréter les données, écrire l'article, surtout la discussion, est hautement subjectif et impur et influencé par le promoteur de l'essai qu'il soit public ou privé, promoteur qui n'est pas une entité flottant dans les espaces éthérés de la science mais immergé dans la société) : il est plongé dans le bain sociétal qui comprend pêle-mêle, la mort, la maladie, la peur de la mort, la peur de la maladie, le corps des femmes, le patriarcat, la médicalisation de la vie, et cetera.
  7. J'ajoute également que si un sondage était effectué chez les médecins sur le fait de palper des seins dans le cadre des visites de prévention et / ou de dépistage, nul doute qu'une immense majorité de ces praticiens, généralistes comme gynécologues ne diraient pas que la palpation des seins, isolée ou avant une mammographie de dépistage, est un facteur avéré de sur diagnostic. Et encore : j'ai longtemps conseillé aux femmes l'autopalpation de leurs seins de façon systématique, autre source de sur diagnostics.
  8. Qu'en conclure pour le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie ? J'en ai parlé mille fois sur ce blog. J'écrirai, lorsque l'article de la Revue Prescrire dont j'étais relecteur paraîtra, un billet sur l'INCa qui nia tout sur diagnostic pendant des années pour en arriver au chiffre scandaleusement sous estimé de 10 %, ce qui montre combien les agences gouvernementales sont aussi influencées et influençables que les groupes privés qui, influencés et influençables, tentent d'influencer de façon ontologique. Il est désormais nécessaire de proposer une porte de sortie pour abandonner le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie. De telles sortes que personne ne perde la face et qu'il n'y ait pas un séisme dans la société française. Il faut réenvisager les programmes de prévention et de dépistage. A vos réflexions !
La patiente s'est donc trompée sur moi et je ne l'en ai pas dissuadée. Par auto empathie ?

Je vous recommande encore de lire Rachel Campergue. "No mammo ?" ICI

(Illustration : le meilleur quatuor de musique contemporaine dans son cd le plus accompli. 1966. Don Cherry. Leandro Gato Barbieri. Henry Grimes. Ed Blackwell.)



jeudi 1 mai 2014

Les illusions du dépistage du cancer du sein (bis repetita placent)


J'ai lu plusieurs fois sur les forums médicaux ou sur tweeter des médecins affirmer avec aplomb qu'à l'échelle de leur clientèle ils n'avaient jamais constaté un décès par cancer du sein chez les patientes participant au dépistage organisé. Ce qui, bien entendu prouvait l'efficacité du dépistage organisé.
C'est bien entendu du flan.
Ces croyances médicales sont à rapprocher des croyances des patientes sur le même sujet (voire le schéma ci dessus).
Je rappelle ici, mais c'est une notion difficile à faire passer, que la médecine moderne est une médecine collective, c'est à dire, en l'état actuel des choses, que les preuves de l'efficacité d'un traitement ou d'une procédure sont fondées sur des essais contrôlés (i.e. études randomisées en double aveugle) sur des populations sélectionnées. On peut tout critiquer, et nous ne manquons pas de le faire, le protocole de l'essai, les critères d'inclusion et d'exclusion, les critères primaires ou secondaires d'efficacité, la façon dont l'essai a été mené, la qualité des investigateurs, leurs liens d'intérêts, et la façon dont les résultats de l'essai peuvent être interprétés en pratique dans une population réelle (c'est le principe du questionnement EBM en médecine générale : ICI). Il ne faut pas non plus oublier que le questionnement EBM ne signifie pas toujours se fonder sur des données externes contrôlées car il existe des cas où un seul effet indésirable grave peut constituer une preuve de la dangerosité d'une molécule.
Ainsi, si la procédure A est supérieure à la procédure B ou si le médicament A peut être considéré comme ayant un rapport bénéfices risques insuffisant, pourquoi, à l'échelle individuelle, envisager la procédure B ou prescrire le médicament A ? Dans le cas du dépistage du cancer du sein nombre de médecins, et, paradoxalement ceux qui devraient être les plus informés, c'est à dire les gynécologues et les gynéco-obstétriciens, ne suivent pas les recommandations de l'expérience externe et veulent en faire plus, sauver leurs malades malgré elles, se donner bonne conscience, être plus royalistes que le roi, et prescrivent des mammographies avant 50 ans chez des femmes non à risques et à des fréquences curieuses.

Pour en revenir à nos médecins forumistes et / ou twittos qui n'ont jamais vu une femme de leur patientèle mourir d'un cancer du sein en ayant suivi le dépistage organisé, je leur rappelle les chiffres fournis par Cochrane (serait-ce plus parlant qu'un graphique ?) : "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

Je demande donc à ces médecins croyants, et avant qu'ils n'affirment, s'ils ont dans leur clientèle au moins 2000 femmes qui ont été invitées au dépistage pendant dix ans...

Illustration : ICI avec la légende : Panel A shows the views of 50-year-old women in the United States regarding the effect of mammography every 2 years on the 10-year risk of death from breast cancer (at left), as compared with no screening (at right). The areas of the squares are proportional to the numbers of women per 1000 who would be alive (blue), die from breast cancer (orange), or die from other causes (yellow). The numbers were calculated from women's perceived relative and absolute risk reductions for breast-cancer deaths (Domenighetti et al.4) and U.S. mortality statistics for 2008 from the Centers for Disease Control and Prevention. Panel B shows the actual effect of mammography screening on breast-cancer deaths, with numbers calculated from breast-cancer mortality data for 2008 from the National Cancer Institute and U.S. mortality statistics for 2008, assuming a relative risk reduction of 20% for breast-cancer mortality in women invited to undergo screening (Independent U.K. Panel2).

samedi 8 février 2014

Plan Krouchtchev, plan cancer, big pharma, science Lyssenkiste.


Cette semaine j'ai écouté d'une oreille attentive et désespérée la rediffusion sur France Culture de l'émission "A voix nue" (ICI) consacrée à cette crapule stalinienne de Pierre Juquin. Avec sa voix doucereuse de Saint-Jean Bouche d'or qui a tout compris à la vie idéologique du vingtième siècle et qui a toujours eu raison quand il avait tort, et vice versa, mais, vous comprenez, les circonstances, j'ai appris, nous ne savions pas, les camps, les millions de morts, il fallait être dans le bon camp, il fallait trahir, il fallait mentir, c'était le sens de l'histoire, je crois toujours au communisme, à vomir (mais un jour je consacrerai un chapitre à la vie privée de Pierre Juquin quand il faisait l'exorciste dans des familles staliniennes moscovites françaises), et je n'ai presque aucun regret, vous comprenez, la lutte contre le fascisme, l'impérialisme américain, la guerre froide. Ouaip...

Pourquoi je vous dis cela ? 


Le plan cancer vient de paraître (voir LA). Contrairement au Hollande-bashing ambiant, je ne vais pas m'en prendre à ce brave garçon car il n'est que la marionnette des experts qui lui soufflent les suggestions dans son oreillette. On ne demande pas au Président de la République de lire les livres de Peter Götzsche (ICI) ou de s'informer ailleurs que dans le BEH, La Vérité de l'InVS. En revanche, les experts autoproclamés de l'INCa, les experts mongerisés, les experts big pharmés, les experts adoubés par l'Eglise de Dépistologie, pourquoi ne s'informent-ils pas ? Pourquoi sont-ils soumis à leurs croyances  aveugles ? Pourquoi sont-ils malhonnêtes ?
Le plan cancer vient de paraître et il y en a tellement à en dire ou à n'en pas dire que je me réserve le temps d'en faire le commentaire plus tard : voir ICI (il n'y a pas encore de lien).

Quel est le rapport avec Pierre Juquin ? Le voici.

Pierre Juquin, Joseph Prudhomme de la pensée marxiste orthodoxe, qui sait tout sur le passé et encore moins sur l'avenir, parle sur France-Culture du rapport Krouchtchev (1956). Ce fameux rapport Kroutchchev que les dirigeants du PCUS (Parti communiste de l'union Soviétique) avaient communiqué aux dirigeants communistes de l'Ouest en leur disant de la fermer, ce fameux rapport qui avait été publié dans la presse "bourgeoise" et que l'on appela chez les staliniens français le rapport attribué à Krouchtchev, vous saisissez la nuance dialectique, eh bien, les staliniens français se sont tus, on ne parlait pas encore de lanceurs d'alertes, ils ont tout gardé pour eux, ce fameux rapport montrait à quel point le communisme avait été une formidable machine de mort, les communistes ont tué plus de millions de personnes que les nazis et autres, et au coeur de l'Europe, comme les nazis, et les communistes français, les grands humanistes, les Maurice Thorez, le grand résistant, les René Piquet, les Pierre Juquin, les Pierre Laurent, les Maxime Gremetz, les René Andrieu, ils n'ont pas eu un mot pour les victimes, pas eu un mot pour les camps, pendant vingt ans ils ont fermé leurs goules, pour des raisons liées à l'internationalisme prolétarien, pour des raisons x, y ou z, parce que, écoutez bien, au moment du printemps de Prague, douze ans après, ils avaient peur de l'intervention des troupes russes (sic).


A l'INCa, où probablement, il y a autant d'anticommunistes primaires qu'ailleurs et autant de fils de et de grands bourgeois que dans les autres institutions médicales de la République, il y a aussi le rapport Cochrane ou le rapport attribué à Cochrane sur le cancer du sein (ICI pour le résumé et LA pour la publication in extenso) et il y a aussi des données non confidentielles que l'on met sous le coude, que l'on n'examine même pas car elles ne vont pas dans le sens de la grande guerre contre le cancer, de la lutte à mort contre les cellules cancéreuses, et elles pourraient mettre en péril l'idéologie dépistologique qui règne dans les consciences bien pensantes de la médecine officielle française. Il y a des membres de l'INCa qui, contre toute logique, ne savent pas ce qu'est un sur diagnostic, il y a des crapules sénologues qui minimisent les sur traitements et qui cachent leurs liens avec big pharma. Mais la Société Française de Sénologie n'est pas en reste, c'est une sous secte de la Grande Eglise de Dépistologie, car en consacrant un numéro de revue au sur diagnostic en novembre 2011 sa présidente Brigitte Seradour avait avoué 5 à 10 % de sur diagnostics (LA) contre 50 à 30 % pour respectivement Bernard Junod et Peter Götzsche, mécréants de cette Eglise.

La France n'est pas une république bananière, c'est une monarchie héréditaire au service des intérêts privés.
Dominique Dupagne a, en un autre domaine, dénoncé récemment le problème du contrat passé entre l'Education Nationale, grand machin qui prépare les fils des classes populaires à s'inscrire en toute conscience à Pôle Emploi une fois sortis du systéme, et l'industrie sucrière, organisme philanthropique ayant des liens d'intérêts indirects avec les dentistes, pour former les élèves à l'usage du sucre (ICI). On me dit que cela a commencé en 1990... C'est comme si le cartel de Pablo Escobar assurait à l'école les cours sur le bon usage de la cocaïne. Ou comme si American Tobacco assurait les cours sur le tabagisme. Mais tout cela ne choque personne car il faut bien prendre l'argent quelque part pour enseigner aux enfants de l'école républicaine comment boire du coca ou acheter des barres chocolatées avant de se retrouver au chômage, prendre de l'argent où il est, de l'argent désintéressé, comme dans la recherche médicale : qui assumerait la formation des médecins si big pharma n'apportait pas ses trente deniers ?

La cancérologie est une science exacte au service des oncologues où, accessoirement, des malades font leur apparition, des malades décharnés et haves, qui en sont à leur douzième cure de chimiothérapie, et pourtant à qui on promet encore la vie, et qui sont les objets consentants et informés d'essais cliniques pour des médicaments incertains qui auront aisément leur AMM pour avoir amélioré, en double aveugle, l'espérance de vie d'un jour et quart, des essais cliniques ambulatoires, les patients faisant des allers retours fatigants entre Villejuif - Auschwitz, les couloirs de la mort, et leur domicile...

Personne ne prétendra que la cancérologie en général n'a pas fait de progrès, que l'on ne traite pas mieux les cancers, que l'espérance de vie des patients n'augmente pas dans certains cancers, que des patients sont sauvés, et cetera, et cetera,  que l'accueil des patients n'a pas été amélioré (on partait de loin), que l'information sur les effets indésirables ne se fait pas, que les rendez-vous ne sont plus assurés avec des retards incroyables, mais je dirais, en paraphrasant Jonathan Nossiter (1) quand il parlait des restaurateurs : "Vous êtes de bons cancérologues mais vous êtes de piètres médecins."

Le point de vue du médecin généraliste est un point de vue comme un autre mais il a l'avantage d'être à la fois dehors et dedans, c'est à dire que "son" patient est à la fois dehors et dedans. Il entend le discours des cancérologues, il lit les écrits des cancérologues, il ne participe pas aux réunions de concertation, il entend les propos des malades (qui ne comprennent jamais rien, c'est évident), ils entendent comment les malades ont été considérés ici ou là, comment les familles ont été informées ou non, comment les traitements ont été proposés mais plutôt imposés, comment les réglettes d'EVA ont été brandies, comment les transports sont organisés entre les différents lieux de soins, comment est programmée la débauche d'examens complémentaires, comment les rendez-vous sont annulés ou reportés, comment... la consultation d'annonce est annoncée au médecin traitant après qu'il a revu le patient ou la patiente, ce qui permet à ce brave médecin généraliste de rester dans le flou et de commencer l'exercice périlleux du mensonge aux patients cancéreux...





Il existe aussi des cancérologues, on dit désormais oncologues, ceux-là du secteur privé, qui écrivent des tribunes libres dans Le Point (voir LA) pour défendre l'indéfendable, en citant des publications biaisées et des économistes néo-libéraux, en mentant comme des arracheurs de dents comme ils le font avec leurs patients, et en se déclarant indépendants alors qu'ils "touchent", ils "touchent" et ils "touchent"... Heureusement que Pernelle a réagi, a fait l'enquête (les journalistes ont déjà du mal à tendre leurs micros, écrire des articles critiques leur donnerait des douleurs critiques, ils se taisent donc ou refusent d'examiner les faits), a écrit un billet complet "Indignation en soldes" qui fait le boulot et montre (LA) la vacuité existentielle et le trop plein du compte en banque de ces médecins dévoués corps et âmes aux statistiques fausses des plans cancer. Il y a la liste des 68 médicaments à éviter selon Prescrire (voir LA) et il y a maintenant la liste des 78 oncomédicochirurgiens à encenser.

Nous pourrions parler aussi d'Agnès Buzyn, la directrice de l'INCa, dont un tweet rappelle avec intérêt le parcours professionnel et... privé (LA). Connaît-elle le rapport attribué à Cochrane ?
Nous ne parlerons pas non plus de l'ancien directeur de l'INCa, le professeur K, grand habitué des plateaux de télévision qui lui permettent d'augmenter ses honoraires de consultations privées, et qui en fut chassé pour malversations familiales.

Mais là, si vous le permettez, nous allons entrer dans le sublime, il y a aussi des dissidents de l'INCa. Des dissidents qui pensent qu'on n'en fait pas assez, que l'INCa est mou du genou, qu'il ne va pas jusqu'au bout, qu'il faut mettre le paquet. Ce sont les membres de l'AFU (Association française d'urologie) qui, contre toute logique, contre toute évidence, ont décidé que le PSA était l'alpha et l'omega du dépistage du cancer de la prostate. Les arguments de ces parangons de la vérité scientifique, de l'absence totale de liens d'intérêts et dont les représentants les plus brillants sont, par exemple, le grrrrrrrrrand professseur Guy Vallancien qui tient salon dans le journal Le Monde et qui a ses entrées un peu partout, comme on dit, et de plus petits professeurs comme Michaël Peyromaure, je le cite mais ne voudrais pas faire de jaloux, dont nous avons jadis analysé les brillants écrits (ICI) mais aussi le professeur Morgan Rouprêt qui s'est distingué récemment par la publication d'une tribune enflammée dans le journal L'Humanité.

Ces urologues font partie du club très ouvert des pro PSA et ils ont pignon sur rue. Ils disent le contraire des recommandations mondiales mais ils continuent de parader sur tous les tréteaux. Ce club rassemble ceux qui pensent, en gros, que seuls les urologues ont raison puisque ce sont eux qui font l'urologie, que l'épidémiologie est une science du passé, nous ne faisons pas de l'épidémiologie mais de la médecine (et ici de la chirurgie), que le sur diagnostic est une notion a posteriori qui donc, dans une pratique raisonnée et raisonnable de la chirurgie, est une donnée non prospective et que, au doigt mouillé, il est clair qu'on ne voit plus de cancers de la prostate métastasés, ce qui signifie, CQFD, qu'on a raison de couper les prostates, de les irradier, et d'hormoniser les patients pour les rendre immortels. Malheureusement le story telling urologique de l'AFU (qui, avec les années, a réussi à faire avaler la distinction entre dépistage personnalisé et dépistage universel) est a scientifique et démenti par les faits et les essais. Mais il ne faut pas parler d'essais cliniques à ces irréductibles Gaulois (2) ou seulement des essais qui vont dans le sens de l'urologie française triomphante, car, vous ne le saviez pas, je l'ai appris par tweeter du fameux professeur d'urologie de l'Institut Mutualiste Montsouris, que les essais cliniques nord-américains, notamment dans le NEJM, ceux qui affirment que le dépistage systématique du cancer de la prostate chez les hommes entre 50 et 69 ans, ne sert à rien en termes de mortalité spécifique sont des essais biaisés et qu'ils sont le fruit de l'impérialisme américain. 

Morgan Rouprêt publie donc "Un déni de démocratie sanitaire" dans le journal des travailleurs et des travailleuses (ICI) en jouant sur la corde sociale sensible. Cet article est un tissu de contre-vérités flagrantes, un appel au peuple, une argumentation (?) pleine de sensiblerie et un plaidoyer pour la spécialité chirurgicale la mieux dotée et où les honoraires sont parmi les plus élevés du corps médical. Que L'Humanité ne se trompe pas de combat. Morgan Couprêt développe des arguments idéologiques dignes d'une science néo lyssenkiste, celle qui veut tordre le cou non seulement aux données de l'épidémiologie (une science bourgeoise ?) mais aussi à l'impérialisme américain : les petits pois de Mandel sont remplacés par les noisettes de l'AFU. Les journalistes du quotidien communiste auraient pu se renseigner sur le bonhomme  (3, 4).


Et ainsi, je veux ajouter ceci : les chimiothérapies de troisième, quatrième, voire cinquième ligne sont des aberrations, sont des renoncements de la part des oncologues qui ne peuvent faire autrement que continuer le traitement pour ne pas désespérer Billancourt, pour ne pas avoir à dire dire aux malades et à leur famille "Nous avons échoué" comme n'importe quel médecin traitant le dirait à son malade de trente ans. Je dis que nombre d'essais cliniques sont menés  sur des cadavres ambulants en dépit de toute éthique, en faisant des promesses fallacieuses, en promettant la guérison à des patients qui sont déjà morts... Je dis que la finalité de ces essais est d'obtenir une AMM, une facile AMM, un prix considérable, facilement considérable, car, que voulez-vous, si on sauve un patient, il n'y a pas de prix, en cachant les effets secondaires ou en les minimisant et qu'ils permettent aux expérimentateurs de faire les malins dans les congrès en lisant des textes qu'ils n'ont souvent pas écrits en s'aidant d'écrans power point composés pour eux et aux frais de leurs maîtres big pharmiens.

Nous reviendrons dans une deuxième partie sur le plan cancer lui-même.

Je voudrais souligner, en guise de conclusion provisoire, que ce tableau apocalyptique est un constat systémique, il y a bien entendu des hommes et des femmes bons dans ce milieu, moraux, respectables mais on attend qu'ils quittent leurs fonctions pour qu'ils puissent parler et faire enfin les révélations que nous avons déjà faites.

PS (je rajoute ce qui va suivre le 4 août 2014 où, dans la même journée, j'apprends

  1. Qu'un article américain rapporte que les 71 dernières molécules anti cancéreuses (Tumeurs solides réfracraires et/ou métastatiques et/ou avancées apportaient en moyenne une survie augmentée de 2,1 mois) : LA
  2. Qu'un article américain rapporte une augmentation du nombre des K du sein chez les femmes entre 20 et 49 prenant une contraception O/P ICI : augmentation du risque relatif de 50 % ((OR, 1.5; 95% CI, 1.3–1.9))avec des variations selon les pilules. Les quelques cliniciens qui parlent de cela depuis des siècles vont-ils enfin être écoutés ?

Notes
(1) Le goût et le pouvoir, Paris, Grasset, 2007. Jonathan Nossiter dit à un chef étoilé célèbre après un repas :  "Vous êtes un excellent cuisinier mais un piètre restaurateur." parce qu'on mangeait bien mais que les clients étaient mal reçus.
(2) Les mêmes Gaulois qui continuaient à prescrire du distylbène (DES) alors que tout le monde savait (les non Gaulois) que c'était inefficace et dangereux ; les mêmes Gaulois qui prétendaient que le traitement hormonal de la ménopause était efficace, non dangereux, voire féministe -- nous n'avons pas le temps ici de développer.
(3) Pour les journalistes de L'Humanité, quelques données concernant le professeur fort de 378 articles recensés par PubMed (ICI), la bible de la production éditorial mondiale, certes été accusé de plagiarisme (ICI), ce dont il se défend, auteur de livres d'enseignement de l'urologie (LA), un médecin, dont la biographie est exemplaire (4), et qui, non content de collaborer largement avec l'industrie pharmaceutique (LA en inscrivant son nom puis en recherchant on retrouve 7 écrans) ce qui, selon la doctrine Lina (ICI) signifie compétence et indépendance.
(4) Morgan Rouprêt est chef de clinique assistant en urologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Il est titulaire d'un Master Recherche et d'une thèse de doctorat en sciences (travaux de recherche fondamentale sur les mécanismes de cancérogenèse en onco-urologie).
Il a été récompensé par plusieurs prix dont la médaille d'or de chirurgie de l'internat des hôpitaux de Paris (2005), le prix Le Dentu-Renon de l'Académie nationale de chirurgie (2006) et le prix du Best Scolarship Award(2007) de l'Association européenne d'urologie. Il est aussi conférencier d'internat depuis bientôt 5 ans à Paris et en Proince

dimanche 24 novembre 2013

Le cancer du sein de la ministre.


La ministre déléguée à la famille, j'avoue mon ignorance, je ne le savais pas auparavant, a décidé de  révéler qu'elle se battait depuis huit mois contre un cancer du sein. Le journal Le Monde en fait un article (ICI).
Je ne sais quoi penser de cette révélation. Encore une fois les femmes politiques sont des femmes comme les autres mais l'article (et je ne sais si la ministre l'a relu et / ou corrigé) révèle exactement le contraire.
Conformément à la doxa ambiante (et à laquelle je participe en demandant des comptes big pharmiens à tout le monde), il faudrait que je révèle la totalité de mes conflits d'intérêts, ce qui est impossible  : je suis a priori contre le dépistage organisé du cancer du sein par mammographie chez les femmes entre 50 et 74 ans (et je suis un repenti car j'y ai "cru" et ce sont les lectures de Junod et de Prescrire, puis par la suite, de Göetzsche et autres, qui m'ont fait changer d'avis) et je tente d'informer mes patientes ; je prescris aussi des mammographies quand il le faut ou quand mes patientes, dûment informées, ne sont pas d'accord avec moi ; et j'ai connu deux décès par cancer du sein dans ma famille très proche. Fin de la parenthèse.

Ma première réaction, épidermique, était qu'encore une fois une femme politique faisait de la politique.  D'ailleurs l'article parle deux fois du Mariage pour tous... Puis j'ai lu, voir plus bas, des réactions bloguesques, et je me suis dit, au delà des critiques, très acerbes de la part des femmes qui ont eu un cancer du sein (ou qui l'ont toujours) et qui parlent (les autres, nous ne savons pas), que la démarche de Madame Bertinotti était à la fois naïve et impudique mais qu'après tout elle avait bien le droit de faire ce qu'elle voulait.
Puis, en réfléchissant, je me suis demandé pourquoi on lui tapait dessus comme cela.
Les médecins blogueurs ont commencé puis les femmes blogueuses à qui on a annoncé qu'elles avaient un cancer du sein et je me suis dit : est-ce que lorsque l'on a un cancer, fût-on ministre, on est capable d'être tout à fait sereine sur sa propre maladie et sur tous ses tenants et ses aboutissants ? La réponse est non. 

Quelles sont les réflexions des blogueuses chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein ? 

ICI (Mon Intime Sein) on reproche surtout à la ministre la médecine à deux vitesses, celle pour les privilégiées et celle pour  les autres, le fait qu'elle privilégie le travail mais cette blogueuse qui s'étonne que la ministre n'ait pas conseillé les bonnes associations de patients, les bons blogs, les bons sites, elle ne peut s'empêcher, dans une volée de méchanceté de lui dire, certainement pour l'encourager, attention, ce n'est pas fini, vous ne vous en êtes pas sortie, en prédisant l'angoisse de la récidive... Pas gentil, pas très collégial comme discours. Imaginons qu'un cancérologue ou qu'un médecin traitant ait dit cela... On en entendrait des vertes et des pas mûres. En gros, notre blogueuse vient de comprendre que la société française est inégalitaire. Ouah ! J'ai quand même appris un mot la Cancérie.

J'ai un cancer et je ne suis ni digne, ni courageuse : LA. La blogueuse insiste sur le problème des travailleuses précaires, des non fonctionnaires, et sur l'injustice des corps qui ne réagissent pas tous de la même façon à la maladie et à la chimiothérapie. Je cite :"Son courage et sa dignité sont salués. Pour moi qui ne suis ni courageuse, ni digne mais tristement égoïste et paresseuse, c’est une claque de plus parce qu’en plus de tout cela, je suis probablement méchante : je ne suis pas admirative de notre ministre."

ICI, le site Fuck my cancer, souligne que la ministre n'a fait que parler d'elle et pas des autres et insiste sur la médecine à deux vitesses, sur le fait que les aides sociales ne sont pas assez importantes et qu'il s'agit d'un petit traité de camouflage à usage politique (très belle formule). J'ai surtout retenu qu'elle se demandait pourquoi elle n'avait prévenu ni le premier ministre ni le ministre de la santé. Intéressant.

LA, Martine ou ailleurs reproche deux choses, et avec beaucoup de tact, à la ministre : 1) pourquoi en parler et maintenant ? Comme si libérer la parole valait mieux que le silence de ces femmes qui se taisent pour ne pas perdre leur emploi... Et 2) : qu'est-ce que c'est que ce discours de battante ? Comme si, seules les battantes pouvaient s'en sortir, cette idée débile voudrait-elle dire que celles qui meurent ne se sont pas battu ? 

ICI, Catherine Cerisey est de mauvaise humeur, elle trouve l'article cependant bien écrit (pour les critiques voir Martine qui analyse les khonneries de la journaliste), mais elle aussi se plaint des privilèges "régaliens" que la ministre a obtenus à l'Institut Curie (avoir des rendez-vous plus rapides, et cetera...) et, plus justement, du fait que continuer à travailler est plus un privilège physique (résister au cancer et à la chimiothérapie) et professionnel (avoir des employeurs compréhensifs et ne pas être responsable du rayon fruits et légumes dans une grande surface) qu'une preuve de courage. Et elle place un entretien d'elle sur itélé où elle exprime le voeu que la ministre devienne, puisqu'elle en est, la porte parole des femmes porteuses d'un cancer du sein.

Commentaires : à une exception près (ICI) les blogueuses (que j'ai lues), font une critique people et sociale de la démarche de la ministre mais n'abordent pas le problème du dépistage, du sur diagnostic, du sur traitement, et de la condition particulière de la femme malade dans une société patriarcale.
Je vous propose donc de découvrir LA le billet de la crabahuteuse sur la prévention du cancer du sein.

Venons-en aux médecins blogueurs ou apparentés.

Le billet de l'année est celui, LA, d'Hippocrate et Pindare, intitulé avec pertinence : "Dominique Bertinotti, malade du cancer ou malade de la mammographie ? " Notre ami dit tout et bien. Je vous conseille de le lire car le paraphraser ne le rendrait pas plus clair.

Nous avons aussi les deux jumeaux de la presse médicale qui s'expriment. JYN et JDF.

JYNau, ICI, l'article est intitulé, "Pourquoi Dominique Bertinotti doit faire de son cancer du sein un 'instrument politique'", n'y va pas par quatre chemins. Il profite de l'affaire, après un début d'article assez balancé sur les conditions de la révélation du cancer de la ministre et sur la façon dont elle a raconté son histoire,  par écrire ceci : "Tout plaide donc pour la bascule au «tout DO.", DO signifiant Dépistage Organisé, et d'annoncer : L'urgence n'est plus à témoigner pour "faire évoluer le regard de la société sur cette maladie" mais à agir pour réformer un système de dépistage encore trop inefficace". JYNau balaie donc d'un revers de main le sur diagnostic et le sur traitement qui sont les deux problèmes cruciaux du dépistage du cancer du sein (voir Peter Göetzche ICI).

JDFlaisakier, LA, le journaliste vedette d'Antenne 2 (mon oreillette me dit qu'il s'agit désormais de France 2), écrit dans un style consensuel digne du service public et je lis ceci qui me rend perplexe : "Le dépistage organisé subit des attaques récurrentes car on lui reproche d’être à l’origine de surdiagnostic et de surtraitement. Les dernières évaluations présentées par l’association américaine d’oncologie clinique, l’ASCO, chiffrent à 10 % le taux de surdiagnostic, c’est-à-dire d’images suspectes qui s’avèrent, après examen et biopsie, ne pas être le signe d’un cancer." Ainsi, JDF, confond faux positifs et sur diagnostics. Faut-il lire le reste de l'article ? Amen.


Le dévoilement de la ministre adresse au moins six domaines : 
  1. Celui du secret médical. La majorité des patients ne disent pas leur cancer pour ne pas perdre leur travail ou pour qu'on ne les juge pas dans leur travail, en fonction de la maladie qu'ils ou elles ont. 
  2. Celui de la pudeur. La majorité des patients ne disent pas leur cancer pour qu'on ne porte pas sur eux un regard qui les dépouille de leur statut d'êtres humains pour en faire des cancéreux, par exemple, c'est à dire des humains en marge dont la société attend qu'ils se comportent de cette façon ou d'une autre.
  3. Celui de l'attitude de la société à l'égard des patients atteints de maladies graves : du déni à l'apitoiement en passant par la gêne.
  4. Celui de la femme malade dans une société patriarcale.
  5. Celui de l'intendance : l'Annonce, l'attente, les rendez-vous, le suivi médical et par quelles équipes, les relations entre les services hospitaliers et le médecin traitant (pas un mot ni par la ministre, ni par les blogueuses, ce qui montre soit son inutilité, soit son mépris soit son incompétence, petites croix souhaitées), l'accompagnement social...
  6. Celui des croyances sur le cancer du sein (le dépister tôt) et sur les patientes (les battantes s'en sortent)
  7. Ad libitum
Nous sommes en plein pathos.
Décidément une ministre n'a pas le cancer des autres. 
Portez-vous bien Madame Bertinotti.

Je conseille à tous de lire Susan Sontag qui a eu deux cancers dans sa vie, traités l'un aux Etats-Unis et l'autre en France, et qui a réfléchi sur les problèmes du cancer et du sida. 
La Maladie comme Métaphore - Illness as Metaphor (1979 : Christian Bourgois) et Le Sida et ses Métaphores - AIDS and its Metaphors (1989 : Christian Bourgois)
Et, bien entendu, No Mammo ? de Rachel Campergue qui reste, en français, la référence.
Sur ce blog vous trouverez de nombreux billets sur le sujet.

Photographie : Susan Sontag : 1933 - 2004


lundi 25 mars 2013

Brèves médicales pour ne rien rater de l'actualité.


Cancer du sein.
Peter Götzsche (dont nous avons souvent parlé ICI) persiste et signe LA : à l'occasion de la parution des nouvelles recommandations canadiennes (LA) sur le dépistage du sein par mammographies chez les femmes âgées de 40 à 79 ans, dont il salue les avancées, il écrit ceci : "The best method we have to reduce the risk of breast cancer is to stop the screening program. This could reduce the risk by one-third in the screened age group, as the level of overdiagnosis in countries with organized screening programs is about 50%.11" Cela vous en bouche un coin ?  Et il ajoute ceci : "If screening had been a drug, it would have been withdrawn from the market. Thus, which country will be first to stop mammography screening?" Vous imaginez les pontes français du dépistage du cancer du sein dire le quart de la moitié d'un truc pareil...

Cancer de la prostate.
Alors que sur les réseaux sociaux le professeur Vallancien (@gvallancien sur tweeter), contre toute évidence, défend le PSA coûte que coûte en tordant le cou des résultats des essais cliniques au nom de son expertise mandarinale, le docteur Pierre Goubeau a gagné son procès. Dominique Dupagne a été en première ligne pour le défendre, il est juste de rendre à César ce qui appartient à César (sans oublier Jean-Luc Gorel qui se reconnaîtra). Vous lirez Dominique Dupagne dans le texte : LA pour la présentation des faits et ICI pour le jugement.

Nul doute que l'Eglise de Dépistologie va répliquer et affûter ses argumenteurs / argumentaires.

Les nouveaux anticoagulants.
Pour se faire une idée de la place de ces nouveaux produits, je vous propose LA une mise au point Minerva (voir ICI pour la revue et LA pour l'éloge de Grangeblanche). Le sujet est difficile car il existe trois molécules, des indications pointues, des études à la méthodologie complexe (études de non infériorité  par exemple) et des risques encore à découvrir. Toujours est-il que la coumadine est encore bien placée. Pour mémoire des informations déjà anciennes de l'ANSM : ICI.
PS : Un Minerva tout neuf (29 03 2013) : ICI qui montre que dans la fibrillation auriculaire et dans les thromboses veineuses ce n'est pas aussi simple que cela.

Baclofène : le combat des Modernes contre les Anciens.
Un post de Jean-Yves Nau, dont vous savez combien je partage les éminentes vues (LOL), voir ICI, LA et LA, est consacré au  baclofène et il m'a laissé pensif : ICI. Il existe donc les baclofénistes et les non croyants. Les baclofénistes appartiennent au clan des modernes et les autres au clan des anciens. Nau a choisi son camp. Ainsi, selon l'auteur, on assiste à une explosion des ventes de baclofène et cela va être l'occasion d'une formidable phase IV mais il faudrait que l'ANSM se bouge un peu ! Les phases IV sont aux études cliniques ce qu'un livre de Marc Lévy est à un livre de Philip Roth. Ah, j'oubliais : je suis un ancien. Le baclofène est une belle supercherie qui va se dégonfler au fur et à mesure que les essais vont être publiés. Mais l'attrait du hors AMM, le renouveau de l'alcoologie est à ce prix. Nous verrons. Pour l'instant je n'en prescris pas.

La narcolepsie post Pandemrix.
L'ANSM est toujours muette mais l'agence suédoise (Läkemedelsverket) confirme ce jour le risque augmenté de narcolepsie après vaccination par pandemrix chez les enfants et les adolescents et montre un risque augmenté chez les jeunes adultes (21 - 30 ans) : ICI.

Illustration : Les Oeuvres de Georges Steiner viennent de paraître chez Quarto.





mercredi 26 décembre 2012

Cancer du sein : les journalistes JD Flaysakier et JY Nau défendent le système.



Nos deux médiatiques JDF (Jean-Daniel Flaysakier) et JYN (Jean-Yves Nau), journalistes médicaux de renom qui "disent la médecine" et se la pètent le plus souvent a posteriori pour des raisons différentes (nous avons mentionné récemment leurs attaques "courageuses" contre la Revue Prescrire, voir LA), doivent avoir la même attachée de presse : ils écrivent des posts qui se ressemblent tellement qu'il n'est pas possible a) qu'ils ne les rédigent pas ensemble ; b) qu'ils ne copient pas le texte qu'on leur a présenté comme de vulgaires pisse-copie. 
Il est une hypothèse que je n'ose imaginer : JDF et JYN n'existent pas : ce sont des marionnettes d'un(e) journaliste médical(e) qui, tel Romain Gary / Emile Ajar s'ennuierait tant qu'il publierait deux fois pour augmenter son Impact Factor...
Leurs contributions respectives sur un dernier article paru dans Lancet (la revue britannique la plus impliquée qui soit dans les scandales de publication, la grande revue britannique sans comité de lecture, la grande revue britannique fonctionnant largement grâce aux subsides de Big Pharma : LAICI, LA pour des épisodes récents) sont tellement semblables qu'il est possible que ce soit Françoise Weber, la grande directrice de l'InVS (voir ICI son édifiante biographie), encore une hypothèse farfelue, qui ait dicté ces textes de posts. Mais  il n'est pas douteux que le numéro spécial propagande du BEH (Bulletin Epidémiologique hebdomadaire) (voir ICI) soit le livre de chevet de nos deux journalistes à vie.

Les deux articles sont à lire ICI pour JDF et LA pour JYN (le titre ne manque pas d'enthousiasme et de sel : "Dépistage du cancer du sein : pouvoir dire la vérité, enfin.")
Lisez-les auparavant et je vous conseille, par gourmandise, de ne pas laisser passer les commentaires "éclairés" de JDF qui montrent à l'envie son manque d'arrogance, son sens clinique et son désintéressement (sans compter ses aptitudes à la télémédecine...)

Vous avez lu ?

Jean-Yves Nau dit la vérité. On se gausse. Savez-vous que ce journaliste formé à la Faculté de Médecine de la rue des Italiens a réussi à écrire un article sur le dépistage du cancer du sein en citant Lancet (cf. supra), l'HAS, l'INCa (en l'orthographiant mal), en vantant la qualité française, Lise Rochaix (connue de sa grand-mère ; cf. expert mongering LA), et... l'OMS mais sans parler de Bernard Junod ou de Peter Götzsche (voir LA pour des informations) ? Il faudrait en rire, mais non, c'est l'esprit français d'auto encensement et de participation au sérail, sans compter une absence d'esprit critique.
Jean-Yves NAU ne sait pas lire. Mais il recopie.

Jean-Daniel Flaysakier dit aussi la vérité en écrivant ceci : "Enfin il est fondamental que les femmes et leur médecin aient des informations solides, étayées, actualisées sur les bénéfices mais aussi les risques de ces dépistages, notamment en termes de surdiagnostic." Or son post ne mentionne ni Bernard Junod (LA pour l'écouter en direct) ni Peter Götzsche (voir ICI pour des informations). Il est vrai que ces deux auteurs ne font pas partie du lobby santéal français, celui constitué autour des Agences gouvernementales françaises (INCa, InVS) qui sont le bras armé du politiquement nul français. Lui aussi est un fidèle recopieur.

Ces journalistes français impliqués dans le lobby ne savent ni lire, ni écouter, ni écrire.

Ils eussent dû, mais c'est un anachronisme puisque l'entretien a eu lieu après, écouter la Radio Suisse Romande (ICI Pour ou contre la mammographie) et Philippe Nicot, un médecin généraliste français, à partir de la minute 17 et un gynécologue suisse à partir de la minute 21... Mais JDF, aveuglé par l'expert mongering à la française, a eu le culot d'écrire dans un commentaire (effacé depuis) que Bernard Junod, ce n'était pas si terrible que cela... Ils préfèrent sans doute Françoise Weber et son diplôme du CESAM, ils préfèrent sans nul doute les analyses de Catherine Hill effectuées a posteriori sur le fichier faisandé de la CNAM pour tirer sur l'ambulance glitazone (voir LA), mais ils étaient où JDF et JYN quand l'article de Lucien Abenhaïm sur les anorexigènes paraissait dans le New England Journal of Medicine ? A la machine à café de la DGS ou en grande discussion avec Anne Castot, la prêtresse de la pharmacovigilance à la française ?

Fidèles toutous du lobby santéal, ils hument le vent, s'interrogent sur ce qui pourrait le plus flatter leur ego ou leur carrière, analysent les conséquences de ce qu'ils pourraient dire, mais ne prennent pas parti à partir de faits désormais établis sur le dépistage organisé du cancer du sein de peur de perdre leurs "amis" et leurs sources de notoriété.

Les lanceurs d'alerte a posteriori sont des figures établies de l'académisme français comme ces professeurs à la retraite qui dénoncent ce qu'ils ont toujours pratiqués, qui montrent du doigt des faits auxquels ils ont participé, qui fustigent et stigmatisent, des pratiques qu'ils  ont toujours soutenues.
Vous voulez des noms ?
Philippe Even.
Claude Béraud.
Jean de Kervasdoué.
Bernard Debré.
A suivre.

(On accusa Vaclav Havel - 1936 / 2011 - d'en faire trop contre les Soviétiques quand ils occupaient le pays et les mêmes, ceux qui avaient retourné leur veste, l'accusèrent d'en faire trop contre le libéralisme après la révolution de velours)
(Crédit photographique from DISTURBING THE PEACE, Václav Havel, A Conversation with Karel Hvίžďala. translated by Paul Wilson. Knopf, 1990])

PS du 27 décembre. J'avais oublié, dans mon enthousiasme, de publier le courrier de Peter Götzsche Cochrane nordique) qui répondait à l'article du Lancet encensé par Flaysakier / Nau : ICI

jeudi 29 novembre 2012

Quand un administratif de la CPAM administre la mammographie.


Je vous avais prévenus ICI que la disparition de la médecine générale signifiait entre autres que la Société, non contente d'adorer la médicalisation de la vie que la communauté médicale lui avait présentée avec malice et intérêt sur un plateau doré, était en train de la plébisciter au point de vouloir se débarrasser des médecins généralistes considérés comme des empêcheurs de tourner en rond. Et je vous avais donné des exemples de cette future disparition à partir d'exemples tirés de ma pratique (ICI par exemple) et voilà qu'une collègue, en son blog, publie un post éclairant sur Jules et la ritaline (LA).

Une de mes patientes a reçu un courrier de la CPAM des Yvelines en date du 12 octobre 2012 signée par LE DIRECTEUR GENERAL ADJOINT (ce n'est pas moi qui ai mis les capitales), un certain Gérard Maho.

Le titre : Le cancer du sein : dépisté tôt, c'est mieux ! (ce n'est pas moi qui ai rougi et grasseyé les lettres)

Premier paragraphe : Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins. C'est entre 50 et 74 ans que les femmes sont le plus exposées au cancer du sein.

Deuxième paragraphe : Plus un cancer est détecté tôt, plus il se soigne facilement et plus les chances de guérison sont élevées.

Troisième paragraphe : Après la cinquantaine, même si on est en bonne santé, il est important de faire une mammographie de dépistage, tous les 2 ans. C'est le meilleur moyen de détecter un cancer du sein le plus tôt possible. C'est efficace, simple et gratuit.

Quatrième paragraphe : A réception de l'invitation, adressée par l'ADMY (Association de dépistage de masse organisé des cancers dans les Yvelines), il vous suffit de prendre rendez-vous avec le radiologue de votre choix participant au dépistage (la liste sera jointe à l'invitation). Vous n'aurez rien à payer. L'Assurance Maladie règlera directement le radiologue.

Cinquième paragraphe : Parlez-en à votre médecin traitant, votre gynécologue ou votre radiologue.

Sixième paragraphe : Pour tout renseignement, contactez l'ADMY appel gratuit 0 805 11 4000.

Voici ce qui est choquant :

D'une part que la communication de la CPAM des Yvelines soit faite par un administratif, comme si les faits qu'il rapportait tombaient sous le sens commun et étaient devenus une évidence sociétale.
D'autre part qu'il s'agit d'un tissu de contre-vérités et de demi mensonges avec ici et là quelques assertions paraissant "vraies".
Enfin, à aucun moment, l'administratif ne pratique l'information éclairée.

Pour les arguments scientifiques, je ne peux que vous renvoyer ICI au texte que j'avais écrit à la suite de la conférence donnée par Peter Götzsche lors d'une réunion de la Revue Prescrire (LA).


  1. Croyance 1 : Dépister tôt, c'est mieuxLes faits : En moyenne les femmes ont un cancer du sein qui évolue depuis 21 ans quand il atteint la taille de 10 mm.
  2. Croyance 2 : Il vaut mieux trouver une petite tumeur qu'une grosseLes faits : Les tumeurs détectées par dépistage sont généralement peu agressives ; aucune réduction du nombre de tumeurs métastasées n'a été constatée dans les pays où le dépistage est organisé.
  3. Croyance 3 : En identifiant les tumeurs tôt un plus grand nombre de femmes éviteront la mastectomieLes faits : Non, un plus grand nombre de femmes subiront une mastectomie.
  4. Croyance 4 : Le dépistage par mammographie sauve des vies.Les faits : Nous n'en savons rien et c'est peu probable, par exemple la mortalité par cancer est la même.


Nous pourrions également relever des contre-vérités non scientifiques comme celles de la gratuité... Qui paie ?
Mais, surtout, Monsieur Maho utilise trois adjectifs qu'il accole, trois adjectifs qui sont trois contre-vérités : efficace, simple et gratuit.

Il ne faut pas désespérer les défenseures du dépistage (les seules capables de le faire puisque ce sont des femmes et des patientes atteintes d'un cancer du sein) comme les rédactrices respectives des blogs Cris et chuchotements (ICI et LA pour le cancer du sein) et Catherine Cerisey Le Blog (ICI) (sur laquelle nous reviendrons un jour pour ses liens avec la pub et / ou le web 2.0 commercial) même si un article récent signale que nombre de femmes ont subi une double mastectomie inutile ou d'autres monstruosités (voir ICI).

Il est vrai aussi que l'Assurance Maladie, en envoyant des courriers de relance aux malades, permet aux médecins de toucher des primes plus importantes (dans le cadre du Paiement à la Performance).

Tout est bien qui finit bien.

(Mathilda May in Marie-Claire pour Octobre Rose LA)

PS du huit décembre 2012 : Le Formindep n'aime pas Octobre Rose. Voir LA

jeudi 4 octobre 2012

Peter Götzsche versus le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (Organe central de désinformation sur le dépistage du cancer du sein).



J'ai assisté aujourd'hui à la remise des prix Prescrire (la Revue s'est impliquée, depuis 2006, dans la critique de la politique de dépistage organisé du cancer du sein en France comme dans le monde à partir des études de la littérature) et j'ai pu entendre, comme de nombreux participants, un exposé limpide de Peter Götzsche de la Cochrane Nordique, sur l'inutilité des programmes de dépistage pour faire baisser les mortalités spécifique et globale (ICI pour l'exposé et LA pour les diapositives).
Heureusement, les données que nous a fournies notre ami danois, et vous ne pouvez me voir rougir de confusion, je les ai déjà rapportées en différents posts de ce blog. Ce sont des données connues. Ce sont des données avérées. Mais le ton de l'orateur, sa connaissance du sujet et son français étonnant de simplicité ne pouvaient manquer de nous conforter dans ce que les partisans du dépistage appellent  nos croyances dans l'inutilité de ce dépistage.

Je voudrais rappeler trois points sur lesquels je n'ai pas assez insisté dans mes posts : Le dépistage organisé ne réduit pas le nombre de cancers métastasés ; le dépistage organisé ne réduit pas le nombre de mastectomies (et bien au contraire) ; le dépistage organisé ne réduit pas la mortalité par cancer.

La dernière parution du BEH (Bulletin Epidémiologique hebdomadaire) consacré aux résultats du dépistage du cancer du sein par mammographie (ICI) est, il est possible de faire plusieurs choix, une aberration, un scandale, une entreprise désespérée pour défendre le programme français de dépistage, la dernière khonnerie de Françoise Weber (avant, on choisit, sa démission ou son limogeage).
Nous savons depuis longtemps que l'InVS est une Agence Gouvernementale aux ordres de la DGS (Direction Générale de la Santé) ou du gouvernement (heu, c'est la même chose) ou du lobby santéo-industriel (c'est un néologisme) qui s'est illustré, entre autres, dans, par exemple (et vous excuserez mon manque d'exhaustivité) des articles rapportant la mortalité liée à la grippe et les bénéfices que la population pouvait tirer de la vaccination. Revenons à notre Agence Gouvernementale.
Elle a publié un numéro costaud. Le genre de pavé incontournable que l'on ne peut recevoir qu'en pleine figure. Et sans l'avoir lu. 
L'InVS, non content de publier des auteurs maisons et aux ordres, 
et je vous ai déjà entretenu de l'expert mongering (LA), procédé qui consiste en France et pour ce qui concerne les agences gouvernementales (il existe aussi un expert mongering lié à Big Pharma dont les modalités sont un peu différentes et que je vous ai déjà décrit), à embaucher de jeunes universitaires, parfois bardés de diplômes mais parfois copains du gars qui vu le gars, qui n'ont rien publié auparavant ou de vagues articles universitaires sans intérêt -- il suffit de jeter un oeil sur PubMed, ICI, et, promis, j'ai extrait le nom Exbrayat C au hasard --, et à leur faire publier des articles dans des revues maisons, sans regards extérieurs critiques, comme le BEH, qui prennent de la valeur ajoutée, c'est à dire qu'ils sont indexés dans les bases de données, parce qu'ils émanent d'une Agence Gouvernementale...
publie un texte de Stephen Duffy, éminent chercheur qui défend le dépistage depuis des années et très récemment encore (voir ICI un commentaire du BMJ de son article publié dans un supplément de revue J Med Screening 2012;19:suppl 1.), avec des analyses statistiques hypercomplexes et comprises de lui seul, très critiqué un peu partout dans le monde mais aussi en raison de ses conflits d'intérêt. Avouons cependant, et au delà de l'opinion que j'ai moi-même sur la question, que Duffy et Götzsche ne s'aiment pas beaucoup : voir LA un commentaire du second sur le premier.
Pour que l'on ne dise pas que je suis partial et que ce que je dis est malintentionné je voudrais vous donner les exemples suivants sur ce numéro du BEH :
  1. Je passe sur l'éditorial de Corinne Allioux qui est un plaidoyer pro domo, ce qui peut se concevoir comme figure de style habituelle dans une présentation, mais qui, bien entendu, élimine tout commentaire critique éventuel. Il est clair que ses fonctions (Présidente de l’Association des coordinateurs de dépistage (Acorde) ; médecin coordinateur de la structure de gestion de Loire-Atlantique) la rendent d'emblée pertinente pour développer une argumentation balancée. Mais Big Pharma a parfois plus de clairvoyance.
  2. Premier article qui est, pour le coup, un plaidoyer sans nuances pour le dépistage organisé français et dont les 4 signataires sont des membres de droit du Comité Central représentant la DGS (déjà citée), une association de dépistage, l'INCa et l'InVS. On y apprend, au détour d'un paragraphe dans ce qui devrait être une discussion mais qui n'est qu'un plaidoyer pour l'extension du dépistage à d'autres tranches d'âge, que la DGS a plusieurs fois interrogé la HAS ou ses enfants sur les possibilités d'extension ! Comme l'a dit Peter Götzsche au hasard d'une réponse : la santé publique n'est pas faite pour les malades mais pour ce qui pourra en être dit au Parlement.
  3. Le troisième article est de l'épidémiologie descriptive basique et l'on apprend, je cite,
    Les évolutions d’incidence observées reflètent probablement l’action com- binée de plusieurs facteurs (facteurs de risque, dépistage et techniques diagnostiques). Cependant, l’interprétation de ces données descriptives est complexe et doit rester prudente.. Sans rire, comme on dit dans le Canard Enchaîné.
  4. Article inintéressant, puisque non contradictoire, sur l'évaluation du programme de dépistage français entre 2004 et 2009, et rédigé par trois membres éminents de l'InVS. On n'est jamais mieux servis que par soi-même.
  5. Article écrit par ceux qui organisent le dépistage sur la spécificité et la sensibilité du programme : et que croyez-vous qu'il arrivât ? C'est génial !
  6. Article "extérieur" de Stephen Duffy et collaborateur. L'article dit en gros que le sur diagnostic peut être évalué à 10 % et que les bénéfices l'emportent sur les inconvénients. Rappelons ici que Bernard Junod à partir de données françaises (ICI) et Jorgesen et Götzsche (LA) à partir de données danoises évaluent le sur diagnostic à 50 % !
Bon, je m'arrête là, cela devient fastidieux, car il y a encore 3 articles qui tentent d'enfoncer le clou et qui, nonobstant le travail qu'ils ont dû générer, ne sont pas très intéressants.

Cette réunion organisée par Prescrire s'est aussi interrogée, par l'intermédiaire de certains de ses participants, et sans y répondre à ces questions : Doit-on tout arrêter maintenant ? Doit-on jeter le bébé avec l'eau du bain ? Comment les dépisteurs pourraient-ils faire pour renoncer sans perdre la face ? 
Il est possible que ce soit le paradigme lui-même qui soit en cause, la croyance en l'efficacité du dépistage et la croyance en la nécessité de "ne pas perdre de temps".

Je voudrais terminer sur une diapositive de Peter Götzsche qui résume les croyances des femmes (et je dirais des médecins hommes ou femmes) sur le dépistage du cancer du sein que l'on nous a serinées depuis des années, croyances que notre ami réfute et, parfois, malgré les faits, il arrive que certains d'entre nous résistent.
  1. Croyance 1 : Dépister tôt, c'est mieux. Les faits : En moyenne les femmes ont un cancer du sein qui évolue depuis 21 ans quand il atteint la taille de 10 mm.
  2. Croyance 2 : Il vaut mieux trouver une petite tumeur qu'une grosse. Les faits : Les tumeurs détectées par dépistage sont généralement peu agressives ; aucune réduction du nombre de tumeurs métastasées n'a été constatée dans les pays où le dépistage est organisé.
  3. Croyance 3 : En identifiant les tumeurs tôt un plus grand nombre de femmes éviteront la mastectomie. Les faits : Non, un plus grand nombre de femmes subiront une mastectomie.
  4. Croyance 4 : Le dépistage par mammographie sauve des vies. Les faits : Nous n'en savons rien et c'est peu probable, par exemple la mortalité par cancer est la même.
Et je vous résume ce que j'ai déjà publié ici et là (pardon pour ces redites) qui est tiré des travaux de la Collaboration Cochrane :

 "Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire."

(Illustration : Peter Götzsche)

PS du 14 octobre 2012. Peter Götzsche répond indirectement au BEH : ICI
PS du 22 novembre 2012 : un article du New England J of medicine fait le bilan de trente ans de dépistage du cancer du sein aux EU (LA) : With the assumption of a constant underlying disease burden, only 8 of the 122 additional early-stage cancers diagnosed were expected to progress to advanced disease.
PS du 29 novembre 2012. Une partie des réactions à l'article du Lancet sus-cité : LA