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dimanche 23 novembre 2014

Haut Conseil de la santé publique, vaccination anti grippale : addendum désespérant.


Mon dernier billet (voir LA) analysant le rapport du groupe de travail du Haut conseil de santé publique (HCSP) sur l'intérêt de la vaccination anti grippale chez les seniors et les personnels de santé rédigé à la suite de la saisine de la Direction Générale de la Santé (DGS) disait ceci : 
  1. La DGS pose les "vraies" questions (nous avons quand même des doutes sur la naïveté de cette saisine en raison des relations incestueuses qui existent au sein des différentes agences gouvernementales) à défaut d'attendre les "vraies" réponses (une interprétation "malicieuse" est plus vraisemblable : cf. infra)
  2. Le groupe de travail du HCSP est complètement infiltré par les industriels du vaccin (Big vaccine) et personne n'y trouve à redire : méthode française de corruption.
  3. L'efficacité de la vaccination anti grippale n'est pas prouvée scientifiquement dans les deux situations interrogées
  4. Les experts ont l'intime conviction que la vaccination est efficace en ces deux situations et, par une sorte de retournement de la preuve, ils exigent des preuves de non efficacité pour changer d'avis
  5. Les experts payés par Big vaccine n'ont rien fait depuis 40 ans sinon des études bidons et bidonnées et demandent désormais à l'Etat de s'y coller (en sachant que cela ne sera pas fait)
  6. Je suis passé à côté des "vraies" intentions de la DGS et du HCSP

Et voilà que CMT commente (et c'est moi qui grasseye).


"J’aimerais préciser que quand je disais que bientôt la question de l’efficacité des vaccins ne serait plus d’actualité, car la coercition imposerait les vaccins à tous indépendamment de leur utilité, ce n’était pas juste histoire de parler.

En effet, les nouvelles politiques vaccinales qui seront annoncées aux populations dans les mois qui viennent vont probablement mettre en œuvre un ensemble de mesures cohérentes qui rendront très difficile à la population d’échapper à une vaccination, et aux médecins de refuser de vacciner.

Ces nouvelles politiques ont été imaginées, conçues et imposées dans la discrétion par Daniel Floret, président du Comité technique de vaccination, dont on connaît les conflits d’intérêts avec Big Pharma.

Les mesures pourront être, avec des variantes, du type de celles-ci, annoncées par Daniel Floret lui-même :
- traçabilité des recommandations des médecins et du refus des patients
- ces recommandations doivent mettre en avant l’intérêt des vaccins et le risque d’une non vaccination
élargissement des personnels paramédicaux pouvant vacciner (infirmières, sages-femmes, pharmaciens)
- vaccination dans les écoles
prise en charge totale de la vaccination par l’Etat (et non plus à posteriori par la sécurité sociale)

La vaccination dans les écoles pourrait se faire à l’insu des parents, comme cela se pratique au Canada à partir de 14 ans. Il y a d’ailleurs un cas qui a fait beaucoup de bruit outre-atlantique. Celui d’une adolescente, Anabelle Morin, vaccinée à l’école par le Gardasil à l’insu de ses parents, et qui a présenté un premier malaise à la suite du premier vaccin, puis, est décédée (décès inexpliqué) à la suite du deuxième vaccin le 9 décembre 2008. Les parents n’ont donc fait le rapprochement entre malaises et vaccination qu’après coup.

Le système pressenti, proche de l’idéal pour Daniel Floret, serait un système à l’anglaise, où les médecins ne vaccinent pratiquement plus, mais émettent un avis une fois pour toutes sur d’éventuelles contre-indications, et où les nourrissons sont vaccinés ensuite à la chaîne par des infirmières et de même pour les enfants et adolescents dans les écoles. Cela permet, bien sûr, d’atteindre des taux de couverture vaccinale très élevés, indépendamment de l’intérêt du vaccin. Daniel Floret appelle aussi de ses vœux la coercition à l’américaine, où la plupart des vaccins s’imposent du fait qu’ils sont obligatoires pour la scolarisation des enfants.

Un point clé, pour Daniel Floret, est de trouver un mot qui voudrait dire obligation sans être le mot obligation (qui renvoie vers des obligations légales d’indemnisation de la part de l’Etat en cas d’effet indésirable grave, donc un nouveau terme aurait l’avantage de permettre d’échapper à cette obligation de l’Etat) et qui serait alors appliqué à l’ensemble des vaccins anciennement ou nouvellement inscrits dans le calendrier vaccinal .

Si on appliquait l’ensemble des mesures envisagées il deviendrait pratiquement impossible pour les médecins de refuser de faire un vaccin , et pour les patients de ne pas l’accepter. Alors que refuser un vaccin qu’on n’estime pas utile pour soi ou son enfant peut relever actuellement d’une décision individuelle prise dans la sérénité, cela pourrait devenir un acte militant à part entière. Ce qui signifie que la plupart des gens accepteraient de se faire vacciner par tel vaccin qu’ils estimeraient pourtant inutile, uniquement pour éviter les conséquences légales d’un défaut de vaccination. 



Ces commentaires sont éclairants. Et ce, d'autant plus, que j'avais oublié les derniers paragraphes du rapport.

il est licite d’envisager une stratégie complémentaire visant à la protection indirecte des sujets les plus à risque de complications par la vaccination des enfants. Dans l’attente des résultats de l’expérience récemment mise en place au Royaume-Uni, le HCSP souligne qu’une telle stratégie nécessitera : 
une mise à disposition du vaccin grippal vivant nasal, dont la meilleure efficacité a été établie chez l’enfant, et dont on continue à déplorer la non-disponibilité en médecine de ville en France ; 
une étude d’acceptabilité de cette stratégie auprès des professionnels de santé et du grand public, étude indépendante à réaliser dès maintenant ; 
l’obtention d’une couverture vaccinale élevée et qu’en conséquence cette stratégie ne pourra être mise en place en l'absence ds mesures d'accompagnement qui permettent de l'obtenir.

Et nous pouvons rajouter ceci : l'enjeu sera le prix (remboursé) du vaccin nasal pour administration pédiatrique  (Fluenz tetra Nasal spray Suspension, souches vivantes atténuées, actuellement recommandé sous certaines conditions par le Comité Technique des vaccinations, sous officine de Big vaccine) qui est en cours d'examen. Ainsi, un des freins à l'utilisation chez l'enfant, la "piqûre", pourrait être levée et l'objectif subsidiaire, le critère de substitution à la puissance cube, la couverture vaccinale, pourrait être amélioré.

Conclusion (provisoire) :

Sans vouloir jouer les prophètes de malheur, la stratégie menée par l'Etat (visiteur médical officiel de Big vaccine) s'inscrit dans une double démarche : élimination des médecins et infantilisation du citoyen.



Illustration 1 : Daniel Floret en majesté. Alias Louis XIV
Illustration 2 : Abattoir industriel sur un site écolo : LA
Illustration 3 : Voir ICI un site avec beaucoup de dessins amusants.

jeudi 25 septembre 2014

Le péché originel du Gardasil par Claudina Michal-Teitelbaum. Présentation du colloque du 23 juin 2014 tenu à l'initiative de Philippe de Chazournes.


GARDASIL COLLOQUE DU 23 JUIN 2014 A LA REPRESENTATION DU PARLEMENT EUROPEEN A PARIS
Ou LE PECHE ORIGINEL DU GARDASIL
Docteur Claudina MICHAL-TEITELBAUM
Je n’ai pas de conflits d’intérêts

Le 23 juin 2014 dans l’après-midi, a eu lieu un colloque organisé par Philippe de Chazournes, président de l’association de formation et d’information médicale indépendante Med’ocean (ICI).
Philippe de Chazournes avait invité de nombreux représentants d’instances officielles et de l’industrie pharmaceutique (Sanofi) qui n’ont pas pu ou jugé nécessaire de venir. La salle, obtenue in extremis, a été mise à disposition par Michèle Rivasi, députée européenne écologiste, très impliquée dans la lutte contre les conflits d’intérêts et leur influence sur les décisions concernant la santé prises au sein de l’Union européenne et, en particulier, par l’Agence européenne du médicament (EMA).

Les forces en présence dans ce débat
Omniprésente dans ce débat, quoique invisible et préférant souvent déléguer l’expression de ses arguments à des leaders d’opinion bien installés, l’industrie pharmaceutique.
Les principaux laboratoires concernés ici sont Sanofi, Merck (ou MSD) et GSK (GlaxoSmithKline). Merck, laboratoire américain,  est le fabricant du Gardasil, mais il forme aussi une co-entreprise avec Sanofi qui commercialise le Gardasil dans plusieurs pays européens. Merck verse aussi des royalties sur les ventes de Gardasil  à GSK qui représenteraient 24 à 26% du chiffre d’affaires des ventes du vaccin. A eux trois ces laboratoires pesaient, en 2013 quelques 78 Mds d’euros de chiffre d’affaires soit quelques 100 Mds de dollars et 12% du chiffre d’affaires mondial des ventes de médicaments (ICI).
Comme on le sait, notamment depuis les travaux des chercheurs canadiens Leo-Paul Luzon et Marc Hasbani une bonne partie de cet argent,  une partie croissante des dépenses des gros laboratoires pharmaceutiques, n’est consacrée ni à la production de médicaments ou vaccins, ni à la recherche et développement mais au marketing, qui englobe un ensemble de stratégies d’influence. Ces stratégies d’influence ont pour conséquence de générer la multiplication des conflits d’intérêts au sein des Etats, des représentations parlementaires nationales et européennes et des agences  nationales et internationales de santé. Les trois laboratoires cités totalisent quelques 300 000 employés. Le rôle de beaucoup  d’entre eux, ce pour quoi ils sont payés, c’est d’imaginer et d’implémenter toutes les formes de stratégies d’influence dont le but principal, comme dans toute société commerciale, est de maximiser les chiffres de vente et donc les recettes et les bénéfices de leur employeur.
De l’autre côté, lors de ce colloque, nous étions quelques médecins, représentatifs des quelques dizaines de médecins qui, en France, veulent favoriser une approche non idéologique et EBM (Evidence Based Medecine ou Médecine fondée sur des preuves) du débat autour des vaccins contre le papillomavirus. Nous avions en commun d’être des médecins de terrain, de consacrer une bonne partie, si ce n’est l’essentiel de notre temps libre, à essayer de comprendre les aspects scientifiques de cette controverse, à essayer de distinguer ce qui relève du marketing et de la désinformation dans ce débat pour ensuite pouvoir transmettre ce que nous avons compris à nos confrères et au public. La plupart d’entre nous sommes des partisans convaincus de l’EBM dont le principe est d’exiger une démarche scientifique rigoureuse dans l’évaluation des médicaments qui nous permette de donner une information de haute qualité aux patients afin qu’ils puissent ensuite faire des choix éclairés en fonction de leurs valeurs et préférences. Notons bien, au passage, que la démarche EBM, bien comprise, est une démarche certes scientifique, mais, avant tout, éthique, parce que son objectif principal est d’apporter une information de qualité au patient pour qu’il puisse faire des vrais choix et non des choix orientés par une présentation trompeuse des faits.
Donc, des forces bien inégales en présence.

Le choix de ne pas s’appesantir sur les effets indésirables
C’est une décision prise par Philippe de Chazournes et que j’approuvais. Elle a pu choquer les associations de victimes et les associations anti-vaccinalistes qui n’ont pas été invitées à ce colloque.
Il faut d’abord dire que la question des effets indésirables est au centre de nos préoccupations, nous, médecins de terrain, partisans de l’EBM, engagés dans ce débat. Tout simplement parce que s’il ne s’agissait que de dépenser de l’argent inutilement dans un vaccin, ce serait certes embêtant, bien embêtant pour les finances publiques, mais ce ne serait pas tragique, et nous ne nous sentirions pas directement concernés en tant que médecins. Mais c’est effectivement l’idée des dégâts, parfois irréparables, qu’un vaccin inutile pourrait provoquer chez des jeunes filles et des jeunes hommes en bonne santé qui nous motive et nous fait veiller tard le soir.
Il faut que je précise pourquoi ce choix de ne pas aborder ce débat sous l’angle des effets indésirables me paraît pertinent.
D’abord parce que ce débat autour des effets indésirables tend à déclencher des réactions de peur, des réactions passionnelles qui rendent très difficile tout débat argumenté. La presse  a tendance à se jeter sur toute nouvelle annonce concernant les effets indésirables car cela fait vendre du papier. Les mouvements anti-vaccinalistes et aussi les associations de victimes emboîtent le pas et fulminent sur internet et dans la presse. Au final, les parents ont peur pendant quelques semaines puis oublient, une nouvelle sensationnelle chassant l’autre, sans avoir pour autant compris le fond du débat. Dès qu’ils auront oublié ils feront vacciner leurs enfants.
Cette impossibilité d’avoir un débat scientifique argumenté arrange énormément les laboratoires pharmaceutiques, qui ont visiblement donné des consignes aux leaders d’opinion. Ces consignes sont de présenter le débat autour du vaccin comme opposant le bon sens et la rigueur scientifique de la masse des médecins pro-vaccin à l’irrationalité des opposants au vaccin présentés comme des anti-vaccinalistes primaires. C’est ainsi que le débat est présenté par Infovac, dont tous les experts ont des liens d’intérêt multiples et variés avec l’industrie pharmaceutique (LA).
Je donnerai exemple pour illustrer cette stratégie de discrédit des opposants adoptée par les services marketing des laboratoires concernés et relayée par les leaders d’opinion et les medias d’information subventionnés pas les laboratoires pharmaceutiques.
Le 9 septembre, « radio Sanofi » fut la première à mettre en avant une étude danoise présentée, de manière très partiale et partisane, comme la démonstration de l’efficacité du Gardasil (ICI). Il s’agit en réalité d’une étude publiée en février et passée inaperçue mais soudainement mise en avant par la grâce de radio Sanofi. Je précise que radio Sanofi est le surnom que j’ai donné à fm fréquence médicale (LA) radio de l’affairiste bien connu, accessoirement titulaire d’une carte de presse, Jean-François Lemoine. Cette radio est exclusivement réservée aux médecins. Voici quelques éléments de biographie de Jean-François Lemoine (LA) et d’autres informations le concernant (ICI). Voici également la présentation faite par fm fréquence médicale de cette étude (LA).
Présentation aussitôt reprise par différents sites d’information grand public dont un autre site appartenant à JF Lemoine « pourquoi docteur » (ICI).
Cette étude est présentée comme indépendante. Néanmoins, parmi les auteurs, on trouve Suzanne S. Kjaer du Centre danois de recherche sur le cancer. Elle est même la directrice scientifique du Mermaid project II (LA), projet privé fondé par des banquiers et hommes d’affaires qui a totalement financé l’étude. Ce médecin a été rémunérée grâce aux financements de Merck pendant plusieurs années pour sa participation au volet danois des essais cliniques sur le Gardasil dans le cadre de l’essai appelé Future II. Elle est aussi rémunérée pour sa participation aux conseils scientifiques de Sanofi et Merck et reçoit des subventions pour ses recherches de ces deux laboratoires, entre autres. Autant dire, au statut près, que c’est une employée des laboratoires.
Le discours du Dr Baldur-Felskov est, mystérieusement, exactement adapté à la stratégie adoptée par les laboratoires pour contrer les opposants à une vaccination systématique infondée. Elle explique complaisamment aux journalistes de la radio fm fréquence médicale que, si l’on a pu avoir ces résultats (je ne me lance pas ici dans l’analyse de cette étude, qui le mériterait pourtant) c’est parce qu’au Danemark il y a peu d’anti-vaccinalistes ce qui n’est pas le cas ailleurs, suivez son regard.
Mais qu’est-ce donc qu’un anti-vaccinaliste ? Puisque moi et tous les médecins qui réclamons le débat et plus de transparence au sujet des vaccins contre le papillomavirus sommes censés en être j’aimerais bien le savoir. J’en donnerais une définition non académique mais simplement empirique. Je dirais que pour moi, un anti-vaccinaliste, est une personne qui est obsédée par les vaccins et persuadée que les vaccins sont du poison (ce mot revient souvent dans les écrits et propos de certaines associations) et qu’il est criminel de vacciner. Et/ou une personne qui pense que Andrew Wakefield, le médecin qui disait avoir établi un lien entre vaccin contre la rougeole et autisme, est un héros alors qu’il est, de toute évidence, un opportuniste et  un escroc (cf. à ce sujet, le dernier paragraphe de mon article sur la rougeole (LA). L’anti-vaccinaliste peut mélanger dans ses propos des arguments scientifiques avec des arguments totalement irrationnels sans que cela le perturbe le moins du monde.
Je ne me reconnais absolument pas dans ce portrait, et je pense que aucun des intervenants au débat n’y ressemble. Disons, simplement, que pour les experts d’ Infovac est anti-vaccinaliste toute personne qui s’autorise à penser au sujet des vaccins.
La focalisation sur les effets indésirables se traduit finalement par des querelles de chiffonniers au sujet des chiffres et de l’imputabilité de ces effets, querelles auxquelles les laboratoires et les leaders d’opinion se prêtent bien volontiers parce que cela permet de rester sur leur terrain de prédilection, en jouant sur les peurs et les illusions, et leur évite d’aborder l’argumentaire de fond. Ce jeu finit pas être lassant, et il y a un risque réel de banalisation des effets indésirables.
Pour ne pas faire trop long je ne m’étendrai pas ici sur les grosses ficelles utilisées pour fausser le débat au sujet des effets indésirables, comme de changer en permanence les règles du jeu c'est-à-dire les critères d’interprétation de l’effet indésirable , ou exiger que le mécanisme physiopathologique soit élucidé pour en reconnaître l’existence,  ou encore, minimiser certains effets indésirables en les qualifiant de psychogènes, ou simplement laisser croire que les évènements indésirables déclarés représentent la totalité des évènements indésirables survenus... Mais je mentionne que je regrette que la revue Prescrire soit la première à se prêter à ce jeu de dupes, pour des raisons purement idéologiques et non scientifiques qui font qu’elle s’éloigne de plus en plus, dans ce débat, des positions éthiques qu’elle est censée défendre.
On pourrait finir par croire que l’intérêt d’un vaccin est de ne pas provoquer d’effets indésirables. Nous l’évoquerons plus loin mais un vaccin sans effets indésirables, cela n’existe pas. Et la rareté des effets indésirables n’est pas un argument suffisant pour justifier une vaccination généralisée.
Les parents font ils vacciner leurs enfants dans l’espoir qu’ils n’auront pas d’effets indésirables ?
Je pense plutôt que les parents font vacciner leurs enfants en espérant un bénéfice du vaccin.
Mais comment se définit le bénéfice ? Certainement pas par l’absence d’effets indésirables.
Alors…

Efficace ne veut pas dire utile
Il existe des outils qui peuvent permettre d’évaluer l’utilité d’un vaccin dans une perspective de santé publique. L’analyse médico-économique en fait partie. Même si son but premier n’est pas l’évaluation de l’utilité mais celui du rapport coût-bénéfice, elle nécessite, pour faire cette évaluation, d’envisager l’intérêt du vaccin dans la « vraie vie ». Pour cela, elle pose des hypothèses, qui seront autant de paramètres qui conditionneront le résultat final. L’efficacité et la constance de cette efficacité du vaccin ne sont que des paramètres parmi d’autres. La couverture vaccinale en est un autre tout comme la durée de protection conférée par le vaccin.
Mais dans le cas présent, le vaccin n’est pas seul à prévenir le cancer du col utérin. Il existe un moyen incontournable et irremplaçable de prévention qui est le frottis de dépistage.

Le bénéfice éventuel du vaccin, qui n’a pas d’effet thérapeutique et ne doit pas être utilisé chez des jeunes filles déjà infectées, ne pourra être envisagé qu’en termes de bénéfice supplémentaire obtenu à très long terme, et en marge du bénéfice du frottis.
En fait, l’analyse médico-économique effectuée par l’INVS (ICI), montre qu’en cas de généralisation du dépistage organisé, et dans l’hypothèse d’un bénéfice maximal et constant du vaccin de 70% de préventions des cas de cancer du col, une réduction statistiquement apparente du nombre de cas du cancer du col, avec une couverture constante de 80%,  n’apparaîtrait que dans 70 ans.
Ainsi, l’analyse médico-économique permet de répondre à la question : « quelles sont les conditions pour que le vaccin apporte un bénéfice ? »
La réponse est : ces conditions sont nombreuses et très difficilement réalisables. Et, même dans le cas où toutes ces conditions seraient réalisées, le bénéfice serait faible au niveau de la population, donc très improbable au niveau individuel, puisqu’on n’obtiendrait, si toutes les conditions étaient réunies, qu’une réduction supplémentaire de 18% du nombre de cas de cancer du col utérin à échéance de 70 ans.
A contrario, cela signifie que si une seule de ces conditions n’est pas réalisée, par exemple si la couverture vaccinale n’était que de 60% au lieu de 80%, ou si l’efficacité du vaccin n’était que de 50% au lieu de 70%, ou bien si le vaccin ne protégeait pas à vie, etc., dans tous ces cas le vaccin n’apporterait aucun bénéfice en termes de santé publique et donc n’aurait aucune utilité.
Il ne resterait alors du vaccin que ses effets indésirables et son coût exorbitant.

Le pêché originel du Gardasil
Mais le véritable problème posé par le  Gardasil et les vaccins contre le papillomavirus est de nature éthique et peut se résumer en quelques mots.
Le problème vient de ce qu’un petit comité de la FDA, composé de quelques médecins et chargé de l’examen du dossier soumis par Merck pour émettre un avis sur le choix des critères à évaluer dans les essais cliniques sur le Gardasil, a proposé (aucune règle interne à la FDA ne l’en empêchait) d’accepter pour la première fois au monde le principe d’une procédure accélérée pour un vaccin.
En quoi est-ce extraordinaire et en quoi est-ce, surtout, éthiquement inacceptable ?
Une procédure accélérée de mise sur le marché est une procédure simplifiée d’évaluation d’un médicament, vaccin ou produit biologique. Elle implique une évaluation incomplète de l’efficacité d’un produit.
Les règles de mise sur le marché des médicaments et vaccins qui s’appliquent actuellement sont fondées sur l’utilisation d’essais cliniques randomisés et nécessitent la comparaison sur des critères précis et pertinents sur le plan clinique ou sur le plan de la santé publique, de deux groupes statistiquement semblables obtenus par sélection des participants et randomisation , c'est-à-dire affectation au hasard à l’un des deux groupes des patients initialement sélectionnés, l’un de ces groupes recevant le traitement tandis que l’autre reçoit un placebo. Ces règles ont été imposées aux Etats Unis dans le cadre de l’amendement Kefauver-Harris voté en 1962 suite à des catastrophes sanitaires majeures que sont les scandales de la thalidomide et du distilbène (DES ou diethylstilbestrol)  dans les années quarante et cinquante. Elles étaient destinées à assurer que seuls arrivaient sur le marché des médicaments efficaces et dont la balance bénéfice (efficacité clinique)/risque (d’effets indésirables) était favorable.
Historiquement, la procédure accélérée d’évaluation en vue de l’obtention d’une AMM avait été introduite à la FDA pour faire face à l’épidémie de SIDA en accélérant l’arrivée sur le marché des nouveaux traitements à la fin des années quatre-vingt-dix. Avant la décision concernant le Gardasil, il était habituel que la possibilité d’accéder à une procédure accélérée pour un médicament soit soumise à des conditions très strictes. Elle ne pouvait être accordée que pour des traitements concernant des maladies mettant en jeu le pronostic vital et dans le cas où il n’existait pas d’autre alternative au nouveau traitement pour des personnes malades.
Or, les 28 et 29 novembre 2001, le comité de la FDA chargé de délibérer et  d’émettre des avis concernant l’évaluation des vaccins et produits biologiques (VRBPAC) et composé, pour cette occasion, de seulement trois médecins (Douglas Pratt, Karen Goldenthal et Antonia Geber) s’est réuni et a émis un avis favorable pour faire bénéficier le vaccin de Merck d’une procédure accélérée. Le compte-rendu de cette réunion est archivé à la FDA sous le numéro 3805b1_01 : voir LA.
A lire le compte-rendu on voit que le comité était bien conscient que l’utilisation de cette procédure risquait d’aboutir à une expérimentation d’une durée illimitée sur une population de jeunes filles en bonne santé. Il demandait donc que ce passe droit soit assorti de l’obligation de mener des études de confirmation démontrant un effet réel du vaccin sur les cancers du col. Les seules études de confirmation ayant une réelle valeur scientifique auraient été des études randomisées. Il proposait que les études de confirmation soient fondées sur le suivi des jeunes femmes incluses dans l’étude initiale  et permettent de comparer le nombre de cancers  survenus dans chacun des groupes, celui des jeunes filles vaccinées et celui des jeunes filles ayant reçu un placebo. Mais, une fois l’autorisation de commercialiser en poche, le laboratoire Merck s’est empressé de vacciner toutes les jeunes filles du groupe contrôle de l’essai clinique (groupe non vacciné) rendant ainsi impossible une telle étude.
Exposer à très grande échelle des individus à un vaccin ou médicament n’ayant pas démontré des bénéfices sur des critères pertinents va à l’encontre de tous les principes éthiques. C’est l’équivalent d’un essai clinique en population. C'est-à-dire d’un essai clinique très étendu mais sans la garantie qu’offre un véritable essai clinique, de pouvoir un jour tirer des conclusions quant à l’efficacité du produit.
Dès lors le mal a été fait lorsque la FDA a accepté de mettre le vaccin sur le marché dans de telles conditions et qu’il a ainsi renoncé aux fondements éthiques de l’évaluation des médicaments. Et toutes les discussions qui occultent le fait que des principes fondamentaux d’éthique médicale ont été foulés aux pieds, et que jamais l’efficacité des vaccins ne pourra être connue, ne peuvent qu’être stériles et tourner en rond sans pouvoir aboutir à une conclusion.
La seule manière de rendre défendable, d’un point de vue éthique et de santé publique,  la cause d’un  vaccin qui n’a pas démontré de bénéfice est de prétendre que le vaccin n’aurait pas d’effets indésirables ou, en tous cas, pas d’effets indésirables graves. Parce que dès que l’on admet qu’un vaccin largement administré dans une population et n’ayant pas démontré de bénéfices a des effets indésirables, la seule issue, d’un point de vue éthique et face à l’opinion publique  serait de le retirer du marché.  
Mais les leaders d’opinion et les laboratoires ne peuvent pas soutenir ouvertement l’idée d’une absence d’effets indésirables graves du vaccin, pour la raison simple qu’elle n’est pas crédible.
Alors, ils ont opté, comme souvent les industriels sans scrupules en de telles circonstances (cf. histoire des cigarettiers et du lien entre tabac et cancer du poumon) pour une stratégie du doute permettant de gagner du temps. Car, en l’occurrence, on peut vraiment le dire, le temps, c’est de l’argent. Et plus on attend pour prendre acte de l’inutilité du vaccin et de ses effets indésirables, plus les laboratoires et les leaders d’opinion qu’ils rémunèrent gagnent de l’argent.
Cette stratégie se traduit donc par la publication d’une multitude d’études biaisées ou simplement conçues pour omettre l’essentiel, c’est à dire prétendre démontrer que tel effet indésirable n’est en réalité pas dû au vaccin. Il faut savoir qu’il y a, ces dernières années, environ 2500 nouvelles publications concernant le papillomavirus chaque année répertoriées sur la base de données bibliographiques Medline, et que la grande majorité d’entre elles sont financées soit par l’industrie pharmaceutique, directement ou de manière plus ou moins occulte, soit par des organismes publics qui ont des conflits d’intérêts financiers au sujet de ce vaccin, comme le NIH (National Institute of Health). Le NIH désigne un groupement d’instituts publics américains s’occupant de recherche médicale  dont le NIC (National Institute of cancer) fait partie. Le NIC ayant cédé certains brevets concernant la fabrication du Gardasil à Merck touche, de la part de ce laboratoire, des royalties proportionnelles aux ventes du vaccin. Le NIH, présente la particularité de gérer les subventions publiques à la recherche médicale et d’héberger la base de données bibliographiques Medline, la plus grande base d’articles médicaux au monde. Le NIH dépend du département de la santé américain.
Ainsi, le Gardasil est-il au centre d’un immense réseau de conflits d’intérêts.
 Le péché originel du Gardasil c’est donc celui-là : c’est un vaccin qui a été mis sur le marché en dépit des principes éthiques les plus élémentaires et dont l’efficacité sur le cancer du col de l’utérus  ne pourra jamais être clairement démontrée.

Le colloque du 23 juin
La video du colloque est divisée en quatre parties d’un peu moins de 50 minutes.
Pour visionner il faut d'abord charger le Powerpoint.
Dans la première partie (ICI) (diapositives 1 à 27), Michèle Rivasi explique comment, de sa position de députée, ce vaccin a d’abord attiré son attention. Puis, vers la minute 7, Philippe de Chazournes relate comment il a été parmi les premiers à se mobiliser pour que le débat soit ouvert, sur la base des arguments mêmes qui étaient présentés dans les documents officiels. Puis il présente les intervenants et les thèmes abordés.
Dans la deuxième partie (LA) (diapositives 28 à 122),  Michel Coletti, médecin généraliste, ancien pharmacien, formateur indépendant de médecins généralistes et fin connaisseur des circuits administratifs et des  politiques du médicament en France, explique, avec humour, de quelle manière les décisions concernant les médicaments sont biaisées et comment tout le système est détourné au profit de l’industrie pharmaceutique. Il est suivi, vers la minute 28, par le Dr Jean-Paul Hamon, président du syndicat FMF qui cite des exemples de dysfonctionnements de la régulation du médicament, dont le vaccin  contre le papillomavirus, et les coûts associés. Vers la minute 33, le Dr Alain Siary, médecin généraliste, formateur dans une association de formation indépendante, la SFTG, explique de manière circonstanciée et claire l’histoire naturelle du cancer du col utérin, les facteurs de risque, l’épidémiologie et l’intérêt du dépistage.
Dans la partie 3 (ICI) (diapositives 123 à 138), j’interviens pour parler notamment des essais cliniques et de la notion d’utilité du vaccin, telle qu’elle a pu être évaluée par les analyses médico-économiques. L’utilité du vaccin va au-delà de la notion d’efficacité, qui est toute théorique, et essaye de représenter ce qui va se passer dans la vraie vie, selon les hypothèses admises au départ (par exemple au sujet de la couverture vaccinale ou au sujet de l’efficacité du vaccin). L’utilité du vaccin pourrait se définir comme le bénéfice supplémentaire qu’on peut attendre du vaccin, compte tenu du contexte, de la durée d’évolution du cancer,  et des autres moyens de lutte contre la maladie. Puis, vers la minute 37,  Florence Baltazart, également médecin généraliste, explique pourquoi il y a lieu de mettre en doute le lien de causalité entre cancers ORL et papillomavirus qui est désormais présenté comme une évidence dans les congrès sponsorisés par l’industrie pharmaceutique.
Dans la partie 4 (LA) (diapositives 139 à 160), Michèle Rivasi explique comment, en tant que député européenne, elle essaye d’agir sur des prises de décision et de lutter contre les conflits d’intérêts, dans un contexte où les décisions sont prises de manière particulièrement opaque. Elle est suivie par Nicole Délépine, qui parle de manière plus générale de la prise en charge des cancers et de ses dérives. Ont souhaité  également prendre la parole, Didier Lambert, en tant que représentant de l’association E3M, qui se bat pour la reconnaissance de la responsabilité de l’aluminium dans le déclenchement d’effets indésirables graves provoqués par les vaccins,  et Mme Foucras, représentante de l’association REVAHB, association de défense des victimes du vaccin contre l’hépatite B.

dimanche 4 mai 2014

Dernier Bulletin INFOVAC : tout un poème. Par Claudina Michal-Teitelbaum (CMT).


Pas de liens d’intérêt déclarés de l'auteure.

Le dernier bulletin infovac, N°4 du 4 avril 2014, est une rareté. Ceux qui aiment le surréalisme vont apprécier (ICI).

Infovac se définit comme une ligne directe d’information, constituée par des experts «indépendants», voir LA pour une analyse précédente.

On peut les croire à condition de redéfinir le concept d’indépendance. Selon une technique souvent utilisée par les laboratoires pharmaceutiques (les experts d’Infovac ont été à bonne école), ces experts jouent sur le sens des mots et sur leur ambiguïté. Etre indépendant c’est, pour eux, ne pas dépendre des autorités publiques ni de leur hiérarchie hospitalière. Quant à leurs liens d’intérêt avec les laboratoires pharmaceutiques, qu’il serait trop long de citer, le site entier n’y suffirait pas, ils n’en pipent mot. Infovac se contentant de déclarer que ses comptes sont gérés par l’association ACTIV, qui n’est elle-même qu’un cache sexe des laboratoires pharmaceutiques fondée en 1988  (LA).

Dans un précédent article (ICI), et d'après l'enquête de la journaliste Virginie Belle, je disais : "L’objectif de cette association, dont le nom ne paie pas de mine, était 'd’être une interface entre des laboratoires et des investigateurs pédiatres formés à la pratique des essais cliniques […]'  d’après le site de la SFP (Société Française de Pédiatrie). Elle est financée par Novalac, Pampers, mais aussi par le laboratoire Amgen qui collabore  avec les laboratoires GSK et Pfizer. »

Comme il serait trop long de passer en revue les conflits d’intérêts de tous ses membres, je me contenterai de citer ceux de Claire-Anne Siegrist, vaccinologue suisse et coordinatrice du site Infovac avec Robert Cohen. A l’Agence européenne du médicament les conflits d’intérêts de cette experte, qui est  aussi la fondatrice d’Infovac Suisse, portent le niveau 3 de risque, c'est-à-dire le plus élevé, en raison de ses travaux pour GSK et Sanofi sur les vaccins. Et sa chaire de vaccinologie à l’université de Genève est financée par la fondation Mérieux, dont le fondateur, Charles Mérieux, est le fils du fondateur de l’Institut Mérieux, devenu plus tard, sous le nom de Sanofi Pasteur, le « leader mondial des vaccins » (investigation Virginie Belle pour le livre « Faut-il faire vacciner son enfant ? »). A noter que la déclaration d’intérêts de Claire-Anen Siegrist n’a pas été mise à jour sur le site de l’EMA depuis 2011  LA).     
.

Voilà pour le décor.

Pour les « informations » contenues dans ce bulletin qui va faire date, commençons par le passage de trois à deux doses de Gardasil. Sur la base de quelles études ? Pas de références citées. Il faut aller sur le site du HCSP (Haut Conseil de la santé publique) pour en savoir un peu plus. La décision se fonde sur une étude suédoise montrant une faible différence dans la survenue de condylomes, excroissances génitales bénignes et rares apparaissant chez des femmes infectées de manière répétée par du papillomavirus lors de rapports non protégés, chez des jeunes femmes ayant reçu deux ou trois doses de vaccin entre 10 et 16 ans et examinées quelques années plus tard (LA).      

On est très loin du sujet. Très très loin des raisons pour lesquelles on explique aux parents que faire vacciner leurs filles contre le papillomavirus est primordial. Et on reste très très loin avec la deuxième justification invoquée pour passer à deux doses, à savoir l’augmentation des anticorps chez des jeunes filles de 9 à 13 ans dans l’étude initiale qui a servi de base à l’AMM du Gardasil. Que peut bien signifier l’augmentation des anticorps quand on sait que l’infection par le papillomavirus est une infection pour laquelle l’immunité humorale, celle qui se manifeste par l’augmentation du taux d’anticorps, ne joue qu’un rôle auxiliaire ? Et qu’on n’a jamais pu définir le corrélat, c'est-à-dire le niveau d’anticorps qui assurerait une protection contre l’infection ? Sans parler de la protection contre les transformations cancéreuses, ce qui est encore une tout autre affaire. Broutilles que tout cela. Le laboratoire a demandé le passage de trois à deux doses pour améliorer l’acceptabilité du vaccin et le laboratoire obtient ce qu’il veut.

Deuxième "information" d'Infovac. "coqueluche, renforcement de la stratégie du "cocooning" pour les adultes en contact avec des nourrissons âgés de moins de 6 mois. Tout en précisant qu’il n’existe que peu de données sur la durée de protection de ces vaccins anti-coquelucheux ». Là encore, les « experts » d’Infovac omettent et oublient incidemment un ou deux détails.
L’un d’entre eux est que le vaccin coquelucheux acellulaire a montré sa faible efficacité, efficacité qui va en décroissant au fur et à mesure des rappels, ce qui a notamment été mis en évidence aux Etats Unis lors d’épidémies de coqueluche en Californie et à Washington, où l’on a pu constater que des enfants entièrement vaccinés étaient infectés par la coqueluche, ce qui a donné lieu à des publications peu discutables dans des journaux prestigieux dont le New Engald Journal of Medicine (ICI).          
Autre détail : selon une autre étude l’efficacité d’un rappel ne serait que de 53 à 64%. Il s’agit d’une étude cas-témoin avec confirmation du diagnostic par PCR publiée dans le British medical Journal (LA).  Selon un article publié dans ScienceNews (ICI) cette baisse d’efficacité serait due à l’émergence de résistances dues à des mutations dont la cause est,  probablement, pression de sélection exercée par le vaccin.
Dans tous les cas la stratégie du cocooning n’a pas fait la preuve de son efficacité et n’est pas recommandée par l’OMS . Elle coûte très cher pour des résultats improbables. Une étude faite dans l’Ontario au Canada (ICI) a montré qu’il faudrait vacciner entre 12 000 et 63 000 personnes pour éviter une hospitalisation, et entre 1,1 million et 12,8 millions pour éviter un décès. Et cela avec une efficacité présumée de 85%, très éloignée de l’efficacité réelle du vaccin.

Poursuivons l’exploration de cette petite merveille qu’est le bulletin Infovac.
On nous explique que par ces durs temps où des anti-vaccinalistes attaquent de toutes parts, les experts d’Infovac vont nous donner de quoi clore le bec de tous ces mécréants.
De quoi s’agit-il ? D’un étude clinique ? Non, il s’agit d’une modélisation. Une modélisation publiée dans le rapport hebdomadaire (MMWR) du CDC (Center for Disease control and Prevention des Etats-Unis).
Il faut d’abord expliquer ce qu’est une modélisation. Une modélisation est un type d’étude où on effectue des calculs d’après des présupposés qu’on choisit soi-même. Cela en vue de faire des estimations ou de confirmer des hypothèses. J’exprimais déjà quelques doutes en septembre 2009 au moment de la fausse pandémie grippale, sur la valeur intrinsèque des modélisations annonçant des centaines de milliers de morts (LA). 
J'écrivais ceci :  "Ces faits historiques et les autopsies faites sur des
victimes de la grippe de 1918 invalident totalement les
fameux « modèles mathématiques » tant vantés par
l’OMS, car pour qu’un modèle mathématique puisse servir
à quelque chose, il faut qu’il soit fondé sur des
hypothèses justes. Or, l’hypothèse selon laquelle c’était le
virus de la grippe lui-même qui aurait provoqué une
mortalité cataclysmique en 1918, et non les surinfections
bactériennes, cette hypothèse s’est avérée fausse. Les
modèles mathématiques ont donc des limites : ce sont les
limites à la fois idéologiques et de la connaissance de
ceux qui les conçoivent."

En réalité le fond de ma pensée est que les modèles mathématiques sont la meilleure façon d’autoconfirmer ses propres hypothèses. Par exemple, c’est grâce aux modèles mathématiques qu’on a pu générer une inflation artificielle de la mortalité due à la grippe saisonnière aux Etats Unis et au Canada. Voici comment cela peut arriver.
Kelly Crowe, journaliste au média canadien CBC news, a mené une enquête sur la crédibilité des modèles mathématiques estimant la mortalité due à la grippe. Pour ce faire elle a interrogé plusieurs spécialistes du sujet (LA).  
Au Canada, pays de 23 millions d’habitants, la mortalité annuelle officiellement estimée en rapport avec la grippe est de 2000 à 8000 décès.
Michael Gardam, directeur de l’unité de prévention et de contrôle des maladies infectieuses à Toronto et ancien membre du MITACS, (programme de recherche canadien chargé de la modélisation d’une future pandémie créé en 2003 après l’épisode du SRAS dû à un coronavirus et bénéficiant d’importants financements publics - ICI  ), lui explique que l’estimation de la mortalité due à la grippe repose sur une série de présupposés.
La formule de base du calcul de la mortalité repose sur la notion de surmortalité ou excès de mortalité observée. Si on simplifie le modèle, dit Michael Gardam, le calcul consiste à dire : le nombre de décès en hiver moins le nombre de décès en été égale à la mortalité de la grippe. Autrement dit le modèle présuppose qu’une large part des décès supplémentaires observés en hiver sont dus à la grippe. Pour Tom Jefferson, spécialiste de la grippe au sein de la collaboration Cochrane, la modélisation n’est rien d’autre qu’un travail de devinette hautement sensible aux présupposés de celui qui construit le modèle. Comme il est impossible d’évaluer quoi que ce soit puisque tout est fondé sur une succession d’hypothèses qui se valident mutuellement, Tom Jefferson appelle cela « la médecine fondée sur la foi » (par assimilation à la médecine fondée sur les preuves pour ceux qui n’auraient pas compris).
Kelly Crowe remarque qu’au Canada, en l’espace de 10 ans, la mortalité estimée par grippe est passée de 1500 pour la limite supérieure à 8000, et que les changements se sont produits lorsque les modèles mathématiques permettant de faire l’estimation ont été modifiés. La même chose s’est produite aux Etats Unis en 2003 lorsque le modèle mathématique utilisé pour évaluer la mortalité par grippe a changé et que la mortalité par grippe a été brutalement propulsée à 36 000 décès annuels.
Autrement dit, plus on vaccinait, plus on mourait de la grippe. On en a conclu qu’il fallait vacciner encore plus et cela n’a choqué personne.

L’étude qu’Infovac présente comme définitive et incontestable repose sur la même approche (voir liens 2 et 3 du bulletin). Quant au modèle qui a permis de calculer les chiffres présentés, nous n’en saurons rien car ses présupposés ne sont pas explicités.
D’après cette étude, aux Etats Unis, 322 millions de maladies ont été évitées en 20 ans chez l’enfant entre 1994 et 2013, grâce à la vaccination. Et aussi 21 millions d’hospitalisations et 732 000 décès, soit quelques 36 000 décès par an. Ce qui reviendrait, pour la France, à quelques 7000 décès évités par an. Sans parler d’une économie de 1380 milliards pour la société. Donc, en évitant des décès par maladies infectieuses, qui sont, même en en exagérant beaucoup le nombre, une cause très secondaire de décès aux Etats Unis, où il y a environ 2,7 millions de décès chaque année, les Etats Unis auraient économisé l’équivalent de la moitié du PIB français en 20 ans. Rien que ça…
Comment contester une étude qui décide des questions et aussi sur quelles hypothèses doivent reposer les « bonnes réponses » ? Et qui ne se reconnaît de  défauts ou limitations que dans la mesure où elle aurait pris insuffisamment en compte les bénéfices inestimables de la vaccination ?
Cette étude comporte pourtant tous les biais habituels des études qui ont une approche promotionnelle de l’information, plutôt que scientifique et dont les auteurs ont des conflits d’intérêts, idéologiques, intellectuels, financiers ou quels qu’ils soient. A savoir, surestimation des bénéfices, à travers la surestimation des risques représentés par les maladies visées et à travers la surestimation de l’efficacité vaccinale. Sous estimation des risques et inconvénients. Sur ce point, le problème a été très vite réglé par les auteurs, puisque l’intitulé de la pseudo-étude est bien «Benefits from Immunization… », donc, soyons logiques, on ne parle ni des coûts, ni des risques. Le problème est réglé. Ensuite, attribution systématique de toute variation favorable dans l’épidémiologie à la seule vaccination, quel que soit le contexte. Il n’y a pas d’autre hypothèse, et, d’ailleurs, il n’y a pas d’hypothèse du tout puisque le but n’est pas de comprendre mais de faire une démonstration dont le résultat est connu d’avance.
Prenons, tout de même des exemples dans le tableau présenté à partir du lien 3, tableau qu’il faudrait absolument présenter aux parents, d’après Infovac, pour leur montrer à quel point les vaccins, tous les vaccins, sont tout simplement un don du ciel et une pure merveille.
La rougeole, 57 300 décès évités en 20 ans soit 2865 décès par an pour 3,537 millions de cas annuels. Soit, environ un décès pour 1200 malades. Sachant qu’en France, avant le début de la vaccination contre la rougeole, dans les années 80, on estimait le nombre de décès entre 15 et 35  par an, soit un décès pour 10 000 à 20 000 cas de rougeole avant l’ère vaccinale (ICI), cela placerait les Etats Unis à un niveau plus proche du Zimbabwe que de la France, en termes de létalité due à la rougeole. Plutôt étonnant, n’est-ce pas ?
Pour l’hépatite B. D’après l’étude américaine le vaccin aurait évité 200 000 cas annuels. J’ai déjà eu l’occasion de commenter à propos du fait que la baisse spectaculaire des cas d’hépatite B s’était produite avant les recommandations de vaccination en France. Comme en atteste l’étude citée par la Mission d’expertise pour la vaccination contre l’hépatite B en France, présidée par Bernard Bégaud. Cette étude faite à la Courly à Lyon, montrant une réduction de 12 cas pour 100 000 en 1986 à 2 cas pour 100 000 en 1991, cas recueillis lors d’ analyses effectuées en laboratoire. Même en prenant les chiffres les plus élevés, de 12 cas pour 100 000, on n’arrive qu’à 6000 cas annuels en France, ce qui ferait, pour les Etats Unis, quelques 30 000 cas. D’où sortent donc les 200 000 cas annuels américains ? D’ailleurs, Jean-Claude Grange a bien montré que, d’après les chiffres américains, l’incidence de l’hépatite C s’était aussi effondrée au début des années 90, alors que l’hépatite C ne bénéficie d’aucun vaccin (LA).
Il faut donc croire qu’il y a une part de la diminution d’incidence constatée, si ce n’est la totalité pour certaines maladies, qui n’a aucun rapport avec la vaccination.

Dernier exemple que je prends, celui de la vaccination contre le pneumocoque. Les vaccins auraient évité aux Etats Unis 1,3 millions de cas chaque année, excusez du peu. Comment expliquer des chiffres aussi spectaculaires pour un vaccin qui n’a de bénéfices clairs et significatifs  que dans des maladies rares, les infections invasives à pneumocoque, qui représentent environ 10 cas pour 100 000 en France, ce qui correspond à 6000 cas environ en France et à 30 000 cas environ aux Etats Unis ? Comment est-on passés de 30 000 à 1,3 millions de cas ?
Simplement parce que les auteurs ont décidé d’office d’intégrer un pourcentage important d’otites à pneumocoque et des pneumopathies dans les bénéfices du vaccin, bien que le vaccin n’ait démontré que des bénéfices non significatifs, modestes ou douteux et inconstants  dans ces pathologies (ICI).   

Autre point général, autre source de biais, les bénéfices de la vaccination sont présentés comme constants dans le temps, alors que, on l’a vu pour la coqueluche, mais cela est aussi vrai pour les infections à pneumocoque, pour le papillomavirus, ou pour tout virus ou bactérie présentant différents types ou susceptible de muter, la sensibilité des microorgansimes aux vaccins peut varier dans le temps, en particulier en raison de la pression de sélection exercée par ces mêmes vaccins.
Dernière source de biais importante à appréhender à mon sens : l’approche focale qui implique que toute maladie combattue par la vaccination représente un bénéfice net est fausse. Il existe des centaines, des milliers de types de virus et bactéries pathogènes pour l’homme. Ce n’est pas parce qu’un enfant d’un pays pauvre ne meurt pas de la rougeole qu’il ne mourra pas à cause d’une autre infection  dans l’année, s’il est en mauvaise santé. Ce n’est pas non plus parce qu’on n’a pas eu la rougeole qu’on ne tombera pas malade autant de fois dans l’année.
Je m’arrête là, mais j’espère avoir montré que les « experts » d’infovac, grands défenseurs du vaccin contre le papillomavirus, disent souvent n’importe quoi. Et que ce n’importe quoi est notamment orienté par leurs multiples conflits d’intérêts.

Illustration : Illustrations surréalistes par Igor Morski (LA) (né en 1960)




mardi 7 janvier 2014

Politiques mondiales du médicament : la régulation indésirable. Par CMT : Claudina Michal Teitelbaum

Une édifiante histoire canadienne.





Quand je pense au Canada, je pense aux paysages paradisiaques des grandes étendues sauvages, quasi désertiques, s’étendant à perte de vue. Je pense aussi au froid. Et je pense à la démocratie.
Au plan de la démocratie, le Canada est, dans mon esprit et celui de beaucoup de Français, à mettre sur le même plan que les pays scandinaves ou la Suisse.
Petit pays par le nombre d’habitants, 33 millions, le Canada est un grand pays par son étendue, quinze fois celle de la France. Il est formé de dix provinces fédérées jouissant chacune d’une  large souveraineté,  car élisant leur propre parlement et possédant chacune son propre gouvernement. Les compétences du pouvoir souverain des provinces s’exercent dans des domaines comme la santé, l’éducation, la justice, les programmes sociaux…  Le reste du Canada est composé de trois territoires placés sous l’autorité du gouvernement fédéral.
La plus occidentale des provinces canadiennes, bordant le Pacifique, est la Colombie Britannique (British Columbia ou BC, en anglais), une province de 4,6 millions d’habitants, ayant pour langue officielle l’anglais,   dont la capitale est Victoria et la plus grande métropole Vancouver, qui regroupe à elle seule la moitié de la population de la province.
A l’époque des faits que je vais relater, pendant les premiers mois de 2012, c’était Mike de Jong qui était Ministre de la santé. Celui-ci appartient au parti libéral de Colombie Britannique qualifié de « conservateur » et décrit comme soutenant des politiques néo-libérales. Ce parti est aux manettes de la Colombie Britannique depuis 2001 et son action a été marquée par les dérégulations, la réduction des aides sociales,  les réductions d’impôts et la privatisation à prix soldé de certaines  entreprises publiques. Depuis septembre 2012 Margaret MacDiarmid, du même parti, lui a succédé à ce poste.
C’est dans cette province que s’est produite une attaque sévère et sournoise aux politiques de régulation du marché du médicament, mettant potentiellement en danger la santé et la sécurité des citoyens.

Mes sources
Pour une fois je ne vais pas multiplier les recoupements car, d’une part, il n’y a pas pléthore de commentaires dans la presse canadiennes sur cette affaire, et c’est un des faits inquiétants : le silence relatif  de la presse.
D’autre part, deux enquêteurs « au-dessus de tout soupçon », se sont chargés du travail.
Il s’agit , pour le premier, d’Alan Cassels, chercheur canadien en politiques du médicament de l’Université de Victoria BC, auteur de  « Selling sickness » en 2005 (qu’on peut traduire par « vendre des maladies » ou « façonnage de maladies »)en collaboration avec Ray Moynihan, journaliste d’investigation australien. Voici une présentation en français de son livre  par Med’ocean , l’association de médecins réunionnaise  (http://www.medocean.re/wp-content/uploads/Reunion-FRENCH-1-June-2013-no-photos-AB_05-30.pdf) . Alan Cassels a écrit, en mars 2013, un article rendant compte de cette affaire,  intitulé « The best place on earth (for pharmaceutical companies) » (« Le meilleur endroit du monde (pour les compagnies pharmaceutiques) »), où il faut peut-être voir une référence ironique au «Meilleur des Mondes » de Aldous Huxley. Son article a été publié dans le magazine Focus online ( http://focusonline.ca/?q=node/516) .

Le deuxième investigateur est Paul Christopher Webster,  journaliste indépendant natif de Colombie Britannique, auteur de documentaires et récompensé à plusieurs reprises par sa profession pour son travail de journaliste d’investigation (http://www.paulcwebster.com/)  , et  notamment pour l’article que je résume ici, daté d’avril 2013. Cet article a  été publié dans le magazine de Vancouver, Vanmag,  et est intitulé « Is the government  gagging BC’s drugs safety scientists ? » (« le gouvernement veut-il bâillonner les chercheurs qui évaluent la sécurité des médicaments ? ») (http://www.vanmag.com/News_and_Features/The_Back_Peddling_of_BCs_Drug_Safety_Programs).

Le contexte international du marché du médicament : la bulle pharmaceutique.

Franz Kafka (1883 - 1924)

Pour une meilleure compréhension des enjeux de cette succession d’évènements extrêmement troublants pour une démocratie, il est intéressant d’avoir une idée du contexte qui est celui du marché mondial du médicament tel qu’il s’est transformé pendant ces quinze dernières années. Je vais  tenter de résumer ces transformations de manière synthétique.
A la fin des années quatre-vingt-dix, début des années  deux-mille, la concentration du marché du médicament avait atteint son apogée puisque 98,7% du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique était réalisé dans les pays les plus riches, tandis que les dix premiers laboratoires pharmaceutiques représentaient à eux seuls 45,7% du chiffre d’affaires mondial du médicament (http://apps.who.int/medicinedocs/pdf/s6160e/s6160e.pdf).
Néanmoins, au même moment,  et pour la première fois, toutes les conditions étaient réunies pour que ce marché connaisse des mutations majeures, avec pour conséquence une fin de la suprématie des plus grosses multinationales pharmaceutiques, aussi appelées, par un raccourci, Big Pharma, simultanément à une diminution vertigineuse des dépenses de santé des pays riches, et à une diffusion massive des médicaments essentiels dans les pays pauvres.
En effet, à une panne durable de l’innovation, reconnue par les analystes sérieux du domaine, depuis les années quatre-vingt, s’ajoutait la fin prévisible des brevets de nombreux médicaments parmi les plus innovants ou les plus vendus dans le monde, source de rentes pour les grosses firmes qui en possédaient les brevets, tandis que certains pays émergents, notamment l’Inde, le Brésil et la Chine, étaient en train d’acquérir de véritables capacités industrielles de production de médicaments, annonçant une rude concurrence pour Big Pharma, et la possibilité, pour les pays les plus pauvres, d’avoir accès aux médicaments à des prix abordables.
Les brevets des médicaments les plus vendus tombant dans le domaine public les uns derrière les autres, la diffusion mondiale des génériques, aurait donc dû se traduire, à la fois par un meilleur accès aux médicaments pour les pays pauvres, et par un effondrement du marché mondial du médicament en valeur, avec des économies substantielles pour les pays riches. En effet, d’après IMS Health, multinationale privée spécialisée dans l’analyse prospective du marché de la santé  et, désormais, principal fournisseur mondial de ce type de données, pour un dollar investi dans les génériques, trois dollars sont économisés, en moyenne sur les médicaments sous brevet.
Rien de tout cela ne s’est passé, et le marché mondial du médicament a continué à croître en valeur de manière exponentielle, en particulier dans les pays riches, où les dépenses ont atteint des sommes difficilement soutenables pour des économies supposées en crise. Tandis que, d’un autre côté, malgré une diminution modeste de la concentration en pourcentage du chiffre d’affaires sur les dix premières firmes mondiales, la valeur du chiffre d’affaires détenu par ces très grosses firmes a explosé.
 En termes globaux, le chiffre d’affaires mondial de l’industrie pharmaceutique est passé de 82 Mds (milliards) en dollars courants en 1985 à 327 Mds en 1999 puis  à 856 Mds en 2012 .  De ces 856 Mds 77%, soit 660 Mds de chiffre d’affaires, est réalisé dans les pays riches (d’après le rapport de l’OMS, the World medecine situation en 2004 et les chiffre d’IMS Health pour 2012).
Si la révolution du marché mondial du médicament n’a pas eu lieu, c’est que Big Pharma a su forger une stratégie,  trouver des alliés et multiplier les tactiques pour éviter la concurrence des pays émergents et la baisse des prix des médicaments dans les pays riches . Elle a ainsi déjoué toutes les prévisions et largement conforté une position oligopolistique sur le marché du médicament.
Parmi les tactiques mises en oeuvre, nous pouvons citer en premier lieu les négociations menées au sein de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) lors des cycles de négociations internationales d’Uruguay et de Doha de 1986 à nos jours. L’un des principaux objectifs de ces négociations dans le volet concernant le marché du médicament, était d’amener les pays émergents à adopter une législation les obligeant à respecter les brevets des grosses firmes ayant leur siège dans les pays riches. Pour mener ces négociations au sein de l’OMC, les pays du G8 disposaient de moyens sans commune mesure avec ceux des pays en développement, aussi bien financiers qu’ en fonctionnaires et négociateurs. Tandis que les multinationales disposaient de régiments d’avocats-conseil et de lobbyistes.
Les négociations ont été longues, mais les pays émergents ont fini par céder. L’Inde a été, en 2005, parmi les derniers pays à avoir adopté une législation protégeant les brevets. Cela a eu pour conséquence de freiner durablement la concurrence faite par ces pays à Big Pharma mais a aussi limité, dans une large mesure, l’accès des pays les plus pauvres aux médicaments.
Ainsi, contre vents et marées et malgré la concurrence de gros producteurs dans les pays émergents, la concentration en valeur du marché du médicament sur quelques multinationales ayant leur siège dans les pays riches s’est maintenue pendant le début du vingt-et-unième siècle.
En 2012, les  dix premières firmes pharmaceutiques par le chiffre d’affaires avaient leur siège dans cinq pays (Etats Unis, Suisse, Royaume Uni, France, Israël) et représentaient à  elles seules  354,5 Mds de dollars de chiffre d’affaires, soit 41,4% du marché mondial du médicament.


Une deuxième tactique mise en place par Big Pharma pour s’opposer à la diffusion des génériques s’est concrétisée par l’explosion des demandes d’autorisation de mise sur le marché pour des me-too.
On peut définir les me-too comme des médicaments de marque brevetés proches de médicaments de référence déjà existants, n’apportant pas d’amélioration significative au plan thérapeutique. Mais les me-too présentent un grand intérêt pour les firmes pharmaceutiques. Car en les introduisant sur le marché au bon moment, avant que le brevet du médicament de référence ne soit caduc, et en utilisant toute la puissance de feu de leur service marketing, les me-too leur permettent de concurrencer efficacement les génériques du médicament de référence et de récupérer les parts de marché détenues par celui-ci au bénéfice du me-too, qu’elles se chargent de faire passer pour des innovations majeures auprès des patients et des médecins.
Les me-too permettent donc de déposer des nouveaux brevets avec très peu d’efforts de recherche, et, grâce à la complaisance des agences de contrôle et d’évaluation et aux carences de la régulation, ont permis à certaines firmes de toucher le jackpot à peu de frais. On peut citer, à titre d’exemple parmi tant d’autres, l’Inexium®, ou ésoméprazole, des laboratoires Astra Zeneca, laboratoire britannique né de la fusion entre Astra laboratoire suédois et Zeneca, et septième laboratoire mondial par le chiffre d’affaires en 2012. L’Inexium a avantageusement pris la suite du Mopral ®, oméprazole, dont il est un isomère (une molécule ayant la même formule chimique brute mais une disposition spatiale différente). L’ésoméprazole ou Inexium®, commercialisé en France en 2002, était, en 2006, au deuxième rang mondial pour le chiffre d’affaires généré, rapportant 6,7 Mds de dollars à Astra Zeneca, c'est-à-dire jusqu’à 20% du chiffre d’affaires de la firme (http://pharmacoclin.hug-ge.ch/_library/pdf/cappinfo51.pdf ). Pourtant, la spécialité avait été classée comme ayant une ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu) de niveau IV, c'est-à-dire mineure, par la HAS (Haute Autorité de Santé). Son rapport coût/bénéfice a été notamment critiqué par la revue Prescrire (http://www.prescrire.org/aLaUne/dossierEsomeprazole.php) .  En France, c’est notamment par le biais des prescriptions hospitalières que l’Inexium avait conquis des parts de marché (http://boree.eu/?tag=inexium ).
 Pour éviter la générication de ses médicaments, Big Pharma brouille aussi les pistes, en multipliant les brevets (par exemple, en déposant des brevets qui concernent la forme galénique) pour les médicaments sous brevet existants, afin de rendre ceux qui peuvent être génériqués plus difficilement identifiables.
Pour contrer le développement d’un marché  des génériques indépendant de leur sphère d’influence, les plus grosses multinationales pharmaceutiques peuvent créer aussi leur propre division génériques, comme Zentiva pour Sanofi. Ou bien peuvent racheter les droits sur des génériques a d’autres laboratoires, comme l’a fait Pfizer en 2009 (http://www.20minutes.fr/article/554383/Economie-Pfizer-se-renforce-dans-les-generiques.php) .
La lutte des multinationales pharmaceutiques n’est pas tant contre les génériques que contre la baisse de leur chiffre d’affaires que ceux-ci pourraient provoquer. La stratégie de Big Pharma s’est avérée, à cet égard, tout à fait efficace, puisque aux Etats Unis, où, en 2010, les génériques représentaient 71,2% des médicaments prescrits, les dépenses médicamenteuses ont continué à progresser à grande vitesse (http://www.uspharmacist.com/content/s/253/c/41309/  ).
Une troisième tactique consiste à s’attaquer à la cible des ventes, c’est à dire aux patients, en élargissant cette cible, et donc le marché. C’est le sujet du livre d’Alan Cassels , « façonnage de maladies », évoqué plus haut. Grâce, bien souvent, à la complicité des sociétés savantes, notamment aux Etats Unis, dont les recommandations concernant les maladies servent habituellement de référence aux pays européens, nous avons assisté à une extension accélérée du champ de la pathologie , tout particulièrement dans les pays riches.
Un exemple parlant est fourni par le DSM, Diagnostic and statistical manual, conçu comme un guide diagnostique  qui classe les pathologies psychiatriques par catégories en fonction de leurs symptômes. La conception  de ce manuel veut qu’un ensemble de symptômes soit nécessaire et suffisant pour définir un trouble psychiatrique. Un traitement médicamenteux est généralement associé aux pathologies ainsi définies. Les DSM est mis à jour par la Société américaine de psychiatrie. Plusieurs versions de ce manuel sont parues ces dernières décennies, la dernière étant le DSM-5, en 2013. Ce que les critiques reprochent  à ce manuel est le fait  que pour certains items, les critères diagnostiques sont si larges et vagues, qu’ils ne permettent absolument pas de distinguer le physiologique du pathologique. On peut aussi lui reprocher de postuler, par un raccourci qui n’a rien de bien scientifique mais qui reflète plutôt les conflits d’intérêts des auteurs, qu’un ensemble de symptômes est en lien avec un désordre neurobiologique. Le risque, sous la pression constante du marketing de Big Pharma, est celui d’un glissement perpétuel vers un élargissement de la population diagnostiquée comme souffrant de troubles psychiatriques. Ce qui revient à une augmentation du chiffre d’affaires généré par la vente de psychotropes  pour les firmes mais entraîne un accroissement des risques pris par une population dont les symptômes plus ou moins rigoureusement identifiés par les médecins, ne correspondent en réalité à aucune maladie psychiatrique.
 Un exemple paradigmatique de dévoiement de la médecine induit par cette approche est donné par le TDAH (Trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité), trouble décrit par le DSM, supposé être d’origine neurobiologique, et pouvant être suspecté devant tout enfant plus ou moins agité. La pression de Big Pharma sur les médecins et les parents et les pressions sociales de recherche de performance se conjuguant, on en est arrivés aux Etats Unis à une situation où 3,5 millions d’enfants et adolescents sont traités  et où 15% des lycées ont été diagnostiqués comme atteints de ce trouble. Les personnalités du monde médical et de la recherche sont de plus en plus nombreuses à dénoncer cet abus (http://www.nytimes.com/2013/12/15/health/the-selling-of-attention-deficit-disorder.html?_r=0 ). Le marché des enfants commençant à s'épuiser on commence à investir le marché des adultes...
Une autre tactique pour élargir la population cible des traitements, est la modification des seuils des critères intermédiaires qui servent de repère pour la prescription de traitements au long cours, comme dans le diabète, l’hypercholestérolémie ou l’hypertension. Depuis les années quatre-vingt-dix, les seuils de traitement pour ces pathologies ont été constamment revus à la baisse (http://dartmed.dartmouth.edu/winter10/html/changing_the_rules.php).
 A ce sujet, je me contenterai de citer le dernier épisode en date, où la Société américaine de cardiologie a été prise en flagrant délit de partialité pro-pharma. Non seulement les critères de prescription des statines, médicaments contestés mais très profitables prescrits pour faire baisser le cholestérol, ont été modifiés par cette société savante hors de tout fondement scientifique en 2013, mais l’outil proposé aux médecins pour calculer le risque et évaluer l’intérêt de la prescription de statines s’est avéré biaisé. D’après des épidémiologistes renommés tels Nancy Cook aux Etats Unis, le calculateur fourni aux médecins par la Société américaine de cardiologie surévalue la population supposée relever du traitement d’après les critères définis arbitrairement par cette même société de 75 à 150%. (http://www.nytimes.com/2013/11/18/health/risk-calculator-for-cholesterol-appears-flawed.html?pagewanted=1&_r=1& ). On comprend mieux quel est l’intérêt pour Big Pharma de ces subterfuges, dès lors qu’on sait que les anticholestérolémiants représentaient en 2012, la deuxième classe thérapeutique en valeur du marché mondial du médicament, soit 3,6% de ce marché ou 30 Mds de dollars.
Il faut aussi mentionner, au titre de la recherche d’une extension du marché du médicament,  la multiplication des recommandations de dépistage systématique des cancers, souvent fondées sur des avis et des études biaisés, qui augmentent artificiellement la fréquence de certains cancers comme celui du sein, sans que les bénéfices desdits dépistage ne soient démontrés (http://docteurdu16.blogspot.fr/search/label/CANCER%20DU%20SEIN ).
Enfin, quatrième tactique et non la moindre, le développement de marchés de niche, domaine  qu’on pourrait aussi appeler » le  marché de l’espoir » ou « le marché des médicaments de la dernière chance ».
Les médicaments de niche s’adressent à des maladies graves pour lesquelles on ne dispose pas de traitement efficace.
Ces médicaments de niche sont souvent des biomédicaments définis comme des médicaments faisant appel à une source biologique pour la fabrication de leur principe actif, et issus des biotechnologies.  Un exemple de biomédicament est l’Avastin ® ou bévacizumab, du laboratoire suisse Roche, qui a obtenu l’AMM européenne en 2005. Mais les médicaments de niche peuvent aussi être des médicaments de synthèse, créés par synthèse chimique, comme le tamoxifène. Cette dernière molécule est sur le marché depuis 1976 et est donc commercialisée en tant que générique.  On lui attribue une part importante de la réduction de mortalité par cancer du sein dans les pays développés observée dans les années 90.
Le problème des biomédicaments destinés aux maladies graves c’est que, au nom de l’urgence qu’ils sont censés traiter et de leur caractère supposé innovant, ils bénéficient de procédures accélérées de mise sur le marché et tendent donc à banaliser ce type de procédures. D’après Donald Light et Joel Lexchin , des chercheurs s’intéressant au marché du médicament, 44% des médicaments postulant pour une AMM auprès de la FDA (Food and Drug Adminsitration) entre 2000 et 2010, ont bénéficié de procédures prioritaires.
 Les biomédicaments bénéficient aussi d’un regard particulièrement bienveillant des autorités de contrôle, qui aboutit à ce  que des bénéfices totalement marginaux et contestables, comme une augmentation de la survie de quelques semaines dans le traitement du cancer, sont considérés comme significatifs, et surtout suffisants pour que les autorités leur accordent une AMM ainsi que des prix de vente tout à fait exorbitants. Prix qui sont généralement remboursés par les assurances publiques ou privées, selon les cas et les pays.
 Néanmoins, on doit constater qu’à des effets thérapeutiques qui peuvent être parfois assez spectaculaires, comme en rhumatologie, sont associés des effets indésirables non moins spectaculaires, ce qui limite beaucoup l’intérêt de ces médicaments.
Mais ces effets indésirables ne seront mis en évidence, bien difficilement à vrai dire, qu’après la mise sur le marché de ces médicaments, ce qui peut provoquer, au nom de l’espoir, des véritables hécatombes. La FDA a considéré que c’était le cas pour l’Avastin, qui ne bénéfice plus de l’indication de traitement du cancer du sein métastasé depuis 2011 aux Etats Unis, en raison de ses effets indésirables provoquant une surmortalité des femmes traitées sans bénéfice observable (http://www.fda.gov/newsevents/newsroom/pressannouncements/ucm280536.htm). L’Avastin est toujours indiqué en Europe et en France dans le cancer du sein métastasé.
A la faveur de l’apparition des biomédicaments et de leur coût, les médicaments contre le cancer sont devenus la première famille thérapeutique par le chiffre d’affaires dans le monde  et représentent 4,3% du total du marché du médicament, soit 36,8 Mds de dollars, avec d’excellentes  perspectives de croissance dans les toutes prochaines années, d’après IMS Health.

Une des clés de compréhension du succès des stratégies imaginées par Big Pharma, est que le terme innovation, qui est un terme vague et n’est défini nulle part, est devenu un véritable sésame, un mot magique qui permet de traverser toutes les barrières du contrôle sans encombre et d’obtenir des prix de vente exorbitants à l’origine de dépenses insoutenables pour les finances publiques et pour les patients.
Le résultat de la combinaison de toutes les tactiques mises en œuvre par Big Pharma, est que le marché est inondé de nouvelles spécialités, apportant peu de bénéfices mais dont les effets indésirables ne sont pas correctement évalués par les essais cliniques menés par les laboratoires et visés superficiellement par les agences lors de procédures d’autorisation accélérées.
Des médicaments de plus en plus nombreux touchant des populations de plus en plus importantes dans un temps de plus en plus court, voilà qui justifierait une régulation et des contrôles accrus.
C’est exactement le contraire qui se passe, comme nous allons le constater.

Voici donc notre histoire canadienne, telle que racontée par Paul C. Webster et Alan Cassels.

Au sein du Ministère, une division du médicament efficace, indépendante et… très dérangeante.

Malcom Maclure


Au début de l’année 2012, dans le Ministère de la Santé de British Columbia, cette province canadienne autonome, il y avait une petite équipe, d’à peine sept personnes, impliquée dans l’évaluation des médicaments. Cette équipe était composée, notamment,  d’un chercheur de renommée internationale  Malcolm Maclure, formé à Harvard et Oxford, détenteur d’une chaire prestigieuse de pharmacovigilance à l’Université de British Columbia (UBC), qualifié par un autre chercheur renommé David Henry, de l’Institut pour les sciences evaluatives cliniques de Toronto, de personne totalement intègre, et de chercheur de tout premier plan. Il y avait aussi dans cette division Ron Mattson, un manager de projets de recherche, ou encore des économistes comme Bill Warburton et sa femme, Rebecca Warburton. Cette petite équipe menait de front, et en collaboration avec des chercheurs indépendants de l’université de Columbia appartenant à la Thepateutic initiative (TI), des recherches sur de nombreux médicaments dont l’efficacité ou la sécurité pouvait être mise en doute.
Le pouvoir de cette division était grand, puisque le résultat de ses recherches se traduisait directement  par des décisions de prise en charge ou non de médicaments par le système d’assurances public, appelé Pharmacare, système d’assurance public prenant en charge les prescriptions pour les personnes éligibles, ou par des retraits d’indication d’un traitement dans des pathologies où la recherche démontrait un mauvais rapport bénéfice/risque.
Pour mener ces recherches, l’équipe s’appuyait aussi sur un réseau fédéral d’évaluation des médicaments bénéficiant de financements publics, le Drug Safety and Effectiveness Network (DSEN). Elle comptait aussi sur un outil particulièrement performant, un outil de recueil et de traitement des données concernant les médicaments appelé Pharmanet. Cet outil, créé en 1996 dans la province de Colombie Britannique grâce à un financement public, était qualifié d’unique, car il permettait de centraliser toutes les informations concernant la consommation de médicaments par chaque citoyen de Colombie Britannique. Il constituait ainsi la base de données la plus complète et fiable de la consommation de médicaments au Canada. Parmi les acteurs ayant accès à ces informations, outre les pharmaciens et les médecins, le personnel de la division d’évaluation des médicaments du Ministère de la Santé, qui pouvait les utiliser, une fois anonymisées, pour des études  d’évaluation de sécurité ou d’efficacité réelle des médicaments.
Entre 1996 et 2003, les dépenses de médicaments par personne avaient doublé en Colombie Britannique, d’après un chercheur en politiques sanitaires de l’UBC, Steve Morgan. Et cette augmentation était avant tout due à la prescription de médicaments me-too, dont le prix était en moyenne quatre fois plus élevé que leurs équivalents généricables.
A partir de 2008, le travail de la division d’évaluation du médicament du Ministère de la santé, s’était traduit par une diminution des dépenses de 500 millions de dollars chaque année. Néanmoins les dépenses, en 2012, atteignaient 575 dollars par personne et par an, soit 398 euros (à titre de comparaison, les dépenses par personne en France étaient de 531 euros en 2010, et ont depuis continué à augmenter) dont environ 274 dollars pris en charge par Pharmacare. Cela faisait tout de même de la Colombie Britannique la province la moins dépensière en matière de médicaments.
En 2008, alors que les tensions entre la division chargée d’évaluer les médicaments et le gouvernement libéral ne cessaient de croître, le gouvernement décida de la création de  la Pharmaceutical Task Force ou groupe de travail sur les médicaments, décrit comme contrôlé par l’industrie pharmaceutique, pour enquêter sur le travail de la Therapeutics Initiative (http://www.ti.ubc.ca/about ), le groupe de chercheurs indépendants évaluant les médicaments à l’Université de Colombie Britannique. Cette équipe de chercheurs est plutôt renommée mondialement, et est connue, notamment, pour avoir été l’une des premières à alerter au sujet du Vioxx, cet anti-inflammatoire du laboratoire Merck, qui aurait provoqué des dizaines de milliers de décès prématurés aux Etats Unis, du fait de ses effets indésirables, notamment cardiaques, occultés par le laboratoire fabricant.
L’un des membres du groupe de travail mandaté par le gouvernement canadien pour mener l’enquête, Russell Williams, un lobbyiste connu oeuvrant pour Big Pharma, a exprimé publiquement son opinion selon laquelle le groupe de recherche universitaire indépendant devait être restructuré ou remplacé.

Le démantèlement du système d'évaluation du médicament en Colombie Britannique.

Il faut croire que quatre années de travail ardu n’ont pas suffi au groupe de travail contrôlé par l’industrie pharmaceutique, sans doute aidé par des armées d’enquêteurs privés,  pour trouver la faille qui lui aurait permis d’en finir avec l’indépendance des chercheurs chargés de l’évaluation du médicament d’une manière qui présente un semblant de légitimité démocratique.
A l’été 2012, Ron Mattson, 59 ans , manager de projet à la division d’évaluation du médicament et travaillant depuis 27 ans au ministère, est convoqué dans le bureau de son chef qui lui annonce qu’il est renvoyé. A la même période, Malcolm Maclure, le chercheur de renommée internationale âgé de 60 ans, en voyage à l’étranger, reçoit un coup de fil lui annonçant son licenciement.
Au total, ce sont sept employés de la division qui seront licenciés, dont Roderick McIsaac, un doctorant qui faisait des recherches sur les médicaments pris en charge par Pharmacare pour l’arrêt du tabac, comme le Champix. Celui-ci se suicidera en janvier 2013.
Le ministère et les enquêteurs se montrent très avares d’informations sur les raisons de ces licenciements qui sont officiellement annoncés par la ministre de la santé, successeur de Mike de Jong, Margaret McDiarmid en septembre 2012. D’après elle l’enquête aurait commencé en avril, et les charges porteraient sur la gestion des données anonymisées des patients inclus dans la base de données Pharmanet. L’utilisation de ces données auraient fait l’objet d’une conduite répréhensible de la part des employés de la division d’évaluation des médicaments lors des études menées avec l’équipe de recherche universitairede la Therapeutics Initiative. En un mot il y aurait eu une violation indue de l’anonymat.
Mais d’après le Sergent Duncan, de la Police Royale Montée Canadienne, au moment où la ministre annonçait les licenciements, le gouvernement avait encore à « complètement préparer l’affaire ». Ce qui signifie, en d’autres termes, que le gouvernement ne disposait d’aucun élément tangible pour étayer ses accusations.
Le licenciement des employés donna un coup d’arrêt aux recherches de la division en coopération avec les chercheurs de l’université de Colombie Britannique. Parmi celles-ci les recherches sur les médicaments remboursés pour l’arrêt du tabac menées par Roderick McIsaac, mais aussi des recherches de grande envergure  sur les médicaments indiqués dans la maladie d’Alzheimer, dirigées par Ron Mattson, et également des recherches sur les médicaments prescrits à 63% des femmes enceinte, pour certains desquels, parmi les plus prescrits, des données sur la sécurité faisaient défaut.
En même temps, et sans le justifier clairement, le gouvernement de Colombie Britannique bloqua l’accès à la base de données PharmaNet pour l’ensemble des chercheurs du Canada. Plus exactement la gestion de l’accès à ces données fut confiée à un certain Bruce Carleton, un professeur de pharmacologie de l’université de Columbia. Celui-ci se montra si parcimonieux et arbitraire dans la gestion des autorisations d’accès aux données qu’il contribua à bloquer une bonne partie des recherches canadiennes d’évaluation des médicaments, pour lesquelles PharmaNet était un outil essentiel. Notamment les recherches du réseau fédéral d’évaluation des médicaments, le DSEN.
 Un des chercheurs de premier plan de la Therapeutics Initiative de l’université de Colombie Britannique, Colin Dormuth, qui a, lors de ses précédentes recherches, apporté un éclairage sur des aspects essentiels concernant la sécurité des médicaments utilisés, par exemple, dans le TDAH, dans l’acné, ou sur les opioïdes, s’est plaint, pour sa part, d’avoir dû débloquer 100 000 dollars pour acheter aux Etats Unis des données qui n’étaient plus accessibles au Canada et sans lesquelles le travail de son équipe n’aurait pu  se poursuivre.
 Le comportement de Bruce Carleton, le nouveau gestionnaire de PharmaNet,  finit par provoquer des protestations de la FIPA (association pour la défense de la liberté d’information et  pour la protection de la vie privée) et de l’l’Association des médecins canadiens (http://www.cmaj.ca/content/185/9/E377 ) et déclencha une commission d’enquête dirigée par la commissaire Elizabeth Denham, du bureau d’Information et de protection de la vie privée. Celle-ci rendit des conclusions en juin 2013.  Elle qualifiait les procédures de gestion des données mises ne place par Bruce Carleton de  « lourdes et bureaucratiques » et disait  que cet état de fait était probablement dû à un souci excessif de protection de la vie privée, aux dépens de l’intérêt scientifique et pour la santé publique des données. Elle émettait également des recommandations pour faciliter l’accès aux données.
Une fois les premiers moments  de sidération et d’incompréhension passés, une fois que les employés de la division d’évaluation des médicaments eurent compris qu’il ne s’agissait ni d’un malentendu, ni d’une maladresse, ils portèrent plainte contre le gouvernement de Colombie Britannique pour licenciement abusif et pour diffamation, dans le cas de Malcolm Maclure.
Le gouvernement  de Colombie Britannique reste silencieux et l’affaire suit son cours…

The business must go on

Alan Cassels nous apprend, que dans le même temps où se déroulait cette déplorable affaire, le 19 juin 2012, le Ministre de la Santé, Mike de Jong, était à Boston au Congrès Mondial pour la Biotechnologie Globale, fréquenté par des chefs d’Etat, et annonçait en grande pompe la création d’un Centre pour la Recherche et le Développement des Médicaments (CDRD), sis dans un immeuble flambant neuf de 35000 mètres carrés, et bénéficiant de financements publics à hauteur de 54 millions de dollars. Le site internet du tout nouveau centre explique aux visiteurs : « notre mission est de minimiser les risques [pour les investisseurs] des molécules issues de la recherche financée par des fonds publics et de les transformer en investissements viables pour le secteur privé ».
 Dans une interview Mike de Jong avait confié que son gouvernement avait le souci de fournir « le bon environnement » pour le développement du marché du médicament en Colombie Britannique.
Le bon environnement, en effet.

Conclusion en forme de satire

Nous, Français et Européens, devrions méditer sur les enseignements à tirer de cette affaire. A l’évidence la Colombie Britannique, avait pris beaucoup de retard en matière de politique du médicament. Une petite équipe soudée de chercheurs et économistes indépendants, une collaboration fructueuse avec des chercheurs universitaires indépendants, des crédits publics, des outils performants comme PharmaNet, un réel pouvoir de décision… bref,  rien de tel pour vous fiche en l’air un profitable marché pharmaceutique. Indubitablement la Colombie Britannique donnait un très mauvais exemple aux administrations, aux chercheurs, et aux citoyens du monde entier.
En Europe et en France, cela fait longtemps que nous avons résolu ces problèmes. En organisant le transfert de la gestion de la pharmacovigilance à l’industrie pharmaceutique, grâce à Eudravigilance, en confiant l’essentiel des décisions d’autorisation de mise sur le marché à la commission européenne, bien connue pour ses positions pharma friendly, en morcelant les différents aspects de l’évaluation des médicaments et en diluant les responsabilités, en rendant totalement opaques les mécanismes de fixation des prix, en coupant les crédits aux services publics et chercheurs indépendants pour les verser aux partenariats public-privé oeuvrant dans la recherche de médicaments « innovants »… En vertu de quoi : observez le résultat ! Le marché européen et français du médicament se porte bien. Excellemment bien ! Dommage qu’on ne puisse pas en dire autant des malades et des finances publiques.
Je suis vraiment désolée pour nos amis canadiens. Et je tiens à leur dire que, en France, nous avons à leur disposition, s’ils le désirent, tout un échantillonnage de professeurs et d’experts aux compétences aussi discutables que leurs  conflits d’intérêts sont certains. Tellement nombreux, d’ailleurs, ces conflits d’intérêts, qu’ils en arrivent à se neutraliser mutuellement.

Ils se tiennent à leur disposition selon les besoins. Plus exactement selon les besoins du plus offrant.  Amis canadiens, il ne faudra pas hésiter à faire appel à eux pour rattraper votre retard.