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lundi 1 avril 2013

Un malade qui fait chier. Histoire de consultation 1146.



L'autre jour j'ai vu Monsieur Quipue en visite. J'aime pas trop les visites mais c'est quand même pas mal, les visites, ça montre la vraie vie, la vraie médecine, les mains dans le cambouis, là... La merde, ce qu'y a pas dans les livres, toussa. 
Tu m’emmerdes, gros con, voilà ce que je devrais dire à ce malade à qui je répète depuis des siècles qu’il faut arrêter de bouffer de la merde et qui continue avec une putain d’HbA1C dans les nuages à me faire douter de la médecine.
J’ai tout essayé et rien n’y a fait.
Quant à ce con de remplacé, le docteur Mescouilles, y s’en tamponne de son malade. Il pense que chacun fait ce qui veut et que le médecin donne des conseils et que son boulot s’arrête là. On est quand même pas des assistantes sociales qu’il m’a dit sans utiliser le second degré ! Mais à mon avis, le second degré, y comprend pas.
Moi, je me demande si je ne suis pas parfois une assistante sociale.
Alors, l’autre jour, je me pointe chez le mec, un taudis où t’as envie de rester debout et de ne pas coller ton cul de nana propre sur elle sur aucun des sièges qui te sont même pas proposés.
L’appart est un vrai chantier avec de la vaisselle pas lavée et des mégots de cigarettes un peu partout. C’est peut-être ça qui rend l’air irrespirable ?
Le malade, y va pas bien. Y tousse comme un damné et il a un peu de fièvre. J’ouvre une fenêtre et y me fait une tronche pas possible comme si j’étais en train de polluer son atmosphère.
Bon, si on faisait un peu de médecine… Faut dire que chez Monsieur Quipue, le problème, c’est qu’y pue. J’ai failli plusieurs fois lui demander si ça lui arrivait de se laver mais j’ai pas osé. Cela aurait servi à quoi ? La salle de bains est encore plus sale que lui. Le lavabo est noir et ressemble à son évier, sauf qu’il y a pas d’assiettes et de bols sales…
Donc, pour résumer, le malade est diabétique, il a une HbA1C à 10, y veut pas se faire piquer et au bout de 150 mètres il a une crampe dans le mollet. D’ailleurs je sais pas comment y fait pour savoir s’il a une crampe au bout de 150 mètres puisqu’il ne marche jamais ou presque et qu’il a une épicerie au coin de sa rue. Il picole, il fume et tout va bien.
Chaque fois que je vais en visite chez lui, je me répète avant tout ce que je devrais faire pour changer ce bordel et à chaque fois c’est le fiasco complet : Monsieur Quipue a une force d’inertie que même Einstein y saurait pas s’en sortir pour la calculer… Mais tout est relatif.
« Monsieur Quipue, faut qu’on fasse quelque chose ! », je commence avec vaillance en tentant de respirer le moins possible les remugles de la maison. « Ce n’est pas possible, vous avez trop de diabète, vous fumez trop, vous buvez trop, vous ne pouvez plus marcher et vous ne voulez rien faire… » Il me regarde avec un air bovin. J’ai oublié que le mec qui est devant moi assis sur une chaise pliante genre camping des flots bleus avec une table en formica souillée par de la poussière, des taches de café genre Rorschach, un cendrier rempli à ras bord, une boîte d’allumettes de cuisine, deux tasses ébréchées avec un fond indéterminé, Le Parisien ouvert et replié en deux à la page des mots fléchés, un bic mordillé sur le dessus et un bout de baguette dans un coin avec des miettes tout autour, était, avant que tout cela n’arrive, agent d'assurance et plutôt informé sur tout avec une solide culture de l'actualité… Y a des livres un peu partout et des livres bien, des classiques, des trucs intellectuels, des livres que j'ai même pas lus... Mais sa femme est morte il y a six ans, y m’a raconté ça, et il n’a plus eu envie de vivre… y s’est mis à boire plus qu’avant, et cetera… Le docteur Mescouilles m’a raconté l’histoire à sa façon, dans le style « C’est dingue comme les accidents de la vie peuvent être fatals… des gens biens… un peu négligents sur le ménage et tout a basculé… un cancer du sein qui a tué sa femme… c’est pourquoi moi, le dépistage, j’y crois dur comme fer… »
Et chaque fois que je ressors de chez Monsieur Quipue je me rends compte que j’ai rien fait, que je me suis laissée aller à ne rien faire, qu’il continuera à bouffer du sucre, à fumer des clopes, à ne pas se laver et à ne pas parler du décès de sa femme et de ses enfants qui ne viennent plus le voir et qui n’attendent qu’un truc, qu’il clamse pour récupérer le taudis…
J'y ai prescrit des antibios, du sirop, du doliprane, des bonnes paroles et je suis repartie la queue entre les jambes en me disant que la prochaine fois je ferai quelque chose. On appelle cela la procrastination...
Monsieur Quipue fait chier.

(Crédit photographique : ICI)

lundi 12 octobre 2009

DIRE LA VERITE AUX MALADES - HISTOIRES DE CONSULTATION : QUATORZIEME EPISODE

Monsieur O, 73 ans, un infarctus du myocarde stenté il y a trois ans, diabétique non insulinodépendant, hypertendu traité, est venu au cabinet accompagné par un de ses fils et par sa femme. C'est une vraie réunion de famille. Il y a six mois il a été victime d'une rétention aiguë d'urine qui l'a conduit aux urgences où il a été sondé. Lorsque la sonde a été retirée il n'a pu se remettre à pisser et il a été décidé de lui laisser une sonde à demeure. Les conséquences ont été difficiles pour cet homme qui a été obligé de traîner sa poche d'urine, de se faire changer la sonde tous les mois. un ou deux épisodes d'infection urinaire et la vie quotidienne devient compliquée.

C'est la première fois qu'il vient au cabinet avec sa femme, ils sont indépendants pour les consultations, et, a fortiori, qu'un de ses fils l'accompagne, ajoute à la solennité.

Il y a trois semaines l'urologue de l'hôpital lui a enlevé sa sonde, l'a réséqué et, depuis, je l'ai eu au téléphone, il pisse spontanément. Il pisse rouge mais il pisse.

Cet homme est aussi un anxieux dépressif qui a fait un épisode aigu il y a dix ans et qui en a gardé un très mauvais souvenir.

"Que me vaut cette consultation inhabituelle ?
- Le docteur D m'a dit que j'avais un cancer.
- Un cancer de quoi ? je demande d'un air ahuri."
Il me montre son bas ventre et, déboussolé, je m'attends au pire.
"Ben, de la prostate, cette affaire... De quoi voulez-vous donc que j'ai un cancer ?"
Son fils me jette un regard stupéfait et réprobateur (j'ai l'air de débarquer de Mars) et sa femme, presque tremblante, est prête à toutes les révélations funestes.
"Il vous a dit ça quand ?
- Avant hier.
- Et c'est tout ce qu'il vous a dit ?
- Non, que j'allais avoir des rayons et des piqûres...
- C'est tout ?
- Vous ne croyez pas que c'est suffisant ?"
Si j'avais voulu faire de l'humour, déplacé, déplacé, j'en conviens, je lui aurais dit que c'était à la fois trop ou pas assez.
"Bon, bon, bon..."
Il y a encore quelques années il était de bon ton, en France, de ne jamais dire la vérité aux malades, sauf exception, les exceptions étant, malade emmerdant, famille chiante ou nécessités sociales. cela faisait partie, sauf erreur de la théorie paternaliste de la médecine française : ce que je fais est forcément bon pour le malade qui est un con et qui ne peut comprendre puisque j'ai fait x années de médecine et que lui... Puis, presque du jour au lendemain, sous l'influence de la culture dominante anglo-saxonne, et, il faut le dire, en raison de nombreux textes de réflexion publiés par ces mêmes anglo-saxons (au sens large) et au nom de la philosophie libérale (le corps du patient appartient au patient et c'est lui qui doit décider en toute connaissance de cause), on s'est mis à tout dire. Mais l'inhumanité des médecins, leur arrogance, leur suffisance, leur manque de réflexion et de prise en considération du patient qui se trouve en face d'eux, toutes ces qualités sont restées telles quelles avant, pendant et après ce changement d'attitude. On pourrait dire, en paraphrasant Proust qui parlait de toute autre chose (faut-il dire à son meilleur ami que sa femme le trompe ?), que les médecins ne disaient pas la vérité puis l'assenaient des années plus tard avec tout autant de conviction et de bonne conscience, par méchanceté quand ils étaient méchants, par gentillesse quand ils étaient gentils, par bêtise quand ils étaient bêtes, par ignorance quand ils étaient ignorants...
J'ai regardé Monsieur O droit dans les yeux, je ne lui ai pas dit que l'urologue était un gros con avec de la merde dégoulinant de partout sur son visage, de la bonne vieille merdre ubuesque ou de la bonne vieille merde rabelaisienne, mais sans nul doute que le non verbal l'a frappé en pleine figure, pas seulement lui, sa femme, son fils, et j'ai tenté de le rassurer (il était peut-être un peu tard).
Je pensais aussi que la bêtise des urologues (mais, mon cher ami, il ne faut pas généraliser, insulter une corporation, ostraciser une communauté, c'est vraiment très mal, c'est vraiment pas citoyen, c'est aussi peu convenable de parler comme cela de pauvres chirurgiens qui tentent d'éliminer les prostates de la surface de la terre, que de ne pas vouloir se faire vacciner par le vaccin contre la grippe A), je reprends : que la bêtise de la majorité des urologues, ne se résumait pas au dosage généralisé du PSA dans les populations mâles des pays industrialisés, mais à la traque incessante de ce putain de bordel de cancer de la prostate qui tue tant de personnes de par le monde...

Rassurer un homme de soixante-treize ans n'est pas une chose facile quand on sait qu'il a déjà fait un infarctus, qu'il porte des stents, qu'il est diabétique non insulinodépendant et qu'il prend aussi des médicaments contre l'hypertension et contre son excès de mauvais cholestérol.

Cela fait des années que j'aurais dû l'inquiétéer et lui dire que son espérance de vie est probablement fort compromise mais certainement pas en raison de son cancer de la prostate.

Heureusement que son PSA est peu interprétable après la résection, heureusement que le scanner est rassurant, heureusement que la scintigraphie osseuse est normale... Non, non, je dis des bêtises : ces examens, à part le dosage du PSA, n'ont pas été réalisés et je ferai en sorte que l'oncologue de l'hôpital, mon ami, pas les autres qui sont payés au pourcentage sur les examens réalisés, fasse le minimum et laisse ce patient tranquille, sans rayons, sans antiandrogènes qui, tout le monde le sait sauf certains urologues, ne sont pas des traitements très favorables chez les patients "cardiaques".

Je ne sais pas si ce patient aura été rassuré par son médecin traitant mais je lui ai prédit plusieurs années heureuses sans traitement.

Me croira-t-il ?

Je n'ai pas appelé l'urologue qui ne m'a pas encore communiqué plusieurs semaines après les faits un compte rendu de la consultation où il a annoncé, sans ambages, que le patient avait un cancer...

Je lui ferai lire mon blog.

dimanche 16 octobre 2022

Bilan médical du lundi 10 au dimanche 16 octobre 2022 : Dépistage du cancer colorectal, maladies chroniques, surdiagnostic (Australie), AC/FA, Ordres, Myocardites post ARNm, Pittet...


Via Rithy Panh

1. NordICC : Le dépistage du cancer colo-rectal par coloscopie unique ne sauve pas de vies.


L'étude NordICC est un essai pragmatique randomisé incluant des personnes asymptomatiques âgées de 55 à 64 ans entre 2009 et 2014 et issues de registres médicaux (en Pologne, Norvège, Suède et Pays-Bas). Il est publié LA dans le NEJM.

Le titre de l'essai est important : Effet du dépistage par coloscopie sur les risques de cancer colorectal et de la mortalité associée.

Les 84585 participants étaient randomisés en deux groupes (ratio de 1 pour 2), le premier recevait une invitation à une coloscopie de dépistage et le second n'en recevait pas. Un total de 11843 patients (42 %) ont accepté le dépistage. 

Après 10 de suivi : pour le groupe en intention de dépistage (que l'on appelle dans les essais thérapeutiques en intention de traiter) par rapport au groupe non invité : 
  1. Moins de cancers (0,98 vs 1,2 %) ont été détectés avec une différence relative significative de 18 % Ce qui signifie que le nombre nécessaire de personnes à inviter au dépistage pour éviter un cancer colorectal est de 455 (IC à 95% : 270-1429)
  2. Le risque de mortalité liée  au cancer colorectal n'était significativement pas différent (0,28 vs 0,31)
  3. Le risque de mortalité totale était identique : 11,03 vs 11,04 %. 

Conclusion : le dépistage du cancer colorectal par coloscopie sur invitation chez des personnes asymptomatiques ne sauve pas de vie.

Pourtant :

L'analyse per protocole (c'est à dire en ne retenant que les patients invités qui ont répondu favorablement au dépistage) indique pour la mortalité relative 0,15 vs 0,30 (diminution relative de 50 %) mais les auteurs ne précisent pas les chiffres pour la mortalité totale.

Les auteurs de l'essai sont donc favorables à ce dépistage.
 
On commence à comprendre pourquoi cet essai fait l'objet de conclusions différentes.

Rappelons qu'en France le dépistage organisé du cancer du colon invite les personnes âgées entre 50 et 74 ans (cette invitation est adressée par voie postale aux populations concernées et est relayée par les médecins traitants lors de consultations) à pratiquer eux-mêmes une recherche unique de sang dans les selles dont le résulta est transmis au médecin qui a prescrit le test. Cette façon de procéder ne diminue ni la mortalité relative, ni la mortalité totale.


Je vous propose donc, par souci d'objectivité, de vous présenter dans un premier temps différents points de vue, les uns considérant que cet essai enterre le dépistage du cancer colorectal par pratique de la coloscopie et d'autres qui y sont plutôt favorables.

Dans un deuxième temps je tenterais de faire la synthèse, une synthèse qui permettra en outre de faire le point sur les recherches cliniques en termes de dépistage en général.


Pro : 

Un commentaire en anglais de Vinay Prasad (ICI) explique les tenants et les aboutissants de cette affaire (30 minutes) et exprime son point de vue (négatif).

Mais il y a des critiques de Prasad favorables à l'essai :


et les commentaires : LA

Un échange entre Prasad, Cifu et Mandrola : ICI. Où Cifu est pour le dépistage.

Mais aussi un problème de méthodologie statistique selon certains : LA.

Per protocole vs intention to treat ? LA


Bishal Gyawali (BG) publie sur Mescape (ICI) un article (il faut s'enregistrer gratuitement pour le lire) qui résume les pros et les contres de l'essai randomisé concernant le dépistage du cancer du colon par coloscopie.

En voici les points essentiels avec mes observations personnelles :
  1. La critique principale est que l'essai aurait dû s'intituler : Effet d'une invitation unique par coloscopie sur les risques de cancer colorectal et de la mortalité associée. Avec des résultats négatifs sur la mortalité relative et la mortalité totale.
  2. Le chiffre de 42 % d'acceptation de la coloscopie est inférieure à celui des Etats-unis (60 %) dans une population éligible. Que se serait-il passé si 60 % des personnes avaient accepté l'invitation ? Probablement peu de changement selon BG puisque le risque de mortalité liée au cancer colorectal est diminué de 0,15 % entre l'ensemble des patients invités et les patients ayant répondu à l'invitation.
  3. Pour mémoire, en France le taux de participation à la détection de sang dans les selles est environ, selon les années de 28-29 %
  4. L'analyse per protocole, c'est à dire en ne prenant en compte que les patients ayant accepté l'invitation, c'est tricher dans le cadre d'un essai randomisé. En effet cela n'analyse pas les résultats de la décision partagée mais seulement les résultats du protocole.
  5. Si cet essai a été mené, c'était pour savoir si les résultats de l'étude randomisée méritaient que le dépistage du cancer colorectal soit généralisé à la population entière d'un pays. La réponse est probablement non. D'une part il est rare que la validation externe d'un essai randomisé montre des chiffres plus importants que l'essai lui-même... D'autre part cet essai montre que l'invitation ne modifie pas ou très peu le risque de mourir d'un cancer colorectal ni d'autre chose. 
  6. Ainsi, il est important de dire que cet essai ajoute une pierre de plus à l'édifice du dépistage du cancer colorectal par coloscopie. Le citoyen non malade doit être informé avant toute décision de dépistage du résulta de cet essai. Idem pour le test de détection de sang dans les selles. On peut aussi se demander pourquoi la sigmoïdoscopie, peu pratiquée en France, n'est pas proposée (pas d'anesthésie) (LA), avec de meilleurs résultats que les deux procédures précédentes.
  7. Un citoyen informé asymptomatique a le droit à une coloscopie de dépistage.




2. DREES : Les maladies chroniques touchent plus souvent les personnes modestes et réduisent davantage leur espérance de vie

La DREES publie un rapport (ICI) complémentaire à celui que je vous avais résumé la semaine dernière (LA)

C'est terrifiant.

Un bref résumé : 
  1. Les personnes les plus modestes ont 2,8 fois plus de risques de développer u diabète que les plus aisés
  2. Le risque de développer une maladie respiratoire chronique est 1,4 fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres
  3. Les plus modestes ont un risque 2,8 fois plus élevé de vivre avec une maladie psychiatrique que les plus aisés.
  4. Le risque de vivre avec un diabète est plus inégalitaire chez les femmes, celui de vivre avec une maladie psychiatrique l'est plus chez les hommes.
  5. Les maladies chroniques accroissent les inégalités en termes d'espérance de vie.

On comprend que les jeunes Français préfèrent devenir cols blancs que cols bleus : ce ne sont pas des feignants mais des pratiquants actifs de l'autoprévention... Ils ont empowerdé les rapports qui ne cessent de décrire ces situations d'inégalités dans tous les domaines de la santé.

Un commentaire de Georges Bernanos (Nouvelle histoire de Mouchette - 1937) : "Les misérables ne s'intéressent guère aux maladies chroniques dans lesquelles ils reconnaissent une misère de plus, aussi fatale que les autres, à quoi les médecins ne peuvent rien." 

"Est-ce que tout va bien ? Vous n'avez pas photographié votre nourriture."


3. Surdiagnostic : On n'en peut plus !

Les Australiens (les antipodistes pour les oncologues français qui ne savent pas ce qu'est un surdiagnostic ou qui parlent d'organogenèse aux ignorants quand on les interroge sur la question) publient sur le surdiagnostic.

En anglais : ICI.

In women. An estimated 22% of breast cancers (invasive cancers, 13%), 58% of renal cancers, 73% of thyroid cancers, and 54% of melanomas (invasive melanoma, 15%) were overdiagnosed, or 18% of all cancer diagnoses (8% of invasive cancer diagnoses).

In men. An estimated 42% of prostate cancers, 42% of renal cancers, 73% of thyroid cancers, and 58% of melanomas (invasive melanomas, 22%) were overdiagnosed, or 24% of all cancer diagnoses (16% of invasive cancer diagnoses).

En français : LA.


via @Bourrigaud


4. Un dépistage qui ne sert à rien et qui est "recommandé" par les médias GB : celui de la fibrillation auriculaire

Un article publié dans le BMJ (ICI) analyse les raisons pour lesquelles le dépistage de l'ACFA (arythmie cardiaque par fibrillation auriculaire), non recommandé par l'agence britannique de dépistage (UK National Screening Committee), est promu par les médias.

La plupart des commentateurs, des organisations appartenant au NHS (National Health Service) et des associations caritatives qui promeuvent le dépistage ont des conflits d'intérêts directs ou indirects. Une information indépendante est rare. Les raisons en sont inconnues. Les lecteurs doivent considérer le rôle jouée par les conflits d'intérêts financiers dans les recommandations à dépister.



5. Que l'Ordre des médecins se mêle des rapports de la Cour des comptes pas de l'organisation des soins.

Je reçois par mail le texte suivant : LA.

Dont le titre est : 

L'Ordre des médecins propose une nouvelle organisation 

du parcours de soins


Mais, cela n'a pas trainé, les Sept Ordres ont signé !





La dépendance des ordres à l'égard du pouvoir politique est à interpréter en fonction de considérations politiques, bien entendu, et de considérations financières (les subsides étatiques qui leur permettent pour certains de vivre).


5. Les survivantes et les survivants des cancers n'ont pas à être félicité.es pour leur courage. 


Cela signifierait que les autres sont mort.es parce qu'iels étaient lâches...

La guérison du cancer est le salaire du courage.


6. Loni Besancon et Eric Topol sont dans un bateau : myocardites/péricardites post vaccinales.

Une étude épidémiologique rétrospective vient d'être publiée sur l'incidence des myocardites/péricardites post vaccinales (Pfizer et Moderna). LA

Eric Topol ( le médecin qui fut à l'origine du dévoilement du scandale du Vioxx et qui est devenu un pur produit de la bigpharmalogie, comme quoi il est rare d'être deux fois un héros) tweete de façon triomphaliste.

Loni Besancon, le seul spécialiste mondial de la santé à la suédoise, recopie mot pour mot les propos de Topol.

La présentation initiale (et sa traduction) sont rassurantes, lénifiantes et se résument à quatre points majeurs :
  1. Y a plus de myocardites/péricardites post vaccinales dans certaines tranches d'âge
  2. Mais elles ne sont pas graves (les hospitalisations sont douces)
  3. Mais elles sont moins nombreuses que les m/p acquises post covid (qui sont plus graves)
  4. Circulez, y a rien à voir.
Quand on reprend les chiffres du tableau cité et surligné, on remarque que :
  1. Les chiffres les plus élevés ne sont pas pris en compte par Topol
  2. Si on fait une analyse comparative hommes/femmes, tranches d'âge par tranche d'âge de la façon dont Topol aime présenter les résultats de l'efficacité des vaccins (en chiffres relatifs et non absolus), cela donne ceci :
  3. Pour les 12-15, 16-17 et 18-29 ans : respectivement 6.2, 14.7 et 16.2 fois plus !
  4. Si on veut rester objectif, dans l'absolu, c'est peu, mais : quand même
En lisant l'article on se rend compte également du tempérament cueilleurs de cerises des auteurs pour ce qui est des comparaisons avec les autres études sur m/p.

Mais j'ai trouvé une perle : les chiffres de m/p retrouvés dans cette étude épidémiologique cas-témoins sur dossiers sont inférieurs aux chiffres recueillis par le système VAERS (Vaccine adverse effects reporting system) considéré par LB/ET et tous les vaccinolâtrescomme une merde utilisée par les antivaxx pour gonfler les chiffres des événements indésirables attribuables aux vaccins.


7. Les recommandations de l'Union européenne pour le dépistage des cancers : une abomination ascientifique




Remplacer Oz par Raoult !


8. Pittet et le HCSP : pas de masques et du gel hydroalcoolique





Pittet, le professeur helvète, va recevoir la Légion d'honneur.

On croit rêver.

Le propagandiste du lavage des mains et le négationniste de la transmission par aérosol (qui n'a presque pas changé d'avis). Le Haut Comité de la Santé Publique est toujours aussi cool et à côté de la plaque.


Enfin :



nn



jeudi 26 avril 2012

Retour du Kenya : les soins palliatifs, le berger Masaï et le patient de Mantes.


Il y a quelque temps je suis allé visiter une patiente dans un établissement parisien de gériatrie dépendant de l'Assistance Publique où sont regroupés plusieurs types de services : rééducation fonctionnelle post chirurgie orthopédique, soins de suite post hospitalisation aiguë et soins palliatifs.
La patiente va bien, on discute de tout et de rien et de son retour à domicile (qui s'est fait depuis), et elle me dit ceci : "Vous avez vu, je ne vais pas trop mal, je vais m'en sortir, mais ces pauvres personnes qui sont en phase terminale... comme je les plains..." Elle voulait parler des malades du service des soins palliatifs qu'elle avait repéré en arrivant.
Le fait est que dans tout le bâtiment des flèches de couleur indiquent la direction des divers services. Je ne me rappelle plus les couleurs de la mort. J'ai oublié. Mais j'y ai pensé avant même que la patiente ne m'en parle.
Les soins palliatifs sont certainement une invention formidable. Nul n'en doute. La façon dont, jadis (là, je suis optimiste), on traitait la douleur et les mourants dans les établissements hospitaliers, n'était manifestement pas parfaite (voir LA et ICI). Et les médecins qui ont choisi de s'intéresser à ces problèmes, les douleurs, la mort, ont permis à la société d'évoluer et à tout le monde d'y réfléchir.
Je jette un oeil sur Google. Je repère le site de la SFAP (Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs) qui, entre autres, soutient la campagne de publicité de la JALMALV qui signifie Jusqu'à la Mort Accompagner la Vie (je n'invente rien). La SFAP a de nombreux partenaires institutionnels et big pharmiens (Voir ICI). Les soins palliatifs, selon ce site, ne sont pas loin de l'euthanasie. Mais, surtout, quel esprit "humaniste" pourrait s'en formaliser, la SFAP dit Soulager la douleur est une obligation. "La loi dit le devoir et l’obligation pour les médecins à tout mettre en œuvre pour soulager au mieux les malades en fin de vie."  Qui pourrait s'y opposer ?

Je me rappelle pourtant avoir lu un article de Marc Cohen dans Causeur (22 décembre 2008) que vous pouvez lire en intégralité ICI et dont j'extrais deux passages. Le titre me plaît assez : "Mourir dans la dignité ? Et pourquoi donc ?"

Voici le premier qui rapporte un propos de Houellebecq : Ce qui me dégoûte, c’est qu’on veuille mourir dans la dignité. Et il me dégoûte encore plus que des parlementaires s’apprêtent à faire une loi pour m’y obliger : je ne veux pas mourir dans la dignité…

Voici le second et qui me donne beaucoup de force dans la perspective de MA fin de vie :


"J’imagine que personnellement, si j’étais atteint d’une maladie incurable et furieusement douloureuse, je saurais me débrouiller pour trouver les pilules qu’il faut, ça ne peut pas être beaucoup plus dur que de trouver un exemplaire en bon état des Cadets d’Ernst von Salomon, et ça, je sais faire, ben oui.

Ce que je sais aussi, c’est que si je n’avais plus les moyens physiques de me tirer seul d’affaire et si j’étais tombé par malheur entre les pattes d’un médecin fou et furieusement pro-life, ma foi, je ne doute pas qu’il se trouvera forcément un ami ou une amie pour me rendre un petit service, quitte à risquer six mois avec sursis.
Et là, j’entends déjà les pro-death m’objecter de leurs voix de faux-derches : “Mais que préconisez vous si on n’a pas la volonté, ou bien si on n’a pas d’amis, ou encore si l’on veut faire les choses dans les règles ?” A ceux-là, je répondrai simplement : pas de volonté, pas d’amis prêts à donner une livre de leur chair, et l’obsession de respecter la loi à tout prix, même une fois mort et enterré ? Eh bien, la conjonction de ces trois symptômes signale sans erreur possible une vie de merde. Alors, dans le simple souci d’éviter les solutions de continuité, je pense que ces gens-là méritent aussi une mort de merde."
Mais qu'on me laisse, à mon tour, décliner mon petit discours tout fait sur les soins palliatifs :
Les soins palliatifs pourraient bien être l'aboutissement d'un rêve post moderniste confinant à un cauchemar aseptisé, commencerais-je par provocation, mais, au bout du compte, pour finir, il est possible, ajouterais-je, que nous n'en soyons pas loin. Une vie parfaite, sans douleurs (jamais les sociétés occidentales n'ont consommé autant d'antalgiques), sans déceptions (merci les antidépresseurs), sans chagrins (merci les anxiolytiques), sans délires (grâce aux psychotropes), une existence anhédonique en quelque sorte, voilà ce dont Big Brother a rêvé pour nous. Et nous en redemandons. C'est devenu la norme.
En cette époque de sécularisation de la société, les soins palliatifs sont une réponse laïque au problème de l'au-delà : les prêtres et autres rabbins, pasteurs ou imams sont remplacés par des saints laïques, des médecins accoucheurs de l'âme et du corps, étrangement réunis, qui n'auraient plus le droit de souffrir. Pour quoi souffrir ? Pour qui souffrir ? La loi interdit la souffrance et autorise la dignité de la mort.
Un ami médecin m'a raconté avoir téléphoné dans un service de soins palliatifs pour obtenir une place pour l'un de ses patients et que le ton de son interlocuteur médecin était tellement doux, tellement suave, tellement onctueux, qu'au bout d'un moment il avait été obligé de lui rappeler qu'il était le médecin, pas le malade.
Les soins palliatifs, indispensables, ne me faites pas écrire ce que je n'ai pas écrit, parachèvent l'entreprise sans cesse recommencée et inachevée de la médicalisation de la maladie, de la médicalisation de la vie et de la médicalisation de la société, avec respectivement les trois abus qui s'y rattachent que sont l'extension du domaine de la maladie (disease mongering), l'extension de la définition de la Santé (voir l'OMS) et l'extension de la main-mise de la société sur nos vie (l'obligation d'être dans la norme hygiéniste et l'idéologie de la prévention). Nous retrouvons bien entendu Illich en cette occasion.

Deux petits faits pour conclure :
1) Chez les Masaï du Kenya, quand un vieux va mourir, on l'emmène dans le bush, les Masaï n'aiment pas voir la souffrance conduisant à la mort, on attache une corde à son pied et, une fois par jour, depuis le village, on tire sur la corde. Si la corde "répond" on apporte eau et nourriture au mourant. Si la corde ne bouge plus, on cesse de le faire. Drôle de soins palliatifs traditionnels...
2) Pendant mes vacances, un de mes patients est mort à domicile. Il avait 88 ans. Dès mon retour, et la veille de l'enterrement, j'appelle sa femme qui me parle de lui avec enthousiasme et amour. Elle me dit ceci : "Nous l'avons gardé à la maison. Et chaque fois que j'entre dans la chambre, j'ai l'impression qu'il va me parler. Il est tellement beau, mon homme..."

(Photographie : enfants de Subukia. Docteur du 16)


samedi 13 juillet 2019

Les maîtres du monde de la médecine.



Le docteur parle de moi (et d'autres).

Nous sommes en présence d'un syndrome non neurologique que le médecin pseudonyme développe déjà depuis de nombreuses années (il semblerait que ce syndrome soit transmissible).

Résumons quelques signes intellectuels non médicaux de ce syndrome :
  1. La médecine est une science
  2. La médecine est une entité qui se développe hors sol dans des tours d'ivoire satellisées avec une orbite géostationnaire au dessus des lieux saints de la médecine : Jolimont, Harvard, Johns Hopkins, la Pitié-Salpétrière...
  3. La médecine est axiologiquement neutre (au sens weberien de l'expression) c'est à dire qu'elle fonctionne en autarcie intellectuelle et qu'elle délivre ses messages neutres et scientifiquement fondés par l'intermédiaire d'agences gouvernementales, de sociétés savantes, de conférences de consensus, de congrès scientifiques et de formation médicale continue, sans compter l'inénarrable Conseil National de l'Ordre des médecins et ses succursales départementales
  4. La méritocratie à vie est une valeur intangible (même pour les neurologues qui ne sont pas chefs de service dans La Mecque de la neurologie à savoir La Pitié-Salpétrière où les dits neurologues tournent sept fois en rond autour des pierres noires des instituts privés qui ont rendu hype ce vieil hôpital parisien) : le régime des experts qui "disent" la médecine comme d'autres disent le droit
  5. L'esprit critique doit être réservé au cénacle médico-médical, enfin à l'Olympe académico-universito-hospitalo-public : nos légitimes interrogations doivent rester dans l'entre-soi, ne pas être publiées surtout au cas où elles pourraient nuire à l'avancement... 
  6. Le capitalisme néo-libéral est indépassable du moment qu'il tolère encore l'hôpital public (rassurons-nous le pays de l'ultra libéralisme, les Etats-Unis d'Amérique, tolère encore ces institutions...)
  7. Les laboratoires pharmaceutiques sont incriticables car qui les critique est a) un.e dangereux gauchiste, b) un complotiste (toute personne qui utilise l'expression Big Pharma est un.e dangereux complotiste), c) un.e médecin qui a perdu ses repères (les autres ont trouvé leurs repaires), d) un.e doux rêveur qui nie la réalité du monde
  8. L'assistanat social (on aimerait en connaître les limites car l'hôpital public est avant tout pour les contribuables un abyssal assistanat social, pas en faveur des patients, non, en faveur des soignants) est une horreur de gauchistes anti scientifiques (voir le point 3.)
  9. Les citoyens/patients/malades sont des khons dont le seul intérêt, lorsqu'ils ne posent pas de lapins, est de remplir les consultations et les lits des hôpitaux.
  10. Les khons citoyens/patients/malades doivent aussi fermer leurs gueules, qu'on ne vienne pas parler de décision partagée, ils doivent fermer leur gueule pour que les relents nauséabonds de la société profane n'atteignent pas les blouses immaculées (avec quelques taches propres) des porteurs de macarons rouges
  11. La médecine étant une science dure (cf. point 1.) les sociologues, les philosophes, les épistémologues, doivent passer leur chemin, sans compter les romanciers qui auraient l'indignité de parler de choses qu'ils ne connaissent pas, la médecine appartient aux médecins, non, la médecine appartient aux professeurs...
  12. Il est possible, la science est en perpétuel progrès, que l'on puisse délimiter, trouver, biopsier, la zone du cerveau responsable de ce syndrome intellectuel qui n'a bien entendu rien à voir avec la maudite société, ce sont des putains d'aires neurologiques apparues dès la naissance, le milieu social on s'en moque, pas plus que la culture, pas plus qu'il n'existe pas, répétons-le encore, de médecine de classe, de médecine de pouvoir, de médecine sexiste, de médecine raciste, de médecine mondaine, de médecine de merde, et donc, des IRM fonctionnelles associées à des prélèvements stéréotaxiques permettront de délimiter le syndrome des âmes pures médicales volant dans l'éther glorieux de la médecine triomphante et scientiste
  13. L'étape suivante sera, dans les hautes sphères intellectuelles, de trouver le moyen de détecter précocement, dès la maternelle sans doute, grâce à un test simple, fiable, sans effets indésirables (j'oubliais que les tests de dépistage n'ont, selon l'Académie de Médecine, jamais d'effets indésirables), les individu.e.s qui pourront sans effort adhérer aux 12 points précédents. On imagine donc un PACES où l'on donnerait les sujets aux testés positifs et où l'oral serait une formalité tentant cependant de pallier les défauts inhérents de sensibilité/spécificité du dit test (une enveloppe sous la table ?)... Quel monde merveilleux.

Ce TWT n'en méritait pas tant.

Disons qu'un certain nombre de médecins (et le destinataire du TWT agréable), dont quelques universitaires français, pensent que la médecine doit effectivement rester à sa place, qu'elle sur promet généralement, et qu'il est nécessaire de fixer des limites à l'intervention des médecins et de leurs supplétifs, notamment pour protéger l'immense majorité des personnes bien portantes, comme il existe des règles pour les contrôles d'identité à l'égard des supposés innocents (on me dit que cela ne marche pas). Pour finir : ces médecins ne se sentent coupables de rien sinon de constater qu'ils appartiennent à une corporation dont la devise est : "La conjuration des imbéciles".

***
PS. Notre ami québécois Pierre Biron me demande par courriel si j'ai lu le livre de Jean Peneff, "La France malade de ses médecins", eh bien non. Je retrouve en revanche un entretien virtuel entre Biron et Peneff que j'avais lu en son temps (Février 2011) dans Pharmacritique (ICI) où les commentaires signés Christian Lehman et Stéphane B sont bien intéressants. Les choses ont bien évolué mais le fond est le même.


mardi 25 avril 2017

Santé publique : fermons McDo et consorts.


En cette période de campagne électorale la Santé publique n'a été abordée que sous l'angle des coûts et sur celui du manque d'accès à la médecine (les fameux déserts), je propose comme mesure phare de mon programme électoral imaginaire  la fermeture progressive des McDos et apparentés.

Oh.

Les McDos sont l'exemple parfait de la malbouffe planétaire, celle qui commence avec les animaux maltraités, celle qui continue avec la nourriture industrielle reconstituée à partir de rien, celle qui prône Gros is beautiful, celle qui ne vante pas la qualité de la nourriture mais la baisse continuelle du rapport prix/calorie, celle qui offre le combo le moins cher du marché, graisse, sucre et sel, mais surtout, McDo, c'est l'essence même du néo libéralisme amoral, sans valeurs éthiques, axiologiquement neutre comme dirait l'autre, qui justifie tout au nom de la liberté de choix des consommateurs, on parle des budgets publicitaires comme idéologiquement neutres ?, au nom des désirs du consommateur citoyen, puisque cela fournit des emplois, puisque cela augmente le PIB, puisque cela favorise le vivre ensemble (?), et cetera.
J'entends déjà le crétin qui argue "Oui, mais y a des salades" : un îlot de fraîcheur dans un océan de merdre. Enfin, les salades McDo, c'est de la salade ?

Ah.

Les McDos sont l'exemple parfait du capitalisme hors sol, du marketing planétaire, des bas salaires, du mi-temps contraint, des étudiants qui doivent payer leurs études (et qui ne les finissent jamais, terminant avec une chemise d'équipier ou de superviseur gorgée de gras, de cholesterol et de coca-cola), des systèmes de management alakhon (l'équipier du mois), du travail sept jours sur sept et à pas d'heures le soir, de la financiarisation, de l'optimisation fiscale, et cetera. L'entreprise McDo fait grosso modo 25 milliards de CA et 4,5 M de bénéfices en France et soustrait au fisc français entre 390 et 714 millions d'euro (voir ICI). Les employés de McDo ne mangent plus de McDo, c'est dire.

Zut.

Parlons de santé publique.
McDo, comme aurait pu le dire le regretté Jean-Pierre Coffe, c'est de la merde !

C'est de la calorie, c'est de la graisse, c'est de l'odeur, c'est de la nourriture industrielle, sans valeur nutritive, la viande n'est pas de la viande, le poisson (?), c'est un nid à obésité, un nid à surpoids, un nid à cholestérol, un nid de sucre, un nid à chirurgie bariatrique. Et, selon le théorème de PAG (il se reconnaîtra) les gros mangent aussi dans ces établissements.

"Ouais, mais c'est sympa d'y aller manger avec les enfants" : les menus enfants avec les cadeaux à deux balles en plastique mortifère, avec les pubs Disney en sus et la bouffe dégueu mais qui leur fait plaisir... Voilà une éducation à la nutrition qu'elle est bonne !


Super Size Me !

La particularité de l'obésité, qui n'est pas une maladie mais un état, sauf dans de rares cas médicaux, est qu'elle se voit.

Bon, d'excellents confrères ont écrit récemment des billets de blogs sur l'obésité mais de bons esprits vont arguer qu'il n'y a pas de rapport entre la consommation chez McDo et le sur poids. Je vais même peut-être avoir un procès. Il y a aussi des congrès de médecine générale qui sont sponsorisés par la firme philanthropique.

"Obésité et rein" a commencé Perruche en Automne (ICI), puis Hippocrate et Pindare a (ont) répondu LA et il y a eu des dialogues inter blogs dont celui-ci : LA.

On y trouve les mêmes débats idéologiques que pour le reste des problèmes sociétaux.

Grosso modo, la tendance respectable est de dire que les citoyens en sur poids ne doivent pas être stigmatisés, parce qu'ils n'y sont pour rien.

(Conflit d'intérêts : IMC perso = 23,5)

Bon, il n'y a donc plus qu'à tirer l'échelle.

Il ne reste plus qu'à prescrire des médicaments en suivant les conseils de l'inamovible commentateur santé de France Télévision : ICI.

Les blogueurs disent tous (et les commentateurs itou), et dans un unanimisme touchant, que, vous me suivez, comme il n'est pas possible de faire maigrir les gens, au long cours, il faut aborder le sujet (c'est le côté ambigu moral et faux cul : on ne pourra pas m'accuser d'avoir évité la question mais on ne pourra pas m'accuser de faire de la grossophobie) et ne pas stigmatiser, comprendre, accompagner, et cetera (l'expression la plus belle : envisager les raisons cachées).

Dominique Dupagne avait souligné que l'Education nationale avait été livrée aux betteraviers : LA. Il nous avait mis sur la piste.

La tendance générale de l'addictologie moderne c'est "Comme les choses nous échappent, feignons de les avoir organisées" et il en est ainsi de l'addiction à la nourriture, à l'alcool, au cannabis ou au tabac. Pour le reste : pareil (cocaïne, et cetera). Est-ce qu'un McDo peut être considéré comme une salle de consommation à moindre risque de nourriture addictive ?

Vu la vague libertarienne aux US, relayée par l'extrême gauche ultra libérale en France et par les ultra libéraux économiques, il y aura bientôt des McCan et on viendra y fumer le "pot" en famille en parlant du progressisme et des méchants réactionnaires défenseurs de la culture hétéro-patriarcale-blanche.

Un certain nombre de confrères construisent même des théories physiopathologiques pour dire que l'obésité ne rend pas malade, que le gras n'y est pour rien, que le sucre itou, que la quantité de nourriture ingérée non plus, et qu'il faut changer de "paradigme". Ils "déconstruisent" la grossophobie causale.

Mouais.

Là, il faut que je m'accroche aux branches du raisonnement.
Les citoyens raisonnables selon la théorie libérale qui en fait des individus pensants isolés, ne choisissent ni de ne pas être en sur poids, ni d'être en sous poids. C'est comme ça. Ils ne se déterminent qu'en fonction de leurs intérêts.
Les citoyens éclairés par la théorie des Lumières clament la liberté individuelle : ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent, de se mettre en danger, à condition qu'ils ne mettent pas les autres en danger.

Mouahahaha.

Après tout, en bons héritiers pour les premiers d'Adam Smith et surtout de John Rawls, s'il y a des adultes consentants pour manger gras et calorique pour pas cher (là, on peut faire une incise sur les prix qui ont tendance à augmenter), c'est leur libre choix de citoyens avertis (en anglais les publicités se disent advertisements)... D'ailleurs, ce sont des pauvres, des bronzés et je ne sais qui d'autre qui en sont les consommateurs (les plus) attitrés : tant pis pour eux. Mais il y a aussi les grands-parents qui veulent faire djeunes et qui ne souhaitent surtout pas exercer une quelconque autorité (le mot devrait être rayé du vocabulaire par les fassiniens et les post foucaldiens) sur leurs petits-enfants (i.e. les instruire à consommer ce qui est "bon" et ce qui est sain) et qui, entre deux séances de smartphone et/ou de tablette, les font manger de la merde pour le fun.

Les autres héritiers, ceux de la révolution française et de mai 68, au nom de la liberté individuelle, du droit des intersectionnés, poussent des cris : il ne faut pas interdire, il est interdit d'interdire, c'est une source de plaisir, mais surtout : il ne faut pas stigmatiser les minorités (mais nous sommes en train de rendre le surpoids majoritaire). 

Faisons un tour par l'anthropologie et... le déconstructionnisme.
Les McDos sont l'exemple parfait du déconstructionnisme néolibéral.  

Il y a un certain nombre de personnes (de gauche, pensent-elles) qui affirment que le capitalisme néo libéral mondialisé est conservateur, qu'il se situe du côté de la réaction morale confessionnelle (églises, mosquées, temples, synagogues), du conservatisme sociétal, du sabre, du militarisme, de la guerre des civilisations. Quelle erreur ! Le capitalisme néo libéral se nourrit de profit, d'accumulation de profits et se moque de la morale, fût-elle hétéro-patriarcale-blanche : aux US ce sont les Afro-américains qui consomment le plus de junk food. Le capitalisme se moque donc, sauf si cela lui permet de gagner de l'argent, des pro vies ou des anti mariages gays, il est pour la circulation des idées, des capitaux, des personnes, pour le mouvement perpétuel qui permettra aux riches d'être toujours plus riches et à la planète d'être dévastée.

McDo est au centre du déconstructionnisme néo libéral de droite et de gauche ou moralement neutre (le libertarianisme).

Car le succès de McDo tient aussi à sa puissance disruptive comme disent les cuistres partisans de la civilisation facebookable et/ou iphono/googleisée, le parti des GAFA.

La disruption McDo tient à ceci :
1) on a le droit de manger avec les doigts (et les sociologues déconstructurants sautent sur la table gluante du fast-food en hurlant : "A bas les valeurs bourgeoises coercitives" (manger à table avec sa famille réunie, mettre la table, faire à manger, ranger les couverts dans le lave-vaisselle) ;
2) on a le droit de manger à toute heure (les mêmes sociologues, ceux qui vous parlent à longueur de livres du vivre ensemble, louent cette liberté fondamentale du "Je mange quand j'ai faim" et retrouvent dans un élan parfait les pédiatres nutritiologues qui préconisent pour le nouveau-né et le nourrisson de donner à manger à la demande) ;
3) on a le droit de rendre moralement convenable une pratique détestable pour la santé publique.

Oups

Il est temps de déconstruire le déconstructionnisme.

Pourquoi les gens vont chez McDo ?
En raison du conditionnement publicitaire (il faudra revenir sur les "maquereaux" de la publicité, ces hommes et ces femmes idéologiquement neutres qui seraient capables de tuer père et mère pour avoir le budget McDo ou Coca-Cola et pour pouvoir convaincre les pauvres et les déshérités de manger et de boire de la merde), de la propagande institutionnelle (la junk food, c'est bon pour l'économie, pour l'emploi, pour la croissance, il y a même des économistes fous qui ont considéré le prix du Big Mac  comme, je cite, un indice fruste de parité du pouvoir d'achat, voir ICI), du consumérisme, du ça, de la crédulité des masses et du pouvoir sans limites du capitalisme financiarisé.

La déconstruction du déconstructionnisme passe par la remise en cause du système mondialisé qui nous gouverne.

Stop.

Tu vas trop loin : le système capitaliste est notre horizon indispensable, incontournable, indéboulonnable, c'est la nature.

Mais surtout : la fermeture des McDos va entraîner des émeutes, les sevrés de Big Mac et autres wopper, vont faire la queue aux urgences, vont agresser des vieilles dames pour leur voler leur porte-monnaie, il va y avoir des grèves... Et big pharma va inventer le McDofène qui va permettre aux McDomanes de pouvoir continuer à consommer des Big Mac dans des limites raisonnables fixées par l'OMS.

Pour finir, voici une phrase de Fredric Jameson : "Il est plus facile de penser la fin du monde que la fin du capitalisme."

   

lundi 3 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Panem, circences et sex. 19.

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

19

Panem, circences et sex.


La professeure Marie Carmichael n’en peut plus d’Ursula et des plaisanteries sur Ursula. Cette atmosphère de mecs impudents, de mecs qui trouvent que c’est normal, « on est quand même des carabins, on a une réputation à défendre… on nous emmerde sur tout… les fresques dans les salles de garde comme la drague au débotté… nous sommes des adultes consentants… » On la prend pour une pisse-froid, une coincée, une mal baisée, et tout le tralala bien connu. S’ils savaient combien elle s’en moque à titre personnel et combien elle en souffre pour les étudiantes et les femmes médecins. Elle est assise à côté d’une jeune chef de clinique qui va présenter un papier sur le dépistage du cancer du sein dans une section annexe du congrès. Elles ne participent pas à la curée générale et les mecs s’en foutent.

Nombre de futurs congressistes qui n’ont rien à présenter au congrès, la majorité, les invités comme futurs prescripteurs ne pensent qu’à profiter de la situation d’invités. Les trois sujets qui les préoccupent : vont-ils avoir, pour les hospitaliers comme pour les privés, des ouvertures professionnelles ? Vont-ils avoir des ouvertures sexuelles pendant cette petite semaine ? Vont-ils pouvoir profiter, loger dans un hôtel top classe, se taper de bons restaus, sortir dans des bars ou des boîtes et picoler ? C’est une sorte d’échappatoire à leurs vies normées et remplies. Car ces privilégiés, il suffit de regarder leurs comptes en banque respectifs, et notamment pour les libéraux, leurs revenus non commerciaux pour l’année dépassent les trois cent mille euros, bossent. Bossent tard et n’ont pas affaire à des malades faciles parce que leurs malades meurent plus que les autres.

Il faut donc décompenser. Déconner. Raconter des conneries. Faire des plaisanteries sur les filles, déjantées et allusives, franchement vulgaires, leurs femmes seraient horrifiées ou non. Le congrès s’amuse.

La professeure Carmichael est considérée comme une extra-terrestre qui ne saute jamais en l’air dans les pots de service, qui ne pousse pas des cris quand un malade va mieux, qui ne fait pas la maligne devant les malades, qui reçoit les familles avec autant de bienveillance que possible et qui ne prend pas le petit personnel pour de la merde en boîte. On sait qu’elle est réservée, elle ne parle jamais de sa vie privée, de ses copains comme de ses copines. Mais son secret est celui-ci : elle est la copine de la chef de clinique qui est assise à côté d’elle et elle va en profiter pendant le congrès comme un vulgaire Milstein avec sa secrétaire.

Elle ignore pourtant qu’Edmée Vachon, en saluant tout le monde d’un bout à l’autre de la cabine, a vu et compris le manège. Elle n’oubliera pas.


(Pour tout lire depuis le début : LA)