mercredi 9 juin 2010

UNE RHINO CHEZ UN PETIT RAT - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-HUITIEME EPISODE


La petite A, neuf ans, est fébrile.
L'interrogatoire paraît évident.
L'examen clinique raconte la même chose.
C'est une rhinopharyngite.
Le carnet de santé est bien rempli.
Les vaccinations obligatoires sont à jour.
Que demande le peuple ?
Rien.
Une ordonnance afin que la petite puisse participer le week-end prochain au spectacle de danse du conservatoire de danse de Mantes-La-Jolie.
La maman n'aborde même pas la cruciale question de l'antibiothérapie.
Que de temps gagné !
C'est une consultation facile qui me fait rêver.
Je ne rêve pas que toutes les consultations ressemblent à celle-ci.
Non, je rêve à l'histoire de cette petite fille noire qui voulait faire du hip hop à l'Ecole Nationale de Musique, de Danse et de Théâtre de Mantes en Yvelines. Cette petite fille d'origine sénégalaise qui ne connaissait pas les danses traditionnelles peules et qui voulait hip hoper à Mantes. Cette petite fille de Mantes-La-Jolie qui n'avait jamais entendu parler de Casse-Noisette ou du Lac des Cygnes et qui a été remarquée, une prestance incroyable, un port de tête, une beauté enfantine, par la professeure de danse classique. L'enfant a accepté pour voir. Les parents ont accepté. Et désormais elle danse avec un tutu et des chaussons.
J'en parle il y a quelque temps avec un oncle de la petite A qui me dit que les parents sont très fiers que leur fille fasse de la danse classique.
J'en parle à un copain responsable d'une association de parents d'élèves (de gauche : FCPE) : il me regarde d'abord en souriant puis il ajoute, sans rire a priori : c'est pas du néo colonialisme ?
Je m'esclaffe et je pense à cette petite fille d'origine peule (je ne vous ferai pas un cours sur les Peuls de Mantes-La-Jolie, trop complexe pour les tenants de l'orthodoxie gauche / droite. Un autre jour, peut-être.

lundi 7 juin 2010

UNE VARICELLE AGEE - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-SEPTIEME EPISODE

Je me rends en visite à domicile chez Madame A, 79 ans. Elle a des boutons. Il y a au moins deux ans qu'elle ne se rend plus au cabinet en consultation. Elle a une polyarthrite rhumatoïde qui est devenue très invalidante. Elle porte un corset pour se déplacer chez elle. Son traitement est lourd et comporte notamment du methotrexate et de la cortisone à bonne dose qui ont été initiés depuis longtemps à l'hôpital où elle est suivie par une rhumatologue. La patiente souffre peu.
Ses boutons ne sont pas prurigineux, ils ont une distribution bizarroïde et s'ils ressemblent, de loin et dans le brouillard, à des boutons de varicelle ce n'est pas aussi évident que cela sur une peau de personne âgée. L'interrogatoire est peu convaincant. Je retrouve seulement ceci : l'aide-ménagère lui a passé de la crème diprosone sur les jambes et le tronc parce qu'elle avait la peau sèche. Donc, c'est quand même peut-être une varicelle bizarroïde et d'autant plus bizarroïde que le traitement de la vieille dame n'est pas léger.
Une fois de retour au cabinet, il fallait bien que je fasse d'autres visites et à l'heure où je suis passé chez la dame tout le monde était occupé dans le service, j'obtiens un rendez-vous en urgence avec une dermatologue. Vers dix-sept heures la dermatologue de l'hôpital me confirme qu'il s'agit d'une varicelle, qu'elle a quand même fait faire une sérologie, et qu'elle en a retrouvé l'origine : la fille de l'aide-ménagère avait la varicelle et elle est passée avec sa mère il y a huit jours... L'aide-ménagère, elle est quand même grave...
La patiente revient chez elle et deux jours après j'apprends qu'elle a été hospitalisée. J'appelle la réanimation : insufisance respiratoire aiguë. Les réanimateurs sont très pessimistes. Au troisième jour je rappelle et le chef de service me dit qu'il a été décidé, en accord avec la famille, de ne pas la réanimer.
"Poumon varicelleux ? je demande.
- Ouaf. Peut-être. Mais elle avait déjà un poumon rhumatoïde. C'était une patiente fatiguée.
- Le fait qu'elle était traitée par methotrexate et une bonne dose de corticoïdes n'a pas dû arranger les choses...
- Ouais..."
Le lendemain matin je reçois un courrier de dermatologie confirmant la varicelle bénigne, la sérologie et le retour au domicile de la vieille dame.
Le soir j'apprends que la vieille dame est morte.
Pourrait-on dire que cette histoire est exemplaire ? Pourrait-on dire qu'elle est symptomatique de la difficulté de la médecine et des relations complexes entre les malades, les soignants et la mort ?

Ouaf, comme dirait le réanimateur.

Je voudrais rapporter ceci (je le formule quelques jours après, ce n'est pas spontané, c'est peut-être, aussi, une façon de me protéger contre des faits qui m'ont dépassé, une sorte de construction qui serait une défense contre moi-même) :
  1. L'hygiène primaire face aux maladies infectieuses, fussent-elles banales, est indispensable
  2. L'automédication n'est pas si anodine que cela
  3. On a oublié les complications des maladies infectieuses
  4. On décide très vite de ne pas réanimer
  5. On scotomise la responsabilité des médicaments, ici le methotrexate et la cortisone et on ne fera pas de déclaration de pharmacovigilance
  6. Le médecin traitant n'a jamais, au cours des années, contesté le traitement institué à l'hôpital et qu'il savait potentiellement dangereux pour cette vieille dame
  7. La vie continue.

dimanche 6 juin 2010

LA PREVENTION, ENCORE ET TOUJOURS POUR AMUSER LA GALERIE : LES EXAMENS PERIODIQUES DE SANTE


Dispensaire à Madagascar (Anjozorobe)

Nous avons déjà beaucoup discouru ici sur l'arrogance de la prévention.

Je voudrais rappeler ici la fameuse, trop fameuse, phrase de David Sackett : " La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations." Voir ICI.
Elle devrait apparaître comme économiseur d'écran dans tous les ordinateurs des médecins, des décideurs et des payeurs.

Je le répète : qui pourrait s'opposer à la prévention ?

A Mantes-La-Jolie, dans la zone du Val Fourré, il existe des problèmes sociaux et des problèmes médicaux qui sont liés (je n'en ferai pas un exposé exhaustif) aux conditions sociales, aux faibles revenus des familles, aux conditions de travail des habitants, aux habitudes alimentaires, au choc culturel qui fait passer de l'alimentation traditionnelle au "grec - coca" ou de l'ère pré pasteurienne à l'ère post pasteurienne, et cetera, et cetera. Sans compter un fort taux d'analphabétisme chez les aînés.

C'est dans ce cadre somme toute largement compris par la France tout entière que des Examens Périodiques de Santé sont pratiqués par un organisme privé, l'IPC. Cet organisme dispose de locaux dans le Val Fourré, fait pratiquer des examens sanguins (adressés dans leur centre parisien pour analyse), des ECG, des EFR et autres audiogrammes. Le patient, choisi selon des critères inconnus, reçoit une convocation à domicile qui fait très "officielle" et les patients me demandent s'ils sont obligés d'y aller (quand ils ne veulent pas s'y rendre) et, pour ceux qui s'y sont rendu, me rapportent le "rapport" qui comprend de nombreuses pages de résultats et des commentaires sur l'état de santé avec des "recommandations" destinées au médecin traitant.

J'ai écrit avec un collègue biologiste, un courrier électronique au Directeur général de l'Assurance Maladie des Yvelines, Monsieur E. Le Boulaire dans lequel je m'étonnais des pratiques de cet IPC.

Voici la teneur de ce courrier où j'y signalais un certain nombre d'agissements :

Il paraît anormal que des patients qui ont signé le formulaire médecin traitant soient sollicités sans que le médecin traitant ne soit prévenu a priori.
Il paraît encore plus anormal que les patients suivis pour une Affection de Longue Durée soient également sollicités sans que le médecin doublement traitant n'ait été averti.
Ainsi, des patients diabétiques traités par leur médecin traitant (moi-même) apprennent qu'ils sont diabétiques, ou des patients hypertendus qu'ils sont hypertendus, ou des patients porteurs d'une drépanocytose qu'ils ont des globules rouges anormaux...
Mon expérience m'indique que des patients ayant subi un contrôle lipidique quelques semaines auparavant ont y été soumis de façon systématique. Et il en est de même pour d'autres dosages et examens comme l'ECG dont le rendement prédictif chez un patient asymptomatique paraît peu important.
Il y a plus.
Les rapports comportent des commentaires sur l'état de santé du patient à propos d'une éventuelle hypertension artérielle, des troubles lipidiques ou de troubles de la régulation glycémique qui sont en contradiction avec les avis de la Haute Autorité de Santé.
Ces commentaires inappropriés entraînent une anxiété chez le patient et surtout une incompréhension sur le fait que le médecin traitant ne se serait pas rendu compte auparavant de troubles inexistants...
Mais il y a encore plus. Des examens complémentaires non recommandés par la Haute Autorité de Santé sont inclus dans le package général, comme le dosage du PSA chez des hommes de plus de 50 ans...

Ainsi, ces Examens Périodiques de Santé, me paraissent tout à fait dévoyés de leur objectif initial, à savoir dépister des anomalies de santé dans des populations défavorisées ou ne consultant pas régulièrement un médecin.
Ils conduisent à des examens inutiles, doublonnants ou non recommandés par l'Etat de la Science et leur rentabilité scientifique et économique me paraît douteuse.

La CPAM dispose d'une structure pérenne, la médecine générale, de médecins traitants et elle confie à un organisme privé des missions qu'il ne remplit pas.
J'ai à mon cabinet la liste de toutes les anomalies que j'ai relevées.

Voici ce qui m'a été répondu (en substance) :
  1. L'examen se santé périodique fait partie des droits de chaque assuré social...
  2. ... les organismes d'assurance maladie doivent veiller à offrir ces examens en priorité aux personnes les plus démunies et les plus vulnérables au plan de la santé plusieurs fois dans l'intervalle des cinq ans.
  3. Ils contribuent à l'amélioration de l'état de santé des assurés par la combinaison de procédures qui relèvent du dépistage, de l'éducation à la santé et du conseil individualisé.
  4. Le centre IPC, certifié ISO 9001 version 2008...
  5. S'agissant de la réalisation d'examens biologiques dans le cadre du bilan... l'examen est modulé selon le référentiel... le médecin appliquait les référentiels scientifiques...
Commentaires : les droits du malade (point 1), voilà une belle affaire, démagogie quand tu nous tiens, et ça continue avec le couplet social (point 2), le dépistage (point 3) est déclaré efficace a priori selon les canons de la scientificité arrogante préventive, les règlements administratifs (point 4) sont respectés, et enfin (point 5), plus les mensonges sont gros et plus ils devraient passer.

Je n'appellerai pas le médecin responsable : cela me ferait perdre du temps.

Cette mini affaire rend compte, encore une fois, du mépris avec lequel les médecins généralistes, et les spécialistes sur zone, sont traités par une structure qui ne se réfère qu'à ses référentiels : la vitrine des politiques inefficaces et le mépris de la Science.

Encore et encore.



jeudi 3 juin 2010

LA NOUVELLE CAMPAGNE DE VACCINATION CONTRE LA GRIPPE : ON PREND LES MEMES ET ON RECOMMENCE !


(L'inoculation. Louis Leopold Boilly. 1807)
Dans l'indifférence générale et dans un grand anonymat le Haut Conseil de la Santé Publique a publié la stratégie vaccinale pour la saison 2010 - 2011. Cette stratégie émane d'un Groupe de Travail qui nous rappelle de bons souvenirs.

Lire ce document appelle, à mon sens, plusieurs remarques d'importances inégales (libre à vous de pondérer) :
  1. Les experts. Le fiasco des recommandations 2009 - 2010 prônées par les mêmes experts n'a pas changé les experts. Les mêmes experts qui ont proposé ex cathedra la vaccination pour tous en pensant L'intendance suivra, les mêmes experts qui n'avaient pas, a priori, l'expérience des vaccinations de masse en Afrique qui avaient échoué faute de s'appuyer sur des structures existantes et qui ont accusé les administratifs et les médecins généralistes de n'avoir pas suivi des consignes "impossibles", les mêmes experts qui ne se rappellent plus (il serait bon, à titre préventif, de leur prescrire un placebo comme du donézépil) avoir débité des contre-vérités scientifiques tant dans leurs écrits que dans leurs blogs ou que sur les estrades gouvernementales de Roselyne IMC Glaxo... Car, ces experts, ce sont toujours les mêmes : Jean-Claude Manuguerra qui fut si mauvais lors d'une émission C dans l'air qu'on le cacha des caméras jusqu'à la fin de la campagne gouvernemento-bigpharmienne, Daniel Levy-Bruhl qui, comme sur les devantures des quincailleries, pourrait afficher sur son front Expert depuis cent ans, Bruno Lina, l'inénarrable expert pétri de liens d'intérêt qu'il revendique comme preuve de son indépendance, Daniel Floret, toujours aussi charismatique et brillantissime, Christian Perronne, spécialiste des ailerons de requin, et j'en passe... Ils se sont trompé du tout au tout et on continue de les interroger. Ou, plutôt, Didier Houssin, l'ineffable chirurgien les a interrogés...
  2. Les données scientifiques. Le Groupe de Travail (GdT) s'est fondé sur les travaux de l'InVS dont on connaît et la rigueur scientifique et la renommée internationale. Cette même InVS qui recueillait des données concernant des patients "grippés" dont 50 % n'étaient pas documentés pour le critère Age ! Par ailleurs le GdT s'est servi des données de mortalité du Cepi-DC pour les années 2003 - 2007 pour faire des comparaisons avec les décès de la grippe dite pandémique... Nous avons vu que ces données étaient farfelues en raison du mode de comptage, de l'imprécision des certificats de décès et que l'absence de sérologie grippale effectuée donnait raison prioritairement à la clinique (risques de sur diagnostic).
  3. Les hypothèses fantaisistes. Derrière leur bureau et entre deux réunions de travail au restaurant, le GdT a avalisé des prévisions. Prenons-en une : L'immunité de la population générale estimée entre 19 et 30 % : et nous voilà repartis dans des extrapolations à partir de rien, des projections gratuites, des présupposés sans fondement. De qui le GdT se moque-t-il ? Il y a pourtant une référence (rigolote) : ici.
  4. On ne parle plus de pandémie. Bien que l'OMS n'ait pas renoncé à la pandémie, voire tout simplement à un recul dans le niveau d'alerte, le GdT ne parle plus de grippe pandémique, ce qui est normal mais ce qui est contradictoire avec les instructions internationales.
  5. La pharmacovigilance est toujours aussi indigente. Les techniques d'imputation sont les suivantes : quand un effet indésirable est grave il ne peut être imputé au vaccin ; quand un effet grave et possiblement attendu est signalé (9 Guillain-Barré par exemple) il est balayé d'un revers de la main et on lit ceci : "le nombre de cas de syndromes de Guillain-Barré notifié (sic) a été inférieur au nombre attendu de l'incidence annuelle de la maladie en France." Arrêtons-nous sur ce point : quelles hypothèses explicatives pouvons-nous faire ? a) la pharmacovigilance a été peu faite ; b) le nombre de Guillain-Barré en France est supérieur à ce qui est notifié ; c) la vaccination contre la grippe pandémique a protégé contre le Guillain-Barré. Ainsi, le nombre des syndromes grippaux est-il surestimé car attesté par des critères cliniques et non sérologiques et le nombre des effets indésirables potentiels sous-estimés car attribués à autre chose que le vaccin anti grippal.
  6. La pharmacovigilance chez les femmes enceintes : c'est le pompon ! On ne sait rien mais on conclue et on termine par cette phrase inouïe : "Les ratios cas attendus / cas observés ne peuvent à ce jour être calculés en l'absence de connaissance du nombre de femmes enceintes exposées aux vaccins."
  7. Toujours pas d'études cliniques indiquant que le vaccin dit pandémique protège 1) contre la grippe pandémique ; 2) contre les Syndrome de détresse respiratoire aiguë. Aucun expert ne peut affirmer que le vaccin dit pandémique protège.
  8. Toujours pas de remise en question de l'efficacité des vaccins saisonniers chez les personnes de plus de 65 ans, coeur de cible des campagnes antérieures de vaccination qui n'évitaient pourtant pas, selon les chiffres alarmistes des épidémiologistes gouvernementaux, 5 à 7000 morts par an. Alors que l'on sait qu'un organisme indépendant (la Collaboration Cochrane) doute de cette efficacité. Mais, il est vrai, que le journal indépendant Prescrire ne doute pas.
  9. Enfin, les recommandations du GdT sont d'une grande prudence et d'un grand confusionnisme : hormis les patients éligibles pour la grippe saisonnière (vaccin trivalent) on vaccinera avec le vaccin monovalent a) les femmes enceintes sans facteurs de risque pour la grippe saisonnière ; b) les personnes atteintes de maladies endocriniennes susceptibles d'être décompensées par une infection aiguë ; c) les personnes ayant un IMC égal ou supérieur à 30
  10. On lit aussi cette phrase intéressante : "l'efficacité de la vaccination chez les jeunes nourrissons n'est pas formellement démontrée et le nombre de sujets à vacciner pour éviter un cas est élevé." Est-ce une façon élégante de dire autre chose ?
  11. Enfin, nos experts viennent de se rendre compte que La Réunion n'était pas dans l'hémisphère Nord et demandent, lisez-bien, des modifications réglementaires pour que la République Française l'admette...
Cette nouvelle "stratégie" montre que rien ne change, que rien ne bouge, que les experts restent les experts, qu'ils aient ou non déclarés leurs liens, et que le manque crucial d'études cliniques est au centre des incertitudes qui ne troublent pas le GdT.

BHW a gagné !
(Bachelot, Houssin et Weber)

Les médecins généralistes ne pourront rien dire.

A vos seringues !

lundi 31 mai 2010

LA NOUVELLE EXPERTISE MEDICALE APRES LE FIASCO GRIPPAL : PIERRE BACHELOT

Nous nous demandions tous avec angoisse comment Roselyne IMC Glaxo allait prendre le virage de la nouvelle expertise après le fiasco de la campagne menée contre la grippe pandémique.
Car il est vrai que d'énormes problèmes se posaient : les rapports de l'expert avec le vulgum pecus, les rapports de l'expert avec la science, les rapports de l'expert avec l'épistémologie, les rapports de l'expert avec la compétence, les publications, les industriels, Big Pharma, le pouvoir politique, le principe de précaution, le catastrophisme éclairé, l'éthique, la démocratie... et j'en passe. Toutes ces réflexions étant, on l'a bien compris, le pain quotidien de cette Ministre et son souci permanent.
Roselyne IMC Glaxo n'a pas traîné : avec son enthousiasme habituel, son sourire ravageur, ses convictions inébranlables, sa morale inattaquable et exemplaire, son esprit d'à propos, son sens aigu de la communication, sa légendaire bonhommie, elle a fait fort.
Auparavant, pour être un bon expert selon Roselyne, il suffisait, si j'ose dire, d'être Médecin des Hôpitaux, de penser droit et à droite, d'avoir des conflits d'intérêts si voyants qu'il était difficile de savoir quel palefrenier avait rempli sa mangeoire, de ne pas forcément être très bon, de mal connaître la littérature internationale, d'ignorer la Collaboration Cochrane, de peu publier ou de publier beaucoup dans des revues lues seulement dans les kiosques, de ne pas parler anglais, de cotiser dans les caisses de retraite de l'industrie pharmaceutique, d'occuper un poste officiel éminemment politique ou de ne pas avoir tout cela, avoir un simple CESAM comme outils statistique, avoir comme références des emplois dans le marketing ou d'être idiot tout simplement.
Eh bien Roselyne, en femme politique qui sait ce qu'elle veut, a tranché : elle a nommé son fils Pierre Bachelot, à l'INPES (Institut national de prévention et d'éducation pour la santé). Pour faire taire les mauvaises langues, et ne doutons pas que ces méchants parleront de népotisme, de favoritisme, d'interventionnisme, je vous propose de lire un article du Figaro dont la rudesse et la méchanceté seraient passées inaperçues dans Libération mais qui, dans l'organe de la sarkozye, ne manque pas d'intérêt : ici. On y apprend que le fiston dont on voit le portrait en haut de ce billet, doit sa carrière à l'ascension de sa mère, qu'il sera chargé de lobbying (la famille a des gènes solides) et que la liste de ses diplômes est aussi épaisse que le nombre d'essais cliniques effectués chez les femmes enceintes avant la pandémie...
Les experts bachelotiens sont donc des fils pour elle et il est clair que François Bricaire et Bruno Lina, experts devant l'Eternel, et pourtant fils perdus de l'inconséquence expertale, ne pourront qu'être jaloux de cette nomination qui, malgré tout, est probablement es qualités.
Madame Bachelot a-t-elle une fille ?

dimanche 30 mai 2010

ENURESIE - HISTOIRES DE CONSULTATION : VINGT-SIXIEME EPISODE

Madame A est une "nouvelle patiente" qui vient consulter pour son fils de six ans qui fait pipi au lit. C'est elle qui se met en avant. Tout est centré autour d'elle. N'interprétons pas, écoutons-là. "Il me fait pipi au lit tous les soirs... Je commence à en avoir marre... C'est pour lui, c'est un grand... J'ai tout essayé, je ne l'ai pas grondé, je l'ai grondé, je l'ai privé de télé, de DS et j'en ai assez... Il me saoule... Bien sûr (et nous sommes dans l'intégralité de son discours...) que le divorce n'a pas arrangé les choses... Il ne voit plus son père... Mais je n'y suis pour rien... C'est la vie... Alors, docteur, il faut faire quelque chose, vous devez bien avoir une solution, ça finit par coûter cher, les couches..." Pendant ce temps le petit garçon n'écoute pas. Il monte sur le fauteuil, il met les doigts sur le bureau, il s'empare du cachet, il touche les fils de l'ordinateur, il se lève... Et Madame A ne dit rien. Elle parle d'elle-même. C'est elle qui souffre de l'énurésie de son fils. Mais est-ce que l'énurésie est une souffrance pour l'enfant ? "J'ai essayé de ne pas le culpabiliser... Mais j'en ai marre... Il me pourrit la vie..."
Bien entendu cette maman a déjà consulté plusieurs médecins auparavant. Je suis un recours. Je me demande bien pourquoi.
Je suis un recours et elle me pose le marché en des termes clairs : "Vous devez trouver une solution ! C'est vous le médecin ! Ce n'est pas normal un enfant qui n'est pas propre... Faites quelque chose !"
Je ne reviens pas sur un des fonds du problème : cette femme m'insupporte. J'ai du mal avec ce discours englobant qui ne laisse aucune autonomie à l'enfant. Bien que je me méfie comme de la peste du concept d'autonomie qui revoie à nombre de concepts qui m'exaspèrent sur l'école centrée sur l'enfant et non plus sur l'enseignement, je pense que cette maman en fait trop dans l'autre sens. Encore que... D'un côté elle confisque sa parole et de l'autre elle lui laisse faire ce qu'il veut dans mon bureau (selon mes critères, entendons-le bien). Ce que j'aime le moins (et que nous faisons tous, surtout avec nos patients) : elle change de technique tout le temps ; la carotte puis le bâton, l'engueulade puis la valorisation, la trique et le bisou ; dans la même phrase. Je connaissais un dirigeant d'entreprise qui disait : Il vaut mieux une mauvaise politique que pas de politique du tout. Il exagérait, bien entendu. Mais, c'est mon avis, je ne voudrais l'imposer à personne, les enfant sont besoin de repères, je n'ai pas dit limites, des repères pour savoir exactement où ils en sont.
Mais la vraie question : l'énurésie est une sacrée difficulté dans nos pratiques. La diversité des traitements proposés rend compte de leur inefficacité globale. Plus je lis des articles et plus je suis moins convaincu. Il fut un temps, quand je me suis installé, il y a un peu plus de trente ans, on tenait déjà un discours de responsabilisation de l'enfant ("Tu es un grand, mon bonhomme... Il faut que tu contrôles tes urines, c'est la preuve que tu es devenu grand...") et, dans le même temps on prescrivait des antidépresseurs à petite dose (imipramine). C'était la mode. Des antidépresseurs pour des enfants de six ans. On avait aussi les parasympatholytiques comme l'oxybutinine qui donnait de nombreux effets indésirables dont la sécheresse de bouche et des troubles neurologiques parfois importants. Puis sont apparus d'autres produits dont l'efficacité était aussi peu importante que leurs effets indésirables étaient établis... Il y avait aussi la psychologie et, bien entendu, venant de l'Amérique du Nord, les thérapeutiques cognitivo-comportementales avec des images pour des nuits "sèches". Il y avait aussi le pipi stop, la couche qui réveille l'enfant quand il fait pipi.
Chacun faisait sa petite cuisine, on faisait des mélanges et le gamins continuaient de pisser à leur rythme ballotés entre la honte de ne pas être propre et les alternances carotte / bâton. Je ne me rappelle plus ce que racontaient les freudiens, j'ai oublié ou je l'ai intégré dans mon inconscient, les histoires de régression, le 'Je le fais payer à mes parents' avec la naissance du petit frère, la jalousie et l'image de la mère et l'image du père... l'angoisse de castration, que sais-je encore ?
Bon, je m'égare. Rien ne marche.
Cette maman m'énerve et je n'ai pas réussi à placer un mot à cet enfant qui ne savait pas manifestement qu'il allait chez le médecin pour qu'on parle de pipi au lit, ce visiteur nocturne, mon prêchi prêcha classique à mi chemin entre la responsabilisation, l'autonomisation, l'analyse freudienne, l'aplomb des urologues, et l'affreux bon sens.
De toute façon, le gamin, il avait déjà eu tout cela, ou presque. Donc j'ai fait le bon docteur Balint, c'est à dire celui qui est conscient que le médicament c'est le médecin et j'ai couru à l'échec avec un entrain exceptionnel.
Quant à la mère, il lui aurait aussi fallu un cours sur tout ce qu'il ne faut pas faire avec les enfants mais j'ai déjà donné, je me suis déjà trompé, donc j'ai battu retraite en rase campagne.
Je ne crois pas que ces deux là, je les reverrai.

jeudi 27 mai 2010

J'AURAIS VOULU ETRE BOBOLOGUE...

Hier mercredi, la journée a été catastrophique. Trop de malades, trop de malades à problèmes, trop de problèmes sans intérêt, trop d'intérêts sans problèmes.
C'est pourquoi, tandis que je recevais mon énième malade, tandis que je pensais aux coups de téléphone que j'aurais dû passer, aux coups de téléphone que j'aurais dû recevoir, aux papiers que j'avais promis et que je n'avais pas faits, aux dossiers que j'aurais dû terminer et qui seront encore là demain, aux courriers que j'avais reçus de l'hôpital et qui racontaient des histoires curieuses sur des patients que je connaissais pourtant, aux courriers péremptoires de collègues qui ne vivaient pas dans la vraie vie mais dans une abstraction que l'on aurait pu appeler la fausse bonne médecine académique, je rêvais du monde de la médecine générale selon Patrick Pelloux, un monde de bobologie, un monde où les médecins ne faisaient pas de la médecine, où les malades n'étaient pas malades, où l'urgence vitale était inconnue, où les malades étaient de simples personnes passant par là pour demander des arrêts de travail ou des sirops pour la toux, je rêvais donc de ce monde facile décrit par un urgentiste plus connu pour ses performances médiatiques que pour ses publications scientifiques, je rêvais d'un exercice aisé, easy medicine, où les patients étaient des usagers, des consommateurs, des C à 22 euro, des organes se déplaçant tout seuls comme des spectres sans tête jusque dans les cabinets de médecine générale, des individus sans passé et sans avenir, sans histoires, sans famille, sans patron, sans enfants, des pures chimères nées de l'imagination dévorante des hospitaliers habitués à ce que les patients malades soient entubés, perfusés, oxygénés, entravés, dépendants du seul bon vouloir de l'urgentiste comme deus ex cathedra de la médecine moderne, comme prophète du progrès en marche et de la "bonne" médecine qui sauve des vies...
J'en ai rêvé et rien n'est arrivé.
J'aurais voulu que les patients ou les malades ou les usagers ou les consommateurs aient de simples rhumes, de simples maux de dos, de simples rhino-pharyngites, de simples boutons de fièvre, de simples eczémas, de simples infections urinaires, de simples toux aiguës... eh bien non ! Il y avait des personnes qui, certes, pouvaient avoir des rhumes, des maux de dos, des échardes dans le pied, mais il y avait aussi des personnes avec des pathologies chroniques, des cancers avec ou sans métastases, des personnes âgées en fin de vie, des personnes jeunes qui allaient mal, des déprimés, des anxieux, des syndromes respiratoires aigus chez des nourrissons, des traumatisés du travail, des accidentés de la vie et même des gens qui allaient mourir et à qui il fallait faire des mines pour qu'ils continuent à avoir de l'espoir, des porteurs de maladies orphelines qui se sentaient orphelins, des malades imaginaires, des hypochondriaques, des diabétiques hypertendus mal équilibrés, des suspicions d'embolie pulmonaire... J'en passe et des meilleures. Et tout cela pour que le Pelloux il joue des muscles à la télévision et à la radio et dans les journaux, pour que le Pelloux raconte partout que les médecins généralistes sont d'affreux bobologues qui pourraient quand même prendre plus de gardes afin que le Pelloux, comme urgentiste, puisse plus longtemps parler à la télévision et dans les radios ou ait plus de temps pour écrire ses papiers dans Charlie Hebdo.
Pauvre petit Pelloux victime de son ego et soumis aux clichés de la société médiatique.
Je le plains sincèrement.

Sur l'air de J'aurais voulu être un artiste...
J'aurais voulu être bobologue
Et pouvoir faire mon numéro
J'aurais voulu être proximologue
Et compter mieux tous mes euro...

Quand il n'y aura plus de généralistes, mais la nature a horreur du vide, il y aura encore des petits Pelloux pour nous expliquer combien Les généralistes n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes....