vendredi 12 novembre 2010

J'AIME PAS LES URGENTISTES QUI FONT DE LA MEDECINE GENERALE ! - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 53

Edvard Munch - Le cri - 1893
Ce post n'a aucun intérêt.
Ce post n'est que la manifestation épidermique de mon énervement à l'égard des urgentistes qui font de la médecine générale. De mon énervement de médecin généraliste à l'égard de la médecine générale qui a habitué les patients à l'urgence symptomatique. De mon énervement à l'égard des cliniques qui pratiquent des soins non programmés pour alimenter en examens complémentaires non programmés des malades non programmés à aller aux urgences. De mon énervement devant le mépris que gratifient les urgentistes aux médecins généralistes (suivez mon regard docteur Pelloux) et qui feraient mieux de regarder les ordonnances qui sortent des services d'urgences qui parfois ne sont pas piquées des hannetons. De mon énervement à l'égard de la CNAMTS qui, pour des raisons de mépris venant d'En Haut et (aussi) de volumes de prescription, ne s'intéresse qu'aux médecins généralistes pour contrôler leurs activités et pas aux grands spécialistes qui ne prescriraient que dans les clous... De mon énervement de l'ignorance de la CNAMTS qui feint d'ignorer que Big Pharma, pour vendre ses molécules, commence par vampiriser les chercheurs internationaux puis les leaders mondiaux, puis les leaders nationaux, puis les leaders régionaux, puis les leaders loco-régionaux, avant de distribuer de la bimbeloterie aux médecins généralistes... De mon énervement à l'égard du professeur Allemand qui, au lieu d'emmerder les généralistes capistes à prescrire des anti hypertenseurs de la liste, devrait commencer par viser la tête, les professeurs de CHU qui, aveuglés par les destinations de rêve de leurs Congrès professionnels, ne cessent de prescrire hors liste et de dire à leurs malades que les médecins traitants suivront... Enervé que le Comité Scientifique de la CNAMTS ne commence pas par s'attaquer aux professeurs ORL qui prescrivent du Vastarel, aux professeurs rhumatologues qui continuent de prescrire jusqu'au bout du Celebrex, aux professeurs diabétologues qui ont prescrit jusqu'au dernier moment de la rosiglitazone... Enervement aussi à l'égard des médecins généralistes qui croient que seuls les médecins spécialistes sont des crétins et prescrivent des crétineries sans intérêt.
Ce post n'a donc aucun intérêt sinon celui de parler de mon grand énervement.
***
Histoires de consultation : Episode 53 : Monsieur A, 38 ans, vient me voir en me disant qu'il est allé aux urgences en raison de violentes douleurs de la région cervicale, qu'il a toujours mal, qu'il est un peu dans le cirage et, avant que je ne voie son ordonnance, je l'examine et je constate un torticolis banal mais très douloureux avec une atteinte du sternocléidomastoïdien et du trapèze homolatéraux avec, peut-être, l'ébauche de l'esquisse d'une douleur radiculaire, toujours homolatérale...
Voici l'ordonnance (l'en-tête de l'ordonnance n'émane pas des urgences mais d'un centre de soins non programmés - c'est l'époque : les aveugles sont mal-voyants, et cetera...- établi dans une clinique appartenant à la Générale des Eaux...) :
  1. Acupan 50 : une ampoule trois fois par jour
  2. Voltarène 50 : un comprimé trois fois par jour
  3. Dafalgan 1000 : un comprimé quatre fois par jour
  4. Myolastan 50 : un comprimé au coucher.
Et Monsieur A avait toujours mal, le salaud !
Ainsi, la prescripteure croyait trop à la médecine et Monsieur A pas assez.

Pour un torticolis !

jeudi 11 novembre 2010

JEUX DE RÔLE EN MEDECINE GENERALE ET DANS LA SOCIETE EN GENERAL


J'écoutais le vendredi 22 octobre 2010 (dans ma voiture) l'émission de Marc Voinchet sur France-Culture (ici) qui était consacrée ce à la francophonie et les propos des deux invités, à gauche Abdourahman A. Waberi (son site) et à droite Koffi Kwahulé (wiki), ont failli m'envoyer dans le décor. Ils ont dit, je résume en synthétisant, qu'ils préféraient avoir affaire à un bon blanc raciste qu'à un bon blanc pétri de bonnes intentions et antiraciste a priori. Ils disaient : avec un raciste nous savons à quoi nous en tenir avec un antiraciste nous ne savons jamais quel rôle il va nous assigner. Leur assigner ? Eh oui, un bon noir francophone doit être progressiste, un bon noir doit écrire comme Césaire, comme Senghor ou comme Fanon. Pas comme Kundera ou Voltaire ou Roth. Le non raciste, continuaient-ils, a autant d'idées préconçues que le raciste sur la question noire et voudrait, en toute bonne foi, nous relèguer dans la division régionaliste de la littérature ou de la culture, la périphérie de la francophonie qui est déjà à la périphérie du monde anglosaxon. Nous sommes francophones, poursuivaient-ils, mais nous ne voulons pas être des écrivains francophones, nous sommes des écrivains du monde qui écrivent, accessoirement, en français.
Pourquoi je vous dis cela ?
Parce que je m'interrogeais l'autre jour, en lisant un forum médical, sur le rôle qui était assigné aux malades.
Tous les braves gens qui ne jurent que par La Médecine Par les Preuves (en anglais) et l'Evidence Based Medicine (en français) (EBM) - ici - ne cessent d'exprimer leur corporatisme (au sens clérical du terme : je suis médecin et je suis le dépositaire du savoir et j'ai fait des études et j'ai une position sociétale et j'ai réfléchi sur mon statut et je sais ce que pense "mon" malade et je me mets à sa place et je sais ce qui est bon pour lui et je sais ce qui n'est pas bon pour lui...) et croient encore (pour certains) que le volet Patients du questionnement EBM comprend les agissements (wrongdoings) des patients alors que le texte fondateur de Sackett parle de Patients' Values and Preferences (ici encore).

Waberi et Kwahulé posent la question fondamentale du rôle que l'on assigne aux autres.

Revenons à la médecine (générale).
Prenons l'exemple du toxicomane (héroïne).
Monsieur A vient pour qu'on renouvelle sa prescription de subutex.
Le docteur B1 renouvelle la prescription sans se poser de questions.
Le docteur B2 renouvelle la prescription sans poser de questions.
Le docteur B3 renouvelle la prescription en répondant lui-même à la question qu'il se pose : Oui, je suis un grand médecin altruiste qui s'occupe de toxicomanes à l'héroïne contrairement à tous ces salauds qui trouvent que les toxicomanes puent et qui les considèrent comme des délinquants.
Le docteur B4 renouvelle la prescription en quêtant dans le regard du patient la reconnaissance du juste qui prescrit du subutex pour le bien de l'humanité.
Le docteur B5 renouvelle la prescription en quêtant dans le regard du malade la reconnaissance de son statut de citoyen qui n'est pas dans le camp de la police ou de la magistrature.
Le docteur B6 renouvelle la prescription en sachant qu'il participe à la grande aventure du progrès ininterrompu de l'espèce humaine contre l'injustice de cette société qui considère les toxicomanes à l'héroïne comme des délinquants.
Le docteur B7 renouvelle la prescription en répondant tout seul aux questions que serait supposé se poser le patient ou malade.
Le docteur B8 renouvelle la prescription en se flattant de considérer la personne qui est assise en face de lui comme un malade et non comme un délinquant.
Le docteur B9 renouvelle la prescription en se rengorgeant du fait qu'il a réussi à obtenir pour ce malade une ALD (Affection de Longue Durée) pour troubles graves de la personnalité.
Le docteur B10 renouvelle la prescription (qui comprend en outre une benzodiazépine) sans examiner les bras de son patient.
Le docteur B11 renouvelle la prescription en sachant que le patient "fixe" le subutex.
Le docteur B12 renouvelle la prescription en sachant que le patient "snife" le subutex.
Le docteur B13 renouvelle la prescription en sachant que le patient consulte un autre médecin.
Le docteur B14 renouvelle la prescription sans poser de questions en sachant que 59,6 % des usagers de subutex continuent d'utiliser des opiacés.
Le docteur B15 renouvelle la prescription de subutex sans poser de questions sur l'alcool, le shit, le tabac...
Le docteur B16 renouvelle la prescription sans connaître le statut sida ou hépatite(s) de ce patient.
Le docteur ad libitum....

Et, comme vous le voyez je n'ai même pas parlé du médecin qui refusait de prescrire du subutex (et n'acceptait que de prescrire de la buprénorphine), du médecin qui refusait d'augmenter les doses, du médecin qui refusait de prescrire, du médecin qui se fâchait, du médecin qui n'acceptait pas, du médecin qui considérait que le patient était un malade, du médecin qui considérait que le patient était un délinquant...

Le subutex sauve des vies.

Est-ce suffisant pour ne se poser aucune question ? Est-ce suffisant pour se dire que la drogue n'est que le stigmate des sociétés modernes capitalistes ou post capitalistes ? Est-ce suffisant pour assigner le rôle de victime au toxicomane à l'héroïne ?

Le subutex sauve des vies.

Est-ce suffisant pour assigner au toxicomane à l'héroïne le statut (et le rôle) de malade plutôt que de délinquant ? Pourquoi en faire un malade ? De quel droit ?

Le subutex sauve des vies.

Est-ce suffisant pour ne pas s'interroger sur le rôle du prescripteur de subutex dans l'esprit du consommateur de subutex ? Comment savoir si le consommateur non malade non délinquant de subutex ne considère pas le médecin prescripteur comme un bon samaritain dealer incapable ?

A un autre jour.

Merci à nos deux écrivains "francophones" qui ne veulent pas qu'on leur assigne le rôle d'écrivains francophones mais simplement d'écrivains.
Merci à nos consommateurs de subutex de nous dire comment ils veulent qu'on les appelle ou s'ils n'ont pas envie, du tout, qu'on les appelle.



mardi 9 novembre 2010

HEPATITES A, B ET C : GRACE A LA VACCINATION LES CHIFFRES S'EFFONDRENT AUX ETATS-UNIS (A LA MANIERE DE FRANCE MESLE)


Nous avons vu combien Madame Françoise Meslé est une grande démographe (ici) qui ne craint pas, dans une publication officielle de l'INED (ici), de clamer l'efficacité de la vaccination anti grippale en écrivant un article d'une débilitante qualité scientifique ne tenant compte d'aucun facteur confondant et d'aucune contextualisation hygiéno-sociétale comme elle l'aurait pu.
Je vais vous conter une autre histoire, à la manière de notre chercheuse émérite (non qu'elle fût à la retraite mais qu'elle le méritât), celle de la formidable efficacité de la vaccination contre l'hépatite A, l'hépatite B et l'hépatite C aux Etats-Unis.

Voici les données brutes et je ne mettrai même pas de flèches sur les courbes pour indiquer l'impact supposé de la généralisation de ces vaccinations.

Grâce à la vaccination contre les trois hépatites, voici les formidables résultats de Santé Publique qui mériteraient, sans nul doute, sans commentaires et sans discussion une publication de l'INED et des appels aux journaux pour la populariser.

Les chiffres officiels sont consultables sur le site du CDC (ici) où l'on apprend que :

grâce à la vaccination contre l'hépatite A (depuis 1995), notamment chez les enfants, le nombre des hépatites A aiguës a diminué de 92 % passant de 12 cas pour 100 000 en 1995 à 1 cas pour 100 000 en 2007.




grâce à la vaccination contre l'hépatite B (depuis 1981), le nombre de cas d'hépatites aiguës a décliné de 82 % passant de 8,5 cas pour 100 000 en 1990 à 1,5 cas pour 100 000 en 2007.



grâce à la vaccination contre l'hépatite C le nombre de cas d'hépatites C aiguës a diminué de 91,5 % entre 1982 (29500 cas estimés) et 2002 (2800 cas estimés en 2002).


Le problème, bien entendu, vient de ce qu'il n'y a pas de vaccination contre l'hépatite C.


Nous attendons les explications des vaccinologues, infectiologues, expertologues de la vaccination. Et peut-être de Madame France Meslé.






dimanche 7 novembre 2010

REFUS DE LA PREVENTION ET MEDECINE PROPHETIQUE - HISTOIRES DE CONSULTATIONS : EPISODES 51 ET 52


En cette même matinée de consultation, nous consultons à deux, le remplaçant de mon associée et moi.
EPISODE 51
Madame A est une patiente de 52 ans, elle a pris deux rendez-vous, l'un pour sa fille de 27 ans, malade et handicapée, que je commence par examiner, et dont la consultation mériterait un long développement (mais ce sera pour un autre jour si vous le voulez bien) et l'autre pour elle. Cette femme que je connais depuis des lustres désire que je lui fasse faire un bilan sanguin "pour voir". J'ai déjà noté dans mon dossier que cette patiente, mère de cinq enfants, refusait de se prêter aux dépistages du cancer du col utérin (frottis) et du cancer du sein (mammographie). Je l'ai noté dans son dossier pour me "couvrir", probablement, mais aussi pour me rappeler de le lui rappeler lors des consultations ultérieures. Ainsi, aujourd'hui, je lui demande pourquoi elle veut cette prise de sang : "Parce que j'ai peur du diabète et que je pense que j'ai du cholestérol, parce que j'ai mal à la tête..." Je lui dis qu'il m'étonnerait que le cholestérol lui donne mal à la tête. Je lui demande encore, malicieusement (mais elle ne semble pas se rendre compte de ma malice), si je peux lui prendre la tension... Elle a 180/95. Cela l'étonne et il semble qu'elle aurait préféré avoir du cholestérol... Je continue de l'examiner et rédige effectivement une ordonnance de prise de sang en ajoutant qu'elle peut aussi, dans la foulée, faire un frottis au laboratoire. Elle ne le souhaite toujours pas. "Pourquoi ? - Parce que je ne veux pas que les mauvaises idées entrent dans ma tête. - Les mauvaises idées ? - Oui, les mauvaises idées de cancer alors que je ne souffre de rien. - Mais..." Finalement je n'insiste pas. Cette patiente est une adepte (sans le savoir) de Peter Srabanek et d'Ivan Illich (voir son portrait en haut à gauche) : la maladie n'existe que symptomatique. Le dépistage est une manifestation de l'excès de pouvoir médical et le stigmate de la surmédicalisation de la société. Bien entendu cette patiente, comme chacun d'entre nous, est pétrie de contradictions, mais j'aime beaucoup (excusez cette incise) les humains pétris de contradictions, ce sont les seuls "vrais" humains, tellement amusants et beaucoup plus intéressants que les monstres froids qui sont pénétrés de leurs convictions (moins Ivan Illich lui-même, d'ailleurs, beaucoup plus contradictoire dans sa vie et dans ses écrits que ses "fidèles" et adeptes d'un conviction illichienne qu'ils ont forgée, immuable, pour leur usage personnel et pour l'édification des masses et que le Maître aurait beaucoup de mal à reconnaître). Milan Kundera a écrit des pages magnifiques sur les hommes de conviction et sur la peur et le ridicule qu'ils lui inspirent (voir L'Histoire du Roman ou Les Testaments Trahis). Mais le commentaire que je viens de faire sur les motivations de Madame A est un peu court : disons qu'au delà de sa peur du cancer qui se manifeste apparemment par un refus de le chercher elle exprime aussi un refus de la pensée magique de la prévention, une pensée qu'elle considère comme maléfique car venant polluer sa vie quotidienne et ses pensées habituelles. Son point de vue, nous en discutons un peu avec elle, est tout aussi magique (de mon point de vue), puisqu'il signifie aussi que rechercher le cancer le fait venir (ce qui, scientifiquement n'est pas tout à fait faux).

EPISODE 52
Mademoiselle A, 32 ans, vient voir le remplaçant (qui est aussi mon ex associé) de mon associée. Elle est accompagnée par un homme d'une cinquantaine d'années. C'est lui qui parle. "Vous connaissez Mademoiselle A. Vous l'avez soignée quand elle était enfant. Cette jeune femme a été envoûtée il y a quelques années et je l'ai désenvoûtée : elle ne voulait absolument pas penser au mariage et maintenant elle y est prête. Je suis psychologue de profession et je pratique la médecine prophétique (voir ici une recherche Google sur le sujet). Je voudrais que vous fassiez un certificat indiquant que grâce à moi et à mon intervention Mademoiselle A est guérie."
Le remplaçant de mon associée a refusé.

jeudi 4 novembre 2010

CANCER DU COLON : AVALANCHE D'ESSAIS EN TOUT GENRE


Depuis quelques semaines les publications concernant le cancer du colon font flores. Je ne sais pas où donner de la tête et j'aimerais pouvoir analyser tous ces essais mais ils touchent tellement de domaines différents que j'aurais besoin d'un "expert" pour, dans un premier temps me conduire et, dans un deuxième temps, pouvoir lui poser des questions. Je vous livre tout cela en vrac :
  1. Un essai (voir le schéma) publié dans le Lancet (ici, mais il faut être abonné au BMJ pour lire le commentaire et au Lancet pour consulter l'article ad integrum) et réalisé en Suède (3 groupes de patients, faibles doses d'aspirine - 75 mg / jour, fortes doses -- 500 mg / jour et placebo pour une période d'observation de 6 ans / puis extension à 20 ans de surveillance en se servant des registres nationaux du cancer du colon et la mortalité, indique en titre : "Low dose aspirin protects against colon cancer." En gros, l'aspirine, à n'importe quelle dose, prévient les cancers du colon non fatals et fatals du colon mais pas du rectum ; la durée de l'utilisation augmente l'effet (et en particulier au bout de 7 à 8 ans) et il y avait une majorité d'hommes âgés suivis pour des pathologies cardiovasculaires. A voir.
  2. Un autre essai (une étude prospective de cohorte) mené celui-ci au Danemark (ici car accès libre dans le BMJ) dont le protocole était le suivant : suivi de 55487 hommes et femmes âgés de 50 à 64 ans suivis en moyenne pendant 9,9 ans montrerait que l'adhésion à 5 recommandations d'hygiène de vie avec un index comprenant activité physique, tour de taille, tabac, prise d'alcool et régime (comprenant fibres ; pourcentage calorique provenant des graisses, de la viande rouge et autres ; et fruits et légumes) entraînait chez les observants des 5 recommandations une diminution relative du nombre de cancers colorectaux de 23 %. Comme répondait un célèbre cancérologue à un malade qui lui demandait sien en fumant pas, en ne buvant pas d'alcool et en mangeant peu de graisses il allait vivre plus longtemps : "Je ne sais pas, mais la vie va vous paraître un peu plus longue".
  3. Un troisième essai, lui aussi en open access (ici), et réalisé en Ecosse, mesurait l'effet d'invitations répétées à pratiquer un test de détection de sang dans les selles sur deux données : la prévalence de dépistage et l'incidence de dépistage ainsi que la Valeur Prédictive Positive du test lors de la première invitation et lors des relances ; était aussi étudiée l'acceptation de pratiquer une coloscopie après test positif. La conclusion de cet essai très sioux sur le plan méthodologique est le suivant (d'après les auteurs) : il est indiqué de continuer de faire des relances aux patients qui n'ont pas répondu à la première invitation et il faut continuer de proposer le test aux patients qui ont déjà accepté les offres précédentes.
Bon, la pratique de l'hemoccult en médecine générale est controversée et critiquée par certains qui pensent que les valeurs intrinsèques du test (sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive) ne sont pas fameuses. Despièces au dossier

mercredi 3 novembre 2010

LES TIG ET LE TGI - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 50

Publicité pour un équipement de chantier

Le jeune homme qui entre dans mon bureau ressemble à nombre de jeunes gens du quartier où j'exerce. Il est venu ce mercredi pour ma consultation sans rendez-vous de l'après-midi. Je pense qu'avant d'entrer dans le bureau il a attendu deux heures et demie dans la salle d'attente (je sais, je sais, cela ne se fait pas, vous devriez prendre des rendez-vous dit l'un, c'est plus agréable pour les patients et pour vous, et l'autre : tu es un toquard, la modernité, c'est les rendez-vous, nous ne sommes pas les esclaves des malades, il faut savoir se faire respecter... Ils ont raison, vraisemblablement, mais je consulte au moins la moitié du temps sur rendez-vous et je ne m'en sens pas plus décontracté, plus serein, bien au contraire, mais c'est un problème que nous traiterons ailleurs, revenons à notre jeune homme :). Il me tend un papier chiffonné qu'il a dû rouler et dérouler dans sa main pendant qu'il attendait. "Msieur... J'ai besoin que vous me signiez cela..." J'essaie de le mettre à l'aise mais cela le laisse de marbre. Il est concentré. Il s'agit d'un papier pré imprimé que je connais bien mais il y a longtemps que je ne l'avais pas vu. C'est un certificat d'aptitude (enfin, on ne dit plus comme cela) pour exercer un Travail d'Intérêt Général (TIG, prononcez tige). Le jeune A a fait la queue et il me tend un billet de dix euro. Cela me rappelle des souvenirs.
Il y a environ dix ans je reçois dans l'après-midi un appel téléphonique du Tribunal de Grande Instance (TGI). La secrétaire me passe l'appel avec inquiétude. C'est la greffière du TGI qui parle : "Est-ce que vous connaissez Monsieur B A ? - Oui, je crois. Il est actuellement dans le bureau de Monsieur le Substitut du Procureur de la République... - Oui... - Il y a quelque chose que nous ne comprenons pas. Monsieur le Substitut s'étonne d'avoir devant les yeux un certificat signé par vous autorisant Monsieur B A à pratiquer des Travaux d'intérêt Général et ne pas avoir de feuille de maladie associée. Monsieur B A ne vous a pas payé ?" Je ne sais pas comment prendre cette réflexion. "Chère Madame, dites à Monsieur le Substitut quelle est la situation à Mantes. Les jeunes qui viennent demander ce genre de certificat ne s'attendent pas à payer, ne s'attendent pas à être examinés, ne s'attendent pas à attendre leur tour. - Ah bon... - Eh oui, c'est comme cela. Mais, désormais...- Je tenais à vous signaler, docteur, que nous, au TGI de Versailles, quand un jeune n'a pas son certificat, nous l'envoyons chez un médecin de Versailles pour se faire examiner et qu'il paie. - Vous êtes sans doute à Versailles..."
Toujours est-il que depuis cet appel téléphonique émanant du TGI, c'était il y a environ dix ans, je n'ai plus jamais revu en consultation un jeune homme désirant un certificat d'aptitude pour effectuer un TIG... Monsieur B A était dans le bureau quand la greffière m'avait parlé et il avait dû donner le mot aux copains : N'allez pas voir le docteur du 16 il va vous faire payer.
Et le jeune homme qui est en face de moi, malgré les dix ans de prescription, est venu me voir, a fait la queue comme tout le monde... et longtemps, m'a tendu son certificat pré imprimé toujours aussi chiffonné, a montré son argent et moi, le docteur du 16 qui a reçu l'appel de la greffière du TGI, je vais l'examiner, mécontent cependant du fait qu'il ne m'ait pas apporté son carnet de santé, je vais lui signer son certificat de non contre-indication à travailler dans les espaces verts et je vais recevoir, grassement, les six euro et soixante cents du tiers-payant...
La mémoire des TIG, vous dis-je.

dimanche 31 octobre 2010

UNE JEUNE FEMME QUI NE SUPPORTE PAS LA VENTE - HISTOIRES DE CONSULTATION : EPISODE 49


Mademoiselle A appelle le cabinet pendant la consultation du samedi. Il n'y a plus de place. La secrétaire me dit qu'elle est en larmes et que cela n'a pas l'air d'aller du tout. C'est une jeune femme fragile. Pas de tendances suicidaires, pas d'anxiété démesurée mais une grande fragilité émotionnelle. Je lui trouve une place "entre deux" et, coup de chance, un patient qui avait rendez-vous ne se présente pas. Nous serons moins à l'étroit.
Elle est en larmes dès qu'elle entre dans mon bureau.
"Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Je ne supporte plus mon boulot.
- Qu'est-ce que tu fais ? Je ne me rappelle plus.
- J'ai changé. Je travaille le week-end dans une agence immobilière.
- Ah oui, ta mère me l'avait dit..."
Mademoiselle A est en mastère 2 et, pour payer sa chambre qu'elle partage avec son copain, elle travaille en plus de ses études.
"Si tu m'expliquais...
- Je n'en peux plus. J'en ai assez.
- Tes patrons ne sont pas sympas ?
- Non, ils sont très gentils, au contraire, ils me traitent comme leur fille, mais je ne supporte pas l'ambiance...
- ...
- Ils ne pensent qu'à l'argent...
- ...
- Il faut constamment mentir aux clients... Je n'arrive pas à le faire...
- Mentir ?...
- On ment sur tout. Le prix, les défauts, les avantages...
- N'est-ce pas le principe du commerce ?
- Oui, mais, à ce point là...
- Tu n'es peut-être pas faite pour la vente...
- Non, ce n'est pas cela. Je ne suis pas faite pour raconter des histoires aux gens... et parfois des pauvres gens...
- Je vois..."
Nous nous mettons à parler de la seule solution évidente : elle doit trouver un autre job ailleurs. Elle en convient mais elle pleure toujours. Elle a besoin d'être rassurée, elle a besoin de certitudes, elle a besoin qu'on l'aime, elle a besoin de savoir que le monde (ce n'est pas moi qui interprète, c'est elle qui a formulé l'idée :) n'est pas aussi pourri que cela...
J'essaie de la rassurer et lui conseille, elle n'a pas eu besoin de moi, de se retourner vers les gens qu'elle aime, ses parents, ses soeurs, son frère. Elle l'a déjà fait. "Seule ma soeur me comprend..." Je ne dis rien mais je souris intérieurement car les relations entre les deux soeurs sont compliquées : une grande compétition entre elles et qui date de leur toute petite enfance ; elles ont un an d'écart.
"Cela va aller ?
- Je crois."
Je n'en crois rien. Cet emploi d'étudiante dans une agence immobilière n'est bien entendu qu'un prétexte à laisser éclater ses problèmes existentiels. Elle ne sait pas où elle est, comment elle doit se situer, quel rôle lui est attribué, et pourquoi les autres n'ont pas l'air de se poser de questions.
Elle n'a jamais eu de tendances suicidaires mais je me méfie de ces personnalités qui n'ont pas une très grande estime d'elles-mêmes. Elle est jolie, avenante, plutôt bonne élève et elle se sent moche, asociale et incapable de mener des études.
Elle repart comme elle était venue, les yeux rouges.
Sa mère me téléphone une heure après, un peu agressive : "Vous ne lui avez pas donné de médicaments ? - Non, pourquoi ? - Elle a besoin de quelque chose. Elle pleure encore. - Madame A, nous en avons discuté, je ne vais pas vous refaire la consultation au téléphone, nous sommes convenus qu'il n'était pas nécessaire de prendre des médicaments. Elle a pris rendez-vous pour samedi prochain. - Bon."