dimanche 17 juin 2012

Comment, à partir d'une réflexion sur un concept, l'inertie clinique, tenter d'augmenter la soumission ? Une contribution du docteur MG



Tout médecin généraliste est confronté chaque jour à la lutte contre la survenue de complications dans le cadre de la prise en charge des maladies chroniques.
Cette lutte quotidienne est basée sur un traitement adapté et son suivi sur le long terme.

L'adhésion des patients à leur traitement conditionne l'observance de ceux-ci aux traitements prescrits.
Depuis quelque temps l'attitude des médecins dans cette prise en charge des pathologies chroniques a été étudiée et le concept d'inertie clinique défini.
L'inertie clinique peut être définie (http://www.cnrtl.fr/lexicographie/inertie) comme une immobilité dans la relation thérapeutique médecin/patient, ou, pour le dire autrement, comme le fait de ne rien changer au fil du temps dans le traitement d'un patient.
Un article de mai 2011 dans Consensus cardio pour le praticien écrit par le Professeur Serge Halimi a attiré mon attention  (http://www.consensus-online.fr/IMG/pdf/p34-36).

En médecine, il est important de se questionner en permanence.

Préoccupé comme beaucoup par la prise en charge optimale de mes patients atteints de pathologies chroniques je me suis dit que j'allais apprendre quelque chose pour l'amélioration de ma pratique. 

Première remarque sur l'auteur : le Professeur Serge Halimi, diabétologue, a déjà pas mal fait parler de lui pour ses liens avec l'industrie pharmaceutique.
Ainsi, en 2009 UFC Que Choisir avait porté plainte contre lui (et 8 autres professeurs). (http://www.atoute.org/n/breve30.html), http://www.mypharma-editions.com/industrie-pharmaceutique-lufc-que-choisir-depose-une-plainte-contre-neuf-medecins-pour-conflit-d%E2%80%99interet) pour conflit d’intérêts.
Mais ne faisons pas de procès d'intention, ne condamnons pas avant même d'avoir pris connaissance de ce qu'il écrit.

 L'accroche est d'emblée intéressante :" un concept émergent."
C'est en effet une notion récente qui augure donc des informations prometteuses. 

"Cette incitation à l’atteinte des objectifs « durs » et précis est un concept assez récent. Il découle nécessairement de l’établissement préalable de recommandations, de leur rédaction, de leur diffusion et disponibilité, de leur connaissance et appropriation par les praticiens."Ce concept d'inertie clinique n'est donc pour l'auteur rien d'autre que l'attitude consistant à ne pas atteindre les objectifs fixés dans les recommandations .
J'avoue être déçu car c'est être très partial dans son approche.

 "Ces études aboutissent ainsi à des «preuves » suffisamment robustes pour que l’on parle d’Evidence Based Medicine (EBM) ou médecine basée sur les preuves. Sont ainsi établies des « Recommandations » ou « Guidelines » qui devraient être connues de tout praticien.Ces recommandations c'est EBM (http://fr.wikipedia.org/wiki/Evidence_Based_Medicine), je suis rassuré car qui peut être en désaccord avec cette notion ?
Cependant j'ai souvenir que l'atteinte des objectifs « durs » a été évalué et que justement cette attitude était délétère c'est à dire qu'elle faisait plus de mal que de bien.  (ICI : http://docteurdu16.blogspot.com/2009/03/diabete-le-mieux-est-lennemi-du-bien.html   et LA : http://qualitysafety.bmj.com/content/16/1/6.abstract)
Alors, où sont-elles  ces « preuves suffisamment robustes » ?
Est-ce bien EBM comme annoncé ?
Aucun renvoi dans le texte sur une référence, j'aurais pourtant apprécié.

 La définition de l'inertie clinique est donc :  « non-suivi des recommandations par le médecin » 

Quelles en sont les causes ? "Il n’est pas rare de voir des spécialistes attribuer cette attitude prioritairement aux médecins généralistes, les considérant insuffisamment motivés et actifs face à des résultats n’atteignant pas les objectifs recommandés, alors qu’ils sont informés de la teneur des recommandations publiées et disponibles." Mais tout de même:"Mais les médecins généralistes ne sont pas seuls concernés. Dans le domaine du diabète ou de l’hypertension artérielle, des études montrent que certains spécialistes s’avèrent aussi insuffisamment actifs"
J'avoue que pointer ainsi du doigt une partie de la profession médicale n'est pas « sain », mais c'est, il me semble un « sport national » ( ref  http://www.atoute.org/n/article257.html).
Cependant, hors de toute polémique, il aurait été intéressant que l'auteur s'interroge sur le pourquoi de l'attitude peu motivée et peu active des médecins qu'il dénonce.

 "Les limites du concept : vraie et fausse inertie
. Cette attitude peut aussi résulter d’un choix plus délibéré du praticien pour diverses raisons." A bon quand même !!!!!Mais c'est un peu « court »



"La faute aux recommandations ?"
Enfin elles vont être étudiées avec un regard critique et peut être même remises en cause ?Eh bien non,  juste la forme est critiquée, pas le fond:"En somme, nombre de recommandations sont trop complexes ou à l’inverse trop générales pour être applicables au plus grand nombre ou laissent de côté nombre de situations particulières, quoique non rares, qui ne sont pas abordées, du moins pas suffisamment détaillées."
Cela aurait été surprenant car il est à noter que le Pr Halimi faisait parti du collège d'expert de l'HAS responsable des recommandations pour le traitement du diabète de type 2, recommandations qui ont été abrogées par le Conseil d'état (le 27 avril 2011) sur plainte du Formindep pour cause de conflits d’intérêts.
Cependant il aurait été intéressant que l'auteur s'interroge sur le fond des recommandations qui n'étant pas conformes aux dernières données de la science, pourraient expliquer au moins en partie la faible motivation d'une partie des médecins à ne pas les appliquer.

Quelles solutions propose donc le Pr Halimi pour réduire l'inertie clinique et donc améliorer le suivi des recommandations pourtant pour le moins problématiques ?

"Des solutions concrètes à l’inertie clinique ?"

1) " Les recommandations :.....  la participation à leur rédaction des omnipraticiens (voire de paramédicaux) aux côtés d’experts de spécialité est indispensable."
 Pourquoi faire une telle différence entre les professionnels de santé. Le système des « experts » qui prévalait jusqu'à présent est donc perfectible ? Ou est-ce « démagogique » ? Je laisse chacun se faire son opinion.


2) " La FMC : on reste, en France, dans l’attente d’une FMC organisée et financée par des fonds publics, si l’on tient à s’affranchir de l’influence supposée « perverse » des firmes pharmaceutiques. Pour ma part, diffuser un message sain dans le cadre d’une réunion sponsorisée par une firme pharmaceutique ne m’a jamais posé le moindre problème."
J'adore cette phrase. A elle seule , elle résume bien l'état d'esprit de l'auteur.


3) "L’organisation des soins est certainement en mesure de pallier, pour partie, cette difficulté d’appropriation des bonnes pratiques grâce à un travail en groupe sur des situations cliniques spécifiques. Ce travail « en réseau » (formation, coordination) est sûrement un facteur de réussite." Là je renvoie au billet du docteurdu16 qui fait parfaitement le point sur cette problématique   http://docteurdu16.blogspot.com/2012/06/les-reseaux-une-mode-qui-mennuie.html


4) " Les innovations thérapeutiques : n’en sous-estimons pas les contributions"
La aussi , les choses sont claires: l'auteur n'oublie pas ses « chers partenaires de l'industrie pharmaceutique ».


5)" Enfin, l’impact des paramédicaux est de plus en plus évalué."



Je vous fais grâce de la conclusion.
En tout cas la mienne est qu'un article comme celui là est symptomatique de l'état catastrophique de notre système de santé.
Le pire, je crois, est qu'un Professeur de médecine puisse écrire de telle chose en affirmant qu'il n'a aucun état d'âme, alors que justement il devrait en avoir en tant que médecin et par la fonction d'enseignant qu'il occupe.
Cet article est par ailleurs particulièrement problématique sur le fond car au lieu d'inciter les médecins à s'interroger sur leurs pratiques, à remettre en question en permanence leurs connaissances pour les actualiser, il incite à une seule chose : suivre des recommandations élaborées par les « experts ».
Quand on sait l'influence de l'industrie pharmaceutique à tous les niveaux de responsabilité de notre système de santé, développer de telles positions dans cet article,  ne cherche qu'à renforcer ce qui se faisait jusqu'à présent.
Or l'affaire récente du Médiator nous a montré de façon criante qu'il est urgent que les médecins  ne se laissent plus dicter leurs conduites thérapeutiques par ces experts manipulés par l'industrie pharmaceutique.

Cependant, on ne s'étonnera donc pas des propos rapportés récemment sur un forum de réflexion de nos pratiques , par une consœur au sortir d'une réunion :
"...aucun des médecins présents ne savait que l'HAS ne recommande pas de dépistage (dosage des PSA ) !!!! pour tous, la question de l'intérêt du dépistage ne se pose pas.
La première (et seule) réaction qu'ils ont eu quand je les ai informés de la position de l'HAS c'est "ce n'est pas normal, ça a du être truqué, la CPAM ne veut probablement pas payer pour le dépistage, les salauds" …

Ainsi, même quand la HAS prend des positions conformes aux données de la science (ce qui n'est pas le cas pour toutes les recommandations comme nous l'avons vu plus haut), beaucoup de médecins restant sous influence n'ont plus la capacité de faire la part entre « le bon grain et l’ivraie »

Docteur MG

Illustration : Sur l'image du haut on voit une bille s'éloigner en ligne droite depuis le centre d'un disque en rotation vers la bordure, c'est le point de vue d'un observateur extérieur. Sur celle du bas, on note la trajectoire parcourue par cette même bille sur le disque, c'est le point de vue du repère en rotation.

jeudi 14 juin 2012

Les réseaux, une mode qui m'ennuie.


C'est la mode des réseaux, je veux dire : des réseaux de soin.
Il y a aussi la mode de la multidisciplinarité, c'est dans le même genre.
C'est aussi la mode des déserts médicaux.
Un conseiller ordinal (le vice président du Conseil National de l'ordre des médecins), Jacques Lucas (ICI, via twitter) pense que la solution aux déserts médicaux, ce sont les réseaux.
Je le cite "... les jeunes générations ne veulent pas exercer de façon isolée. Cela n'est pas spécifique aux médecins ni même aux seules professions libérales. Les jeunes médecins veulent retrouver "en ville" le travail "d'équipe de soins" qu'ils ont connus pendant leur cursus hospitalier de formation... En bref : il faut créer un réseau territorial, entre médecins et autres professions de santé, ne laissant plus un praticien isolé avec des contraintes insupportables."
Il est possible que Jacques Lucas ait raison d'interpréter ce que veulent les djeunes médecins.
Personnellement, si je me suis installé en ville, il y a des lustres (le 5 septembre 1979), c'était justement pour fuir l'hôpital, sa hiérarchie, ses mensonges, son larbinat, son mépris des malades, son ignorance condescendante du "petit personnel", sa dictature des chefs, sa soumission à l'autorité, son arrogance, ses avis d'expert, sa collusion avec l'industrie pharmaceutique, ses mains au cul, et j'en passe.
Mon refus était aussi lié à ce que l'hôpital m'avait rejeté comme non conforme intellectuellement, j'avais raté trois fois l'internat de Paris, et, seul de ma sous colle, j'avais dû quitter le sérail. De la déception, probablement.
Croire qu'il était facile pour les jeunes médecins généralistes de s'installer en 1979 est aussi une erreur manifeste : il était très difficile de "faire" une clientèle nouvelle, il était très cher d'en acheter une, les médecins installés avaient la volonté farouche de garder leurs patients et de ne donner que des miettes aux nouveaux.

Travailler en réseau n'est pas une panacée.

L'expérience actuelle que j'ai des réseaux ou des pseudo réseaux me fait dire ceci : 1) cela soulage effectivement l'exercice quotidien (en cas de fin de vie à domicile, notamment) mais cela augmente les contraintes (réunions en soirée, réunions de coordination devenues lassantes et peu contributives) ; 2) j'apprends beaucoup de choses en tout début de participation mais il me semble que j'ai vite fait le tour (cela mériterait une formation pratique de deux heures une fois pour toutes) ; 3) cela me replonge dans les compromis hospitaliers et les situations intenables (cf. supra) que j'avais voulu fuir ; 4) il faut choisir à quel réseau appartenir car participer à tous revient à ne plus rien faire tellement ils sont dévoreurs de temps ; 5) appartenir à fond à un réseau signifie se spécialiser, ce qui ne me semble pas une bonne idée : l'exemple des réseaux toxicomanies me laisse un très mauvais souvenir ; 6) je préfère désormais appartenir au réseau de la médecine générale, réseau informel où ce sont les médecins généralistes qui tentent de mener le jeu.

Notre vice président du CNO, au lieu de s'interroger sur la faillite de l'hôpital, sur la faillite de l'enseignement de la médecine (générale) à l'hôpital, sur le numerus clausus aberrant, sur comment combattre les contraintes insupportables qui pèsent sur les médecins de ville, va de l'avant dans le sens de la mode des réseaux qui sont, aussi, parfois, des contraintes insupportables et des bras armés de l'incompétence administrative hospitalière transportée hors les murs.
Les réseaux sont, in fine, la reprise en main par les experts auto désignés hospitaliers, dont je ne nie pas les qualités pour ceci ou cela, de la médecine de ville décentralisée. La reprise en main manu militari de nos pratiques. Je m'explique : c'est dans le cadre de ces réseaux organisés en fonction d'une stratégie industrielle et marketing appelée en anglais le disease management, que la normalisation des pratiques s'exerce avec, en dépit et / ou contre les valeurs et les préférences des patients (voir ICI un rapport de l'IGAS écrit à l'eau tiède). Avec, en sus, ce n'est pas tout à fait le sujet mais il existe des zones de recoupement, la mode de l'Education thérapeutique. Qui pourrait critiquer l'Education thérapeutique ? Moi.
L'Education thérapeutique fait partie des tartes à la crème de la médecine "moderne". Car la modernité passe, sans nul doute, par tous ces mots plastiques (au sens illichien) qui ont perdu tout signifiant et tout signifié. On les a prononcés et / ou écrits et on a tout (rien) dit. Disons, et je vous propose d'écouter auparavant cette petite video sur l'Education thérapeutique où Dany Baud nous explique l'essentiel (ICI), que l'Education thérapeutique n'est pas faite pour que les patients prennent leurs médicaments mais pour qu'ils vivent leur maladie (conception industrielle vs conception EBM). Nous y reviendrons peut-être un jour.
Je peux donner des exemples qui se situent en amont, au coeur ou en aval des pathologies.
Disons, en introduction, que, selon moi, les réseaux ressortent de l'idéologie et de la pratique des groupes de conviction. On réunit des gens autour d'un animateur (expert) qui fait semblant de laisser les participants s'exprimer sur un sujet (la prise en charge des patients diabétiques, par exemple) et qui fait "accoucher" le groupe (c'est pourquoi on parle aussi de maïeutique) d'une pensée commune, évidente, de bon sens et opérationnelle. Les firmes utilisent les groupes de conviction pour vendre leur politique interne à leurs employés qui leur permettront de vendre la politique externe (argumentaire) aux clients (prospects). Vous traduirez en bonne médecine.
Le réseau diabète, par exemple, est sous l'autorité expertale du diabétologue de l'hôpital, ce qui signifie donc qu'il n'y a jamais de prescriptions de metformine en première intention, jamais de glibenclamide mais toujours du servier (du diamicron pour le diabète et du perendopril pour le rein), de la glitazone, du victoza et autres produits non évalués, sans compter monsieur tahor de chez pfizer et madame crestor de chez je sais plus qui ; la diététicienne (j'aime les diététiciennes parce qu'elles sont toujours tellement aimées par les patients, tellement propédeutiques, tellement je change d'avis tous les deux ans, tellement je suis pleine de bon sens, tellement politiquement correcte,...) ; l'infirmière pour l'insuline (avec le lecteur de glycémie à la dernière mode muni de consommables hors de prix...) ; le cardiologue dont les objectifs de PA sont de plus en plus bas, les objectifs de LDL inférieurs à 0,7 ; l'ophtalmologiste qui a le laser facile... ; ne parlons pas du néphrologue qui a longtemps préconisé le double blocage (IEC + IRA) sans beaucoup de raisons ; le podologue dont je ne dirai rien ; j'ai oublié quelqu'un ? Oui : le médecin généraliste qui cherche sa place et qui pourrait faire tout cela très bien tout seul une fois deux ou trois "trucs" pratiques appris. Mais surtout : le problème du diabète sucré est celui de la malbouffe et du poids de Big Food dans la société. Ainsi sommes-nous positionnés en fin de chaîne pour tenter de colmater les brèches induites par les comportements alimentaires malsains induits par l'alimentation industrielle. Je ne crains pas de me faire appeler hygiéniste si c'est ainsi que l'on appelle les gens qui n'acceptent pas le n'importe quoi alimentaire. La dépénalisation des graisses, du sucre et du sel est pourtant une des principales causes de la mise en réseaux des patients diabétiques.
Le réseau fin de vie ou soins palliatifs à domicile est un contre exemple positif car il a une fonction majeure dans la prise en charge des patients qui ne veulent pas d'autres soins que des soins de confort. Je le propose systématiquement à mes patients ou aux familles qui en font la demande. Mais, en ce cas, je me sens vraiment comme un médecin généraliste s'occupant d'un patient et non un spécialiste s'occupant d'une pathologie qui s'appellerait la fin de vie.
Le réseau cancer est plutôt une société savante oncologique qui fait le don de quelques miettes de son savoir aux médecins généralistes qui s'y égarent car soumis aux Diktats des traitements chers et inutiles.

Je crois donc que le système des réseaux est une fausse bonne idée.
Les réseaux reformulent la hiérarchisation hospitalière en élargissement le territoire de l'hôpital à la ville.
Les réseaux favorisent la pensée unique de prise en charge des patients selon la doxa hospitalo-universitaire (ah, la noria de personnel hospitalier déboulant au domicile des patients comme s'il s'agissait d'une chambre d'hôpital, d'une salle de repos ou d'une pharmacie ; l'hôpital devrait au contraire prendre exemple sur la pudeur du généraliste entrant au domicile d'une personne âgée, sur la pudeur des infirmières libérales, sur la pudeur des kinésithérapeutes, sur la pudeur des assistantes sociales...)
Les réseaux diluent la responsabilité. On ne sait plus qui fait quoi et quoi fait qui : le médecin généraliste perd "son" patient dans les méandres de l'administration hospitalière... Et on est coincés par les membres du réseau comme les hospitaliers sont coincés par leurs collègues : on ne peut se défaire du mauvais diabétologue, on ne peut se défaire de la mauvaise infirmière, de la mauvaise aide-soignante, du mauvais kiné ou... du mauvais généraliste. Le patient suivi pour un diabète sera adressé à un chirurgien à qui on n'envoie jamais de malades, à un cardiologue qu'on n'aime pas, à un ophtalmologiste dont on sait par ailleurs...
Les réseaux, en copiant le disease management industriel, sont une porte d'entrée facile pour Big Pharma et pour Big Materiel qui investissent la pharmacie de l'hôpital ou de la clinique et le tour est joué... bien que le médecin généraliste puisse prescrire ce qu'il veut... sous les conseils du réseau. Avec la possibilité offerte dans le cadre de la toujours bienveillante prévention de chasser les pré maladies et de faire du disease mongering (ICI).
Les réseaux, enfin, n'ont jamais fait la preuve de leur efficacité (des exemples récents sur le diabète en témoignent LA), encore moins de leur efficience et le chapitre coût-efficacité est un secret de polichinelle : ça coûte la peau des...

Je n'aime pas les réseaux.
Sera-ce une solution pour les déserts médicaux ? J'en doute. Mais je n'ai pas beaucoup abordé le problème spécifique des déserts médicaux.
Un peu de provocation avant de conclure : les déserts médicaux existent-ils ? Et, s'ils existent, qui les a organisés et qui feint de croire que l'on pourra faire quelque chose ?

PS du 17/06/12 Les Suisses votent massivement contre les réseaux de soins http://www.rts.ch/info/suisse/4070154-les-suisses-s-opposent-massivement-aux-reseaux-de-soins.html

jeudi 7 juin 2012

Contraception masculine réversible : une bonne idée ou une connerie ? Histoire de consultation 121


Madame A, 38 ans, est venue pour "renouveler" "sa" pilule.
Selon moi, chez une femme de trente huit ans sans facteurs de risque particuliers, non fumeuse, il n'y a pas grand chose à faire. Parler de la pluie et du beau temps, s'assurer que les frottis ont été faits en temps et en heure, éventuellement que la pression artérielle est au beau fixe, que le cholestérol est aux taquets...
Nous parlons donc du temps qu'il fait, de la famille (cela fait trente ans que je connais la patiente et un peu plus que je reçois son père et sa mère et un peu moins ses frères et ses soeurs), de ses enfants (je les vaccine et "soigne" leurs rhino-pharyngites), de son mari (cela fait dix ans que je le connais et que je le trouve sympathique).
Incidemment, elle me dit ceci : "Vous avez vu, docteur, ils ont trouvé une pilule pour homme, c'est génial ! Qu'est-ce que vous en pensez ?" Je souris : il y a dû y avoir une brève à la télvision. "Je pense que c'est une grosse connerie. - Oh, docteur, vous n'êtes quand même pas comme ça !"
Il est des moments où il faut surveiller ses propos dans son cabinet, et notamment les gros mots. Et pas seulement quand il s'agit de secret médical. La contraception masculine réversible est une affaire sérieuse. J'ai toujours pensé que c'était une connerie. Mais j'ai souvent eu affaire à des femmes qui ne comprenaient pas que je pouvais dire cela. Le plus souvent, elles trouvaient que c'était plutôt pas mal que les hommes prennent la pilule. Voici leurs raisons telle que je les ai entendues : y en a marre de la contraception asymétrique, il faut que les hommes s'y mettent, on ne parle pas assez des contraintes physiologiques sur le corps des femmes, ça va responsabiliser les bonshommes, ras le bol des effets indésirables, de la prise de poids, des migraines, qu'ils s'y mettent...
Mais il faut être prudent. Dans son cabinet médical lors du fameux colloque singulier et , encore plus en écrivant dans un blog. Si je mets brutalement les pied dans le plat, je vais passer pour un fieffé réactionnaire et / ou un ennemi du progrès, mais, surtout, les féministes vont me tomber sur le dos et se mettre à dos les féministes (sans entrer dans les détails des différentes chapelles, universalistes versus différentialistes, genristes absolues versus genristes relatives, marxistes versus non marxistes, et cetera...) est extrêmement dangereux. C'est dire si mon Tribunal Intérieur n'a pas mis longtemps à se réunir pour savoir si ce propos n'allait pas définitivement me faire basculer dans la cohorte honnie des machistes tombés de l'arbre et déconsidérer tous mes propos, même ceux concernant la hausse des prix ou le changement climatique. Ma dernière heure idéologique n'allait-elle pas sonner ? 
"Vous ne pensez quand même pas qu'il n'y a que les femmes qui doivent être contraintes et que, vous, les hommes, vous puissiez rester à l'écart ? Vous n'êtes pas comme ça, docteur ?" 
Je dois donc m'en sortir pour ne pas passer pour un machiste, cela n'est bien vu ni par la morale commune ni par mon Tribunal Intérieur (celui de Freud).
Dans le cadre de ce colloque singulier je ne peux reprendre tous les arguments que j'ai développés dans ma tête depuis des années et notamment en mode discussion café du commerce contre la contraception masculine hormonale ou non hormonale réversible et qui mériteraient d'énormes développements écrits qui me semblent nécessiter des efforts démesurés.
Voici ce que je dis à cette jeune femme qui est sur le point d'être déçu par son médecin traitant : "Je comprends ton point de vue. Mais, si je peux me permettre, ce qu'il y a de bien avec la pilule prise par la femme, c'est que c'est elle qui mène le jeu, elle n'a pas besoin de savoir ce qu'en pense son mari ou son compagnon... - Mais... avoir des enfants, c'est un projet de couple... - Oui, oui, oui, mais toi, quand tu prends ta pilule, c'est ce que je veux dire, tu es certaine que tu l'as prise, t'as pas besoin de demander à ton mari s'il l'a prise..." Elle fait oui de la tête mais elle ne semble pas convaincue. Il y a quelque chose qui la gêne. J'attends qu'elle se remette à parler, je la regarde et je pense en moi-même : "Je ne peux pas te dire, ma chère A, ce que je pense vraiment, à savoir que la contraception féminine, c'est la meilleure chose qui soit arrivée à la femme depuis les hommes des cavernes, car elle peut désormais décider du moment où elle n'aura pas d'enfant, avec son compagnon ou avec quelqu'un d'autre, du moment où elle pourra en avoir un, et avec qui ou sans qui, et elle pourra même dire l'avoir prise et être enceinte après avoir menti à son compagnon ou à quelqu'un d'autre, et même, ma chère A, je ne peux pas te dire qu'en prenant la pilule tu pourras même tromper ton compagnon en étant certaine de ne pas avoir d'enfant, et cetera... " Je ne lui dis rien car c'est à elle de parler. 
"Mais je fais confiance à mon mari. - Je n'en doute pas. - S'il me dit qu'il prend la pilule je le croirais. - Oui, mais s'il l'oublie, ce sera toi qui porteras l'enfant. - Je pourrais toujours avorter..."
Réponse imparable. "Et puis" continue-t-elle "c'est quand même normal que les hommes prennent du poids, prennent des risques et soient stressés par le fait de ne pas oublier."
Je rédige une ordonnance de pilule contraceptive hormonale réversible pour femme.

(Voilà ce que je n'ai pas dit parce que je n'avais pas le temps : la pilule contraceptive et le stérilet ont modifié profondément l'anthropologie, la sociologie, les moeurs et l'idéologie concernant les rapports hommes / femmes  par le seul fait de rendre les femmes responsables de leur refus d'être enceinte ; on objectera que les préservatifs, et depuis la nuit des temps, ont joué un rôle non négligeable et que, désormais, en raison des risques de sida, ce rôle est redevenu prééminent ; je n'ai pas dit non plus qu'un certain nombre de faits historiques, comme la diminution de la mortalité maternelle par 131 ou de la mortalité infantile par 69 depuis le milieu du dix-huitième siècle jusqu'à nos jours, de faits démographiques comme la transition démographique, ou de faits psychologiques comme la logique de l'enfant désiré, ou moraux comme la dissociation de la conscience, se sont mélangés pour aboutir à une prise du pouvoir de la femme sur sa fécondité. L'arrivée de la contraception masculine hormonale ou non hormonale réversible (ICI) n'est pas à mon avis une bonne nouvelle en général même si elle peut rendre service en particulier, car elle risque de nous faire rebasculer dans un paradigme où l'homme reprendrait la situation en main ; en conclusion : il me semble que cette "pilule" serait une formidable régression pour la condition féminine ; il faudrait, bien entendu parler de la vasectomie mais, d'une part c'est un sujet différent, et, d'autre part, il y a aussi un déplacement de la femme vers l'homme en termes de responsabilité)
(Je n'ai pas parlé non plus, il ne faut pas désespérer Billancourt, des effets indésirables de la pilule contraceptive féminine qui sont tus car, il ne faut pas l'oublier non plus, ce type de contraception arrange effectivement les hommes qui peuvent faire porter la responsabilité d'un "accident" sur la femme elle-même, qui sont tus depuis toujours mais dont il faudra bien parler un jour : modification du tissu mammaire, modification de la libido, sécheresse vaginale, et cetera)

PS - J'espère que j'aurai le courage de m'attaquer à des notions que j'ai évoquées ici comme la transition démographique, la logique de l'enfant désiré ou la dissociation de la conscience qui sont des outils majeurs dans le décryptage de la médecine générale en certains de ses aspects. Sans compter d'autres notions comme les pratiques contraceptives dans la basse vallée de la Seine à partir de 1750 et en France exclusivement, comme le nombre d'enfants par femmes non pas lié au niveau d'instruction de la femme mais du mari... Je remercie les lectures que j'ai faites sur ses sujets avec, en vrac, Hervé Le Bras, Paul Yonnet, Emmanuel Todd et Youssef Courbage et quelques autres qui m'ont aussi ouvert les yeux.

PS (rajouté le 11 septembre 2012) : Curieux propos de Winckler dans une revue grand public : ICI

dimanche 3 juin 2012

La face cachée de la disparition des médecins généralistes


Tout le monde s'accorde à le dire : les médecins généralistes vont disparaître. Une des incertitudes tient au terme de cette disparition.
Chacun est capable, comme au Café du Commerce, d'expliquer le pourquoi et le comment de cette inéluctable destruction. Les causes sont multiples et les responsabilités nombreuses, les commentaires sans fin, et, comme toujours, chacun s'emploie à rejeter sur l'autre son manque de clairvoyance ou sa simple incompétence. Mais il semble que la partie soit perdue d'avance et qu'il ne reste plus qu'à tenter de se sauver de ce naufrage en choisissant le bon canot, non sans avoir éliminé auparavant ceux qui seraient capables d'y monter avant vous. C'est plus sûr. Et pendant ce temps, pour continuer de filer la métaphore du Titanic, l'orchestre joue sa partition, avec, en simultané, les lamentations des médecins et les rodomontades des politiques, on le voit, des airs entraînants, mais personne n'écoute, bien heureusement.
Je me permets d'ajouter quelques pierres à cet édifice ou, plutôt, d'enlever quelques pierres à ce champ de ruines pour expliquer pourquoi nous avons tous raison de croire que tout va s'effondrer.

Quelques réflexions, donc, qui, me semble-t-il, ont été peu notées ici et là.

Première réflexion : la disparition des médecins généralistes va-t-elle entraîner la disparition de la médecine générale ?
  1. La médecine générale n'existe pas en tant que discipline académique : elle ne peut donc pas disparaître
  2. La médecine générale est une pratique qui englobe des actes, des gestes, des prescriptions, des adressages, des délivrances d'arrêt de travail, des certificats, des paiements, et cetera, qui peuvent être individualisés, cotés, remboursés en dehors de toute théorie qui prendrait en compte une activité globale que l'on appellerait la prise en charge d'un patient unique selon la Médecine par les Preuves (questionnement individualisée comprenant les trois volets bien connus que sont l'expérience externe ou les études contrôlées, l'expérience interne ou les compétences du médecin, et les valeurs et préférences du patient ou la prise en compte des désirs du patient), soit, en quelque sorte, la médecine générale telle qu'elle a du mal à être théorisée (cf. 1.)
  3. La médecine générale peut donc être saucissonnée en différentes actions indépendantes que seraient, par exemple, la prise de la pression artérielle, la réalisation d'un Test de Dépistage Rapide du streptocoque, la prescription d'un dosage de l'HbA1C, la vaccination contre la grippe, la réalisation d'un frottis vaginal, l'auscultation cardiaque, l'initiation de séances de kinésithérapie, la délivrance d'un hemoccult, et cetera. C'est, dans le domaine industriel, ce qu'on peut appeler la taylorisation de la médecine générale
  4. Il suffit alors, en raison de la raréfaction des médecins généralistes, d'attribuer chacune de ses tâches, à des médecins non généralistes, à des paramédicaux, à des secrétaires administratives, à des institutionnels fonctionnarisés, puisque chacune de ces tâches est facile à effectuer, demande une formation courte et n'exige pas de compétences particulières, sinon de se conformer à des référentiels contrôlés... L'administration se satisfera de ces solutions car, dans l'ensemble, cela lui permettra d'une part d'annoncer une diminution apparente des coûts (un leurre, bien entendu) et, d'autre part, d'élargir le champ des compétences des paramédicaux et des non médicaux, ce qui ne pourra que faire mieux passer la non augmentation des honoraires et des salaires
  5. Les actes de la médecine générale ne vont pas disparaître mais la médecine générale, en tant que prise en charge globale du patient va, elle, disparaître, et notamment dans son rôle de tampon amortisseur entre le patient et la grande consommation (Big Junk Food), le patient et la médecine d'organe, le patient et l'hôpital, le patient et son employeur, le patient et la CPAM, le patient et la CAF, le patient et le gouvernement, le patient et l'administration en général, le patient et le marché...


Deuxième réflexion : la disparition des médecins généralistes est un cadeau fait à Big Pharma et à Big Matériel.
  1. La taylorisation de la médecine générale et la dévolution des tâches vont entraîner une rationalisation des comportements et une normalisation des référentiels.
  2. La politique des normes et des index va rendre l'interprétation individuelle difficile, voire impossible, non parce que les médecins d'organe, les paramédicaux ou les administratifs seraient plus idiots que les médecins généralistes (les lecteurs de ce blog pourraient aisément faire comprendre aux sceptiques que la critique des médecins généralistes n'est pas exempte de mes propos) mais parce que l'expérience récente montre :
  3. que les spécialistes d'organes sont plus que d'autres soumis aux influences de Big Pharma et qu'ils en sont, en plus, souvent les moins conscients : vioxx, actos, mediator, pilules de deuxième génération, molécules dites anti Alzheimer, et j'en passe (remplissez les pointillés)
  4. que les paramédicaux et les administratifs n'ont pas la formation initiale pour interpréter, relier, confronter, analyser, critiquer, les indices et les données individuelles avec le contexte médical de chaque patient et, je dirais même, le contexte non médical de chaque patient... et ainsi  la moindre pression artérielle hors norme, et on définira comme pour les radars routiers, des seuils de tolérance (pouvant également être interprétés loco-régionalement par des préfets zélés comme les directeurs d'ARS non médecins ou médecins, d'ailleurs), la moindre glycémie à jeun hors limites, le moindre oubli de clés, le moindre sifflement dans les bronches, la moindre agitation scolaire... conduiront-ils à des investigations, des traitements, validés ou non, des re contrôles, des primes et du temps perdu et du temps gâché... 
  5. Ainsi, Big Pharma continuera de faire passer des messages via les agences gouvernementales largement infiltrées à destination des fonctionnaires paramédicaux ou non, qui, soumis au devoir de réserve, diront amen et, au contraire, en redemanderont, seront plus royalistes que le roi, ainsi, Big Pharma continuera à édicter des recommandations, continuera à sponsoriser des services, des hôpitaux, des fondations, des syndicats professionnels, des associations, de faire de la visite médicale gratuite par l'intermédiaire des décrets et des notes de service de l'Etat et de la visite médicale payante chez les paramédicaux trop contents d'être enfin pris en compte, ainsi, Big Pharma continuera de subventionner la Formation Médicale Continue qui s'appellera Formation Para Médicale Continue et de fournir des échantillons gratuits aux infirmiers et ères pour aider à la santé du vaste monde...


Troisième réflexion : la disparition des médecins généralistes est la porte ouverte à la médicalisation totale de la vie.
  1. Les médecins généralistes, malgré qu'ils en aient, sont des emmerdeurs, ils râlent, ils ne sont jamais contents et même si nombre d'entre eux se sont longtemps peu interrogés sur leur pratique, sur le rôle éventuel de Big Pharma sur leurs activités, ils traînent des pieds, ils contestent, ils ne croient pas toujours ce que la visite médicale leur dit, ils doutent même, tout en continuant de prescrire, bien entendu, tout en étant silencieusement influencés par cette propagande active, il en est même certainement une majorité, malgré le cynisme affiché, qui confondent hygiène et médecine, qui confondent baisse de la mortalité infantile et progrès des sciences, ou recul du rhumatisme articulaire aigu et effets des antibiotiques... Il existe même des médecins généralistes qui sont abonnés à Prescrire, et qui le lisent, et qui tiennent compte de ses conseils, il existe même des médecins qui lisent d'autres revues que le Quotidien du Médecin, qui ne prennent pas pour argent comptant les recommandations de l'ex AFSSAPS, qui vaccinent et qui ne croient pas à la politique vaccinale, qui traitent la douleur sans se référer au Lyrica, et cetera, et cetera.
  2. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour recevoir un enfant qui dérange la classe, pour l'examiner, pour parler avec lui et avec sa famille, pour ne pas croire que ce sont seulement les conditions psycho-cognitivo-oedipéennes ou les conditions socio-politico-capitalistes incluant le divorce, la monoparentalité et la consommation de coca cola non light devant la télévision qui l'ont mené jusque là... quand les médecins généralistes auront disparu, qui refusera par principe la ritalinisation ?  Eh bien, n'en doutez pas, cela existe déjà maintenant, quand les médecins généralistes auront disparu, l'institutrice, en accord avec la directrice et l'inspecteur d'académie enverra cet enfant directement entre les mains du Centre Médico Psycho Pédagogique local où une équipe multidisciplinaire (c'est la mode coûteuse et inefficace du moment) interrogera son Oedipe, sa Jocaste, l'alcoolisme du père, les moeurs légères de la mère, la propreté du logement, l'origine ethnique, et, par une sorte de passe passe idéologique enseigné par Philippe Meyrieu et ses séides, "révolutionnaires" institutionnels, négligera les méthodes d'enseignement conformes en tous points aux données actuelles des sciences de l'éducation, et ne seront soulagés que lorsque la ritaline aura été donnée et les cours de soutien institués...
  3. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour recevoir une personne âgée qui ne cesse de perdre ses clés, elle sera adressée directement par sa famille ou par l'assistante sociale vers un centre de gérontologie où, MMS aidant, scanner ou IRM aidants, les médicaments dits anti Alzheimer seront prescrits... 
  4. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour recevoir des petits enfants ayant des problèmes respiratoires, ce seront les directrices de crèche, sous le couvert d'un plan bronchiolite avec affichage dans les locaux municipaux, et avec l'adoubement des médecins de la territoriale, qui enverront les petits patients chez le kinésithérapeute pour des séances à la française de ventilation...
  5. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour mesurer la pression artérielle, que les référentiels indiqueront que 140 / 90 est de la pré hypertension, eh bien les infirmières déléguées à la prise de la PA enclencheront le plan vigie tension...
  6. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour lire les glycémies ou les cholestérolémies, les futurs malades seront dirigés directement par les secrétaires des laboratoires d'analyse médicale vers, respectivement, les Centres du Diabète ou les Centres du Cholestérol, où les recommandations pour le traitement du pré diabète et du pré cholestérol seront appliquées strictement avec bilans, conseils et... nouveaux médicaments coûteux, dangereux et inefficaces...
  7. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là pour dire que les laits de croissance sont inutiles, chers et inefficaces, les puéricultrices les prescriront avec enthousiasme, fières de leurs nouvelles responsabilités (on me dit que c'est déjà le cas)...
  8. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, les moindres déséquilibres du bassin, la moindre inégalité des membres inférieurs conduiront les infirmières scolaires à adresser les enfants vers les Centres de Podologie où des semelles inefficaces et coûteuses et peu remboursées seront façonnées par les podologues... 
  9. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, les INR seront gérés par les cardiologues, les pharmaciens et les Centres de la Coagulation (c'est ce que demande une association de patients)...
  10. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, la moindre impériosité urinaire chez l'homme conduira au dosage du PSA et à ses conséquences néfastes
  11. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là, ce seront les conseillères d'éducation qui "prescriront" du desogestrel ou le gardasil aux jeunes collégiennes ou lycéennes dont les parents, non plus, ne pourront plus exprimer leurs avis ni entendre des conseils autres
  12. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là il n'y aura plus de voix pour s'opposer à l'idéologie tenace de la prévention, mieux vaut prévenir que guérir, à l'idéologie tenace qui prétend que rendre malades les gens bien portants est une avancée déterminante dans le chemin semé de roses qui conduit vers la libération de l'homme... 
  13. Mais quand les médecins généralistes auront disparu, quand ils ne seront plus là .... il n'y aura plus de limites à la médicalisation de la vie... à la médicalisation de la procréation, de la contraception, de l'accouchement, de l'élevage, de la nutrition, de l'éducation, de la douleur, de la tristesse, de la mort... Il y aura partout des vaccinodromes, des vasculodromes, des alzheimerodromes, des douleurodromes, des sénodromes, et des distributeurs de lait de croissance dans les pédiatrodromes... 


Il ne s'agit bien entendu que d'hypothèses farfelues, tout le monde l'aura compris, cela n'arrivera jamais. Elles ne peuvent aboutir pour la seule raison qu'elles seront trop coûteuses. Mais pour l'instant, les Autorités, les mêmes, et avec l'aval des syndicats, qui avaient instauré en 1972 le numerus clausus des études médicales, car elles ne voulaient pas d'une France peuplée d'officiers de santé, y croient quand même et tentent de rouler tout le monde dans la farine.
Quand les patients se rendront compte que les médecins généralistes auront disparu, que les maisons médicales seront vides de médecins, que l'accès aux soins sera devenu hors de prix et difficile, il sera trop tard.
Bonne nuit, braves gens. 

PS. Vous avez bien noté que je me suis gardé de parler des responsabilités, de la main invisible, du complot caché, cela a été décrit des milliers de fois et dans tous les pays... Il suffit de lire.

jeudi 31 mai 2012

Faut-il défendre un confrère qui "fait" cent actes par jour ?


Hier, une de mes patientes qui travaille aux urgences de l'hôpital, m'a dit que c'était la folie, qu'il y avait environ cent passages par jour et que c'était difficilement gérable.
Je ne sais pas combien de personnes travaillent aux urgences de Mantes mais il semble qu'il y en ait beaucoup et... pas assez.
A la suite de cette consultation et du post que j'avais écrit il y a déjà un moment sur la dénonciation des médecins et sur leur défense (ICI) et à propos du post que je viens d'écrire (LA) sur les urgences du samedi après-midi et après que le responsable de la cellule juridique de la FMF m'eut proposé de travailler à leurs côtés pour, je cite, "rompre l'isolement dans lequel se trouvent nombre de nos confrères", je me suis rappelé qu'un médecin venait d'être suspendu par l'Ordre des Médecins sur plainte de la CPAM locale parce qu'il avait effectué entre 99 et 151 actes quotidiens pendant 87 jours consécutifs (ICI). On me dit qu'il a été assisté / défendu par des syndicats. Assistance et défense ne me paraissent pas de la même eau. Nous allons le voir.
Je pose une question simple : Est-il possible de faire de la Bonne Médecine à 100 actes par jour ? 
Votre réponse : 1 - Oui  2 - Non 3 - Je ne sais pas.
Ma réponse est 1. LOL !
Plusieurs éléments contextuels sont cependant à prendre en compte : la densité médicale dans la zone de chalandise de ce médecin ; le nombre d'actes moyen effectué par les médecins dans la même zone ; je n'arrive pas à en voir d'autres, à moins, bien entendu, qu'il ne soit le seul en secteur 1...
Donc, ce médecin a dû être averti par la CPAM. Il a dû se faire convoquer par le médecin conseil ou par la commission paritaire. Et il a continué. Donc, ce médecin n'a pas pu faire autrement que de continuer à exercer de la sorte jusqu'à ce qu'il se fasse prendre. Et il dit qu'il va reconsidérer la question.
On remarque que la CPAM est la plaintive et que le Conseil National de l'Ordre condamne et suspend.
Faut-il assister ce médecin ? Bien entendu. Ce médecin a besoin d'assistance juridique car il est nécessaire qu'il ne soit pas broyé par un système rôdé pour ne pas entendre les médecins et pour les considérer comme de méchants libéraux par principe. Il faut l'assister car il doit se défendre, disposer d'un avocat efficace et connaisseur des arcanes de la CPAM, du droit administratif, du Code de la Santé Publique et du Conseil de l'Ordre, et tout accusé a ce droit. Qui, mieux que des confrères rompus au juridisme médical, pourrait l'assister ?
Faut-il le défendre ? Il me semble que s'il demande que la cellule juridique de tel ou tel syndicat le défende, cette cellule juridique ne peut pas lui dire non. Mais cela commence quand même à poser problème. 
Cela pose problème car la façon qu'a ce médecin de pratiquer la médecine générale n'est pas un bon exemple de la profession. N'est pas un bon exemple pour la profession. Même s'il s'agit d'une histoire de chasse. Ce praticien n'est pas représentatif de la profession, enfin, j'espère, non, je suis certain, mais il se pourrait que certains s'en servent pour dévaloriser la profession tout entière. C'est pourquoi il faut assister ce médecin, éventuellement le défendre mais aussi dire pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de pratiquer la médecine générale. Est-ce bien de la médecine générale ?
En ces périodes de restrictions budgétaires et de demandes de revalorisation des honoraires, est-ce bien raisonnable d'avoir un chiffre d'affaires d'au moins 2300 euro par jour travaillé ? Soit pour cinq jours de travail, mais il semble qu'il travaillait au moins cinq jours et demi (LA), soit au moins 11 500 euro de chiffre d'affaires par semaine ou 48 000 euro par mois... Je sais, il y a des charges...
Défendre ce médecin, certes, défendre sa pratique : non.
Je sais qu'on va me dire : ce n'est pas le moment. Ce n'est pas au moment où la médecine générale est en danger qu'il faut discutailler sur ceci ou cela. Je connais l'affaire : ce n'est jamais le moment. Mais, bon, ce n'est pas notre pratique, il faut aussi le dire. Ce n'est pas la médecine que nous souhaitons. Nous serons d'autant plus crédibles que nous dirons ce que nous n'acceptons pas. Quelles que soient les circonstances locales, quels que soient les motifs invoqués.
Notre confrère a besoin de faire de la Formation Médicale Continue. Notre confrère a besoin de faire un stage de gestion. Notre confrère a besoin de repos (non parce que j'approuve son interdiction d'exercice, je ne connais pas le dossier complet, mais parce que faire plus de 100 actes par jour pendant au moins 87 jours consécutifs signifie qu'il a vraiment besoin de repos).

dimanche 27 mai 2012

La Prévention vue par la CPAM et le Sur Traitement vu par l'ORL (histoires de consultation 119 et 120)



Belle journée de consultation dans la commune jadis champêtre de Plouc-La-Jolie en ce samedi ensoleillé. Tout le monde parle de l'affaire (deux infirmiers incarcérés pour "excès" d'actes) dont je ne dirai rien car je sais peu de choses qui ne soient sous le coup du secret professionnel et je continue de facturer 23 euro mes remarquables consultations de samedi sans invoquer l'urgence au contraire de mon confrère (et pas ami) qui a fait sonner trompettes, syndicats et media pour justifier son rôle majeur dans le sauvetage urgent des populations en danger (ce qui signifie que les autres médecins généralistes qui travaillent sur zone sont de gros khons bobologues tout juste bons à prescrire des emplâtres sur des jambes de bois et à se laisser intimider par, comme dit le syndicat qui le soutient mordicus, Madame Lacaisse, au mépris de toute décence commune...).

La prévention vue par la CPAM : Histoire de consultation 119. 
Monsieur A, 39 ans, est venu pour la première fois "consulter" au cabinet il y a un mois pour me "choisir" comme médecin traitant. Originaire d'Angola il parle portugais et trois mots de français. Le dialogue est difficile, mes connaissances lusitaniennes se cantonnant à feijoada (ICI) et Mourinho (LA) et surtout, mais avec beaucoup moins d'intérêt pour la conversation dans la langue de Camoëns (ICI), à la lecture en français des romans traduits du portugais de Fernando Pessoa (ICI) ou d'Antonio Lobo Antunes (LA), et de la lecture, toujours en français, des romans écrits en italien par Antonio Tabucchi (ICI), le plus Portugais des Italiens, où en étais-je, oui, le patient, qui n'a même pas l'AME ou la CMU,  revient donc avec une enveloppe que je subodore de loin, cela me colle un cafard terrible, et qu'il va me falloir lire en faisant semblant de m'y intéresser. C'est un examen de santé émanant de la CPAM de Paris ! Je lis d'abord la prose du médecin (que je ne nommerai pas par confraternité, il faut bien vivre, il faut bien, aussi, sauver l'humanité souffrante, et là, pour le coup, pas encore souffrante, enfin c'est notre consoeur, je ne comprends pas pourquoi on dit con frère et pas conne soeur...) qui m'apprend a) qu'il y a un problème de tension ; b) que les vaccinations ne sont pas à jour faute de données et c) que les dents ne sont pas en bon état.
Vous savez ce que je pense de ces consultations de prévention appelées aussi examens périodiques de santé (ICI) et de la façon dont ces examens, pas dans ce cas, je l'avoue, il semble qu'il s'agisse d'un centre "officiel", ont été privatisés à des sociétés privées qui se moquent comme d'une guigne du parcours de soins et des structures locales pérennes (désolé d'utiliser la langue de bois officielle) qui y travaillent depuis des années et qui vont continuer de le faire en raison, d'une part, du manque de médecins et, d'autre part, du fait que les retraites sont d'un niveau ridicule... Enfin, dans ce cas précis, un patient arrivant d'Angola pour des raisons que j'ignore et dont je me moque en tant que médecin (même si des renseignements biographiques pourraient m'éclairer sur de futures pathologies ou d'anciennes négligées jusqu'alors), il est possible, pas d'études bien entendu, la France est le pays du volontarisme, on n'expérimente pas, on impose, on fixe des objectifs, on n'évalue pas et on se gargarise des résultats obtenus, il est donc possible que cela serve à quelque chose...
A propos de ces examens périodiques de santé, nul doute que le nouveau (la nouvelle) ministre, les maintiendra pour des raisons politiques et sociales... Nous verrons...
Donc, ce patient a un problème de tension, apprends-je en lisant le petit mot de notre consoeur. Je parcours donc les nombreuses pages et je constate avec plaisir, hormis le problème des dents, que le patient est, selon les examens qu'il a passés, propre comme un sou neuf, et que sa PA, mesurée par, j'imagine le docteur, puis contrôlée par l'infirmière, est, toujours à 135 / 85 !
Où sont les problèmes de tension ?
Donc, le patient a été inquiété pou rien, et je dois lui dire, dans mon français non hésitant mais adapté à un lusophone qui comprend deux mots de français, que tout le cinéma qu'on lui a fait lors des examens qu'il a passés, c'était du flan absolu. Encore un qui va avoir confiance dans le système de santé que toute la planète nous envie (ce qui est moins évident selon les derniers chiffres publiés par le Haut Conseil de la santé publique (LA), mais je me méfie des comparaisons, surtout quand il s'agit d'experts du HCSP... mais les chiffres sont tenaces... puisque selon Euro Health consumer Index 2012, nous sommes en huitième position européenne : LA).
Le patient n'en sait pas plus sur ses vaccinations, je lui en avais touché un mot lors de la première consultation, et il a eu "droit" à une prescription de DTP (c'est le nom générique), et je lui ai conseillé un dentiste qui ne fait pas de DE importants.

Le sur traitement vu par l'ORL : Histoire de consultation 120.
La charmante Madame A, 49 ans, dépose devant moi deux comptes rendus qu'elle a sortis de son grand sac. A ma droite, celui d'un ORL, à ma gauche celui d'un pneumologue.
Anamnèse : la patiente, hypertendue traitée par un IEC depuis deux ans, est fatiguée. Elle a aussi un nouveau métier depuis environ deux ans, secrétaire administrative, métier qui lui plaît beaucoup mais dont le handicap essentiel est qu'elle doit faire un peu plus de deux heures par jour de transports en commun. Son mari, qui l'accompagne souvent en consultation, l'avait "balancée" : Docteur, elle ronfle la nuit... Je l'ai interrogée selon les règles et il m'a paru qu'il existait de nombreuses pauses...
Donc, fatigue, hypertension, ronflements : explorations.
J'ai écrit une lettre au pneumologue et voici ce qui s'en suivit.
Précision : les ronchopathies, qui sont aussi fréquentes que le vieillissement, les rides et, bientôt,  l'Alzheimer sont devenues la tarte à la crème de la pneumo-oRLogie et, accessoirement, de la cardiologie. Je n'ai pas analysé récemment la littérature (qui m'a paru, dans l'ensemble, fort partiale et fort favorable à la pression positive continue comme on le voit sur des sites grand public : LA) mais il me semble que, selon mon expérience interne, de nombreux diagnostics sont faits, de nombreux appareils de pression positive continue sont posés et que de nombreux patients ne s'en servent pas (et bien que l'on parle d'un taux d'acceptation de 80 à 90 % !) pour de multiples raisons dont le bruit (les ronchopathologues ont beau dire que l'appareil fait moins de bruit que les ronflements, le patient ne s'entend pas ronfler mais a volontiers du mal à s'endormir à cause du bruit) et le côté peu sexy de l'appareillage, sans compter les éventuels effets indésirables... Quant au traitement non médical, nous allons y venir.
Donc, sur ma droite, le courrier de l'ORL qui se conclue, après un exposé négatif sur les facteurs anatomiques, par une ouverture vers le tiroir-caisse : la macroglossie postérieure pourrait faire envisager une chirurgie du voile du palais.
Sur ma gauche : le compte rendu du pneumologue qui conclut que la patiente n'a pas de syndrome obstructif d'apnée du sommeil (SAOS).
La patiente : "Vous pensez à la même chose que moi ? - Oui, j'imagine."
Sur traitement quand tu nous tiens.

Belle journée de samedi. 

jeudi 24 mai 2012

Infovac, organe de référence de la vaccinologie : une plaisanterie !


Lors d'une réunion que nous avions organisée pour rencontrer les médecins de PMI j'avais entendu cette phrase étonnante de la part d'une des médecins de la PMI présente et après que j'eus objecté deux ou trois trucs sur la politique vaccinale : "De toute façon, notre référence, c'est  Infovac."

Je savais déjà deux ou trois choses sur Infovac puisque je suis abonné à son bulletin mensuel d'information (LA). 
J'ai enquêté.
Je me suis rendu sur le site : ICI dont le slogan est Ligne directe d'information et de consultation sur les vaccins ! 
Quand je me rends sur un site je commence par chercher qui le finance. 
Je note en passant qu'InfoVac adhère aux principes de la charte HONcode (ce qui n'est ni une preuve d'indépendance ni une preuve de compétence : je vous propose de lire ce qu'en dit Dominique Dupagne : ICI et LA). 

Je clique sur Qui sommes-nous ? et j'apprends, non sans avoir bravé quelques fautes d'orthographe, que a)  "En aucune manière, InfoVac ne se substitue pas (sic) aux autorités de santé" ; b) "Infovac n'émet  aucune recommandation collective" ; c) "... relève parfois des incohérences dans les recommandations actuelles et en réfère aux autorités officielles." ; d) "InfoVac-France, c'est un réseau d'experts qui se sont donnés (sic) pour mission de répondre rapidement aux questions que se posent les médecins."; e) InfoVac est officiellement soutenu par la Société Française de Pédiatrie (SFP) et par l'Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA) ; sur la page d'Accueil il y a également comme structures partenaires le Groupe de Pathologie Infectieuse Pédiatrique (GPIP dont le lien ne fonctionne pas sur le site) et l'Association Clinique et Thérapeutique du Val de Marne (ACTIV dont le lien ne fonctionne pas sur le site) ; f) "les experts d'InfoVac-France sont indépendants des firmes pharmaceutiques" ; g) "Robert Cohen et Claire-Anne Siegrist coordonnent les experts" ; h) "les comptes d'InfoVac sont gérés et contrôlés par l'administration d'ACTIV" (une recherche sur le net ne m'apprend rien sur ACTIV sinon des diaporamas et des articles mais pas de noms d'administrateurs). On peut lire aussi sur la page d'accueil une phrase étonnante : "Les informations répertoriées sur ce site ont été sélectionnées pour leur objectivité et leur valeur médicale et scientifique. Elles s'appuient essentiellement sur les recommandations officielles de vaccinations en France et à défaut sur des études scientifiques et/ou des articles publiés."


La liste des experts (ICI) permet de consulter la DPLI (Déclaration Personnelle de Lien d'Intérêt) de chacun comme la loi l'exige. 
Allez y faire un tour et vous saurez quels sont effectivement les liens d'intérêt de ces experts. Tous les laboratoires de vaccinologie sont cités, ou presque.
Il y a des experts plus aliénés que d'autres comme une certaine Weil-Olivier qui déclara sous serment lors de la Commission d'enquête sur la grippe A menée au Sénat (ICI) que lors de la grippe un enfant sur cinq faisait une forme en grave ou en mourait (repris sur le site Atoute : LA)... Cette dame déclare se faire payer ses frais de déplacement (elle est au RSA) et de conseils par GSK, Novartis, Medimmune, Baxter , Pfizer, Roche, SP-MSD. Comme un de ses confrères, Bruno Lina (ICI), elle doit penser que multiplier les sources de financement rend les liens inopérants et, surtout, empêche de dire n'importe quoi.
Quant à Emmanuel Grimprel, Pfizer est sa principale source de financement pour sa formation personnelle et pour acheter ses allumettes, il ne dit pas qu'il est membre du Comité Technique des Vaccinations (CTV). Ainsi ce confrère peut-il souscrire sans rire à "Les experts d'InfoVac sont indépendants des firmes pharmaceutiques" et à "InfoVac relève parfois des incohérences dans les recommandations actuelles et en réfère aux autorités officielles" : Emmanuel Grimprel travaille sur des essais cliniques Prévenar financés par Pfizer, siège au CTV qui décide de la politique de vaccination contre le pneumocoque, émet des recommandations avec le CTV et écrit, peut-être, dans Infovac que les recommandations du CTV sont erronées (parce qu'il était sans doute minoritaire lors de la prise de décision du CTV...). On y croit beaucoup.
Par une sorte de tautologie que personne ne remarque (ou que tout le monde remarque et que tout le monde tait) les mêmes experts payés par l'industrie pharmaceutique (Big Vaccin) siègent dans les institutions officielles (comme le CTV ou le Haut Conseil de la Santé Publique) et sont les visiteurs médicaux les plus fidèles de la politique gouvernementale (et de son bras armé, la Direction Générale de la Santé) qui, comme par hasard, est la même que celle développée par les argumentaires de l'industrie. Fonctionnaires d'Etat, leur devoir est de défendre la politique de Santé Publique, agents du service public, ils sont aussi soumis au devoir de réserve, comme les médecins de PMI, et passez muscade : pas de discussion.
Big Vaccin n'a donc pas besoin d'éditer une revue de promotion de ses produits puisque cette revue existe déjà, Infovac, et qu'elle est perçue par les centres de PMI et, je l'imagine, par nombre de médecins généralistes, ne parlons pas des pédiatres, à part un ou deux ils ne discutent jamais, comme un organe officiel et indépendant, il suffit donc à Big Vaccin de financer en sous-main, à coups de voyages, de chambres d'hôtel et d'études cliniques, les personnes qui écrivent dans Infovac. Bravo.
Et où est le débat ?
Il faut partir d'un constat : toute personne qui conteste la politique officielle vaccinale est, soit, cochez les cases, plusieurs choix possibles, un ignorant de l'histoire des sciences, un anti vaccinaliste primaire, un ennemi du progrès, un dangereux illuminé, un réactionnaire, un terroriste écolo, un ennemi du bien public, un partisan des Ténèbres.
Circulez, y a rien à voir.
En revanche, et là, pour le coup, c'est un mystère, quiconque croit sans réserve que les nouveaux antidiabétiques devraient être testés, que les statines ont des inconvénients, que les traitements de la BPCO ne sont pas très efficaces ou que l'on prescrit trop de médicaments aux personnes âgées, sont à ranger dans le camp des bons, des résistants à Big Pharma...
Deux poids, deux mesures.
Le lobby vaccinal français comprend donc toute une série d'institutions qui s'auto règlent et se renvoient la balle : le Ministère (qui fait souvent passer les intérêts économiques avant les intérêts généraux comme dans la sinistre affaire mediator), la Direction Générale de la Santé (qui joua un rôle si important pendant la "pandémie" grippale), Le Haut Conseil de Santé Publique (dont les buts sont très clairs : ... une instance d'expertise qui contribue à la définition des objectifs pluriannuels desanté publique et évalue la réalisation des objectifs nationaux de santé et qui est donc juge et partie et dont je peux vous faire apprécier la prose technocratique à propos de l'évaluation à mi-parcours du plan cancer 2009-2013 : Selon le HCSP, les orientations du Plan précédent sont consolidées, mais les dimensions structurantes des inégalités sociales et territoriales de cancer, du rôle du médecin traitant et des systèmes d’information sont insuffisamment déclinées.), le Comité Technique des vaccinations (dont la composition, outre les experts, de nombreux responsables d'administration aux ordres, permet tous les votes politiques), l'Agence de Nationale de Sécurité du médicament et des produits de Santé (ANSM) dont la Commission Nationale de Pharmacovigilance (que le monde entier nous envie et qui n'a rien vu passer depuis le mediator, le vioox, ou l'acomplia mais surtout qui ne voit strictement rien à propos des vaccins, le pandemrix ayant évité la France), l'InVS (dont les publications dans le BEH ne servent qu'à conforter la politique de Santé Publique décidée plus haut et dont chacun peut se louer de leur qualité  car écrites par des auteurs reconnus internationalement)... J'ai bien entendu "oublié" dans cette énumération institutionnelle le côté privé de l'affaire, à savoir les laboratoires de vaccinologie dont Sanofi-Pasteur-Mérieux qui ont leurs entrées et leurs sorties dans toutes les sphères politico-gouvernementales.
Où en étais-je ?

La lecture d'InfoVac est édifiante car leurs professions de foi sont démenties par les faits. Disent-ils, et pourquoi donc dire des choses aussi sottes, qu'ils n'émettent aucune recommandation collective, et ils ne cessent de le faire (ce qui n'est pas blâmable, une piqûre de rappel du calendrier vaccinal n'est pas forcément une mauvaise chose) ; disent-ils qu'ils sont indépendants de tout, de l'industrie, des autorités, de leur hiérarchie (sic), et il est difficile de les croire : pourquoi diraient-ils des choses différentes selon qu'ils sont sponsorisés, experts officiels ou chefs de service ? ; disent-ils que leurs informations sont validées et ils ne parlent que des informations validées par eux...
Nous demandons des débats contradictoires, nous demandons qu'il soit possible de parler à partir de données scientifiques mais il semble que cela soit impossible puisque les agents du service public sont soumis au devoir de réserve, c'est à dire qu'une fois que les décisions ont été prises dans le cénacle fermé des institutions autogérées, plus rien ne doit transparaître, on ne doit voir qu'une tête. Comme on disait jadis : ne pas donner d'armes à l'ennemi ou : ne pas désespérer Billancourt. Si vous voulez connaître un autre son de cloche, si vous voulez connaître le fiasco du Prevenar, si vous voulez vous informer sur les nécessaires incertitudes et débats scientifiques, ne comptez ni sur InfoVac, ni sur l'InVS, ni sur la DGS, lisez ailleurs (un peu de publicité pour CMT qui a remarquablement informé sur le contexte des stratégies vaccinales dans le cas de la rougeole, de la grippe, de la méningite C ou du papillomavirus, notamment)
Prendre les médecins et le grand public pour des crétins est une vieille façon de faire qui, je l'espère, va se dissoudre un jour ou l'autre et permettra à tous et à chacun, de se faire son idée, voire d'accepter une politique de Santé Publique que l'on n'approuve qu'à moitié mais qui nous paraît être une hypothèse pratique raisonnable. Sommes-nous à ce point des profanes à QI infamant pour que l'on ne nous délivre que des informations aseptisées, triées, digérées, exploitables par notre maigre cerveau ?
Chaque fois que je vois Robert Cohen s'exprimer à la télévision dans les émissions grand public, je ne peux que me lamenter en voyant fonctionner dans le vide un tel esprit. Mais il tente de ne rien comprendre puisqu'il s'est insurgé contre le fait que les recommandations sur les antibiotiques en ORL avaient été invalidées pour des raisons de conflits d'intérêt alors qu'elles n'étaient pas favorables aux laboratoires, selon lui (ICI).

Comment voulez-vous que les médecins de PMI puissent ne pas appliquer les directives et ne pensent pas qu'InfoVac soit l'organe central de la vérité vaccinologique ? Il faut être courageux, ne pas avoir peur de perdre son poste, être curieux, ne pas se contenter des publications officielles... Mais il n'en est pas moins vrai que certains tentent de faire bouger le cocotier. Courage !

InfoVac est la référence française en matière de vaccinologie selon le gouvernement de la République. Ce qui montre l'état du débat en Santé Publique dans notre beau pays.