vendredi 4 septembre 2015

Fluorette, on aime ta médecine générale.


Fluorette, je l'ai vue en vrai (c'est mon lien d'intérêt déclaré), eh bien, elle m'a fendu le coeur quand j'ai lu son billet annonçant son départ (lire ICI avant de continuer) parce qu'elle a raconté notre exercice quotidien à tous (sauf qu'elle a oublié plein de trucs qui m'énervent encore plus que les trucs qu'elle a cités) et que je l'ai plainte qu'elle en souffre de cette façon. 

Parce qu'au delà de ses emmerdes, en dépit des raisons pour lesquelles elle ne peut plus continuer, et, sans trahir de secret, mais le secret est public, elle accumule pas mal de choses et que, vu de l'extérieur, ça commence à bien faire, et, je crois, mais je dis cela comme cela, les conseilleurs ne sont pas les payeurs, elle a bien raison d'ouvrir la porte pour la fermer...

Et au delà de tout ce qu'elle raconte et chacun d'entre nous, je veux dire les médecins généralistes qui sont en train de passer un sale quart d'heure avant de disparaître, peut témoigner du fait que c'est du vécu vrai, donc, la Fluorette, en sa tristesse et son malheur, elle a quand même l'air d'être une drôle de bonne médecin généraliste. Elle a l'air d'avoir vachement compris ce qu'est notre métier, bien qu'elle soit jeune, bien qu'elle n'ait pas encore de "bouteille", bien qu'elle sorte de la fac il n'y a pas si longtemps que cela, et les gens de mon âge peuvent témoigner qu'à son âge on n'avait non seulement pas compris le quart de la moitié de ce qu'elle comprend mais, bien pire encore, on ne se posait même pas de questions, on (je parle de moi) se laissait porter par la griserie de l'indépendance, l'enthousiasme d'être un docteur et de voir des gens attendre dans la salle d'attente pour venir nous voir...

Tout ce qu'elle dit, énumère, rapporte, fait partie du quotidien des médecins généralistes installés, mais c'est peu enseigné, peu décrit et les jeunes médecins, les pas encore installés comme les futurs thésards, ont spontanément peur de tout ce qui peut tomber sur les épaules d'un médecin frais émoulu de la Faculté de Médecine qui prend tellement les futurs médecins généralistes pour des demeurés que plus personne ne veut exercer cette merveilleuse profession de merdre. parce que, la médecine, quoi qu'on en dise, c'est une profession de merdre : c'est un gouffre insondable tant sur le plan de la science que sur celui des sentiments. Il faut être solide.

Les malades nous disent souvent "Mais comment faites-vous pour vous rappeler les noms et les posologies de tous les médicaments ?..." mais s'ils savaient que cette "performance" est sans commune mesure avec le reste, c'est à dire écouter, construire, analyser, synthétiser, prendre en compte, non seulement les symptômes et éventuellement les maladies mais surtout ces bon dieux de citoyens immergés dans une société où tout est fait, toutes choses égales par ailleurs quand on examine l'augmentation continuelle de l'espérance de vie, pour que l'hygiène de vie soit mauvaise.

Fluorette fend le coeur parce que son constat n'est pas seulement celui de quelqu'une qui regrette qu'on lui mette des bâtons dans les roues mais surtout celui d'une jeune femme qui sait quel type de mèdecine elle veut exercer, dans quelles conditions, dans quel environnement et avec quels collègues qui seraient non seulement gentils mais gentils. Fluorette a lu, entendu, pratiqué, discuté, remis en questions, douté, et pourtant elle sait ce qu'elle veut. Pas d'un machin hyperbolique ou rêvé mais d'un endroit proche où elle serait en mesure de faire de la médecine générale, de la simple médecine générale.

Parce que mon boulot c’est la médecine générale, c’est m’occuper de gens entiers, pas juste des bouts de gens et la fois d’après l’autre bout..

Et en lisant ce qu'elle a écrit ce premier septembre 2015, on a beau écarquiller les yeux, relire, chercher, on ne trouve ni le prix de la consultation, ni la lourdeur des charges et des impôts, ni, ni, on ne trouve que le terrible désespoir de ne pas pouvoir exercer un métier qui permet d'écouter les gens, de les conseiller et, éventuellement, en les soignant, de les guérir.

En fait, Fluorette, je l'ai vue IRL quelques instants dans une manifestation contre la Loi Santé, mais je la connais surtout par son blog, ses activités twiteriales, et cetera, je crois donc qu'elle ne peut pas ne pas rebondir pour faire ce qu'elle a envie de faire.

Mais il est vrai, comme elle le dit, qu'elle n'est pas aidée.

J’ai envie que le rêve devienne réalité. Oh je me rends bien compte que tout ne sera pas parfait. Mais je suis prête. Ça y est. Je commence à en parler. Je confirme la rumeur, j’essuie leurs pleurs, je dis au revoir, mon bide se serre.

Illustration : de Paul Signac (1863-1935) : Au temps d'harmonie (1893-1895)

mardi 1 septembre 2015

Le manifeste des 30 et les conflits d'intérêt : ne pas signer est une question de cohérence. Par le docteur Claudina Michal-Teitelbaum




                                   
A la suite des commentaires que j'avais écrits lors de la publication du billet de Jean-Claude (ICI) voici un texte qui me permet d’expliquer de façon plus précise ma position au sujet du manifeste-pétition des 30 

Je ne prendrai pas de précautions oratoires excessives mais j’espère montrer que ma position n’est pas sous-tendue par un souci de me démarquer ou par une volonté de critiquer tous azimuts mais par un souci de cohérence à la fois éthique et pratique.

Le fond de mon argumentaire tient en une phrase : quand on se pose en moralisateur, la moindre des choses c’est de s’astreindre à respecter les règles qu’on voudrait imposer aux autres.

Cela n’est pas uniquement une critique à valeur « morale » car présenter des médecins assumant leurs nombreux conflits d’intérêts comme des références sur le plan moral aura nécessairement un impact en pratique sur la banalisation des conflits d’intérêts parmi les médecins. Puisque cela implique qu’on pourrait être d’une grande exigence morale, tout à fait lucide sur les médicaments, tout un acceptant un grand nombre de liens financiers avec les laboratoires pharmaceutiques. Ce qui a toutes les chances d’être faux puisque la raison pour laquelle les laboratoires entretiennent ces liens financiers est qu’ils peuvent en mesurer l’impact sur les prescriptions et le chiffre d’affaires, indépendamment de la qualité propre des médicaments.

Etes vous contre la faim dans le monde ?
C’est, à peu près, à cela que revient de s’élever contre le fait que des médecins continuent à entretenir des relations financières ou autres avec le laboratoire Servier. Mais la persistance de ces relations n’est qu’un témoignage particulier d’un phénomène beaucoup plus large et aux conséquences tout aussi délétères et plus étendues, c'est-à-dire la banalisation des relations financières des médecins (des médecins prescripteurs aussi bien que ceux des agences) avec les laboratoires pharmaceutiques générant des conflits d’intérêts de nature à brouiller le jugement des dits médecins.

Les pétitions et manifestes ne sont pas faits pour obtenir des résultats, qu’ils obtiennent très rarement, mais plutôt pour mettre en avant des idées, pour informer ou exercer une influence [1]. Une  des caractéristiques des pétitions est d’être peu impliquante, sauf, évidemment, quand on s’expose personnellement en les signant. Mais le plus souvent, comme le disait Jean-Claude, être parmi les primo-signataires ou promoteurs d’une pétition permet surtout de s’exposer à la lumière des projecteurs.
Puisque les auteurs du manifeste ont choisi d’associer, en tant que signataires vedettes, censés représenter l’esprit même du manifeste, des médecins entretenant couramment des relations avec divers industriels et qui en nient néanmoins l’influence, la question devient : y a-t-il une différence  fondamentale de nature entre Servier, ses méthodes, les conséquences de ces méthodes, et celles d’autres laboratoires avec lesquels certains des signataires vedettes entretiennent des relations assidues et lucratives quoique non déclarées dans ce manifeste ? Ma réponse est : « non », et je vais argumenter.


Tout le monde n’est pas pourri, mais tout le monde est influençable

Ca ne m’est pas agréable de prendre cette position à contre-pied de ce manifeste, d’autant qu’il y a parmi les signataires des personnes dont j’apprécie l’action et que je respecte, tels le sénateur Autain, dont le travail extraordinaire en a fait la bête noire des lobbyistes au Sénat, ou Irène Frachon qui a gardé une ligne de conduite exemplaire et a affiné son analyse au cours du temps.

Je pourrais aussi citer Dominique Dupagne, dont je ne partage pas la vision centrée sur le patient-roi de la médecine, patient à qui on devrait accorder tout ce qu’il demande, y compris des traitements qu’on sait inutiles ou dangereux, mais qui a fait un travail d’alerte et d’information souvent essentiel sur certaines pratiques telles que le dépistage du cancer de la prostate par le PSA, entre autres.

Contrairement à ce qu’on va certainement penser, je n’ai rien non plus contre le professeur Grimaldi qui a une réputation d’intégrité reconnue, mais je le pense sous influence. D’ailleurs, qu’il y a-t-il de plus dangereux pour la santé publique qu’un médecin malhonnête sous influence ? Un médecin honnête sous influence, bien sûr, parce qu’il saura effectuer comme nul autre ces opérations de « blanchiment de médicaments » que certaines grosses compagnies pharmaceutiques attendent des leaders d’opinion et des associations de patients sous influence.

Un livre qui prétend détenir la « vérité » sur les médicaments écrit pas des médecins hospitaliers sous influence

Jean-Claude avait déjà cité les écrits d’Hippocrate et Pindare concernant une interview d’André Grimaldi à la sortie du livre La vérité sur vos médicaments co-écrit par 32 médecins hospitaliers  dont Jean-François Bergmann et Irène Frachon. Ce livre prétend révéler LA vérité scientifique en riposte à ceux qu voudraient relativiser la valeur de la science.

Il reste qu’un jeune blogueur a fait la synthèse des avantages financiers des auteurs de ce livre, telles qu’elles figuraient sur la base des données transparence-santé : sur les 32 médecins co-auteurs du livre,  26 ont reçu des cadeaux de la part de compagnies pharmaceutiques et certains ont multiplié les conventions avec elles entre 2012 et 2014 [2]. Jean-françois Bergmann, par exemple, arrive en deuxième position pour le nombre de conventions signées, avec 54 en plus de 5074 euros de cadeaux (repas, transport, hébergement) que les laboratoires ont déclaré lui avoir versé. Pour André Grimaldi  32 convention ont été signées et 1707 euros ont été versés.

Le collectif « regards citoyens », qui a fait un formidable travail de compilation des informations sur les liens financiers entre médecins et industrie pharmaceutique [3] explique que la publication des données précises sur les conventions ont été  empêchées par une circulaire de Marisol Tourraine, la Ministre de la Santé, attaquée en justice par le Formindep devant le conseil d’Etat, qui leur a donné raison. La publication de la nature et de la valeur des conventions n’a pas été publiée néanmoins. 

Il faut savoir que les laboratoires peuvent aussi classer certains cadeaux dans la rubrique conventions, et ainsi les occulter. Les contrats, quant à eux, classés dans les conventions, peuvent atteindre 10 000 à 40 000 euros. Leur valeur viendrait s’ajouter aux 244 millions de cadeaux donnés aux médecins entre janvier 2012 et juin 2014. Il est probable que la somme totale se compterait alors en milliards et permettrait de boucher en partie ou totalement le fameux « trou de la sécu ». Ou bien apporterait de quoi financer de une recherche publique indépendante.

Cet argent, qui fait partie du budget marketing des laboratoires  est le nôtre, puisque, d’une manière ou d’une autre, collectivement ou individuellement, nous payons les laboratoires. Le secteur pharmaceutique est un secteur « ultra-protégé » comme le dit Bernard Dalbergue, ancien cadre de l’industrie pharmaceutique, dans le livre co-écrit avec Anne Laure-Barret, Omerta dans les labos pharmaceutiques, et il très subventionné. Il est protégé, à la fois en raison de la porosité entre personnalités politiques et dirigeants des laboratoires, parce qu’il s’agit d’un secteur économique stratégique dans la compétition économique, et parce que la santé est un bien essentiel et économiquement en perpétuelle croissance.

On eût donc souhaité que les médecins signataires, se réclamant d’une haute valeur morale, déclarassent les sommes perçues.


Irène Frachon comme fil conducteur

C’est Irène Frachon que je veux prendre comme fil conducteur. En effet, elle tient des propos tout à fait clairs et cohérents, y compris dans le livre co-signé avec A Grimaldi et JF Bergmann.
Dans une interview au journal Le Monde [4], elle prétend ne pas avoir de mérite à avoir su « rester propre » : « J’apparais comme « très propre », mais je ne l’ai pas toujours été. Ma chance est d’avoir été formée, dans les années 1990, à l’hôpital Foch [à Suresnes, Hauts-de-Seine], par la professeure Isabelle Caubarrère. Dans son service, il y avait cette règle absolue : les visiteurs médicaux n’avaient pas le droit d’entrer en contact avec les étudiants ou les médecins. Il n’y avait ni petits-déjeuners ni réunions d’équipe sponsorisées par les labos. C’est elle qui les ­recevait le samedi, sur rendez-vous, point. »

La chef de service  de cet hôpital faisait exactement ce que tous les commerciaux des laboratoires pharmaceutiques détestent : poser un cadre clair où chacun garde sa position professionnelle de chaque côté du bureau, le médecin s’occupe d’évaluer le rapport bénéfice/risque et le commercial reste à sa place de commercial qui essaye de vendre. Il n’y a aucune ambigüité. Cela ne convient, bien sûr, pas du tout aux commerciaux, dont tout le travail consiste à brouiller les frontières, les limites entre relation professionnelle et amicale, en établissant une pseudo-intimité, les limites entre travail du médecin et travail du commercial, les limites entre intégrité professionnelle et corruption.

En tout cas, internes et assistants travaillant dans les services des professeurs Grimaldi et Bergmann n’ont pas eu cette chance. Comme 99% des médecins hospitaliers, ils ont été soumis à la présence « amicale » constante de représentants des laboratoires qui leur ont proposé toutes sortes de services et d’avantages, et qui se sont occupés aussi de leur formation, bien entendu, comme l’expliquait un médecin souhaitant garder l’anonymat en mai 2010 sur le site du Formindep [5].

Il est tellement facile de tomber dans les filets des laboratoires ! C’est aussi ce qu’explique Irène Frachon dans cette interview. Le dispositif « d’hameçonnage » est conçu comme un engrenage qui vous avale dès que vous y mettez le doigt.  Par la valorisation de votre personne (« nous avons besoin de vous »), par l’argent facile et les divers cadeaux et avantages qu’on finit par penser devoir recevoir de plein droit, puisqu’on rend un service. Irène Frachon n’a échappé à cet engrenage que par le regard extérieur de son époux, qui lui a fait prendre conscience de la situation. Et également parce qu’elle n’avait pas été pré-conditionnée à la banalisation des conflits d’intérêts en tant qu’interne.

Dans le livre co-écrit avec A. Grimaldi elle exprime une position très claire et sans ambiguïté : « Les médecins hospitaliers ne devraient pas avoir le droit d’être consultants pour l’industrie pharmaceutique. On peut faire une exception encadrée pour la recherche clinique afin que des patients soient inclus dans des essais cliniques des industriels, mais que des médecins puissent être les VRP, aller dans leur board de consultant pour monnayer ce qui est en réalité du conseil marketing, et répandre ensuite la bonne parole en étant « ventriloques » des laboratoires (pour reprendre l’expression du Dr Bernard Dalbergue …Omerta dans les labos pharmaceutiques…) cela devrait être tout simplement interdit. »

Elle souhaite aussi que les laboratoires ne puissent pas approcher les étudiants en médecine.
Mais Irène Frachon s’est fixée comme objectif prioritaire la défense des victimes du Mediator et elle subordonne à cet objectif toute autre considération.


André Grimaldi, un médecin ambigu et sous influence


André Grimaldi n’est pas d’accord avec Irène Frachon sur le point de la nécessité de mettre fin aux conflits d’intérêts. Tout au plus demande-t-il une « transparence totale » (qu’il ne s’applique d’ailleurs pas à lui-même), et, si possible, la fin des conflits d’intérêts dans les agences de régulation [6]. Lorsqu’il est interrogé là-dessus dans une émission sur France Culture il n’est visiblement pas très à l’aise avec le sujet, et s’empresse d’en changer.

De même, je n’ai pas notion qu’André Grimaldi  se soit élevé contre le financement des associations de patients par l’industrie pharmaceutique. La Fédération des diabétiques français est la plus arrosée de toutes les associations de patients de France avec 491 000 euros reçus des laboratoires pharmaceutiques dont 144 000 de Sanofi en 2013 [6].

Pour lui l’affaire Mediator a été le coup de tonnerre dans le ciel tranquille de sa routine faite de relations avec les laboratoires, comme l’indique la liste des cadeaux et conventions dont il bénéficie sur la « base de données transparence santé ». On y apprend que de début 2012 au premier semestre 2015, il a bénéficié de 36 « cadeaux » ( repas, hébergements, invitations…) par divers laboratoires dont Sanofi, Merck, Lilly, et que, par exemple, le 19 avril 2015, Merck lui a offert un repas pour une somme de 49 euros. Il a aussi signé 51 conventions avec des laboratoires dont nous n’avons pas le détail (pratiquement une vingtaine de plus que celles relevées jusqu’au premier semestre 2014).
Compte tenu des nombreux avantages qu’il reçoit de divers laboratoires, il a grand besoin de se persuader que le cas de Servier reste une exception et que les méthodes de Servier et les dégâts provoqués sont uniques.

Sa vision peut se résumer ainsi. Les laboratoires pharmaceutiques sont source de progrès incessants  et majeurs. Même si ces laboratoires sont des brillants petits polissons et peuvent parfois chercher à élargir les indications de certains médicaments, comme le Lantus, au-delà du raisonnable (utilisé à tort dans le diabète de type 2), générant des coûts supplémentaires, tout cela ne porte pas à conséquence compte-tenu des bénéfices immenses que les laboratoires apportent aux populations. Il faut donc lutter activement contre le scepticisme et le doute qui s’emparent de certains médecins et patients par le biais de la vérité scientifique dont il est détenteur. Tout ce débat est surfait puisque la sécurité des médicaments est en constant progrès et s’est beaucoup améliorée notamment depuis l’introduction des essais randomisés. Il préconise aussi le déremboursement des médicaments inutiles de ville et l’utilisation des économies ainsi réalisées pour financer  les médicaments chers à l’hôpital. Il semble ainsi assimiler le prix élevé des médicaments à leur qualité [7].

Malheureusement toutes ces affirmations sont fausses. Cela a été montré par diverses personnes et de divers points de vue.

En 2005 la revue Prescrire avait analysé 3096 médicaments introduits sur le marché français pendant 24 ans entre 1981 et 2005 : seulement 7 (0,23% ou un sur 529) avaient représenté un progrès majeur, 77 (un sur 40), un progrès substantiel, et environ 70% des médicaments n’apportaient rien voire étaient même dangereux pour certains. La revue constatait également une dégradation constante dans le temps de la qualité des nouveaux médicaments [8]. D’autres, comme Bernard Dalbergue, ont constaté cette même dégradation de l’intérieur : mise en coupe réglée des services « recherche » et « marketing » au bénéfice du service des ventes pour qui tous les coups tordus étaient bons pour dégager des marges. Cela s’est traduit, sur le terrain,  par la conviction que la puissance de la stratégie marketing pouvait faire de n’importe quel  médicament un blockbuster, ce qui a été démontré à plusieurs reprises avec une accélération au cours des dernières années, et par l’établissement du primat du marketing sur la recherche.

Par ailleurs, les essais contrôlés randomisés ne résolvent rien puisque les agences exigent au plus deux essais randomisés positifs pour accorder une autorisation de mise sur le marché à un médicament et que les laboratoires ont pris la liberté de ne pas publier les essais négatifs, tout en considérant que les données des essais leur appartiennent et en refusant de les communiquer aux chercheurs. Il est également très aisé de biaiser un essai. Il existe quantité de méthodes comme de sélectionner des patients jeunes et résistants, changer les critères de jugement en cours de route, faire des essais suffisamment courts pour que le défaut d’efficacité n’apparaisse pas, occulter les effets indésirables etc.

Etrangement,  ou logiquement, André Grimaldi, prend la défense de l’Avandia® ou rosiglitazone, un antidiabétique de GSK qui a été retiré du marché en raison de ses effets indésirables cardiaques en 2010 : « Ce qui est scandaleux, c’est qu’on apprend la publication de cette étude par les banques, puis par médias, pas par les agences ou les associations professionnelles. Ça me rappelle l’affaire de l’Avandia de GSK : en 2006, cet autre médicament pour le diabète, a été torpillé par un article l’accusant d’augmenter les risques d’infarctus. L’affaire vient de se conclure par un non-lieu pour le labo, mais les médias n’ont pas repris l’information et en attendant, le médicament a été mis au tapis au profit de ses concurrents. »  [9] . C’est étonnant comme point de vue pour un médecin.

En réalité GSK a plaidé coupable devant la justice américaine, y compris pour des charges criminelles, c'est-à-dire pour avoir provoqué le décès de patients en occultant ou falsifiant certaines informations [10].  Au total GSK s’est engagé à verser 3 Mds de dollars aux victimes et à la justice en 2012.La récente remise en cause des problèmes de sécurité de ce médicament ne s’oppose pas à ce jugement. La FDA a accepté de revoir le statut de l’Avandia sur la seule base d’une étude menée par le laboratoire, pourtant accusé de falsifications de données, alors que ces résultats s’opposent aux résultats de plusieurs dizaines d’autres études. Il semble que l’étude prise en compte par la FDA soit l’étude RECORD, c'est-à-dire la même étude, financée par le laboratoires, qui avait été reconnue comme de mauvaise qualité et falsifiée [11]. Les conflits d’intérêts sont également omniprésents au sein de la FDA.

John Buse, un professeur de médecine spécialisé dans le diabète (Caroline du Nord), avait fait des études pour le compte du laboratoire Smith Kline sur l’Avandia. En 1999 il avait exposé, lors d’un congrès, son inquiétude au sujet des graves risques cardiaques que faisait courir ce médicament. Il avait alors subi des pressions de la part de sa hiérarchie, sur l’incitation de cadres de GSK, pour se taire.  Steven Nissen, qui avait publié une méta-analyse montrant les risques cardiaques de l’Avandia, reçut la visite de plusieurs cadres de GSK, tentant de faire pression sur lui pour qu’il ne publie pas son étude.
Très récemment, encore, GSK avait « oublié » de signaler des dizaines d’effets indésirables graves et un décès de nourrisson concernant son vaccin contre le rotavirus, le Rotarix°. Occulter des effets indésirables c’est ce que les laboratoires appellent « aveugler » les agences [12]. 
Les méthodes de GSK n’ont, en réalité, rien à envier à celles de Servier.


Jean-François Bergmann a laissé passer le Vioxx et n’a pas vu les effets indésirables du Mediator

Jean-François Bergmann, d’abord, dont l’incompétence et les conflits d’intérêts ont motivé sa « démission » forcée de la vice-présidence de la commission d’AMM en décembre 2012 après dix ans à ce poste.
De fait on peut dire que JF Bergmann a eu beaucoup de chance  d’échapper à une mise en examen. Il est probable qu’il doive cette chance à ses talents de comédien car il a pris garde de faire profil bas et de dire combien il regrettait de n’avoir rien vu (« je m’en veux »).

JF Bergmann et sa compétence
Sa cécité concernant le Mediator a persisté pendant les dix années passées en tant que vice-président de la commission des autorisations de mise sur le marché de l’AFSSAPS, puis ANSM.

Tout en se présentant comme un éminent pharmacologue, ayant formé à lui tout seul la moitié du personnel de l’ANSM, il affirme que la raison principale de son absence de réaction, alors même qu’on lui signalait régulièrement des cas d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) en lien avec le Médiator  était que « le laboratoire n'a jamais admis la similitude pharmacologique entre l'isoméride et le benfluorex. ».
En tant que responsable et éminent pharmacologue il disposait pourtant de quelques petits indices qui auraient dû lui mettre la puce à l’oreille :

  1. Le benfluorex avait pour suffixe « orex » qui est le suffixe des coupe-faims, même si le laboratoire Servier le présentait comme un antidiabétique afin d’obtenir son AMM
  2. Il était le troisième médicament de la même famille, celle des fenfluramines, à avoir été accusé de provoquer des effets indésirables cardiaques et le deuxième à avoir provoqué un effet indésirable bien spécifique et reconnaissable, difficile à « rater » l’hypertension artérielle pulmonaire ou HTAP. A propos de cet effet indésirable il dit, avec pas mal de cynisme dans l’article : « Je m'en veux de ne pas avoir senti tout ça, en 2007, et appelé à une grande étude prospective. Il fallait du nez : à ce compte, pourquoi ne pas croiser la consommation de Toblerone et les entorses de chevilles ? »
  3. Pourtant, la première fenfluramine à avoir été retirée du marché pour avoir provoqué des HTAP était l’aminorex, un anorexigène, retiré du marché américain en1968. La deuxième était l’Isoméride ou dexfenfluarmine, dont la licence a été retirée en  septembre 1997 par la FDA aux Etats-UNis après qu’une troisième équipe de médecins, celle de la clinique Mayo, eut dénoncé publiquement des cas inquiétants de valvulopathies chez les patients prenant ce médicament.
  4. Le benfluorex, pour sa part, a un métabolite commun avec l’Isoméride, ce qu’un éminent pharmacologue ne pouvait ignorer {13]( Le méta­bo­lite actif prin­ci­pal du ben­fluo­rex, comme des autres fen­flu­ra­mi­nes, est la 3-tri­fluo­ro­mé­thyl amphé­ta­mine ou nor­fen­flu­ra­mine, l’amine de base qui a servi au déve­lop­pe­ment des autres com­po­sés. Le ben­fluo­rex lui-même est, par exem­ple, com­plè­te­ment méta­bo­lisé et n’est pas détec­ta­ble dans le plasma)
  5. En 1996, alors que JF Bergmann siégeait à la commission de la transparence, Lucien Abenhaim et coll publiaient dans le New England journal of medecine un article qui a fait beacuoup de bruit, confirmant la relation entre dérivés de la fenfluramine et HTAP [14]
Ajoutons que l'isoméride était un produit Servier.

JF Bergmann côté conflits d’intérêts : cas personnel et positionnement

Une recherche sur la base de données transparence santé permet de constater que JF Bergmann totalise 70 conventions entre janvier 2012 et le premier semestre 2015.

D’autre part, dans  un autre article on apprend que, tout en ayant des fonctions de régulation des médicaments au sein de cette commission qui avait des pouvoirs quasi discrétionnaires en matière de mise sur le marché de médicaments et de modification de mise sur le marché, JF Bergmann travaillait pour de nombreux laboratoires [15]. Qu’il a aussi fait placer son beau frère, Joseph Emmerich [16], à la tête d’un service très important de l’ANSM, ce qui a permis au dit Joseph, aussi blanc que son beau-frère Jean-François en matière de conflits d’intérêts, d’accéder aussi à la commission des médicaments à usage humain (CHMP) de l’agence européenne du médicament qui donne des avis sur la mise sur le marché des médicaments au niveau européen.

JF Bergmann a trouvé entretemps un emploi qu’on peut penser très bien rémunéré chez Prioritis [17] où son profil d’ancien membre de la commission d’AMM est bien mis en avant, ce qui est normal, puisque cette société a pour clients les compagnies pharmaceutiques, et pour activité le conseil stratégique et la constitution de dossiers pour les médicaments qui vont être évalués par les autorités régulatrices. C'est-à-dire qu’elle contribue à l’ « enfumage » dont JF Bergmann dit avoir été victime pendant qu’il occupait le poste de vice-président de la commission d’AMM.

Sur son positionnement vis-à-vis des conflits d’intérêts.

JF Bergmann assure qu’ils n’ont aucune influence sur les décisions prises dans les commissions. On ne peut pas dire que ce fut le cas pour le Rédux, version américaine de l’Isoméride dont Servier avait cédé la licence pour les Etats Unis à Wyeth. En effet, après un premier refus par une commission de mettre ce médicament sur le marché en 1995, un point de procédure fut invoqué par la hiérarchie de la FDA, au sein de laquelle se trouvait un medecin ayant travaillé pour Wyeth sur un autre anorexigène, Michael Weintraub, pour que se réunisse une deuxième commission recomposée qui donne, cette fois le feu vert. J’ai déjà dit que cette AMM fut retirée en 1997 en raison des effets indésirables du médicament.
JF Bergmann affirme aussi cumuler les conflits d’intérêts et en être fier.
Je pense que, d’un point de vue moral, qui est le cœur de la pétition, on a déjà connu des niveaux d’exigence plus élevés.

En conclusion, pour moi ne pas signer ce Manifeste des 30 est une question de cohérence. Je pense que les laboratoires Servier ne sont pas une exception. Il est probable que le Vioxx ait provoqué autant de morts ou plus en quelques années que le Mediator en 30 ans. Seulement, dans le cas du Mediator, la persévérance d’Irène Frachon, des coups de chance et des coups de force, ont empêché les autorités d’enterrer l’affaire comme elles tentaient de le faire.

Faire du Mediator et de Servier un cas à part et demander à des médecins perclus de conflits d’intérêts qu’ils ne renient pas de faire la morale à leurs confrères, revient à banaliser les conflits d’intérêts dans la communauté médicale. Cela comporte beaucoup plus de risques que d’avantages.


Notes

[8] Innovation en panne et prises de risques (en PDF)
[12] http://docteurdu16.blogspot.fr/2015/03/marisol-touraine-en-chef-du-lobby.html cf commentaire du premier avril « petit topo sur le vaccin contre le Rotavirus.




jeudi 27 août 2015

Le manifeste des 30.


Les pétitions comme les manifestes ont rarement pour but de défendre des victimes mais plus souvent   comme objectif de faire mousser les signataires. Il y a des exceptions que les historiens ne manqueront pas de citer pour montrer qu'ils sont au fait de l'exhibitionnisme hystérique qui est le nec plus ultra ou, plus précisément, le sommet des élégances en cette décennie de téléréalité.

Comme d'habitude en ce blog je vous propose d'abord de lire le fameux Manifeste des 30 : ICI.

Le texte est d'une rare naïveté, le contenu juridique en est pauvre et le prêchi prêcha moralisateur est d'un ridicule achevé. Mais, après tout, les bons sentiments ne faisant pas de la bonne littérature, il n'y a pas de raison pour qu'ils fassent de la bonne médecine ou de la bonne justice. J'ai retenu ceci : boycottons Servier.

Mais je commence par la fin et vous ne pouvez comprendre si vous ne saisissez pas d'emblée que ce texte est d'autant plus extravagant, il aurait pu être signé par le docteur Branchard ou le docteur Martin, braves médecins généralistes d'une province éloignée n'ayant jamais prescrit ne serait-ce une seule fois un comprimé de Mediator, ne recevant pas la visite médicale et dont les seuls congrès auxquels ils auraient participé auraient été celui des pêcheurs à la mouche, pour l'un, et celui des fans de Barbaby, pour l'autre, non, ce Manifeste est d'autant plus "étonnant" que certains des signataires sont des membres éminents de l'intelligentsia médicale, des membres incontournables de la parole divine et mandarinale, celle que l'on entend partout, de RTL à France-Culture en passant par France Inter et Radio Courtoisie, mais surtout de certains "vrais" gens qui ont tenu les rênes du pouvoir médical et touché les bénéfices, qu'ils fussent académiques ou pécuniaires, du lobby santéo-industriel. 

Ce que je vais dire signifie sans doute pour vous que je touche de l'argent de Servier, de Euthérapie ou de Biogaran ou que je me tamponne des victimes du Mediator comme de la moindre narcolepsie sous Pandemrix, mais vous auriez tort de le penser.

Ainsi, et je ne parlerai pas ici des philosophes et des personnalités engagées (sic) qui ont signé, je parlerai des médecins que je connais un peu pour les fréquenter, les lire et... supporter parfois leurs médiocres arguments et leurs contradictions. 

Commençons par le commencement : ce Manifeste, sans doute parce qu'il est pluridisciplinaire, s'extrait d'obligations légales pour les médecins (pour les philosophes et les personnalités engagées je ne connais pas la réglementation), à savoir, puisqu'ils parlent de médecine, de médicament et de firme pharmaceutique, ils se doivent de déclarer leurs liens d'intérêts (article L.4113-13 du Code de la santé publique). Que nenni, ils ne le font pas. Nous le ferons donc pour eux. Et comme ce Manifeste est signé par le président du Formindep dont on connaît la virulence en général et à juste titre à l'égard des liens et conflits d'intérêts (pour la différence ne pas demander aux mandarins), on se pose des questions existentielles sur la division de la conscience et sur cette entreprise de blanchiment.

Continuons en disant qu'il y a sans doutes des gens "bien" qui signent le Manifeste mais que le voisinage nauséabond de certains altère leur naïve bonté.

Le top des tops des signataires est sans doute Jean-François Bergmann. Homme bon que nous avons reconnu brillant dans l'affaire des traitements hyper chers et peu efficaces de l'hépatite C et qui fut, vous pouvez écarquiller les yeux, vice président de la commission de la transparence entre 1996 et 2001 puis président de la commission d'AMM de 2001 à 2011 ! En lisant cet entretien reproduit par le journal L'Express (LA) on reste pantois devant tant d'arrogance, de candeur et de "Je suis responsable mais pas coupable". Quand on regarde l'histoire des agences françaises on est stupéfait de constater que ses membres étaient tous éminents, compétents et non corrompus et, qu'en raison de ces qualités reconnues par tous, ils n'ont cessé de se tromper et de favoriser les industriels en laissant passer des produits douteux. Si vous voulez plus d'informations sur ce lanceur d'alerte qui a mis 16 ans à perdre son poste, à renoncer à ses avantages et a, à force de courage, bravé l'interdiction professionnelle, pour finir par pantoufler dans l'industrie (ICI), le blog Hippocrate et Pindare, en fin de billet, vous informera mieux : LA. On hésite, pour parler de cet homme, entre les termes incompétence et corruption.

Il y a aussi André Grimaldi. Il est diabétologue, il a beaucoup travaillé avec un autre groupe français Sanofi, concurrent de Servier en ce domaine, et, bien entendu, pas de lien d'intérêt déclaré. Lui, c'est un gars de gauche, le mandarin de gauche, donc, qui, sur France-Culture, trouve normal de travailler avec l'industrie, ce qui est loin d'être une tare, mais ne reconnaît pas que cela puisse l'influencer, ça, c'est moins bon. Le commentaire de CMT (ICI) enfonce le mandarin qui défendait Lantus et Avandia... contre les méchants. Quant à ses prises de position à l'égard des statines, elles feraient frémir un membre même le plus attentionné du Formindep. Toujours est-il qu'un mandarin de gauche payé par Sanofi propose le boycott des produits d'un concurrent...

François Chast fait aussi partie de la fine équipe, celle à qui le livre d'Even et Debré a porté ombrage (et, entre parenthèses, le Formindep l'a porté aux nues, ce livre, LA) et qui n'a pas supporté la gloire médiatique de ces deux mandarins chenus et, surtout, le tirages du dit livre... Chast, en bon commentateur d'études qu'il ne connaît qu'en seconde main, a des arguments très forts sur les vaccins, les génériques, et... le mediator (et je vous laisse méditer sur cette phrase, à la fois une accusation forte et une preuve flagrante d'incompétence : "Dès 1976, la direction du médicament au ministère de la Santé avait pointé le fait que c’était une amphétamine."). Il est heureux que Lucien Abenhaim n'ait pas signé ce manifeste. Et pourquoi pas Even ou Debré ? 

Dans le menu fretin il y a aussi l'inénarrable Gérard Bapt. Celui qui s'est autoproclamé lanceur d'alerte universel et qui n'a eu de cesse, quand la vertu l'a poussé à devenir chevalier blanc (à moins que cela ne fût l'inverse), de caviarder sa biographie afin de supprimer sa participation à un cercle de réflexion (non, ce n'est pas le Club de l'Horloge), le cercle Hippocrate, largement financé par les laboratoires pharmaceutiques (dont GSK et Sanofi) (ICI) et de faire aussi oublier ses liens particuliers avec Sanofi (LA).

Je pourrais parler d'Israël Nisand, pape strasbourgeois omnipotent de la gynéco-obstétrique, dont les liens d'intérêt avec les industriels de la pilule contraceptive sont connus (LA), qui n'a jamais signé de manifeste en faveur des victimes des pilules de troisième et quatrième génération pour lesquelles il était très chaud, qui impose la pilule contragestive pour des IVG tardives aux consultantes de son hôpital, et qui a fait des déclarations bruyantes sur la nécessité de la contraception involontaire chez les femmes.

Défendre les victimes du Mediator est une belle cause et le docteur Irène Frachon en a fait sa raison de vivre (je rappelle ici qu'en tout et pour tout elle est citée 12 fois dans Pubmed - LA -, ce qui ne témoigne pas d'une activité de recherche inouïe. ERRATUM : un commentaire signale qu'il y a 35 publications, voir ICI,  dont 7 en premier auteur, ce qui ne change pas grand chose) mais tous les moyens ne sont pas bons.

Défendre les victimes du Mediator, les quelques et trop nombreuses victimes du Mediator, est respectable. Faire croire que les laboratoires Servier, entreprise familiale non cotée en bourse, sont les seuls à utiliser des méthodes détestables dans l'industrie pharmaceutique alors que l'actualité récente est remplie de victimes beaucoup plus nombreuses émanant de grands groupes internationaux, est fallacieux.

Mais on ne m'enlèvera pas de l'idée que le procès Mediator a été mal engagé juridiquement et qu'il fallait, contre les avocats expérimentés de Servier, envoyer du lourd à l'abordage.

Boycotter Servier ? Certes, mais pourquoi pas Pfizer, et MSD, et Glaxo ?

Illustration : Réunion du concile de Trente à l'église Santa Maria Maggiore.



mercredi 26 août 2015

Rentrée.


Voici la (triste) rentrée :

  1. Prescription de PSA aux hommes de plus de 50 ans, et même avant, pour aller dans le sens de la logique floue des recommandations floues de l'Association Française d'Urologie.
  2. Remplissage des certificats alakhon pour que des femmes pratiquent la zumba, que des enfants jouent au badmington, ou que la crèche puisse administrer du paracetamol (en vente libre) à des enfants fébriles.
  3. Emmerdement maximum avec les ruptures de stock des vaccins pour les petits.
  4. Dépistage persistant du cancer du sein par mammographie pour les femmes entre 50 et 69 ans qui va continuer jusqu'à ce que mort s'ensuive mais certains médecins plus malins que les autres vont le proposer bien avant (pour sauver des vies !).
  5. Lecture désespérante des examens périodiques de santé, nuls par principe mais encore plus, dévoyés, car faits en dehors du parcours de soin : de l'argent public gaspillé pour honorer des entreprises privées.
  6. Installation avec l'aval des sociétés savantes de pneumologie et de scannerologie du dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs par pratique d'un scanner faibles radiations, ce qui va entraîner l'apparition d'une nouvelle spécialité : la nodulologie pulmonaire.
  7. Arrivée irrémédiable de la campagne de vaccination contre la grippe avec autant de pression médiatique grand public et autant d'incertitudes scientifiques.
  8. Poursuite des campagnes de vaccination contre le papillomavirus en toute impunité alors que le moyen de prévention idéal et (presque) absolu, le frottis vaginal, est trop pratiqué chez certaines femmes et jamais chez d'autres. 
  9. Impunité de l'INCa dont le rêve est d'inclure tous les patients atteints de cancer dans des protocoles qui permettront de valider des molécules inefficaces, dangereuses et coûteuses avec des patients qui seront contraints et forcés.
  10. Lancement encore et encore de la campagne pour la kinésithérapie respiratoire chez les enfants atteints de bronchiolite.
  11. Remplissage de certificats pour envoyer des patients en cure thermale inutile.
  12. Arrivée de l'ACS et de ses multiples complications bureaucratico-administratives.
  13. Déprescrire les anti Alzheimer chez les patients passés par les centres de mémoire.
  14. Cette liste est bien entendu non exhaustive...
  15. Et toujours Marisol Touraine égale à elle-même : mal informée, corrompue par le lobby santéo-industriel et toujours aussi arrogante.

mercredi 19 août 2015

Congrès de Médecine Générale en ligne.


MEDICAL DOCTORS...



Chers amis,

Nombre d'entre vous déplorent le fait que les congrès en général et les congrès de médecine générale  en particulier soient sponsorisés par des firmes pharmaceutiques, des firmes vendant du matériel médical, voire des produits de consommation ou par des agences gouvernementales non indépendantes. Mais comment faire autrement si l'on ne veut pas demander aux participants des sommes exorbitantes pour payer la location de salles, les organisateurs non scientifiques, les personnels d'encadrement, la nourriture, et cetera ? La liberté a un prix, dit-on, mais ce prix n'est-il pas trop cher à payer ?
Il importe avant tout que les informations circulent et qu'elles ne soient pas verrouillées par les organisateurs de ces congrès qui sont souvent des sociétés savantes qui fonctionnent comme des groupes humains normaux c'est à dire avec pouvoirs, préjugés, anathèmes, et cetera.
Cela dit, il ne faut pas négliger l'intérêt des congrès physiques et de leur convivialité : rencontrer DVR (dans la vie réelle) des gens que l'on a aperçus sur le web ou que l'on a lus ou avec qui on a argumenté.... sans compter le reste.

Nous disposons d'un outil évident : le web.

N'entrons pas dans les détails techniques qui sont pourtant consubstantiels à une organisation réussie et qui préfigurent le succès ou non de telles entreprises mais essayons de définir les objectifs  et les moyens.

Il est évident que le fait que je propose cela (et je ne dois pas être le premier indépendant à le faire) ne me met pas en première ligne comme initiateur, et cetera, je lance l'idée et je ne fais pas cela pour être celui qui a lancé l'idée mais pour qu'elle se réalise...

Donc, il sera nécessaire que tous les habitués du web offrent leurs tweets et surtout leurs blogs pour populariser cette future organisation. Quant à ce blog il cessera d'être le relai quand une structure se mettra en place. Il s'autodétruira à la convenance de tous.

Organiser un congrès de médecine général virtuel demande donc des compétences techniques que je n'ai pas et une définition des objectifs et des moyens.

Il ne s'agit pas non plus d'un congrès consensuel qui aurait pour but de faire passer des messages convenus.

Il ne s'agit pas plus de se mettre à dos les sociétés savantes de médecine générale dont je n'ai jamais cessé, au delà des critiques ici ou là, de louer le travail et dont j'ai toujours déploré leur morcellement.

Il ne s'agit pas non plus de se couper de la médecine de spécialité (la médecine générale, par définition fait de la médecine de spécialité) mais de la faire participer, des spécialistes en tant que médecins généralistes.

Pas plus que de se démarquer des autres professionnels de santé, terme vague et volontiers confusant, qui pourront participer es compétences à tout cela.

Tout est possible.

La ligne est donc ouverte pour vos désirs : dans un premier temps sous la forme de commentaires sur ce blog mais, je l'espère, très rapidement sur un espace plus convivial.

On peut, de façon informelle, tenter de définir les objectifs, les souhaits, les buts et aussi : la forme, le type de communications, les débats, et cetera. Aucun sujet n'est interdit et ce d'autant plus qu'ils sont polémiques.

J'ai des idées mais je les exposerai comme tout un chacun dans les commentaires.

Merci pour la médecine générale.

PS. J'avais écrit sur une Assemblée constituante de la médecine générale (ICI) et je n'ai reçu que des échos polis.



mercredi 22 juillet 2015

Bon anniversaire au docteur C. Bonne retraite au docteur C.


Le samedi 27 juin 2015 le docteur C a fait sa dernière demi-journée de consultation en tant que remplaçant dans le cabinet de médecine générale qu'il a créé en 1965.
Et même ses dernières consultations en tant que médecin généraliste.
J'étais l'associé du docteur C depuis le 5 septembre 1979 et il était devenu mon ex associé fin décembre 2001 (à l'époque on ne pouvait prendre sa retraite et continuer de travailler). Il ne sera plus mon remplaçant pas plus que celui de ma nouvelle associée.
On pourrait dire en riant que la CARMF et l'URSSAF l'ont tuer.


Je l'ai connu en juillet 1979. Son associé d'alors partait sous d'autres cieux.
"C'est toi qui vas remplacer B ?
- Oui.
- T'as l'air sympa. Tu commences quand ?
- Ben...
- Début septembre."
On s'est vus cinq minutes. Pas d'interrogatoire sur mes antécédents, pas de repas au restaurant, pas de bla bla sur la conception de la médecine. Rien. Pas plus que mes idées politiques, ma religion ou mes idées sur la sexualité des coléoptères en Basse-Provence. Il avait pourtant eu des expériences difficiles avec des associés. Confiance. J'ai donc commencé le 5 septembre 1979. (Nous avons travaillé en association simple, avec partage des frais, nous avions une secrétaire -- nous en avons eu trois en 36 ans --, nous n'avons jamais eu une discussion sur les augmentations, les départs en vacances, nous étions toujours d'accord)

Le docteur C était tout ce que les jeunes générations de médecin devraient détester, la pratique à l'ancienne, beaucoup d'heures, pas d'EBM, pas d'Education Thérapeutique, pas de... Mais attendez la suite.
Il travaillait beaucoup, il faisait beaucoup de visites à domicile, il prescrivait beaucoup d'antibiotiques, il recevait la visite médicale, il aimait les stylos, les blocs, les post-it, les règles, les gommes, les buvards, les gadgets en tout genre, les speculums d'oreille de toutes les couleurs, les bonbons Haribo/labos, il mangeait parfois au restaurant avec les labos, il fréquentait des FMC sponsorisées, il travaillait énormément mais sans être investi d'une mission spéciale, il n'avait ni la vocation, ni le feu sacré, il aimait son métier, il aimait parler avec les patients, les patientes, les adolescents, les enfants, les nourrissons, on lui reprochait de passer trop de temps en consultation, il recevait donc visiteurs et visiteuses qui attendaient dans le couloir, la salle d'attente s'impatientait, mais c'était le docteur C, celui qui pouvait passer trois quart d'heure avec un patient quand la salle d'attente était bondée, lui qui avait un contact charnel avec les enfants qui l'aimaient spontanément, qui ne se posait pas de questions existentielles sur le rôle de la médecine, des médecins et du système de santé, qui avait une clientèle ouvrière et immigrée (au début c'était un peu différent mais ce n'est pas le lieu d'écrire l'histoire du Val Fourré), qui faisait du social sans en avoir l'air, du social en en ayant l'air, et cetera. Il était aussi abonné au Quotidien du Médecin, et cetera.
C'était le médecin alapapa qui exerçait une médecine alapapa selon les données de la science de l'époque. Ou presque (1).

Mais il m'a appris tellement de choses...

Il disait aussi ce qu'il avait envie de dire.

Il ne faisait confiance à personne. Il disait le chirurgien spécialiste des abcès de paroi post opératoires, l'ORL opérant toutes les cloisons nasales, le cardiologue qui passait à côté des diagnostics d'infarctus, le généraliste qui prescrivait de la merdre, le pneumologue qui aimait trop le kenacort retard, l'urologue qui opérait les mouches de leur prostate, le dermatologue qui ne savait pas écrire shampooing, le pédiatre qui passait à côté des retards psychomoteurs, la gynécologue médicale qui n'y connaissait rien en médecine générale, le chirurgien qui ne supportait pas les appendices saines en fosse iliaque droite, le spécialiste qui exerçait en réseau de soins informel fondé sur l'appartenance au Rotary et au fric, le généraliste qui acceptait les caisses de champagne du chirurgien parisien, le radiologue nul, et cetera.

Il ne respectait pas les médecins (et les spécialistes en tant que tels), il ne les respectait que lorsqu'ils faisaient le boulot.

Quand je suis arrivé en 1979, j'avais autant d'expérience en médecine générale qu'un bébé de trois mois.
A Cochin où j'ai fait mes études on ne m'avait jamais parlé de médecine générale sinon pour s'en moquer.

Il m'a appris le contact, les sourires, l'empathie, la sympathie, la détestation aussi, dire la vérité aux malades, ne pas la dire, dire la vérité aux non malades, ne pas la dire également, ne pas en faire une maladie si le malade ne payait pas, ne pas faire payer trois consultations (le tiers payant n'existait pas) pour la mère de famille isolée dont les trois enfants étaient malades, il m'a appris la clinique douce, le fait de ne pas déshabiller un enfant quand c'était nécessaire de ne pas le faire, il m'a appris à écouter des gens qui n'avaient rien à dire, des gens qui, au contraire, avaient trop à dire, il m'a donné envie de comprendre, il m'a aussi donné envie de ne pas me contenter du quotidien et de l'expertise, de garder son libre arbitre, de ne pas croire les spécialistes et les experts, et de ne pas croire automatiquement ceux qui les contestaient.

C'est cela : il détestait qu'on lui raconte des histoires.

J'ai rapidement compris, à partir de 1979, il ne faisait pas de déclarations péremptoires mais il distillait que la majorité des appendicectomies était inutile (2), que les paracentèses étaient un geste barbare dont le seul intérêt était de remplir les poches des ORL (sans compter les fameux yoyos), que la résection de prostate était une entreprise commerciale, que la gynécologie médicale était une imposture, que les mammographies n'étaient pas  généricables (il envoyait ses patientes de Mantes chez Villemin rue Barbet de Jouy) alors que le concept de générication n'existait pas encore (ce qui nous valut, à lui comme à moi, des menaces des radiologues de Mantes de dénonciation au Conseil de l'Ordre pour concurrence déloyale), que la chirurgie molle n'était pas non plus généricable, que la chirugie carcinologique était opérateur dépendante, que pendant une période il ne fallait plus adresser les cancers du sein à St-Cloud où l'on n'avait toujours pas compris que le Halsted ne servait à rien, que les pédiatres ne savaient pas parler aux enfants, qu'il fallait bannir le vaccin polio oral (un de nos collègues exerçant à 50 mètres de notre cabinet n'avait pas écouté nos conseils et son fils avait fait une paralysie sciatique post vaccinale), que le Vectarion était une merdre (première déclaration de pharmacovigilance par nos soins d'effet indésirable neurologique périphérique enterrée par tout le monde), et cetera.

Je ne parlerai pas de ses défauts.

Je dirai aussi qu'il m'avait dit que mon blog ne correspondait pas toujours à ce que je faisais en pratique. Et il avait raison.
Il était direct : quand j'avais fait une prescription qui ne lui plaisait pas, il me le disait, quand j'étais passé à côté d'un diagnostic il me le disait, il mettait même des mots, des annotations dans le dossier, des réflexions, des suggestions.

Je parlerai des conditions de sa retraite en décembre 2001.

Quelques mois auparavant il avait eu droit à une agression à main armée, le pistolet sur la tempe pendant qu'on allait vider ses cartes bleues, des jeunes du quartier... qui furent arrêtés, jugés, emprisonnés... relâchés et se repointant comme des fleurs au cabinet...
Sans compter les insultes antisémites quelques années auparavant (c'était la première guerre du Golfe) puis quelques années après (Edwy Plenel et Tariq Ramadan avaient piscine ce jour là), les "Sale juif" à la sortie du cabinet.
Mais j'ajoute que l'antisémitisme chrétien ne l'épargna pas non plus lors de son installation quand on ne le reçut pas chez les bourgeois de Mantes comme chez les réacs locaux du Conseil départemental de l'Ordre.

Puis, bien plus tard, il avait travaillé avec un "vigile" pour assurer notamment sa sortie du cabinet, le soir.

Nous avions vu passer les prescriptions de palfium pour les toxicomanes, nous avions vécu les décès par overdose, nos propres patients, puis l'arrivée de la substitution...
Il y avait eu un incendie au cabinet (l'odeur de suie nous poursuivit pendant des années) dont on se douta sans preuves de l'origine criminelle.
Puis un jour il y avait eu une embrouille entre des djeunes et le gardien et la voiture du docteur C avait été vandalisée (franchement vandalisée).
C'était la goutte... Il s'était donc arrêté.
C'était fin 2001.

Il était persuadé qu'il ne retravaillerait plus.

Puis, quand, en raison du début de raréfaction des médecins, il a été possible de reprendre une activité en tant que retraité, il a recommencé et fait des remplacements. Des remplacements chez des confrères et en son cabinet.
J'ai ainsi compris que l'on pouvait exercer dans le même périmètre, dans la même zone de chalandise, avec, en théorie, les mêmes pathologies et faire différemment, avoir des prescriptions différentes, des correspondants différents, et cetera.

J'ai appris à son contact des choses dont on ne parle jamais ou qui font suer les prescripteurs, c'était avant l'arrivée des premiers génériques, savoir si un comprimé est vraiment sécable, si les blisters sont ouvrables facilement, si les comprimés sont en vrac ou non, puis il y eut l'arrivée des premiers génériques, si je me rappelle bien, les amoxicilline, que la prescription était un geste raisonné et qu'il n'était pas possible de balancer un malade chez le pharmacien, qu'il valait mieux connaître l'aspect de la boîte des médicaments (surtout avec une clientèle majoritairemant analphabète à partir des années 90), l'aspect des comprimés, le goût des sirops (ce qui comptait, c'était la prise de l'antibiotique, pas la prescription), et nous savions que le goût d'amoxicilline le meilleur c'était celui de l'hiconcil et de l'amodex, que le clamoxyl, c'était moyen et que le générique de chez Fabre, c'était à vômir... qu'une cuillère mesure d'hiconcil 500 c'était plus amer que deux cuillères mesures d'hiconcil 250...

Je vous parle d'un temps où l'on vaccinait les nourrissons en visite, où l'on se dérangeait pour une angine, où l'on prolongeait, renouvelait, et cetera...


Mais j'ai appris en visite comment vivaient les gens, les conditions d'hygiène, la salle d'eau, la cuisine, le lit des enfants, l'équipement des ménages, tout ce que certains médecins et les robots veulent et peuvent ignorer : la vie non malade.

Le docteur C eut des merdres personnelles, de grosses merdres.

Et ainsi a-t-il cessé d'exercer et aura-t-il 79 ans en ce 22 juillet.

J'ajoute que nous nous sommes engueulés une fois en 36 ans. Pas mal, non ?

Bon anniversaire.

J'aurais dû écrire un texte en alexandrins
Il le faisait parfois dans les dossiers malades

Trop dur.

Je t'embrasse, Pierre.



Notes :

(1) Imaginez un peu la vie de ces anciens qui acceptaient tout, qui acceptaient les gardes de nuit, qui acceptaient des consultations sans rendez-vous, qui acceptaient des salles d'attente bondées, qui acceptaient sans barguigner de prescrire des antibiotiques dans les rhino-pharyngites, des antibiotiques dans les angines non streptococciques, des antibiotiques dans les bronchites aiguës, des antibiotiques dans les otites moyennes aiguës, qui faisaient des diagnostics de sinusite avec autant de fréquence que des diagnostics de pendulums, qui faisaient des diagnostics d'appendicite à la volée et qui, en plus, les envoyaient chez le chirurgien, qui prescrivaient des radios pour un oui ou pour un non sans se poser de questions, qui accordaient des arrêts de travail à la demande, qui adressaient des patients à des spécialistes en écrivant des mots sur un coin de table, qui vaccinaient à tours de bras, qui faisaient des visites à domicile de convenance, qui acceptaient les invitations des visiteuses médicales, qui se formaient dans des réunions sponsorisées par des laboratoires, qui lisaient le Quotidien du Médecin et pas seulement pour les locations de vacances, qui recevaient Impact Médecin en ne le jetant pas à la poubelle, qui travaillaient plus de sept heures par jour, qui faisaient de leur femme la secrétaire du cabinet, qui trônaient au Rotary en compagnie du pharmacien et du notaire, qui croyaient dur comme fer que le Halstedt n'était pas un geste dégradant, qui pensaient que la paracentèse était toujours justifiée, qui prescrivaient des phlébotoniques, des vasodilatateurs artériels, du déturgylone et / ou du lipanthyl, des vitamines B1 B6 B12, de la calcitonine dans les syndromes algodystrophies, des hormones oestroprogestatives aux femmes ménopausées, des séances de kinésithérapie respiratoire en cas de bronchiolite, sans compter de la ventoline sirop, du stediril aux jeunes femmes pour prévenir les kystes de l'ovaire, du magnésium aux femmes spasmophiles, de la cystine B6 pour enrayer les chutes de cheveux, des céphalosporines dans les syndromes viraux, qui conseillaient aux mamans de coucher leurs nourrissons sur le ventre, de donner des biberons à heure fixe, de prescrire du talc en cas de varicelle, de l'aspegic 100 en cas de fièvre, qui prescrivaient des sirops aux enfants de moins de deux ans, qui croyaient que les vincamines amélioraient les performances cérébrales, qui adressaient des femmes pour qu'on leur enlève leur utérus ou qui laissaient des obstétriciens envever des utérus comme des lipomes...
(2) Je rappelle pour les incrédules que la France a toujours été la championne des appendicectomies  dans l'OCDE (300 000 par an en 1990 et 83000 en 2010) avec des taux de péritonite identiques, qu'encore actuellement on en pratique 140 pour 100 000 habitants contre 40/100 000 au Danemark, peuplade isolée du nord de l'Europe). Voir ICI.
(3)
  • On sait depuis un essai randomisé néerlandais (pays d'Europe où l'on prescrit le moins d'antibiotiques et notamment dans l'OMA) datant de 1981 (!!!) (2) et comparant en aveugle antibiothérapie seule, placebo seul, myringotomie + antibiotiques et myringotomie + placebo, qu'à trois mois il n'y avait aucune différence entre les groupes sur le critère audiogramme. Et pourtant la France était championne des paracentèses et de l'antibiothérapie systématique dans les OMA (ou prétendues OMA).
Illustration : le livre préféré du docteur C