mardi 8 mars 2016

Le professeur Agnès Buzyn nommée Présidente de la HAS. La victoire de big onco.



La nomination du professeur Agnès Buzyn à la tête de la HAS est sans doute ce qui pouvait arriver de pire pour la Santé publique française.

"Quand il y a une connerie à faire, Hollande n'est jamais loin et Touraine est sur la photo."

Que la papesse en chef de l'Eglise de Dépistologie soit nommée à la tête de l'Agence la plus importante du système de santé français en dit long sur la volonté du lobby santéo-industriel à changer les choses...

Issue de l'INCa, Institut National du cancer, agence gouvernementale défendant la dépistologie pure et dure, scientifique qui n'avait pratiquement jamais entendu parler du possible rôle néfaste des dépistages organisés, du problème aigu du sur diagnostic et du sur traitement, et qui, nous le rappelle Christian Lehmann (ICI) en citant Mediapart, déclare, en substance, que les seuls vrais experts, les experts compétents, sont ceux qui participent aux boards de l'industrie pharmaceutique et qui se déplacent dans les congrés tous frais payés par cette même industrie en se faisant rincer midi et soir par ces mêmes industriels. 

Elle est donc adepte de la théorie Bruno Lina qui, se vantant de manger à tous les rateliers, prétend que "Trop de corruption tue la corruption." : quand on a le ventre plein on ne se rappelle pas qui l'a rempli.

On nous avait promis "plus jamais ça" après le scandale du Mediator, on nous avait promis que la nomination de Dominique Maraninchi, issu du milieu de l'oncologie, à la tête de l'ANSM allait permettre de nettoyer les écuries d'Augias... Peine perdue.


Mais cessons de plaisanter, l'heure est grave : nommer une hématologue, une onco-hématologue, à la tête d'une Agence gouvernementale c'est comme donner la Légion d'Honneur à un prince saoudien ou  voir sièger un représentant de la Mauritanie à la Commission des droits de l'homme de l'ONU...

Car l'oncologie est la quintessence de ce qu'on peut trouver de pire en médecine dans le domaine des essais cliniques comme dans celui de la protocolisation des traitements ou, tout aussi dramatiquement, sur l'entrée du privé dans le service public comme dans le cas de l'Institut Gustave Roussy.

Nul doute que vous n'apprendrez pas de la bouche d'Agnès Buzyn que les 71 dernières molécules labellisées par la FDA dans le domaine de la cancérologie augmentaient en moyenne l'espérance de vie des patients de... 2,1 mois ! (Voir LA)

Cette nomination est aussi l'aboutissement du modèle américain avec contrôle direct de la FDA par l'industrie pharmaceutique. Les US l'ont fait, nous suivons.

La déclaration des effets secondaires en oncologie est également considérée comme peu pertinente.

Les premières déclarations de Madame Agnès Buzyn sur les liens et conflits d'intérêt entre experts et industrie pharmaceutique n'annoncent rien de bon mais surtout démontrent la formidable impunité dont elle croit disposer en déclarant d'emblée que l'intelligence des experts est corrélée à leur degré de dépendance à l'égard des industriels.

Nous nous préparons des jours difficiles.

PS (du 14 mars 2016). Voici le lien avec les 126 publications d'Agnès Buzyn recensées dans PubMed. ICI.
PS (du 14 mars 2016). Un article de Aurélie Haroche  qui cite Christian Lehmann et moi-même. LA.

jeudi 3 mars 2016

Une gifle. Médecine générale pratique, situations inattendues et incertitude. Histoire de consultation 189.



La petite A, 4 ans, est venue consulter avec ses deux parents pour se faire vacciner. 

Pour ceux qui  pensent  honnêtement, les autres se reconnaîtront (je ne peux rien faire pour eux), que les médecins généralistes ne servent à rien, je vais me permettre de commenter une fois de plus des faits simples de consultation, une situation banale (j'ai déjà rédigé 186 histoires/situations de consultation), c'est à dire souligner ce que notre pratique présuppose en aval de notre rencontre avec un ou des patients, en termes de réflexion, de préparation, d'attention non seulement aux "dernières données de la science" mais aussi aux phénomènes sociétaux et à la façon dont les citoyens perçoivent leur état de santé et le rôle supposé qu'ils attribuents à la médecine et aux médecins, ici les médecins généralistes. 
Les médecins généralistes que nous aimons et que nous fréquentons tentent d'être conscients de leur rôle majeur en Santé publique, c'est à dire au courant non seulement de ses enjeux (scientifiques et sociétaux) mais aussi de ses limites (c'est à dire la vanité paternaliste de faire le bien à tout prix de patients ou de citoyens tous différents et tous plongés dans une histoire rêvée qui serait celle d'une médecine exacte et unique). 
Je rappelle également que mes liens d'intérêt sont les suivants : tenter de pratiquer l'Evidence Based Medicine (voir LA) en essayant de partager la décision de soins ou de non soins, ce que l'on appelle La prise de décision partagée en médecine générale (voir ICI l'excellent billet de JB Blanc sur la question).   

Il s'agit de la vaccination contre la méningite C. Je n'ai pas eu l'initiative de cette prescription mais c'est moi qui ai prescrit le vaccin.

Méningite C : vous avez sans doute lu le billet de CMT (voir ICI) et si vous ne l'avez pas lu il est encore temps de le faire.  Ainsi suis-je  dubitatif sur la question.  Et ainsi ne proposé-je jamais cette vaccination.
Les parents : lors d'un consultation précédente ils ont souhaité que leur fille soit vaccinée contre la méningite C et je leur ai dit ce que vous avez lu dans le billet de CMT, à savoir, en substance, que cela ne protégeait pas contre toutes les méningites, que ce n'était donc pas parce qu'elle avait été vaccinée qu'il ne faudrait pas s'inquiéter de symptômes pouvant évoquer une  méningite et que les preuves scientifiques de son intérêt n'étaient pas suffisamment étayées. Les parents, et je ne leur ai pas demandé qui les avait convaincus de le faire, ont maintenu leur décision et j'ai donc prescrit le vaccin.
La prescription : on pourrait s'étonner que je "cède" et considérer cette soumission à une volonté de la patientèle comme une manifestation de clientélisme ou à un renoncement lié  à une certaine fatigue. Et se dire aussi : tout ça pour ça. Se poser autant de questions pour finir par rendre les armes. Disons, pour faire vite, que la prescription de ce vaccin ne met en danger ni la santé de cet enfant, ni la santé de son entourage proche ou éloigné, enfin, dans l'immédiat (1).

La maman affirme haut et fort que la vaccination va bien se passer et le papa acquiesce. J'ai noté dans le dossier le comportement anxieux de l'enfant lors de ses dernières visites au cabinet (les parents n'ont pas choisi de "médecin traitant" pour leurs enfants entre mon associée et moi). Elle n'est jamais facile à examiner et c'est plus facile dans mes souvenirs quand elle vient seule avec son papa. Mais il s'agit d'une vaccination, c'est plus anxiogène encore. Je demande aux parents si elle a été prévenue les jours précédents qu'elle allait se faire vacciner. Ils me disent que non. Le visage de A se ferme. 

C'est une question difficile, prévenir ou non les enfants, et ma réponse est le plus souvent celle-ci : "Il faut toujours prévenir un enfant qu'il va être vacciné, et, plus généralement, il faut toujours prévenir un enfant de ce qui va lui arriver (de façon raisonnée, appropriée, en fonction des enjeux, des risques, des conséquences, cela va sans dire)." C'est plus correct. Quel que soit l'âge de l'enfant ! Même chez un nourrisson. Je me rappelle cette maman qui m'amenait son bébé de onze mois pour une vaccination, une maman qui me connaît depuis une bonne dizaine d'années, et à qui je demandais : "Vous lui avez dit qu'il allait être vacciné aujourd'hui ?" et elle, souriante, "Oui, hier soir, et il n'a pas dormi de la nuit." (2)

Nous choisissons d'un commun accord la position assise sur les genoux du papa. Mais cela ne calme pas la petite qui bouge dans tous les sens et vient le temps des bonnes paroles de réassurance. Je me recule un peu, le coton alcoolisé à la main, je parle, je temporise, je raconte une histoire d'Allan, et, tel un coup de tonnerre dans un ciel serein, la maman colle une violente gifle à sa fille... en lui disant : "Finie la comédie !"
"Madame B !"
Je suis interdit. "Elle l'a méritée." dit la maman.  Le mari ne dit rien, n'exprime rien puis : "A, il faut te tenir tranquille." La petite pleure sans en faire trop.
Comment dois-je intervenir ? "Il ne faut pas faire quelque chose comme cela...", je finis par dire. "Ce n'est pas bien..." La maman n'est pas contente comme s'il ne s'agissait pas de mes affaires. "Une petite gifle, ça peut faire de mal à personne... Vous n'en avez jamais donné une à vos enfants ? - Non."

Que faites-vous ? Vous faites un signalement ? Vous passez à autre chose ? Je ne signale pas mais je parle. Je ne signale pas car je connais une grande partie de la famille : les parents, les beaux-parents, les frères et les soeurs et même les cousins et les cousines. Cette enfant n'a aucune marque sur le corps, cette enfant n'est pas apeurée quand j'approche mes mains de son visage, elle a tout juste peur de la vaccination, de la piqûre, mais elle n'a pas peur de moi. Je sais qu'en ces circonstances certains de mes confrères interviendraient. Je crois que je vais pouvoir gérer. Avec l'aide également de mon associée qui est toujours de bon conseil en ces circonstances. Est-ce que cela sera bénéfique pour l'enfant d'envoyer la cavalerie (le médecin de PMI, les assistantes sociales...) ? Ce n'est pas, attention Freud et ses épigones ne sont pas loin, l'anxiété de l'enfant qu'il faut envisager mais celle de la maman et aussi celle du papa qui accepte sans rien dire. Faut-il que je soupçonne que lorsque je ne suis pas là cette enfant prend des coups ?



Cette consultation s'est passée avant les vacances de février. J'en ai parlé à mon associée qui n'a pas eu l'air inquiète : elle connaît également le contexte familial proche et éloigné ? Mais nous serons vigilants.

Au retour des vacances, dans la voiture, sur l'autoroute, en conduisant, j'entends un entretien entre Laure Adler et François Cluzet (Emission Hors-Champs, voir ICI). Propos convenus sur le rôle du comédien, de l'acteur... Et tout d'un coup François Cluzet explose : il explose contre Bertrand Cantat, il le traite de tous les noms avec une rare violence, Bertrand Cantat, c'est celui qui a tué Marie Trintignant (avec laquelle François Cluzet a eu un enfant), et il rappelle d'un ton sévère que le rapport d'autopsie a indiqué qu'il avait porté contre elle dix-sept coups mortels... Dix-sept coups mortels, répète-t-il. Il ajoute qu'il a eu l'envie de le tuer. Qu'il n'a plus envie de le tuer car cet homme a aussi des enfants. Mais la suite : François Cluzet rappelle les violences faites aux femmes et parle du "dernier mot". Selon lui les hommes qui frappent veulent avoir le dernier mot. Je suis au volant, il y a du monde, et je manque de faire une embardée. Le dernier mot pour empêcher les femmes de s'exprimer. Et dans le cas de cette maman, merci de ne pas penser que je fais un parallèle osé, elle a aussi voulu avoir le dernier mot. Sans doute par impuissance ou par incompréhension de sa fille : elle ne sait pas comment elle fonctionne. Et qui pourrait dire qu'il est facile de savoir comment fonctionne  une enfant de quatre ans ?

J'ajoute que cette consultation, le vaccin a été fait, la petite fille a ressenti, comme on dit, plus de peur que de mal (mais est-ce vraiment rassurant ?), n'était pas la seule de la journée (une des trente de la journée sans doute, et les vingt-neuf autres soulevaient tout autant de problèmes, peut-être pas aussi aigus, mais tout aussi "interrogeants" sur le rôle du médecin généraliste...) et qu'elle rend compte de l'intérêt et de la difficulté de la médecine générale pilotée par des médecins généralistes conscients ou non des conséquences souvent inenvisageables du moindre de leurs actes, de la moindre de leurs paroles, médecine générale réceptacle de toutes les peurs et de toutes les envies sociétales... 

Sans en avoir l'air nous avons abordé, durant une seule consultation, les sujets suivants : les valeurs et préférences des patients dans le cadre de l'EBM, la validité/non validité de la vaccination contre la méningite C, les sévices corporels chez l'enfant, la violence faite aux femmes, le respect des enfants (et je n'ai pas abordé le problème du tutoiement des enfants), l'information des enfants (qui doit, à mon sens, commencer dès les premiers jours de la vie), la distance et la proximité  à garder vis à vis des parents et des enfants, l'expérience interne des praticiens, la lecture des articles informés, les recommandations officielles, la liberté de prescription, la clause de conscience des praticiens, l'information éclairée, la prise de décision partagée en médecine générale, la prise en charge instantanée et longitudinale du patient ou non patient en médecine générale, le rôle de l'environnement familail et sociétal dans la construction des options de soins, les implications des situations transférentielles/contre-transférentielles... je m'arrête là. On comprend qu'un jeune médecin, devant la complexité de ces tâches et, souvent, en raison de sa non formation pour les appréhender (en sachant que l'expérience interne du praticien, et pas seulement sa lecture de la littérature ou la capacité à faire des actes techniques, à bien parler, expliquer, refuser, accepter, s'acquiert avec le temps en fonction bien entendu des lectures médicales, de l'habileté personnelle mais aussi et sans doute surtout par les lectures extra médicales et par l'expérience de la vie en général), et surtout de sa non formation à la prise en charge de l'incertitude (la noter, l'accepter, ne pas la prendre pour une incapacité ou comme une erreur, la gérer donc, la faire partager sans angoisse aux patients, et cetera...), ait envie de renoncer à pratiquer la médecine générale ou, au contraire, soit excité par ses enjeux (optimiste, trop optimiste)...

La médecine générale, c'est la vie... avec un peu de médecine.


Notes :
(1) Cette situation, prescrire à la demande du patient, est donc à contextualiser : prescrire des antibiotiques dans une maladie virale à la demande du patient ("chez moi, ça se transforme toujours en bronchite, docteur") n'est pas la même chose que prescrire des antibiotiques dans une otite moyenne aiguë à un enfant de huit ans à la demande des parents (le médecin : "les antibiotiques ne sont pas obligatoires dans cette situation, il existe des études... bla bla... et je reverrai le tympan de votre enfant demain") et exige une information éclairée de la part du praticien (cf. supra "La prise de décision partagée en médecine générale" sur le blog de JB Blanc : LA). Il existe aussi des situations où l'éthique du médecin est en porte-à-faux. Faut-il toujours respecter les valeurs et préférences des patients ?
(2) La phrase la plus communément entendue dans un cabinet est celle-ci : " Si tu n'es pas sage, le docteur va te faire une piqûre !" C'est bien entendu d'une sottise absolue mais l'analyse de cette phrase mériterait une thèse de sociologie ! Ainsi la vaccination serait-elle une obligation douloureuse. Ainsi le médecin devrait-il se substituer à l'autorité parentale pour punir a priori. Et le reste...

dimanche 7 février 2016

Ce que je vous raconte est vrai. Histoires de consultation 188, 188 bis, 188 ter et 188 quater.


Ce que je vous raconte est vrai. Comme d'habitude je transforme les choses pour préserver le secret mais vous pouvez considérer que ces transformations ne dénaturent pas le fond des affaires. C'était un samedi matin entre 8 h 30 et 15 h 15.




Madame A, patiente dont je suis le médecin traitant depuis de très nombreuses années, a toujours été exigeante. Elle m'appelle vendredi à 16 heures. "J'ai une angine, donnez moi un rendez-vous demain." Heu, nous avons déjà refusé, ma secrétaire ou moi, environ dix rendez-vous pour ce samedi... Je la mets "entre deux", après deux rendez-vous pour deux membres de la même famille (1)... Elle arrive un peu en avance. Je la reçois. Elle "fait" sa classique bronchite "sifflante" de l'hiver. Jusque là tout va bien. Puis, après que j'ai rédigé la prescription et que l'ordonnance est sortie de l'imprimante, elle me demande son ordonnance de "renouvellement". Ma grimace est éloquente. "Vous ne pouviez pas me le dire avant ?" J'ajoute que son ordonnance de fond n'a pas de rapport avec la pathologie précédente. Et elle sort de sa main un papier où elle a inscrit des médicaments "qu'elle voudrait bien que je lui rajoute sur l'ordonnance" et je lis : "Dafalgan, doliprane et nurofen flash". Ouaf ! Je lui explique, la patience a des limites, qu'il n'est pas possible d'inscrire dafalgan et doliprane sur la même ordonnance car il s'agit de paracetamol, il faut donc choisir et je lui indique que nurofen flash n'est pas remboursé (2). Elle fait une (grosse) grimace. Je finalise l'ordonnance et elle ajoute : "Mettez quand même nurofen flash, c'est pour ma fille". Mais, chers lecteurs aussi impatients que moi que la consultation se termine, ce n'est pas fini. Elle a aussi besoin d'un renouvellement de certificat pour la salle de sport ! Moi : "Madame A, vous me demandez un rendez-vous en urgence, je vous trouve une place entre deux patients, vous en profitez pour me demander votre ordonnance habituelle pour laquelle vous auriez pu prendre un rendez-vous sans urgence et, en plus, cerise sur le gâteau, vous me demandez un certificat pour la salle de sport. Eh bien, zut. Vous charriez. Je crois que je ne vais plus être votre médecin traitant... - Vous ne pouvez me parler comme cela. - Si." Nous nous serrons la main et elle s'en va non sans qu'elle ait jeté un regard sur la salle d'attente qui s'est remplie des personnes bien sages qui ont pris rendez-vous et que je vais examiner avec un peu de retard.







Monsieur et Madame B amènent la petite C, vingt-trois mois, pour que je la vaccine (je suis l'équivalent de son médecin traitant -(3)-). Elle est en retard pour rubéole/oreillons/rougeole. Mercredi j'ai aperçu son père et elle dans la salle d'attente (bondée) où il n'a pas eu le courage d'attendre. Il me dit : "Nous sommes allés voir un de vos confrères car il y avait trop de monde, désolé. - Je comprends... - Il n'était pas aimable.... - Ah... - Oui, je me suis d'abord fait engueuler parce que je l'emmenais pour un rhume... - Hum... - Ensuite, il m'a fait remarquer que les vaccins n'étaient pas à jour. - (Re : hum) Ben... - Donc, on est là pour le vaccin." Je jette un oeil distrait sur le carnet de santé où le MG consulté n'a rien noté (mais je ne pose pas la question de savoir si les parents avaient ou non omis de l'apporter...). En revanche, les parents ont collé l'étiquette des médicaments prescrits et l'un de ceux là est "amoxicilline". "Il a prescrit des antibiotiques ?" je demande incidemment. "Oui. - Hum" Donc, le médecin généraliste engueuleur, et que celui qui n'a jamais "recadré" un malade me jette la première pierre, il reproche aux parents de consulter pour un rhume et, pour un rhume, il prescrit des antibiotiques...






Madame D vient après que son père a été vu par l'oncologue. Cette histoire est compliquée et mérite réflexion et détails (et elle n'est pas finie). Il s'agit d'un patient dont j'ai déjà parlé (Histoire de consultation 187 ter : ICI). Je rappelle quelques trucs. Le patient est suivi en HAD. C'est un nouveau patient pour moi. Je suis au domicile du patient avec l'infirmière de l'HAD qui ne comprend pas plus que moi ce qui se passe et surtout quel type de soins il faut donner. Et j'ai déjà été alerté par le fait que la famille, indépendamment de ces problèmes, semble ne pas avoir compris le pronostic. Je téléphone à l'un des chirurgiens qui s'est occupé du patient (le docteur Z) : il me donne des explications. Je rappelle l'infirmière. J'apprends que le patient doit voir l'oncologue (le docteur Y) dans quelques jours. J'écris un courrier pour l'oncologue afin de lui signaler les deux faits : 1) la famille "plane" ou, comme on dit, "fait du déni" sur le pronostic, ce qui ne favorise pas le travail des intervenants ; 2) il serait utile de mieux expliquer les soins aux personnels soignants de l'HAD qui ont été lâchés dans la nature sans beaucoup de biscuits. 
Moi : " Alors ?, cette consultation." Madame D lève les yeux au ciel. "Je ne sais pas si je peux vous le dire... - Allez, parlez sans crainte... - Le docteur je ne sais comment, il a lu votre lettre, il l'a chiffonnée et il l'a mise directement à la poubelle. On s'est regardés avec ma sœur pour savoir si on avait vu la même chose toutes les deux. - Non ?... - Si. - Et ? - Vous allez apprendre le pire. Il nous a dit des trucs sur mon père que l'on ne savait pas, un cancer dont nous ne connaissions pas l'existence, il a dit cela avec l'air un peu énervé, et il a rajouté que ce n'était pas fameux... Vous saviez qu'il avait un cancer de **** ?" Moi : "Non." Madame D : "Surprises, nous avons réussi à aller voir le docteur X (un des chirurgiens qui avait opéré leur père), qui est tombé des nues, qui a téléphoné devant nous au docteur Y et qui nous a dit qu'il avait sans doute mélangé les dossiers..."
Dois-je rajouter quelque chose ?







Madame E amène F, son fils de deux ans et demi, pour deux vaccins. Le carnet de santé est détérioré. Les pages concernant les vaccinations sont presque toutes arrachées et le reste a été mouillé, séché, colorié, collé. Les deux vaccins ont été prescrits par l'ancien médecin (généraliste) de l'enfant dont le nom apparaît dans les quelques pages restantes. J'appelle immédiatement le médecin qui me dit, après avoir cherché dans l'ordinateur, qu'il n'a aucune trace des précédents vaccins. "Vous êtes bien le médecin de F ? - Oui. - Et il n'y a rien dans votre ordinateur ? - Non." Fin de la conversation.







Monsieur F, 49 ans, consulte pour un syndrome grippal assez vague "qui le met à plat". C'est le dernier patient de la fin de matinée (il avait rendez-vous à 14 heures 30). Je l'examine. Pas grand chose. Il veut un bilan (il n'en a pas fait depuis des lustres, il a grossi, il des habitudes alimentaires farfelues en raison de ses horaires de travail, je cède). Puis nous parlons. Nous parlons du coin, des enfants, il m'a connu quand il avait 13 ans, il se souvient de moi à cette époque, on parle de l'évolution du Val Fourré, qu'il a quitté, de l'école maternelle et de l'école primaire qu'il fréquentait, j'en connaissais les directeurs, on parle de sa belle-mère, on parle d'une ancienne voisine dont il ignorait qu'elle fût hospitalisée en rééducation au décours d'un accident (il me dit que lui et sa femme vont appeler sa fille et qu'ils vont aller la voir), et cetera. On parle incidemment de l'islam, de politique, et cetera. Il est quinze heures quinze quand il sort de mon cabinet. Je n'ai pas beaucoup fait de médecine (et encore) et il me semble que nous avons passé un bon moment.


Notes
(1) Il faudra qu'un jour j'écrive un billet sur les rendez-vous familiaux groupés...
(2) La Santé publique à la télévision : ras-le-bol.
(3) Le médecin traitant pour les enfants, je ne suis pas contre.