jeudi 20 octobre 2016

Relations soignant/soigné. Episode 1 : Diane 35


Tout le monde n'est pas d'accord avec mon point de vue radical : il aurait fallu interdire Diane 35 et ses génériques. Voir ICI.

Je reprends l'histoire de consultation 163 : LA.

Mademoiselle A, 18 ans, est venue avec sa copine qui est restée dans la salle d'attente.
Le dossier m'indique qu'elle n'a pas consulté au cabinet depuis environ trois ans.
Elle a une gastro, elle n'est pas allée en cours aujourd'hui, elle va mieux, c'est à dire qu'elle n'a pas besoin de médicaments, mais elle voudrait bien un certificat pour le lycée.
Je lui fais mon plus beau sourire.
"Ah, encore une chose, il faudrait que vous me prescriviez Diane 35..."
La jeune fille a trois boutons sur le visage cachés il est vrai par une épaisse couche de maquillage.
Nous commençons à parler du pays.
Je lui pose deux ou trois questions et je retiens ceci : elle a eu "tous" les traitements possibles pour l'acné (mais elle arrive à n'en citer aucun pas plus que ceux ou celles qui les ont prescrits), elle n'a jamais pris Diane 35, elle est complexée par ses boutons, elle n'arrive pas à survivre avec... 
Je lui dis : "Je ne vous prescrirai pas Diane 35"
Elle : Mais Pourquoi ? Maintenant vous avez de nouveau le droit.
Moi : Ce n'est pas une question de droit. Je n'en prescris pas comme ça, sans avoir examiné la situation, sans avoir fait d'examens complémentaires. Connaissez-vous bien les risques de ce médicament ?
Elle : Oui. J'ai regardé sur internet, j'ai vu tous les risques, je les assume. A vous de prescrire.
Moi : Ce n'est pas comme cela que cela se passe. Je ne suis pas votre machine distributrice de Diane 35. 
Elle : Vous ne vous rendez pas compte de ma souffrance, je ne peux presque plus me montrer, j'en ai fait une phobie. Il faut m'aider. Vous ne pouvez pas comprendre...
(Je suis presque en train de pleurer et mon esprit fonctionne à cent à l'heure : l'empathie, l'empathie, l'empathie. Je sens que Dominique Dupagne me surveille (ICI) et qu'il me dit : Il est interdit d'interdire, il y a des patientes qui ont besoin de Diane 35, pourquoi s'en priver, du moment que les patientes sont informées, qu'elles sont au courant, la liberté individuelle, ne nie pas la capacité des patientes à prendre des décisions lucides concernant leur santé (sic)... Est-elle informée, d'ailleurs ?)


La polémique suscitée par la publication du livre de Martin Winckler et sa conviction que les médecins sont des brutes (définition : "personnage grossier et vulgaire". La lecture du dictionnaire historique de la langue française --Le Robert. Dirigé par Alain Rey-- est passionnante sur l'évolution du sens du substantif qui fut d'abord masculin, ah, le genre, mais c'est hors sujet) ou plutôt sa posture personnelle, tous les médecins sont des brutes, sauf moi, permet d'envisager cette consultation d'une façon différente. A ceci près sans doute que ma transcription et les commentaires de l'époque ne rendent sans doute pas compte de la véracité des faits. Le lecteur a intérêt à se méfier 1) que je n'embellis pas, 2) que je ne transforme pas afin d'anticiper les commentaires, 3) que je ne me mets pas dans la posture de celui qui s'autocritique pour mieux se valoriser (tout le monde peut se tromper mais c'est encore mieux de le reconnaître), 4) que je n'omets pas des faits qui pourraient ne pas aller dans le sens de ma "thèse", à condition qu'il y en ait une, 5) que je n'enlaisis rien...

Mademoiselle A, 18 ans, est venue avec sa copine qui est restée dans la salle d'attente.
Le dossier m'indique qu'elle n'a pas consulté au cabinet depuis environ trois ans.
Je signale donc en passant que cette jeune femme, dont je connais les parents qui m'ont désigné comme médecin traitant, soit n'est jamais malade, ce qui, à cet âge, devrait être la norme, soit va ailleurs entre deux, ce qui est son droit le plus strict, soit a désigné un autre médecin comme médecin traitant (ce qui est le cas en consultant le site Ameli).
Elle a une gastro, elle n'est pas allée en cours aujourd'hui, elle va mieux, c'est à dire qu'elle n'a pas besoin de médicaments, mais elle voudrait bien un certificat pour le lycée.
1) Est-ce que le fait d'avoir une gastro nécessite d'aller consulter un médecin ? Sans doute pas. Et d'ailleurs elle est "guérie", elle n'a pas besoin de médicaments selon moi mais elle en demande quand même, sans conviction, certes, mais elle insiste un peu. 2) Ma position de dire, "quand on a une gastro, on ne consulte pas", est-elle, à la lumière de ce qu'on lit ici ou là de la part des associations de patients, une position a) paternaliste, b) arrogante, c) méprisante, d) brutale, e) idéologique, f) sachante, g) inappropriée, h) aveugle (je ne cherche pas le motif caché qui serait par exemple "je veux prendre diane 35 pour mon acné mais c'est en fait pour ne pas dire à mes parents que je prends la pilule...parce que j'ai un copain - ou des copains")... ? 2) un certificat pour le lycée : pourquoi l'éducation nationale ne se cantonne-t-elle pas à observer les décrets qui stipulent (j'ai un courrier type au cabinet) que ce genre de certificat est inutile, gaspilleur de temps, et cetera mais, comme me l'a dit officiellement un CPE au téléphone, "l'éducation nationale a ses propres règles", ce qui m'a laissé sans voix et la lycéenne sans certificat.
Je lui fais mon plus beau sourire.
"Ah, encore une chose, il faudrait que vous me prescriviez Diane 35..."
La jeune fille a trois boutons sur le visage cachés il est vrai par une épaisse couche de maquillage.
Nous commençons à parler du pays.
Je lui pose deux ou trois questions et je retiens ceci : elle a eu "tous" les traitements possibles pour l'acné (mais elle arrive à n'en citer aucun pas plus que ceux ou celles qui les ont prescrits), elle n'a jamais pris Diane 35, elle est complexée par ses boutons, elle n'arrive pas à survivre avec... 
Je reprends ce que j'ai dit plus haut. Mon commentaire personnel '...trois boutons sur le visage...", n'est-elle pas une position : a) paternaliste, b) arrogante, c) méprisante, d) brutale, e) idéologique, f) sachante, g) inappropriée, h) aveugle (je ne cherche pas le motif caché qui serait par exemple "je veux prendre Diane 35 pour mon acné mais c'est en fait pour ne pas dire à mes parents que je prends la pilule...parce que j'ai un copain - ou des copains)... ?. Quand la jeune femme dit qu'elle est "complexée", qu'elle ne peut "survivre", est-ce vrai, simulé, exagéré, manipulateur ou ne va-t-elle pas se jeter sous un autobus en sortant d'ici parce que je ne lui aurais pas prescrit Diane ? Ai-je le temps durant ma consultation de médecin généraliste surchargé d'interroger une patiente vagabonde qui joue sur le versant sentimental pour me faire prescrire un médicament controversé alors que, certainement, son médecin traitant a refusé de lui prescrire la fameuse pilule ? Quant au dermatologue, comment s'est passée la consultation ? Si je n'ai pas suffisamment de temps (nous pourrions ouvrir ici un long débat sur le temps de consultation en médecine générlae libérale), j'ai sans doute le devoir de m'assurer, ce que je fais, que la jeune femme n'est pas en danger immédiat par ma non prescription (elle pourrait avoir besoin d'une contraception urgente, d'urgence, ou immédiate) comme je devais m'assurer qu'elle ne le serait pas en prenant cette pilule, mais j'ai jugé, et on se trompe tout le temps, que je ne prenais pas de risque (en écrivant ces lignes je me suis assuré que la jeune femme, qui n'est jamais revenue me voir, une brute, vous dis-je, est bien vivante) en ne la prescrivant pas. Par ailleurs on peut également considérer que "trois boutons sur la figure" n'est pas une urgence...
Je lui dis : "Je ne vous prescrirai pas Diane 35"
Voici la brutalité dans toute sa crudité. La brutalité de l'homme en blanc (je pourrais faire un commentaire sur l'expression "les brutes en blanc" utilisée par Winckler : datée, ancienne, soubiranesque, old school) dans toute sa splendeur. Déjà, en passant, je ne porte pas de blousz blanche pour travailler. N'oublions pas non plus dans ctte relation soignant/soigné une composante wincklerienne forte, celle de la mâle traitance. Tout membre (actif) d'une association de patients me dirait (violemment) : "IL N'EST PAS POSSIBLE DE PARLER COMME CELA A UNE PATIENTE." Enfin, c'est vrai, mais il ne faut pas sortir la phrase de son contexte. Ensuite, je prends un autre exemple qui va éclairer la suite, si un patient me demande un dosage de PSA dans le cadre d'un dépistage individuel, il m'arrive, après beaucoup de temps perdu, de céder. Je ne suis pas un obsessionnel du non, de mes convictions, de mes idées, de mes croyances, tout ce que vous voulez, et, après que j'ai expliqué au patient, après que j'ai informé le patient, hein, pas éduqué, c'est lui qui sera dans le pétrin de la gestion de son PSA qui sort des normes et qui n'est ni synonyme de cancer, ni synonyme de cancer mortel, je l'aurais prévenu, il aura compris ce qu'il voulait, il aura entendu ce qu'il voulait entendre, il aura dénié, il n'aura pas compris, et il finira sa vie aux mains des urologues. Et j'entends encore, il m'arrive d'avoir des voix en ces temps confus, les associations de patients ou, mieux, les représentants des associations de patients, hurler : "parce que vous n'avez pas bien expliqué !" Ouais, comme dirait Kundera... quand quelqu'un te dit que tu es un poisson, que faire d'autre que de lui dire "Oui je suis un poisson ?" 
Elle : Mais Pourquoi ? Maintenant vous avez de nouveau le droit.
Cette phrase est magique. Si je n'en prescrivais plus c'était parce que je n'avais pas le droit d'en prescrire, et puisque le droit est revenu je dois lui en prescrire ; et le motif caché est tellement évident : si un médicament est commercialisé le patient a le droit de demander à son médecin de le prescrire. Cette notion de droit est sans doute lié à la notion plus générale du droit à la santé, maxime que l'on peut lire au fronton de tous les temples de la bonne conscience moderne ou plutôt de la bonne conscience de la modernité. Le problème est : qu'est-ce que la santé ? Si nous nous référons à la définition de l'OMS, il est évident que tout est possible :
La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.(ICI). Tout est possible, au sens, il faut tout faire pour y arriver.
Moi : Ce n'est pas une question de droit. Je n'en prescris pas comme ça, sans avoir examiné la situation, sans avoir fait d'examens complémentaires. Connaissez-vous bien les risques de ce médicament ?
Elle : Oui. J'ai regardé sur internet, j'ai vu tous les risques, je les assume. A vous de prescrire.
Cette jeune fille de dix-huit ans a tout compris, elle n'a pas eu besoin de lire McKeown, Illich ou Rawls, elle sait tout naturellement, elle pourrait faire des cours en faculté de médecine, elle s'est informée, elle a lu wiki ou elle a regardé Le journal de la santé ou Allo Docteur, et elle assume. 
Moi : Ce n'est pas comme cela que cela se passe. Je ne suis pas votre machine distributrice de Diane 35.
C'est mal de parler comme cela à cette jeune femme me soufflent les défenseurs des patients. C'est à moi d'assumer. Il y a un moment où il faut dire les choses.
Elle : Vous ne vous rendez pas compte de ma souffrance, je ne peux presque plus me montrer, j'en ai fait une phobie. Il faut m'aider. Vous ne pouvez pas comprendre...
Eh oui, elle a encore mille fois raison, il faut avoir été malade de la maladie dont souffre le patient assis en face de soi pour pouvoir en parler, pour pouvoir le traiter. C'est le bon sens. Les amputés parlent aux amputés. Les SEP parlent aux SEP. Les cardiaques parlent aux cardiaques. Un utilisateur du carburateur *** parle aux futurs utilisateurs du carburateur ***. Les anciens fumeurs parlent aux fumeurs. Ainsi, et je pèse mes mots, retenez bien, grâce à la modernité du discours des associations de patients et des Winckler addicts, on est passés par un tour de passe passe lumineux, de la période paternaliste du médecin qui parle à la maladie d'un patient qui n'existe pas à celle du patient malade qui ne parle qu'au médecin qui souffre ou qui a souffert de la même maladie que lui ! Je plaisante...

(Je suis presque en train de pleurer et mon esprit fonctionne à cent à l'heure : l'empathie, l'empathie, l'empathie. Je sens que Dominique Dupagne me surveille (ICI) et qu'il me dit : Il est interdit d'interdire, il y a des patientes qui ont besoin de Diane 35, pourquoi s'en priver, du moment que les patientes sont informées, qu'elles sont au courant, la liberté individuelle, ne nie pas la capacité des patientes à prendre des décisions lucides concernant leur santé (sic)... Est-elle informée, d'ailleurs ?)

Voilà, c'était le premier épisode de notre nouveau feuilleton. J'attends vos commentaires avec impatience.

Je voulais dire en passant que j'ai lu de nombreux billets et articles sur le livre de Marc Zaffran et qu'il y en a un qui m'a beaucoup touché, celui de Dix Lunes car elle a démonté l'ami Martin Winckler avec une seule remarque quand elle l'a cité parlant sur France 2 "Il y a énormément de très bons médecins en France, il y a énormément de gens qui sont tout à fait charmants mais ce qui n’est pas normal, c’est que ce ne soit pas la norme." en s'étonnant que l'on puisse utiliser l'adjectif charmant... ICI qui n'est manifestement pas utilisé dans la nouvelle vulgate marxiste wincklerienne.

jeudi 13 octobre 2016

Prix Nobel de littérature 2016 : Bob Dylan.




Je suis tellement content qu'il y ait des grincheux, des envieux, des jaloux,
Tellement content que l'on dise que Bob, c'est pas de la littérature,
Je n'aurais pas la méchanceté de citer d'autres prix Nobel que l'on ne lit jamais,
Tellement content qu'il ait eu le prix,
Tout simplement,
Tellement certain que dans plusieurs générations on l'écoutera encore chanter et qu'on lira ses textes.
Pourtant,
J'aurais préféré que ce soit Milan Kundera


Ou Philip Roth


Mais ces trois là, je ne cite pas les autres car j'en oublierais tant,
Sont des artistes de génie. C'est déjà pas mal.

Rajout du 4 juin 2017 : on peut écouter son discours. Magique. Inspiré. Dylanesque : ICI.
Pour finir : une de mes chansons favorites :

"Tombstone Blues"

The sweet pretty things are in bed now of course
The city fathers they're trying to endorse
The reincarnation of Paul Revere's horse
But the town has no need to be nervous.

The ghost of Belle Starr she hands down her wits
To Jezebel the nun she violently knits
A bald wig for Jack the Ripper who sits
At the head of the chamber of commerce.

Mama's in the fact'ry
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley
He's lookin' for food
I'm in the kitchen
With the tombstone blues.

The hysterical bride in the penny arcade
Screaming she moans, "I've just been made."
Then sends out for the doctor who pulls down the shade
And says, "My advice is to not let the boys in."

Now the medicine man comes and he shuffles inside
He walks with a swagger and he says to the bride
"Stop all this weeping, swallow your pride.
You will not die, it's not poison."

Mama's in the fact'ry
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley
He's lookin' for food
I'm in the kitchen
With the tombstone blues.

Well, John the Baptist after torturing a thief
Looks up at his hero the Commander-in-Chief
Saying, "Tell me great hero, but please make it brief
Is there a hole for me to get sick in?"
The Commander-in-Chief answers him while chasing a fly
Saying, "Death to all those who would whimper and cry."
And dropping a bar bell he points to the sky
Saying, "The sun's not yellow it's chicken."

Mama's in the fact'ry
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley
He's lookin' for food
I'm in the kitchen
With the tombstone blues.

The king of the Philistines his soldiers to save
Puts jawbones on their tombstones and flatters their graves
Puts the pied pipers in prison and fattens the slaves
Then sends them out to the jungle.

Gypsy Davey with a blowtorch he burns out their camps
With his faithful slave Pedro behind him he tramps
With a fantastic collection of stamps
To win friends and influence his uncle.

Mama's in the fact'ry
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley
He's lookin' for food
I'm in trouble
With the tombstone blues.

The geometry of innocent flesh on the bone
Causes Galileo's math book to get thrown
At Delilah who's sitting worthlessly alone
But the tears on her cheeks are from laughter.

I wish I could give Brother Bill his great thrill
I would set him in chains at the top of the hill
Then send out for some pillars and Cecil B. DeMille
He could die happily ever after.

Mama's in the fact'ry
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley
He's lookin' for food
I'm in the kitchen
With the tombstone blues.

Where Ma Raney and Beethoven once unwrapped their bed roll
Tuba players now rehearse around the flagpole
And the National Bank at a profit sells road maps for the soul
To the old folks' home in the college.

I wish I could write you a melody so plain
That could hold you, dear lady, from going insane
That could ease you and cool you and cease the pain
Of your useless and pointless knowledge

Mama's in the fact'ry
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley
He's lookin' for food
I'm in the kitchen
With the tombstone blues.

Alright!


Le site officiel de Bob : LA.
Les chansons en français : ICI.


mardi 4 octobre 2016

Monsieur le directeur de la CPAM des Yvelines. Privatisation, gaspillage de l'argent public et destruction du parcours de soins.


A l'attention du directeur de la CPAM des Yvelines, Monsieur Patrick Negaret.
(Copie Nicolas Revel, directeur général de la CNAMTS)

Bonjour Monsieur,

Je vais vous raconter ce cas exemplaire. Ce cas exemplaire n'est pas une histoire de chasse. De nombreux médecins généralistes pourront vous raconter la même chose.

En 2013 j'avais déjà parlé de cette patiente aux services de la CPAM des Yvelines.  Je vous rappelle le cas : ICI. (voir ICI et LA pour d'autres informations sur le sujet).

Voici ce qui m'avait été répondu (en substance) (un certain E. Le Boulaire) (voir LA) : 
  1. L'examen se santé périodique fait partie des droits de chaque assuré social...
  2. ... les organismes d'assurance maladie doivent veiller à offrir ces examens en priorité aux personnes les plus démunies et les plus vulnérables au plan de la santé plusieurs fois dans l'intervalle des cinq ans.
  3. Ils contribuent à l'amélioration de l'état de santé des assurés par la combinaison de procédures qui relèvent du dépistage, de l'éducation à la santé et du conseil individualisé.
  4. Le centre IPC, certifié ISO 9001 version 2008...
  5. S'agissant de la réalisation d'examens biologiques dans le cadre du bilan... l'examen est modulé selon le référentiel... le médecin appliquait les référentiels scientifiques...

Madame A, 62 ans, dont je suis le médecin traitant, est convoquée par l'IPC, officine privée, avec des papiers où la CPAM est mentionnée.

Madame A va à ce rendez-vous.

Elle revient me voir avec un compte rendu. "Ils m'ont trouvé des choses."

Je lui demande pourquoi elle est retournée à l'IPC alors que je lui avais dit la première fois que cela ne servait à rien. Elle lève les yeux au ciel : "J'ai eu peur de ne pas aller à la convocation. Et puis : on ne sait jamais."

Voici le compte rendu d'examen.



Ainsi, le docteur T a-t-il signé un compte rendu où une PA anormale a été trouvée sans aucune mention du fait qu'elle est traitée pour cette pathologie. Le docteur T n'a pas trouvé de troubles de régulation glycémique alors que la patiente est traitée pour un diabète de type 2. j'ai déjà dans un billet précédent analysé les termes employés comme "limites", rien ne change donc.

Mais surtout : l'IPC n'est pas foutue de savoir, on appelle cela le suivi des patients, que cette patiente a un passé dans son propre organisme.

J'ai déjà indiqué que d'autres officines (le CIPC, voir LA) faisait du grand n'importe quoi médical et faisait dépenser à la CPAM des sommes astronomiques alors que le simple bon sens clinique...

A qui tout cela sert-il ?

Cette patiente, dont je suis le médecin traitant, est diabétique non id. Elle a une ALD pour diabète de type 2. Elle est donc suivie par moi. Je passe sur les différents examens et sur la fréquence des consultations. La demande d'ALD a été approuvée par le médecin conseil (puisque la demande n'a pas été refusée).

Sans doute vos services lui ont-ils demandé de participer à Sophia, ce machin aussi inutile que coûteux (cf. un article de Dominique Dupagne : ICI).

Je le répète : la prévention au pif, au hasard, sans  signes d'appel, ça ne marche pas. Toutes les études l'ont montré.

L'expérience du NICE anglais ou, plus précisément, du Quality and Outcomes framework (ICI) a montré que les sommes englouties ne servaient à rien en termes de Santé Publique (LA) mais remplissaient les poches de médecins qui, par ailleurs, ne faisaient que du remplissage et négligeaient ce qui était hors du QoF.


Cette prévention, telle que vous la pratiquez ou telle que vous la faites pratiquer en privatisant la CPAM au profit de sociétés profitables, entre dans le cadre de ce qu'avait dénoncé un médecin anglais, Julian Tudor Hart, en 1971 : The Inverse Care Law ou, en français, la Loi Inverse des Soins. Je vous donne la référence (ICI) pour que vous puissiez faire lire cet article à vos services. C'est à dire que les ressources sont plus allouées aux personnes qui n'en ont pas besoin qu'à celles qui devraient en bénéficier.




Mais il n'y a pas que la CPAM qui ne connaît pas cette Loi. 
Les médecins libéraux ou hospitaliers font de même. Savez-vous que dans les hôpitaux des Yvelines et dans des cabinets libéraux des praticiens hospitaliers et des gynécologues pratiquent des frottis du col utérin annuellement (et à des prix non secteur 1) bien que la recommandation soit triennale et alors qu'il est si difficile d'obtenir des rendez-vous chez eux et que ce sont les femmes qui n'ont JAMAIS de frottis qui devraient en bénéficier en premier car, comme par hasard, ce sont elles qui sont les plus à risques ? Savez-vous que dans les hôpitaux des Yvelines des PH suivent mensuellement en consultation privée des nourrissons qui ne posent aucun problème alors qu'il est si difficile d'obtenir des rendez-vous pour des nourrissons fragiles ? Savez-vous que des femmes de 40 ans sont initiées, sans risques particuliers, à la pratique d'une mammographie tous les deux ans, en dehors de toute recommandation et, surtout, en dépit du bon sens le plus commun ? 

Mais je m'arrête là. Tout le monde sait cela.

La prévention au pif, au hasard, cela ne marche pas. Pourquoi dépister des patients, comme ma patiente, qui bénéficie d'une ALD pour diabète de type 2, c'est à dire qui est connue en théorie de vos services médicaux, sans que le médecin traitant ne soit informé. cela s'appelle, dans votre jargon, un non respect du parcours de soins.

Que de temps perdu !
Que d 'argent perdu !
Que de légitimité perdue !


Je voudrais rappeler ici la fameuse, trop fameuse, phrase de David Sackett : La médecine préventive est trois fois arrogante : Premièrement, elle est agressivement affirmative traquant les individus sans symptômes et leur disant ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé... Deuxièmement elle est présomptueuse, persuadée que les actions qu'elle préconise feront, en moyenne, plus de bien que de mal à ceux qui les acceptent et qui y adhèrent. Finalement, la médecine préventive est autoritaire, attaquant ceux qui questionnent la validité de ses recommandations." Voir ICI.

Sachant que mon courrier, comme celui que j'avais écrit en 2013, ne peut être pertinent puisqu'il ne correspond pas aux objectifs que vous vous fixez, à savoir toujours plus d'examens périodiques de santé, je ne désespère pourtant pas qu'il puisse être lu et pris en compte.

Avec mes meilleurs sentiments.


Docteur Jean-Claude GRANGE

jeudi 29 septembre 2016

L'hôpital (APHP) ordinaire. Paris, France, 2016.


Un de mes collègues subit une petite exploration chirurgicale dans un grand hôpital parisien. 
Cinq personnes entrent dans la chambre.
Pas un bonjour. Personne ne se présente.
Une infirmière, sans doute, lui dit qu'il est sortant. On ne lui a pas demandé comment il allait (il va moyen).
C'est tout.
Mon collègue s'adresse à celui qui paraît être le senior : " Mon cher confrère, vous pourriez au moins dire bonjour au patient quand vous entrez dans une chambre".

jeudi 22 septembre 2016

Les relations médecins/patients sur twitter. Conséquentialisme versus déontologie.

Happy Valley : Sara Lancashire. La bienveillante.


Je vais vous raconter une histoire simple, telle que je l'ai reconstituée, ne venez pas m'ennuyer sur les détails techniques.

Une jeune femme mineure, vraiment mineure, vient aux urgences accompagnée de sa mère.
Elle est examinée par l'interne.
Elle est interrogée.
Le senior revient une demi-heure après.
" Est-ce que vous avez déjà eu des rapports ?"
Question qui a déjà été posée auparavant.
Gêne.
"Non, bien sûr que non."
Le senior a dans la poche un test de grossesse positif.
Il s'agit d'une grossesse extra-utérine qui est une urgence chirurgicale pouvant mettre en jeu la vie de la patiente. 


Cette histoire est racontée sur twitter.
Les défenseurs des patients réagissent très vite.
Je résume : "Il est intolérable de pratiquer un test de grossesse sans le consentement de la patiente."
Les médecins rient. Je résume: "Elle aurait pu mourir, donc, il n'y a pas de discussion."
Les messages s'enveniment.
Les médecins ne comprennent pas que l'on puisse discuter une seule seconde le fait d'avoir pris la bonne décision, à savoir faire un test de grossesse à une femme qui dit ne jamais avoir eu de rapports sexuels, pour lui sauver la vie.

Vous imaginez que si j'écris ce billet c'est parce que je me pose des questions, ce n'est pas parce que je pense que les défenseurs du consentement sont des demeurés.

Ma première réaction était instinctive et fondée sur l'expérience : on a tous entendu parler d'histoires de ce genre ou on en a même tous vécu et personne ne nous a jamais parlé d'un problème moral dans cette attitude. C'est une urgence. Point.

Vous assistez à un accident de la circulation et vous agissez rapidement pour sauver une personne inconsciente, vous n'allez quand même pas fouiller ses poches, interroger un éventuel fichier national pour savoir si la personne souhaite ne pas être réanimée.

Dans le cas du test de grossesse qui nous préoccupe il est aussi vraisemblable que, malgré les dénégations de la jeune femme, le fait de ne pas avoir pratiqué le test pourrait être considéré, professionnellement comme une faute et pourrait être reproché juridiquement aux praticiens.

Donc, les propos violents lus à propos des médecins posent question.

Pourquoi et comment en est-on arrivés là ?

Je ne vais pas vous écrire l'histoire du paternalisme. C'est long, c'est compliqué, c'est contradictoire, c'est controversé.

Je suis allé voir un billet de JP Devailly (LA) en son blog (ICI) toujours bien informé mais souvent un peu compliqué dans son expression et catégorique dans ses conclusions, dont le titre est "Le soignant, le patient et le système - Le paternalisme dans tous ses états". J'ai retenu ceci comme définition générale : « Le paternalisme, c’est l’interférence d’un État ou d’un individu avec une autre personne, contre sa volonté, et justifiée ou motivée par la croyance qu’elle s’en portera mieux ou qu’elle sera protégée d’un mal » d'après Gerald Dworkin, un texte de 2016 (LA). Et ceci de JP Devailly : "Le vieux modèle paternaliste de la relation médecin patient est obsolète. Certains soutiennent que l'absence totale de paternalisme est illusoire mais que les formes coercitives et fortes en sont les plus difficiles à justifier sur le plan éthique ("Paternalisme, biais cognitifs et politiques publiques favorables à la santé")."

Il faudrait dire ceci : il y aura toujours une relation asymétrique médecin/patient ou médecin/malade ou soignant/soigné mais il ne faut pas envisager cet aspect du seul point de vue des connaissances scientifiques mais aussi selon celui de la dépendance intellectuelle, financière, spirituelle, émotionnelle, et pas toujours dans le sens escompté : le patient/malade est parfois en position dominante vis à vis du médecin/soignant... Il y aura toujours ne signifie pas qu'il ne faille pas lutter contre...

Il existe un vieux mythe, sur une idée de Georges Duhamel, écrivain et médecin du "colloque singulier entre médecin et malade" qui aurait été à une certaine époque un modèle rassurant d'humanisme partagé. Je n'y crois pas une seconde. Le colloque singulier existe toujours, sans doute, je n'aime pas les consultations à trois, par exemple, je veux dire deux médecins et un patient, dans l'autre sens, cela me dérange moins bien que cela signifie une certaine forme de censure. Et il y a des éléphants dans la pièce que sont les représentants de la société de consommation.

Dans les tweets que j'ai consultés, et on ne dira jamais assez combien la forme twitteriale est agaçante par sa brièveté, par son agressivité innée et par sa volatilité, des mots et expressions sont apparues : bienveillance, serment d'Hippocrate, empathie, sympathie, neutralité, eh bien, à mon avis signifiant et signifié ne collent pas bien.

Dans notre cas précis on a aussi du mal à envisager que cette jeune femme débarquant aux urgences puisse être un patient expert, un patient ressource ou un expert profane. Si vous souhaitez sur la question lire des choses très mauvaises, j'ai trouvé une mine : le professeur André Grimaldi : ICI et LA.

Passons.

Certains des messages sont passés par le serment d'Hippocrate. Il y avait longtemps que je n'y étais pas allé faire un tour. 
Commençons par l'Hippocrate originel.

C'est quand même d'une sacrée débilité anachronique.
« Je jure par Apollon, médecin, par Asclépios, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants :
Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon savoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement. Je ferai part de mes préceptes, des leçons orales et du reste de l'enseignement à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par engagement et un serment suivant la loi médicale, mais à nul autre.
Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire2 abortif. Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.
Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille3, je la laisserai aux gens qui s'en occupent.
Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.
Quoi que je voie ou entende dans la société pendant, ou même hors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.
Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais des hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire ! »
.
Ensuite, voici la version du Conseil de l'Ordre de 2012.

« Au moment d'être admis à exercer la médecine, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J'interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité.
J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n'exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l'indigent et à quiconque me le demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu à l'intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l'indépendance nécessaire à l'accomplissement de ma mission. Je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J'apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu'à leurs familles dans l'adversité.
Que les hommes et mes confrères m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré et méprisé si j'y manque. »

Donc, on raye, c'est tellement à mourir de rire et décalé de la réalité quotidienne. Comme on dit sur twitter : trop faux.

Je suis allé faire un tour sur l'excellent blog du docteur Niide (LA) où il a écrit un billet intitulé "Care is not benevolence" (ICI) qui nous permet de mieux comprendre les différentes attitudes que nous avons décrites plus haut et d'éviter de lire des âneries (notamment sur l'Evidence Based medicine) comme celles de Gérard Reach (LA) considéré pourtant comme une sommité sur la question. 

Revenons à nos moutons.

Je voudrais citer cette phrase de Jean-Pierre Dupuy à propos du conséquentialisme en l'adaptant à notre test de grossesse : "Cet argument éthique (c'est à dire doser les beta HCG sans demander son avis à la patiente) est dit conséquentialiste : lorsque l'enjeu est important, les normes morales que l'on nomme déontologiques - au sens où elles expriment le devoir que l'on a de respecter des impératifs absolus, quoi qu'il en coûte et quelles qu'en soient les conséquences - doivent s'effacer devant le calcul des conséquences." (Dupuy Jean-Pierre. La marque du sacré. Champs essais. Paris : Flammarion, 2008) Il parlait des justifications américaines (aujourd'hui largement réfutées) pour le largage des bombes sur Hiroshima et Nagasaki. Excusez la comparaison.

Je rappelle la définitionn wiki du conséquentialisme :"Le conséquentialisme fait partie des éthiques téléologiques et constitue l'ensemble des théories morales qui soutiennent que ce sont les conséquences d'une action donnée qui doivent constituer la base de tout jugement moral de ladite action."
Allons plus loin avec le livre de Ruwen Ogien et Chrisine Tappolet : "« Faut-il être conséquentialiste ? ». Il ne s’agit donc pas de passer en revue tous les concepts de l’éthique, mais de défendre la plausibilité de la théorie conséquentialiste en comprenant plus précisément comment doivent s’articuler ces deux concepts essentiels que sont les normes d’une part et les valeurs, d’autre part. En un mot : faut-il, avec les défenseurs du conséquentialisme, considérer que ce que je dois faire (la norme) dépend en dernière instance des valeurs que présente le monde ? Ou faut-il supposer au contraire, avec les approches déontologiques, que la norme prime sur la valeur, c’est-à-dire qu’il y a des choses que je dois faire, quelles que soient les conséquences qui en résultent ?" J'ai repris ce texte sur le site Raison Publique. fr (LA).

Nous sommes au coeur du débat.

Les défenseurs des patients disent que la déontologie, même en ce cas, est plus forte que le conséquentialisme.

Les médecins pensent le contraire pour des raisons sans doute liées à leur formation. Pas tous, bien entendu. 

Il existe certainement des situations moins claires mais si, en ce cas précis, les défenseurs des patients prennent une position aussi tranchée, il n'est même pas nécessaire de parler de cas moins évidents ou plus litigieux.

Le débat est ouvert.

jeudi 15 septembre 2016

Délires et rôle du médecin généraliste comme coordinateur des soins. Histoire de consultation 193.

Buddy Guy

Monsieur A, 93 ans, est accompagné par sa fille. C'est un patient de mon associée que je reçois en son absence.

Son dossier me renseigne : maladie à corps de Lewy, diabète non id, HTA. Il est actuellement hébergé chez sa fille.

Madame B, sa fille, avant un rendez-vous pris chez l'urologue, est venue "pour le renouvellement" (et je remarque en passant la sobriété du traitement de ce patient très âgé et "dément"), et pour me montrer les résultats du scanner.

L'histoire est la suivante : pendant les vacances Monsieur A a présenté une hématurie macroscopique. Sa fille l'a emmené aux urgences. 

Il a vu ensuite un urologue qui a prescrit divers examens dont un scanner. 

Le compte rendu du scanner indique que "tout est normal" (je résume). 

(Je fais une incidente. Quand j'étais "petit" et après que j'avais fait des stages dans des services où existaient des pédagogues médecins, j'avais appris à lire des radiographies. Des radiographies simples  comme des radiographies pulmonaires ou des clichés de rachis lombaire et, lors des visites, lors de staffs, il était possible d'acquérir des connaissances en discutant avec nos "chefs" et nos pairs qui critiquaient, commentaient, interprétaient des clichés, non seulement de façon technique mais aussi en fonction du contexte clinique. Ces temps sont révolus. Désormais on lit les comptes rendus, du moins nous, les médecins généralistes, sauf quand le radiologue nous sélectionne une image et va même jusqu'à dessiner une flèche pour indiquer l'endroit pathologique, et, paradoxe des paradoxes, dans le cas des scanners et des IRM, le radiologue fournit un cd qui, le plus souvent, demande un logiciel ad hoc pour "animer" les résultats et qui est donc proprement illisible. Passons. Les non médecins généralistes se reconnaîtront aussi dans ceux qui ne lisent que les comptes rendus.)

(Deuxième incidente. L'hyper spécialisation de la médecine est une plaie. Elle est la conséquence de la technicisation et elle est une menace pour le patient. J'ai déjà écrit sur ce sujet mais je tente de synthétiser : ne plus savoir lire une imagerie et, encore plus, ne pas savoir l'interpréter, nous met à la merci des techniciens qui sont des gens formidables, mais qui sont des techniciens auxquels nous devons faire confiance aveuglément ; et ainsi, la parcellisation du corps malade, son atomisation, sa découpe en rondelles, rendent le patient (l'être humain) de plus en plus invisible, sa "transparence" supposée le détruisant en tant qu'individu.)

Monsieur A suit la conversation comme s'il comprenait tout mais, je ne mets pas longtemps à me  rendre compte qu'il est à côté de la plaque, qu'il pose des questions et commente sans qu'il y ait de rapports avec les propos que nous tenons. Sa fille, d'une patience d'ange et d'une empathie communicative, me dit que l'urologue a convoqué son père pour regarder le scanner et pour, vraisemblablement, biopsier sa vessie.

Elle remarque ma grimace.

J'interroge Madame B : l'hématurie macroscopique a disparu.

Madame B me regarde drôlement mais ne dit rien.

Je prescris une numération pour vérifier qu'il n'y a pas de déglobulisation, un bilan de surveillance diabète/HTA (en fonction des molécules prescrites) et la recherche de sang dans les urines.

Une semaine plus tard.

Le bilan est normal.

Madame B : Faut-il aller chez l'urologue ?
Moi : Je n'en sais rien. Mon avis, mais ce n'est qu'indicatif, vous le prendrez comme vous le voudrez, est qu'il faut laisser votre père tranquille.
Madame B s'est figée.
Moi : Vous pouvez aller voir l'urologue mais, si j'étais vous, je lui poserais trois questions.
Elle me regarde avec attention et je sens que le "si j'étais vous" la choque.
Moi : Est-ce que le fait de pratiquer une biopsie chez votre papa dans l'état où il est actuellement et en fonction de son âge va, un, entraîner la mise en oeuvre d'un traitement qui lui permettra, deux, d'avoir une meilleure qualité de vie, trois, d'augmenter son espérance de vie et, quatre, d'améliorer sa prise en charge ?
Silence (elle a dû remarquer qu'il y avait 4 questions).
Monsieur A n'a pas compris ce que j'ai dit.
Madame B me regarde avec des yeux qui me transpercent (c'est l'impression que j'ai).

Madame B : C'est la première fois que j'entends quelque chose de pareil venant d'un médecin. Mais vous avez le mérite d'être clair.

dimanche 11 septembre 2016

Stéphane Foucart parle aussi de vaccination. On aurait pu espérer mieux.



(Mon texte a été écrit le 9 et le 10 septembre 2016, et donc, certaines informations pourraient être devenues fausses. Le 15 septembre 2016, l'article est en ligne : ICI)

Stéphane Foucart écrit des livres, écrit dans Le Monde où il est responsable de la rubrique Sciences, travaille à France-Culture et est connu pour dénoncer les scandales de l'industrie (OGM, climat).

Et là, tout d'un coup, sans doute parce qu'il avait un diner en ville et qu'il fallait boucler, il se lâche sur la vaccination. Parce que la vaccination, coco, "ça ne se discute pas". Il n'enquête pas sur Big Pharma. C'est un peu l'histoire du mec qui, pour dire qu'il n'est pas raciste, dit qu'il a un ami juif. Mais l'idée est sans doute la suivante : il pense que les vaccinosceptiques sont de la même trempe que les climatosceptiques qu'il dénonce à juste raison.

Son dernier papier  intitulé sobrement "Scandales sanitaires, controverses... les raisons de la défiance en France contre les vaccins", voir ICI,  se situe dans la droite ligne de ce qu'écrivait Frédéric Orobon, voir LA, c'est à dire, partisan, sans ressources, naïf, peu au courant, et témoigne que les journalistes scientifiques vedettes, j'ai déjà parlé des génies que sont Jean-Daniel Flaysakier et Jean-Yves Nau (LA) (cf. infra), font plus dans le paraître que dans les études de cas. 

C'est le journalisme plan plan.

Il cite donc une étude sans la référencer. Rappel : on a deux façons, en 2016, de référencer les études, soit en mettant une note en bas de page (old school), soit en fournissant un lien hypertexte (même les grands-mères savent faire cela). Nenni.

Il est vrai que la recherche de l'article original de Heidi Jane Larson est difficile (l'article doit être "protégé"). Je trouve différentes choses dont un commentaire de Jon Cohen dans Science Mag (LA) qui fournit un lien erroné (serait-ce dû à la protection de l'article ?). Quant à Ebiomedicine (LA) c'est une revue du groupe milliardaire Elsevier associée au Lancet connue pour ses publications liées à Big Vaccine. En revanche, on retrouve facilement un communiqué de presse  écrit par la coordinatrice de l'étude (LA).

JY Nau a aussi écrit sur le sujet. Il est le seul à dire que l'article que l'on commente partout n'est pas encore publié : ICI.

A ce stade de la lecture de l'article se Stéphane Foucart on se demande s'il a lu l'étude ou s'il n'a lu que le communiqué de presse.

Il aurait pu parler de la méthodologie et de la façon de poser les questions. Comment, en 2016, mener une étude monitorée par la London School of Hygiene and tropical Medicine (ICI), en posant une question datant des mauvais auteurs du dix-neuvième siècle, "Les vaccins sont-ils sûrs ?" Les anthropologues auraient-ils oublié le concept pourtant universel de bénéfices/risques ? Quant aux interrogations sur la religion des sondés, on sent le truc téléguidé. N'aurait-il pas mieux valu, dans une étude anthropologique, segmenter en fonction de la structure familiale ?

Stéphane Foucart cite le sociologue Jocelyn Raude qui est un vaccinolâtre convaincu et qui fait des conférences (ménages) pour l'industrie pharmaceutique (voir ICI) en donnant comme exemples pour illustrer sa phrase "Les effets de la vaccination sont manifestes", ceux des pneumonies et de la tuberculose. On croit rêver en constatant autant d'ignorance (si j'étais méchant, mais je ne le suis pas, je me demanderais si les citations de Stéphane Foucart sur le climat sont de cette qualité. Comme dit l'autre : les journalistes sont écoutables quand ils ne parlent pas de sujets que l'on connaît).

Par ailleurs, notre journaliste lanceur d'alerte cite un propos du sociologue concernant l'étude "Je m'attendais à des résultats en ce sens mais je ne pensais pas qu'ils seraient aussi marqués"et, en lisant le papier de Jon Cohen cité plus haut, on retrouve une phrase de Heidi Jane Larson : "“I didn’t expect France to be as negative as it was,”" Raude a donc lu le communiqué de presse.

Pourquoi Jocelyn Raude ne parle-t-il pas de sociologie au lieu de fournir des données contestables et sans intérêt sur les vaccins ?

Stéphane Foucart, qui a écrit des livres sur la corruption dans le milieu industriel, ne contrôle pas ses sources et cite des auteurs corrompus dans le domaine d ela pharmacie
.
Je pourrais dire ceci : si je faisais le pari d'écrire un article à la manière de Jocelyn Raude ou de Stéphane Foucart pour vanter l'efficacité des vaccins, je serais meilleur que les deux réunis.

Francis Chateauraynaud, sociologue convoqué par Stéphane Foucart écrit sur l'anthropologie des sciences (voir LA). Il remonte à l'affaire du sang contaminé. Possible. Mais notre journaliste climato non sceptique écrit ceci : "La récurence des scandales sanitaires liées à l'industrie pharmaceutique semble en effet jouer un rôle dans la singularité française." Heu, deux erreurs dans la même phrase. Primo : le scandale du sang contaminé n'était pas lié à l'industrie pharmaceutique ; secundo : les scandales pharmaceutiques sont légion dans le monde et les amendes que doivent verser les "grands" labos de big pharma sont nombreuses et répétées, notammaent aux US.

Stéphane Foucart enfile ensuite les perles : il n'y aurait qu'en France que l'on aurait parlé des risques de la vaccination contre l'hépatite B (l'étude princeps sur ces risques est anglo-américaine) ; la phrase du siècle : "Dans les pays anglo-saxons l'influence de la Toile est également importante." ; la polémique sur l'autisme post vaccinal dans les pays anglo-saxons (dont on a très peu parlé en France, ce qui infirme, bla bla bla, les réticences françaises contre LA vaccination) et sur la résurgence de la rougeole en Angleterre et au Pays de Galles (tiens, il aurait les mêmes sources que Fréric Orobon...) ; le fait que les recommandations de taux de vaccination faites par l'OMS ne sont pas atteintes sans mentionner que c'est l'OMS qui est à l'origine de la fausse déclaration de pandémie grippale A1H1N1 ; et cetera.

Mais Stéphane Foucart est suivi rapidement. Une journaliste de Slate,  Nadia Daam, écrit un article (LA) sur la fameuse étude en question en renvoyant sur un lien qui est un article de presse  intitulé "Who have more faith in vaccine safety: parents in France or in Bangladesh?" (LA). Par ailleurs, elle cite un journaliste pour défendre le gardasil sans contrepartie. Que vient faire le gardasil ici ?

En réalité, le copinage, l'entre soi et l'autocongratulation sont le fait du milieu journalistique scientifique, il y a des exceptions que je ne citerai pas ici pour ne pas porter tort à ces courageux... Vous trouverez toujours les mêmes noms dans le chapeau et les experts qui se sont trompés et qui, pour certains, pas pour tous, l'ont reconnu, sont ignorés des journalistes et apparentés qui veulent faire carrière dans les médias. Nous ne parlerons donc pas de François Bricaire (voir LA) ou d'Antoine Flahault, par exemple.

Mais heureusement le canon des élégances de la disruption apporte son soutien à Stéphane Foucart. Amen.


Un sociologue confirme l'impact désastreux de la campagne de vaccination 2009 H1N1 sur la confiance vaccinale 1/2