dimanche 4 février 2018

La médecine proche non industrielle.

Jeff Koons : l'art industriel

Le mercredi après-midi, c'est consultation libre.
C'est le seul moment de la semaine où je reçois sans rendez-vous.
(Entre 1979 et 2016, j'ai consulté sans rendez-vous tous les les après-midis, je me demande comment j'ai bien pu faire)
Il y a le plus souvent un monde fou.

13H30

(J'apprendrai au cours de l'après-midi qu'il y avait 11 personnes devant la porte, soit environ 9 patients, ce qui correspond grosso modo à une attente de deux heures et quart. Et comme les premiers consultants sont arrivés vers midi, je fais un salut discret aux urgentistes : bienvenue au club.
Je n'ai donc pas la possibilité de savoir qui je vais recevoir.)

Première personne (j'aurais dû écrire "Premier consultant" ou "Premier patient" mais comme les inclusifs/épicéniques auraient hurlé à la mort pour discrimination et que j'aurais dû écrire "Premie.è.re consultant.e" j'ai donc écrit "Personne", ce qui, sans nul doute, n'appauvrit pas la langue. Passons.)
Je vais donc chercher la première personne dans la salle d'attente.
" C'est à qui ?"
Monsieur A se lève.
" Bonjour Monsieur A.
- Bonjour docteur."


13H45

Je vais chercher la deuxième personne dans la salle d'attente.
"C'est à qui ?"
Madame B se lève.
"Bonjour Madame B.
- Bonjour docteur."

Deux personnes se lèvent (non, je n'ai pas écrit : "Comme un seul homme", trop connoté genriste) : "Docteur, c'est sur rendez-vous cet après-midi ?
- Non. Pourquoi ?
- Ben, parce que vous appelez les gens par leur nom, on a cru qu'ils avaient rendez-vous..."

Cela se répète souvent, ce genre de réflexions.

Je n'en tire aucune conclusion.

Je vous renvoie à un billet que j'ai écrit sur les bracelets d'identité à l'hôpital qui fait toujours polémique : LA.

Le jour où, à l'entrée des Maisons Médicales on attribuera des bracelets d'identité...



dimanche 28 janvier 2018

Les blogs médicaux en 2017 (ils sont indispensables. Tout comme twitter)


Cette année, comme les autres années, je ne pouvais imaginer de ne pas lire les blogs médicaux (pour les autres, je n'ai pas le temps de commenter) : comment s'informer autrement sur le fondement, sur les fondamentaux, de notre métier ?

J'ajoute que la lecture des blogs médicaux de qualité est devenue indispensable tout autant que l'abonnement à twitter.

Les deux media se complètent. L'auteur d'un billet de blog fait savoir sur twitter qu'il a publié ou les lecteurs d'un billet de blog signalent la parution d'un billet. Les commentaires du billet apparaissent plus sur twitter que sur le blog pour des raisons de support.

Le plus excitant est ceci : un article paraît, par exemple, dans un journal avec comité de lecture. Et les commentaires de cet article, soit trop longs pour être publiés in extenso sur le site de la revue font l'objet d'un billet de blog, soit trop courts, soit trop polémiques, apparaissent en direct sur Twitter et avec un délai sur le site de la revue et parfois dans le numéro suivant de la revue quand elle n'est pas en ligne. Ainsi peut-on se faire une idée plus rapide des avis divergents sur un article. Voire approbateurs.

Avant cela je vous propose un site, ce n'est pas un blog, Cancer Rose, qui combat avec vigueur et détermination la désinformation sur le dépistage organisé du cancer du sein. C'était un peu brouillon, c'est devenu presque parfait. Vous pouvez les suivre sur TWT : @_CancerRose

Je tente de me limiter à deux billets par blog pour l'année 2017.




Pour la cardiologie, et la médecine, il y a Jean-Marie Vailloud  et son blog (ICI) (je ne reviendrai pas sur ses goûts pour les blindés, là, j'ai essayé de comprendre, j'ai mis en oeuvre toutes mes maigres ressources psycho-analytico-neuro-cognitives et j'ai renoncé) qui nous a donné depuis des années et sur de nombreux sujets des versions (presque) définitives de prêt-à-réfléchir (vous remarquerez que je n'ai pas écrit prêt-à-penser).
Il a écrit un très beau billet sur l'effet  nocebo (LA) et un billet très classique sur la bioéquivalence en pratique (ICI) qui fait écho à deux billets de Dominique Dupagne (cf. infra).
Sur ces deux points il y aurait des tonnes de trucs à raconter mais vous commenterez vous-mêmes : les seuls vrais commentaires sont ceux que l'on fait soi-même.


Dans la série je touche à tout, j'ai un angle d'attaque original, et je ne dis pas que des khonneries, il y a Dominique Dupagne (il dit quand même parfois des khonneries). J'ai bien aimé les deux billets sur le levothyrox et la bio-équivalence (LA).  ; j'ai surtout aimé les critiques méchantes sur le fait qu'il aurait écrit des approximations, qu'il aurait commis des erreurs (ce qui montre bien, ma brave dame, qu'un médecin généraliste devrait rester à sa place et ne pas s'aventurer sur des sujets cadenassés par les experts non cliniciens), parce que la façon qu'il a eu de les intégrer dans sa réflexion a montré que les experts non cliniciens n'ont pas compris que la bio-équivalence n'était pas un concept clinique mais un critère de substitution comme un autre pour faire croire que la générication du monde était une réussite. (La comparaison entre ce qu'a écrit Vailloud et ce qu'a écrit Dupagne sur le même sujet ne laisse pas d'ailleurs de m'étonner... A vous de voir).
Mais le billet qui m'a le plus "interpelé au niveau de mon vécu" c'est celui ci : Le dépistage du K du colon est-il utile ? (ICI)  Car j'ai été touché au fond. De quoi s'agit-il ? Dominique Dupagne nous dit ceci : ouais, le dépistage du cancer du colon par la recherche de sang dans les selles ne diminue pas la mortalité globale mais, comme il y a peu d'effets indésirables (et il est vrai, c'est un mauvais argument, qu'à l'échelle d'une patiente, ce n'est pas évident...) eh bien, le jeu en vaut la chandelle. Ainsi, c'est mon commentaire, le dépistage organisé du cancer du colon ne sauve pas de vies mais, malgré son coût, il est licite de le proposer de façon "objective" aux patients.

Mais mon chouchou de cette année, même si je ne comprends pas tout, c'est @qffwffq :


Et le billet de l'année, pour moi, c'est celui consacré à l'équilibre, aux vertiges et à la neuro-ORL (avec un humour fou) : LA.
Mais aussi celui consacré à la kinésithérapie dans le Parkinson (je ne savais rien de tout cela) : ICI.
(je triche et je rajoute cet article, pourquoi le nouveau-né tète mal, tout en me méfiant car je n'ai pas vu de commentaires sur un sujet que je connais aussi mal et qui m'a fait penser, parfois, à Donald Winnicott -- l'auteur ne prendra sans doute pas cela pour un compliment).

Voici un blog d'humeur, un peu coincé par moment, mais surtout un blog d'amoureux de la médecine : Perruche en Automne. Ce qu'il écrit sur la néphrologie est dévastateur : on se demande où étaient les professeurs pendant nos cours de néphrologie. 


Cet article basique (et à la fois remarquablement érudit) sur les thiazidiques est parfait : ICI. Quant à celui sur la kaliémie il laisse rêveur et performatif : LA.
Je me suis limité à 2 billets pour ne pas lasser mais perruche en automne @sburtey est très prolixe sur l'obésité, l'HTA et la néphrotoxicité.

Je l'ai souvent cité mais, au delà des polémiques, l'incontournable blog de Marc Girard.

Une réflexion déjà ancienne sur la médicalisation, et sur tout ce que dissimule cette aliénation : la vie, la sexualité, la mort...

J'ai eu du mal à choisir et je retiendrai 2 articles fameux pour cette année :
Pour en finir avec l'aluminium et la fameuse myofasccite à macrophages : http://www.rolandsimion.org/spip.php?article287
et le classement sans suite des plaintes contre les pilules de troisième et quatrième génération : http://www.rolandsimion.org/spip.php?article386

Je n'oublie pas, et il ne s'agit pas d'un classement hiérarchique, les blogs superbes de

Sylvain Fèvre : ASK. Et sur twitter @sylvainASK. Son blog allie la compétence du médecin praticien, l'érudition et la saine rébellion contre les injustices et les incongruités du système de soin.

Je choisi donc deux articles :
l'un concerne le dépistage désorganisé du cancer du sein : ICI.
et l'autre la vaccination : LA.

Jean-Baptiste Blanc : Chroniques d'un jeune médecin quinquagénaire. Et sur twitter : @Dr_JB_Blanc


Le meilleur article de l'année 2017 : sur les chiffres de la grippe. Lumineux. ICI. Un reproche : il se fait rare car il a une façon tellement évidente de raconter les choses et, surtout, ses illustrations sont toujours ad hoc et reproduites partout.

Le blog de Médicalement Geek (@Dr_Agibus sur TWT) est une mine de renseignements sur tout ce qui paraît ici et ailleurs. Un travail énorme de compilation. Un reproche : parfois un peu trop académique au sens respectueux. Indispensable pour se tenir au courant des recommandations et de l'opinion avisée des médecins généralistes enseignants.

Hippocrate et Pindare sont dans un bateau.


Ce blog ne cesse de répéter un discours humaniste sur la médecine et les patients et, ce faisant, dénonce les compromissions, les exactions, les autoritaires (et les autoritarismes), les malfaisants, les marchands de rêves et les marchands tout court.

Pour raisons de santé. Le blog de Luc Perino a fait, selon moi, des progrès incroyables. Il est devenu plus juste et moins péremptoire. Et un peu moins sensationnaliste. Je dirais même que c'est le seul endroit dans le journal Le Monde où l'on peut lire des informations médicales intéressantes et vérifiables. Il a écrit 37 billets en 2017.

Un peu à part, le site, ce n'est pas un blog, du Formindep, qui informe.

J'encourage DocGomi, docteur niilde, bruitdessabots, Michel Arnould et autres à plus publier. Cela nous ferait plaisir.

S'abonner à Le club des médecins blogueurs paraît être une priorité pour tout médecin installé, pour tout doctorant, pour toute personne qui souhaiterait "faire" médecine.

Je voudrais dire un mot de L'école des soignants de Martin Winckler. Tout a été dit sur Winckler. L'affaire de son livre dénonçant les brutes en blanc a fait déborder le vase en suscitant de violentes réactions de partout et même de la part de ses anciens amis (ICI). J'ai plusieurs fois essayé d'écrire un billet sur lui, ce que j'avais déjà fait à propos de la contraception (LA). Il est nécessaire de le lire car, au delà de sa haine profonde de tout ce qui n'est pas lui, il dit des choses qui doivent nous faire réfléchir. Malgré que j'en eusse, je lis Le Figaro et Le Monde diplomatique. 


Pour ceux qui lisent l'anglais médical :

Des Spence est un médecin généraliste écossais qui publiait dans le BMJ



Il publie désormais dans Pulse et il a écrit 5 articles en 2017, tous aussi remarquables. ICI.

Sa successeure dans le BMJ écrit de remarquables articles dans le BMJ où elle défend bec et ongles la médecine générale : ICI. Il s'agit de Margaret McCartney. Elle écrit des livres que j'ai commentés parfois sur ce blog : LA.




Pour ceux que l'oncologie intéresse, et pas seulement en tant que spécialité, mais comme paradigme de ce qui se passe en médecine : inflation des prix, études biaisées, AMM accélérées, critères de substitution, main-mise de big Pharma sur les institutions, industrialisation de la médecine... le blog de Bishal Gyawali est étonnant de fraîcheur et de connaissances.



Il est publié de façon peu pratique dans e cancer : LA. On peut le suivre sur TWT : @oncology_bg

Je garde pour la fin le blog de Richard Lehman, un must depuis de nombreuses années, qui balaye le champ de la médecine toutes les semaines avec une compétence et un so British humour qui donnent envie : LA. On peut le suivre sur TWT : @RichardLehman1



Mais, last but not least, n'oubliez pas le blog médico-politique de Christian Lehmann : En attendant H5N1. Indispensable.



En sachant qu'il vient de publier un article brillant dans AOC : Obligation vaccinale, un pari orwellien. On peut le suivre sur TWT : @LehmannDrC

Quant à ceux que j'ai oubliés, qu'ils ne me pardonnent pas.

PS du 13 février 2018. J'avais oublié le blog de Michel Lorgeril (ICI) où vous apprendrez des faits non conventionnels sur le cholestérol (sans oublier que notre ami Grangeblanche, premier blog cité, a férocement commenté le livre de Michel de Lorgeril) et sur les vaccins.


LISEZ LES BLOGS MEDICAUX !



vendredi 12 janvier 2018

L'histoire des gants et des blouses.


Il faut se méfier du bon sens en médecine.

Lors de la pseudo pandémie de grippe AH1N1 on avait dit, tout le monde disait, que les mesures barrières, se laver les mains, porter un masque, ne se discutaient pas. Comme la vaccination et le tamiflu. Il paraît clair que se laver les mains après avoir examiné un malade, se laver les mains avant d'examiner un patient, sont de bonne clinique. Mais il ne faut pas confondre la théorie et la pratique, c'est à dire la réalité des "vraies" circonstances de la vie avec de "vraies" gens.

Récemment la ministre de la Santé a déclaré, au nom du bon sens, que la vaccination antigrippale obligatoire, elle était pour. Elle n'a pas d'essais concluants, elle n'a que sa croyance, elle n'a que ses bonnes intentions. Les bonnes intentions ne sont pas suffisantes.


Laissez moi vous raconter une histoire récente.

Celle des gants et des blouses.

Je l'ai pêchée dans l'excellentissime livre de Cifu et Prasad, Ending Medical Reversal (ICI).
Les deux auteurs rapportent au chapitre 5 que ce ne sont pas seulement des traitements, des procédures, des tests ou des matériels qui sont administrés à des patients, des centaines de patients, voire des millions de patients alors que l'on n'est pas certains qu'ils sont efficaces, voire même que  certains sont persuadés, l'Arrogance Based Medicine, qu'ils sont certainement efficaces avant même de les avoir testés et, bien plus, qu'il n'est donc pas nécessaire (voire dangereux, une perte de chance affirment-ils) de les tester.

On découvre chez un patient hospitalisé pour leucémie, Monsieur A, que sa peau est infectée par un entérocoque résistant à la vancomycine (et à d'autres antibiotiques). Monsieur A ne présente aucune pathologie liée à cet entérocoque qui vit sur sa peau comme un commensal, ainsi que d'autres bactéries.

Branle-bas de combat : afin de protéger les autres patients de cet hôpital et éviter la propagation de cette bactérie, mais pas pour protéger Monsieur A, les médecins et les infirmières qui le soignent doivent désormais, avant d'entrer dans sa chambre, revêtir une blouse jaune en papier et enfiler des gants.

Monsieur A est énervé par cette procédure. Pour de nombreuses raisons.

Bien qu'enfiler une blouse et des gants ne dure qu'une minute, cela a l'air d'embêter tout le monde.
Il remarque que ceux qui respectent l'esprit de la procédure se comportent différemment, soit en faisant très attention, soit en s'asseyant sur son lit au risque de contaminer leurs pantalons.

Il y en a qui oublient la procédure, qui entrent en vitesse pour régler la perfusion ou aller déposer/chercher un plateau repas ou qui s'asseyent et parlent.

Mais aussi : il suspecte que les médecins viennent moins souvent le voir et notamment cette jeune femme médecin qui avait pris l'habitude, avant de rentrer chez elle, d'aller le voir, de s'asseoir et de parler. Désormais elle lui fait un hello derrière la vitre.

Monsieur A demande un jour à un médecin combien coûtent les blouses et il lui répond "plusieurs dollars", ce qui lui paraît exagéré car ce ne sont, selon lui, que des serviettes en papier géantes.

Un soir il trouve une étude sur internet qui montre que les médecins vont moins souvent voir les patients en isolement. Cela confirme ce qu'il pensait mais il se dit qu'il peut tolérer cela puisque cela protège d'autres patients.

Monsieur A meurt de sa leucémie un an après que le diagnostic a été porté.

Par la suite deux articles sont publiés qui l'auraient mis en colère.

En 2011, des auteurs montrent que ce même type de procédure (blouse et gants) ne diminue pas la transmission d'entérocoques vancomycine résistants ou se staphylocoques dorés methicilline résistants dans des services de soins intensifs (étude contrôlés avec 3000 patients, 19 centres) : voir ICI.
Une deuxième étude d'une tout ausi grande importance montre la même chose : voir LA

Monsieur A avait donc raison d'être énervé : les mesures barrières qui ont été mises en place ne servaient à rien pour les autres malades et lui ont pourri la vie.

Cet exemple est typique des procédures systèmes qui sont implantées avant même que l'on sache si elles atteignent leurs objectifs et qui, selon une évaluation avant/après (sans études contrôlées) dans un centre, sont généralisées à un pays tout entier.

Mais le pire : malgré des preuves contraires de leur efficacité, les procédures systèmes de bon sens, ici les mesures barrières, ne sont pas abandonnées par leurs partisans parce qu'elles auraient pu marcher si elles avaient été faites différemment ou étudiées autrement. C'est un vieil argument.

Les procédures systèmes adoptées après un essai dans un seul hôpital jugé par des chiffres avant/après (sans groupe témoin) entraînent des dépenses inutiles, un gaspillage de temps et, surtout, empêchent de s'intéresser à d'autres procédures qui pourraient, elles, être efficaces (comme l'utilisation de lingettes de désinfection : voir LA)

Cele ne vous fait pas penser à plein de trucs inutiles, que l'on continue à faire, par habitude, par croyance ou pour ne pas importuner les chefs qui ne peuvent admettre leurs erreurs (sinon en les imputant à leurs subordonnés).


jeudi 4 janvier 2018

Bonne année 2018 et bilan 2017.



Voici ce que l'on aurait pu retenir de l'année 2017 :

  1. Il n'est plus possible de nier l'effarant sur diagnostic du cancer du sein et ses conséquences désastreuses, le sur traitement des femmes (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie), et le chiffre de 50 % rapporté par une récente étude néerlandaise (voir LA), pour abasourdissant qu'il soit, confirme ce qu'a toujours affirmé (à partir de données solides) Peter Goetzsche de la Nordic Cochrane (LA, par exemple). Il est urgent de reconsidérer le dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans. Comme site spécialisé le site Cancer Rose est une référence en français, voir ICI.
  2. Agnès Buzyn est définitivement la représentante de ce que j'appelle le complexe santeo-industriel et la propagatrice de ce que Marc Girard nomme, à la suite encore de Peter Goetzsche (Gøetzche Peter. 2013, Deadly Medicines and Organised Crime: How Big Pharma has Corrupted Healthcare. Radcliffe.), la criminalité médico-pharmaceutique. Toutes les actions de la ministre sont en outre marquées par le sceau du mandarinat arrogant et sans réplique et de l'entre soi parigo-parisien de l'AP-HP et du septième arrondissement réunis. Elle défend l'hôpital contre les soins premiers, elle soutient l'industrie pharmaceutique avec une indécence inouïe (allant jusqu'à refuser le déremboursement de médicaments inefficaces et dangereux comme les pseudo anti Alzheimer), elle est au centre de la calamiteuse décision de la onze-vaccination obligatoire des nourrissons en utilisant des arguments fallacieux et en travestissant une conférence dite citoyenne, elle nie les effets indésirables du dépistage organisé du cancer du sein (voir le point 1.), elle nomme des copains et des coquins aux postes de responsabilité, elle valorise les liens et conflits d'intérêts. Ce qu'elle entreprend est pire que ce que nous avions anticipé (ICI). Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
  3. La dérive de l'oncologie, telle que ses pratiques sont organisées à partir des autorisations de mise sur le marché de produits anti cancéreux aux Etats-Unis d'Amérique, prend une tournure mafieuse : des produits qui n'améliorent pas l'espérance de vie (ou de 3 mois en moyenne) sont commercialisés à des prix étourdissants sur des critères de substitution dont le plus fameux est le Progression Free Survival à la base d'essais cliniques de non infériorité ou d'essais pratiqués dans des pays en développement avec un bras placebo indigne ; des produits autorisés sans essais contrôlés, des produits autorisés sur la base de bio marqueurs et non sur l'histologie... Ainsi des oncologues peuvent-ils prescrire des médicaments inefficaces en promettant de l'espoir (on peut se demander si les oncologues sont encore des soignants) et en entraînant des souffrances atroces et des effets indésirables indignes, sans demander l'avis des patients. (Progression Free Survival : c'est une nouvelle notion, mais surtout un nouveau critère d'essai clinique, qui signifie que le patient a survécu et que la tumeur n'a pas progressé -- la progression étant définie par une augmentation de 20 % de la taille de la tumeur mesurée au scanner : il y a PFS si le patient est vivant avec une augmentation de 19 % ou une réduction de 16 % ! Le problème vient de ce que le PFS ne prédit pas une augmentation globale de survie.)
  4. L'affaire Levothyrox est une métaphore fantastique sur l'état de délabrement des esprits de ceux qui pratiquent le système de santé français : les experts pharmacologues qui n'ont jamais vu un malade, les experts cliniciens qui n'ont jamais écouté un malade, les agences gouvernementales qui savent a priori ce qu'est un malade et comment il ne va pas réagir (ou réagir), les cliniciens qui prennent ce qu'ils ne comprennent pas pour de la khonnerie émanant d'un malade a priori "chiant" ou dérangé, les TSHologues qui cultivent la politique des critères de substitution (si la TSH est bonne, la patiente n'a qu'à fermer sa goule, c'est qui le chef ?) comme les psychiatres qui jugeraient de l'état d'un.e patient.e sur un simple taux de sérotonine, les journalistes qui chassent le scoop, les associations de patient.e.s qui se tirent dans les pattes et qui n'ont donc pas, par la grâce empoisonnée d'être malade, la vérité révélée, les politiques qui n'écoutent que le bruissement des sondages, les pharmacie.nnes qui donnent des leçons de médecine derrière leurs comptoirs protégés pour ne pas lever le secret médical, les docteur.e.s qui n'arrivaient rien compris à la bio-équivalence ou qui, après avoir compris ou fait semblant de comprendre, ne comprennent toujours pas que c'est une notion bidon, les autres médecin.e.s qui parlent de marge thérapeutique étroite alors qu'il s'agit sans doute d'une maladie à fluctuation évolutive large ou, mieux, d'une maladie pour laquelle la zone de corrélation clinico-hormonale normale est très imprécise (et qui ne s'en étaient pas formalisés avant), les commentateur.e.s qui ne se sont pas rendu compte qu'il y avait à la fois un sur diagnostic, un sur traitement, et une réponse différente au traitement selon que les patient.e.s n'en avaient pas besoin, souffraient d'un cancer de la thyroïde opéré, irradié ou non, d'un Basedow après traitement éradicateur ou d'une thyroïdectomie (ou d'une hémithyroïdectomie) pratique pour des raisons bizarres ou imprévues ou inconnues, mais surtout :  il y avait des praticien.nes qui ignoraient ce qu'était l'effet nocebo ou un nocebo (ce n'est pas pareil) et qui en profitent désormais pour acculer les patient.e.s dans les cordes à cause de ce phénomène universel tout comme les patient.e.s expert.e.s refusent qu'on en parle pour ne pas se faire traiter de crétin.e.s parce que certain.e.s malades pourraient être accusé.e.s d'y avoir succombé et que cela ruinerait leurs théories sur les excipients cliniquement actifs ou sur le dogme de la corrélation TSHémie/humeur... Enfin, l'affaire Levothyrox, mais il faudrait développer, espérons que nous aurons l'année 2018 pour développer, enfonce le clou de la catastrophique aventure des génériques pour les patients, les pharmaciens et les médecins (l'écriture inclusive vient d'en prendre un coup).
  5. La santé publique est entrée définitivement dans le monde de la grande distribution. On ne pourra plus revenir en arrière. Les lobbys industriels et politiques verrouillent la question. Ils placent leurs pions aux postes clés de l'Etat et surtout dans les agences gouvernementales (avec la bonne vieille pratique du pantouflage : ICI). Ils arrosent. Ils organisent les hôpitaux (et les cliniques) comme des entreprises, imposant un manageriat industriel, une culture du rendement, une politique des indices, à base de flux tendu, de reporting, de sous-effectifs, de salaires de misère pour les "apprentis" (i.e. les internes), d'utilisation de travailleurs étrangers pour boucher les trous (et y compris les médecins)... Ils organisent l'industrialisation des cliniques appelées désormais hôpitaux privés et contrôlées par de grands groupes financiers. Ils favorisent la multiplication des examens complémentaires qui conduisent au sur diagnostic, au sur traitement, à l'incidentalome, en implantant des scanners, des IRM, des pet-scans... Ils organisent les conférences de consensus à l'origine de recommandations (guide-lines) toujours autant prescriptrices et dévoreuses de ressources. Ils financent les associations de patients pour pouvoir disposer d'un levier sentimental sur les pouvoirs publics. Ils détruisent consciencieusement la médecine libérale et la médecine générale en particulier, ce qui aura d'incalculables conséquences sur la santé publique... Le regroupement des médecins dans des maisons de santé situées en périphérie rappelle tant ce qu'est devenu le commerce mondialisé...  Les lobbys favorisent les mutuelles qui, initialement solidaires deviennent assurancielles, et cela va entraîner la faillite complète du système et/ou l'impossibilité pour certains types de populations de se faire pratiquer des examens inutiles et coûteux. Je m'arrête là pour ne pas lasser l'auditoire.
  6. L'arrogance de la médecine, celle qui pouvait prétendre contre toute raison (et notamment contre les travaux des épidémiologistes non à la botte des autorités académiques), que nous vivions dans les pays "développés" un âge d'or de la santé publique grâce aux progrès de la médecine, en prend un coup : l'espérance de vie à la naissance est en train de stagner, voire de reculer (aux Etats-Unis d'Amérique depuis deux ans consécutifs : " “And the key driver of that is the increase in drug overdose mortality.”") dans certains sous-groupes populationnels ; quant à l'espérance de vie en bonne santé, son déclin est amorcé dans tous les pays développés. Cette arrogance de la médecine est un phénomène bien connu des marketeurs, cela s'appelle la sur promesse. Et cette sur promesse va conduire au point suivant : puisque les médecins ne peuvent ou ne veulent assumer les désirs de la société (immortalité, indolence, scanners à répétition) les non médecins, les gestionnaires, les apprentis sorciers, les citoyens vont dire aux médecins ce qu'il doivent faire, "j'ai envie de", et, à la fois se tourner vers des techniques ou des traitements non éprouvés ou insuffisamment évalués, tester la médecine non officielle, et cetera. Pour assouvir ses désirs.
  7. Une médecine sans médecins. Le rêve grandiose du complexe santeo-industriel est de pouvoir à terme se passer des médecins en tant que décisionnaires. Les financiers auront toujours besoin de médecins conseillers des princes et des industriels pour donner des idées, pour borner les discours, pour fournir des éléments de langage, pour endormir les consommateurs, pour publier des articles allant dans le sens des politiques pré définies par les accumulateurs de profits. Nous ne nions pas que les médecins aient creusé leur tombe tout seuls et qu'ils continuent de se tirer des balles dans le pied en embrassant l'intelligence artificielle, les robots opérateurs, la onze-vaccination obligatoire, la gestion des maisons médicales de soins par les mairies, les préfets ou l'ARS  ou la télé médecine, nous n'ignorons pas que la gestion des hôpitaux et des cliniques par les médecins n'était pas irréprochable (mais c'était la médecine alapapa) mais nous sommes certains que la gestion de ces mêmes hôpitaux et cliniques par les gestionnaires (qui, auparavant, travaillaient dans les yaourts ou dans l'industrie automobile) est calamiteuse.
  8. L'inintérêt de certaines pratiques médicales et de standards de soin largement pratiqués (non démonstration de leur efficacité voire démonstration de leur nuisance) a été montrée par Cifu et Prasad (Ending medical reversal, 2005, pp 83-87)  dans 46 % des cas à partir  d'essais cliniques contrôlés publiés. Et quand le faisceau de preuves est suffisant pour les invalider, rien ne change : voir point 1.) mais aussi : LA. Il est grand temps a) de ne pas généraliser des pratiques sans qu'elles aient été démontrées IRL ; b) de remettre en cause  celles qui ont fait la preuve de leur inefficacité et/ou de leurs nuisances.
  9. Les associations de patients sont une autre face du consumérisme de la santé publique. Donner la parole publique aux patients est indispensable quand on sait avec quel mépris condescendant on les a laissés pendant des décennies. On ne les informait pas par ignorance et on a continué à ne pas les informer par arrogance. Mais il s'avère, au delà des polémiques sur les associations de patients et leur financement, au delà des controverses sur la parole médiatisée des patients (cf. point 4) et leur utilisation compassionnelle ou non, qu'il n'est pas possible de ne pas écouter et comprendre. Les soignants devraient réfléchir à cette situation : quand ils deviennent malades, quand ils souffrent d'une maladie qu'ils connaissent pour l'avoir traitée chez des patients, leur regard change, ils se rendent compte de faits, de détails, de sensations qu'ils ne pouvaient qu'ignorer, et ils regardent les patients avec un autre regard. Et ils changent leur pratique sauf si leur pratique est uniquement fondée sur des intérêts pécuniaires.
  10. Le pouvoir inégalé de l'Eglise de Dépistologie. Cette Eglise a un pouvoir considérable de nuisance dans la société. Son credo bienveillant, s'attaquer à la maladie avant qu'elle n'apparaisse (et il arrive que l'Eglise de Dépistologie ne soit pas d'accord avec l'Eglise de Préventologie) s'accompagne de pratiques non bienfaisantes, voire franchement malfaisantes. Rappelons notre athéisme dépistologique militant : un test de dépistage en cancérologie doit atteindre 3 objectifs : 1) il doit détecter des cancers précocément ; 2) il doit diminuer la mortalité liée au cancer qu'il recherche ; 3) il doit améliorer la survie globale c'est à dire diminuer la mortalité quelle qu'en soit la cause. Sinon... il faut l'abandonner. Je rappelle qu'à ce jour aucun test de dépistage de cancer n'a atteint les 3 objectifs.

 Gardons courage.

Bonne année 2018.


jeudi 14 décembre 2017

Cancer du sein : quelques chiffres sur le sur diagnostic.


Selon l'INVS il existe 54 000 nouveaux cas de cancers du sein par an en France (voir ICI).

On va dire qu'il s'agit de femmes.

Selon une étude néerlandaise il existe 50 % de sur diagnostics de cancers du sein (aux Pays-Bas) : voir LA.

Définition du sur diagnostic : diagnostiquer une maladie qui n'aurait jamais eu de conséquences sur la vie du patient, ni en termes de qualité de vie, ni en termes de morbidité, ni en termes de mortalité.

Imaginons que les Néerlandais se trompent.

Imaginons donc que l'INVS et les autorités françaises, qui ne reconnaissent (sous la torture) que 10 % de sur diagnostics de cancers du sein en France (et qui n'informent pas les femmes sur ce sujet, ou très mal, ou en catimini), ne se trompent pas.

Cela signifie (et de façon non cumulative) : 

Hypothèse 10 % : tous les ans 5 400 femmes assurées sociales de plus sont inquiétées à tort et/ou sont biopsiées à tort et/ou sont opérées à tort et/ou sont chimiothérapées à tort et/ou sont radiothérapées à tort... sans oublier les effets indésirables, les conséquences psychologiques, sociales, familiales, professionnelles et sociétales... et une vie bouleversée.

Imaginons que les Néerlandais ne se trompent pas :

Hypothèse 20 % : tous les ans 10 800 femmes assurées sociales de plus sont inquiétées à tort et/ou sont biopsiées à tort et/ou sont opérées à tort et/ou sont chimiothérapées à tort et/ou sont radiothérapées à tort... sans oublier les effets indésirables, les conséquences psychologiques, sociales, familiales, professionnelles et sociétales... et une vie bouleversée.


Hypothèse 30 % : tous les ans 16 200 femmes assurées sociales de plus sont inquiétées à tort et/ou sont biopsiées à tort et/ou sont opérées à tort et/ou sont chimiothérapées à tort et/ou sont radiothérapées à tort... sans oublier les effets indésirables, les conséquences psychologiques, sociales, familiales, professionnelles et sociétales... et une vie bouleversée.


Hypothèse 40 % : tous les ans 21 600 femmes assurées sociales de plus sont inquiétées à tort et/ou sont biopsiées à tort et/ou sont opérées à tort et/ou sont chimiothérapées à tort et/ou sont radiothérapées à tort... sans oublier les effets indésirables, les conséquences psychologiques, sociales, familiales, professionnelles et sociétales... et une vie bouleversée.


Hypothèse 50 % : tous les ans 27 000 femmes assurées sociales de plus sont inquiétées à tort et/ou sont biopsiées à tort et/ou sont opérées à tort et/ou sont chimiothérapées à tort et/ou sont radiothérapées à tort... sans oublier les effets indésirables, les conséquences psychologiques, sociales, familiales, professionnelles et sociétales... et une vie bouleversée.

Sans oublier que le bénéfice sur la diminution de la mortalité globale lié au dépistage organisé du cancer du sein est non avéré. sans oublier les effets indésirables, les conséquences psychologiques, sociales, familiales, professionnelles et sociétales... et une vie bouleversée.

Pour savoir et pour imaginer  comment sortir de cette situation inacceptable : LA.

PS (rajout du 3 mai 2018) : voici la lettre ouverte adressée par Cancer Rose (le site d'information indispensable pour une information équilibrée et honnête sur le dépistage du cancer du sein) à l'INCa (Institut national du cancer) : ICI.

jeudi 7 décembre 2017

Edition spéciale : une étude néerlandaise montre un sur diagnostic de 50 % lors du dépistage organisé du cancer du sein sans bénéfice net sur la mortalité.





Quand réagira-t-on ?


Voici l'abstract de cet étude.
Je ne le traduis pas.
Ce n'est pas la peine de le traduire puisque ceux qui lisent et comprennent l'anglais n'en tiennent pas compte et que ceux qui ne lisent pas et ne comprennent pas l'anglais n'en tiennent pas compte.
Vous avez aussi le texte in extenso : ICI.

Abstract

Objective To analyse stage specific incidence of breast cancer in the Netherlands where women have been invited to biennial mammography screening since 1989 (ages 50-69) and 1997 (ages 70-75), and to assess changes in breast cancer mortality and quantified overdiagnosis.
Design Population based study.
Setting Mammography screening programme, the Netherlands.
Participants Dutch women of all ages, 1989 to 2012.
Main outcome measures Stage specific age adjusted incidence of breast cancer from 1989 to 2012. The extra numbers of in situ and stage 1 breast tumours associated with screening were estimated by comparing rates in women aged 50-74 with those in age groups not invited to screening. Overdiagnosis was estimated after subtraction of the lead time cancers. Breast cancer mortality reductions during 2010-12 and overdiagnosis during 2009-11 were computed without (scenario 1) and with (scenario 2) a cohort effect on mortality secular trends.
Results The incidence of stage 2-4 breast cancers in women aged 50 or more was 168 per 100 000 in 1989 and 166 per 100 000 in 2012. Screening would be associated with a 5% mortality reduction in scenario 1 and with no influence on mortality in scenario 2. In both scenarios, improved treatments would be associated with 28% reductions in mortality. Overdiagnosis has steadily increased over time with the extension of screening to women aged 70-75 and with the introduction of digital mammography. After deduction of clinical lead time cancers, 32% of cancers found in women invited to screening in 2010-12 and 52% of screen detected cancers would be overdiagnosed.
Conclusions The Dutch mammography screening programme seems to have little impact on the burden of advanced breast cancers, which suggests a marginal effect on breast cancer mortality. About half of screen detected breast cancers would represent overdiagnosis.

Les femmes auront-elles un jour droit à une information honnête ?

jeudi 30 novembre 2017

Ending medical reversal / Pour en finir avec les volte-face thérapeutiques en médecine


Je suis en train de lire Ending Medical Reversal de Vinayak Prasad et Adam Cifu dont je vous ferai sans doute un compte rendu complet. Et élogieux (j'ai des réserves sur certains points, bien entendu).

Les volte-face thérapeutiques ne sont pas ce que nous croyons intuitivement, c'est à dire, pour résumer : il existe des pratiques médicales que nous abandonnons parce qu'il est démontré ensuite qu'elles sont inefficaces ou parce que la science a trouvé mieux d'un point de vue efficacité et/ou conceptuel. Un exemple ? Un nouvel anti hypertenseur prouve qu'il fait aussi bien sur les chiffres tensionnels que le précédent mais il montre également qu'il protège la santé du patient : moins d'AVC, moins d'infarctus, et cetera. On peut dire que les données de la science ont évolué parce que le nouveau critère n'est plus Baisse de la pression artérielle mais protection cardiovasculaire.

Pour les deux auteurs, en finir avec les volte-face thérapeutiques signifie qu'il faut agir en amont pour éviter que des pratiques médicales ne deviennent la règle alors qu'elles n'ont pas démontré leur efficacité.

Ils insistent également sur ceci : quand il est démontré qu'une pratique largement répandue, et depuis de nombreuses années et sur des milliers ou des centaines de milliers de malades, n'est pas plus efficace qu'un placebo, elle n'est pas toujours abandonnée immédiatement. Pourquoi ?

Ils insistent encore sur ceci : quand il est avéré qu'une pratique fait plus de mal que de bien (le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes entre 40 et 49 ans) il est difficile de l'abandonner comme ça. On ne se demande pas pourquoi on l'a instituée mais comment on va faire pour la désinstituer sans perdre la face.

Mais il ne faut pas croire que cela n'arrive qu'aux autres, que cela n'est le fait que des institutions ou que c'est à cause de l'industrie pharmaceutique ou de l'industrie des matériels ou des méchants experts.

Je vous donne des exemples tirées de ma pratique.

Lors de mon installation en septembre 1979, mon dernier poste était Faisant Fonction d'Interne dans un service de neuro-chirurgie : les PL étaient mon domaine, et cetera. J'aimais bien manier les aiguilles.

Eh bien, au cabinet, j'ai très rapidement pratiqué des épidurales dans l'indication sciatique, des injections intra-articulaires de corticoïdes dans les genoux (comme d'ailleurs des infiltrations extra-articulaires : tendinite de la patte d'oie), et des infiltrations extra-articulaires des coudes (épicondylites). J'ai aussi infiltré des canaux carpiens, des aponévrites plantaires, et cetera. Sans oublier, et nous en reparlerons sans doute, les infiltrations intra et extra articulaires de l'épaule.

Aujourd'hui je ne pratique plus d'épidurales, non pour d'initiales raisons scientifiques mais parce qu'il y a déjà très longtemps j'avais vu que mon assurance civile professionnelle ne me couvrait pas. Je ne pratique plus d'injections intra articulaires dans le genou pour des raisons légales et pour des raisons scientifiques : cela ne "marche" pas. Je ne pratique plus, ou presque, d'infiltrations des épicondyliens après que j'ai expliqué au patient.e quels étaient les résultats à un an (autant de malades douloureux et impotents que les patient.e.s aient ou non été infiltré.e.s).

Je raconte cela avant-hier à l'un de mes collègue spécialiste. Il me dit ceci : il y a dix ans j'ai vu un orthopédiste qui m'avait demandé de le rappeler dans la semaine pour me faire opérer d'un ménisque. Je ne l'ai jamais rappelé. Je n'ai plus mal depuis dix ans. Je lui réponds ceci : il y a 9 ans j'ai fait une sciatique L4L5 hyper algique. Mes amis généralistes, rhumatologues, neurologues, tout le monde m'a dit que je devais me faire opérer. J'ai résisté. Aucun traitement antalgique ne me soulageait. J'ai tout arrêté. Je me suis arrêté de travailler huit jours. Mes muscles fondaient. Un collègue radiologue m'a infiltré dans l'espace foraminal (des études récentes ont montré que cela n'avait pas montré son efficacité) et 36 heures après je reprenais le travail. Un collègue médecin du sport m'a félicité de ne pas m'avoir fait opérer et il m'a donné des conseils d'auto kinésithérapie. J'ai un peu forcé et j'ai récupéré mon jambier antérieur en trois jours (et accessoirement mon quadriceps homolatéral car l'atteinte radiculaire était mixte). Je continue à faire du sport.

Ainsi, dans mon cabinet, et au delà des problèmes légaux, j'exerçais des pratiques qui n'avaient pas fait la preuve de leur efficacité mais qui me paraissaient intuitivement justifiées : Ego Based Medicine. Cela me valorisait, j'obtenais des résultats (rappelons que l'effet placebo est en moyenne de 30 % quelle que soit la pathologie et que dans le domaine de l'antalgie il peut atteindre 70 à 80 %), les gens se donnaient le mot, et cetera.

Je suis revenu en arrière.

Mais, je le rappelle, j'ai fait volte-face non parce que des pratiques justifiées ont été invalidées par la science et sont devenues injustifiées mais parce que des pratiques injustifiées ont été confirmées dans leur injustifiabilité.

La critique principale est celle-ci : s'il avait fallu attendre des justifications scientifiques pour l'utilisation de l'aspirine dans les céphalées ou en prévention cardiovasculaire on aurait laissé souffrir et/ou mourir beaucoup de gens. OK. Mais c'est aussi l'exception.


Voilà un début d'introduction à ce livre que je vous conseille d'acheter.