mardi 17 décembre 2019

Un blog indispensable pour comprendre les dessous scientifiques de l'édition scientifique.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 17




Comment faire du copinage quand on ne connaît pas le copain ?

Toujours est-il que le blog de Hervé Maisonneuve est un bijou. Il est une source inépuisable de renseignements sur les publications en médecine, sur l'évolution et sur les dérives éventuelles des professions d'éditeurs, d'auteurs, de correcteurs, de peer-reviewers, sur la structure de l'édition, sur l'open-access, et cetera, sur la non publication des essais cliniques, sur les tricheries, sur les valeureux, sur les victimes, sur les liens endogames entre l'université, l'industrie et les éditeurs...

N'oublions que l'un des bras de l'EBM est la prise en compte des dernières données de la science et notamment des essais contrôlés. Essais contrôlés contrôlés par l'industrie et les éditeurs...

Donc, il est possible que je ne sois pas d'accord ici ou là avec l'auteur du blog, peu importe : vos saurez lire entre les lignes et trouver votre miel.

Hervé Maisonneuve est également sur twitter : @hervemaison

lundi 16 décembre 2019

Deux nouveaux syndromes dans le monde délirant de la psychiatrie : le BSD et le CSD-HD.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 16

























Cela commence comme cela sur twitter :



Allen Frances réagit à un article allemand que relate le Daily Mail publié dans le journal Comprehensive Psychiatry. Ces chercheurs ont, selon eux, découvert une nouvelle entité clinique le Buying-Shopping Disorder (BSD) qui affecterait 5 % de la population. On pourrait traduire cela par le Trouble de l'Achat et du Magasinage (TAM).

Lead investigator Astrid Muller of Hannover Medical School said: ‘It really is time to recognise BSD as a separate mental health condition.


Il faut traiter. Et les auteurs de se désoler que ce nouveau syndrome ne soit pas inclus dans la classification internationale des maladies.

Dans l'article de Allen Frances la conclusion est la suivante :

The ambitious medicalizing of our interests, passions, indulgences, and eccentricitIes has unfortunate practical consequence. But even worse, it somehow cheapens respect for the wonderful diversity and intensity of human experience. It will be a very dull brave new world indeed when all passionate interests are seen as a pathological targets for treatment.

La médicalisation ambitieuse de nos intérêts, de nos passions, de nos complaisances et de nos excentricités a des conséquences pratiques malheureuses. Mais, pire encore, elle rabaisse en quelque sorte le respect pour les merveilleuses diversité et intensité de l'expérience humaine. Nous entrerons effectivement dans un terne meilleur des mondes quand tous nos intérêts passionnés seront vus comme des cibles pathologiques de traitement.

Je vous invite à lire les commentaires sur twitter.

Mais ce qui a retenu le plus mon attention, c'est ceci : 



Un certain Legedin a donc identifié un nouveau syndrome, le CSD-HD, qui peut être considéré comme une maladie mentale. Les gens qui ont un CSD-HD présentent des stéréotypies (1) urgentes ou compulsives qui incluent la recherche d'étiquettes diagnostiques pour chaque comportement ou émotions humaines.

C'est ce que recherche le DSM V : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders.

On pourrait traduire cela par Trouble d'Hypermédicalisation par Déficit du Sens Commun (TH-DSC)


(1) Définition : Tendance à conserver la même attitude, à répéter les mêmes mouvements ou les mêmes paroles.




dimanche 15 décembre 2019

Quand les médecins ont tous les pouvoirs : terrorisant.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 15


Le livre de Guillaume Lachenal est pour moi une source inépuisable d'incrédulité.

L'auteur raconte comment un médecin, le docteur Jean Joseph David, a gouverné seul pendant la deuxième guerre mondiale une région entière du Cameroun. On l'appelait l'Empereur du Haut-Nyong. Et comment le roi David a pu monopoliser tous les pouvoirs médicaux, administratifs et militaires pour lutter contre la trypanosomiase.

Il y a tout là-dedans : racisme, colonialisme, état policier, exactions, camps d'internement.

Tout était possible avec les races inférieures.

Et pour des résultats déplorables en termes de santé publique.


Donner tous les pouvoirs aux médecins n'est pas une bonne chose. Ni à personne, d'ailleurs.


samedi 14 décembre 2019

De quoi Jean-Paul Delevoye est-il le nom ?

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 14


Les conflits d'intérêts sont une affaire complexe.

Nous en avons déjà parlé en médecine. Trop souvent.

L'affaire n'est toujours pas comprise.

La retraite de Delevoye : une bérézina.

Chirac avait dit de lui : "C'est un grand con, d'abord parce qu'il est grand (193 cm) et ensuite parce qu'il est con." On pourrait ajouter : C'est un grand conflit d'intérêts.

Le nom de Delevoye signifie corruption.


On apprend qu'en plus de ses activités il avait treize mandats : ICI.

Mais je n'ignore pas que les médecins en général, pas tous, hein, devraient commencer par balayer devant leur porte.

PS du 16 décembre 2019 : Le grand démissionne (je n'y suis pour rien).

vendredi 13 décembre 2019

Combien de temps a-t-il fallu pour réévaluer et abandonner la paracentèse et les antibiotiques en première intention dans l'otite moyenne aiguë ?

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 13.




Un de mes amis chef de clinique assistant en ORL, devenu ensuite professeur et chef de service, m'a fait lire cet article en 1981 : ICI.

THERAPY OF ACUTE OTITIS MEDIA: MYRINGOTOMY, ANTIBIOTICS, OR NEITHER?: A Double-blind Study in Children


Je suis tombé de ma chaise.

Voici l'abstract :

Abstract

In a double-blind study 171 children with acute otitis media (239 affected ears) were treated by four different methods: neither antibiotics nor myringotomy; myringotomy only; antibiotics only; or both antibiotics and myringotomy. All received symptomatic treatment. There were no significant differences in clinical course (pain, temperature, duration of discharge, otoscopic appearances, audiography, recurrence rate) between the four groups. In the groups treated without antibiotics, the ears discharged for slightly longer and the eardrums took a little longer to heal; these differences were not significant. No complications were seen. Symptomatic therapy with nosedrops and analgesics seems a reasonable initial approach to acute otitis media in children. Myringotomy and antibiotics can be reserved for cases in which the course of otitis is irregular, there are complications such as mastoiditis, or ear discharge continues beyond 14 days.
Dans un essai en double-aveugle 171 enfants porteurs d'une otite moyenne aiguë (239 oreilles affectées) ont été traités de 4 manières différentes : ni antibiotiques ni paracentèse ; paracentèse seule ; antibiotiques seuls ; ou antibiotiques et paracentèse. Tous recevaient un traitement symptomatique. Il n'y a pas eu de différences entre les 4 groupes sur l'évolution clinique (douleur, fièvre, durée de l'écoulement, vision otoscopique, audiométrie, taux de rechute). Dans les groupes traités sans antibiotiques, les oreilles ont coulé légèrement plus longtemps et les tympans mirent un peu plus de temps à guérir ; ces différences n'étaient pas significatives. Aucune complication n'a été observée. Un traitement symptomatique par gouttes nasales et analgésiques semble une approche initiale raisonnable pour une otite moyenne aiguë chez les enfants. Paracentèse et antibiothérapie peuvent être réservés aux cas où l'évolution de l'otite est irrégulière, s'il existe des complications comme une mastoïdite ou si l'écoulement continue au delà de 14 jours. 

L'article est la propriété de Elsevier (voir le billet précédent LA), coûte très cher et est interdit à la reproduction.

Je tombe encore de ma chaise en constatant combien de paracentèses inutiles (et douloureuses) ont été pratiquées chez des enfants qui n'en avaient pas besoin, combien de millions (milliards ?) de boîtes d'antibiotiques ont été prescrites à tort. 

Si la paracentèse dans l'indication otite moyenne aiguë a quasiment disparu les antibiotiques continuent d'être prescrits larga manu.

Cet article de 1981 pose encore le problème de la réactivité des consciences confrontées aux croyances, au corporatisme (ici des ORL) et à l'industrie des antibiotiques. A suivre.

Nous parlerons un jour des yoyos ou aérateurs tympaniques.

PS du 14/12/19. Dominique Dupagne fait la réflexion suivante sur twitter :


"Bref, cette étude ne prouve pas de supériorité, mais ne peux pas non plus l'infirmer, faute de puissance suffisante." ajoute Dominique Dupagne.




jeudi 12 décembre 2019

L'Etat calamiteux de l'éthique des publications dans la ligue mondiale de médecine.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 12


Les revues prédatrices dans Nature : LA.


Predatory journals: no definition, no defence

Leading scholars and publishers from ten countries have agreed a definition of predatory publishing that can protect scholarship. It took 12 hours of discussion, 18 questions and 3 rounds to reach.
Predatory journals are a global threat. They accept articles for publication — along with authors’ fees — without performing promised quality checks for issues such as plagiarism or ethical approval.

Elsevier, l'éditeur qui corrompt l'Open Science en Europe : ICI.

Un bel article dans The Guardian. Rappelons que l'Open Science a pour objectif d'ouvrir l'accès aux informations scientifiques en 2020. Un beau projet européen mis en place sous l'égide de la Commission Européenne. Le hic vient de ce que l'on a confié le projet à Elsevier... Lire la suite.

Elsevier are corrupting open science in Europe

La pratique frauduleuse de ne publier ni les protocoles ni les données bases des études quand elles sont négatives ou autres : ICI.

The idea of RIAT (Restoring Invisible and Abandoned Trials) was born in a specific time period: the early part of this decade. This was when we started realising that clinical trials published in traditional biomedical journals were in the best case scenario extreme summaries of clinical study reports and other documents which contained extensive descriptions of the design, conduct and results. The underlying richness of detail and data, which was astonishing for those who had been used to journal articles, allowed two important aspects of scrutiny. First, we could do many more analyses and look at traditionally neglected aspects, such as harms reporting. This was not possible with journal articles. Second, we and other groups started noticing what we called discrepancies between the content of clinical study reports and their published counterparts. The discrepancies were misreporting in most cases.


Comment les AMM sont obtenues en oncologie : facilement : LA.

Cet article, qui vient à la suite d'autres que j'avais déjà cités, est fondamental car il montre combien ni les industriels, ni les agences gouvernementales (ici l'agence européenne, EMA), ni les revues ne font attention aux "détails" que sont les biais, la conduite des essais, l'analyse et la notification des effets indésirables.

Most pivotal studies forming the basis of EMA approval of new cancer drugs between 2014 and 2016 were randomised controlled trials. However, almost half of these were judged to be at high risk of bias based on their design, conduct, or analysis, some of which might be unavoidable because of the complexity of cancer trials. Regulatory documents and the scientific literature had gaps in their reporting. Journal publications did not acknowledge the key limitations of the available evidence identified in regulatory documents.


Les études alakhon : LA. La Chapelle des facteurs confondants.

BREAST CANCER LINKED TO PERMANENT HAIR DYE AND CHEMICAL HAIR STRAIGHTENERS IN STUDY OF ALMOST 50,000 WOMEN

La part de l'industrie dans les essais ou comment l'EBM est flouée : ICI.


For example, the New England Journal of Medicine — one of the most prestigious medical journals in the world — published 73 studies of new drugs. Of those studies, a pharmaceutical company funded 60, 50 had drug-company employees among the authors and 37 lead researchers had accepted money from a drug company, according to a review conducted by the Washington Post.

For instance, a report from John Hopkins University showed that the number of clinical trials funded by the pharmaceutical industry has increased each year since 2006, while those funded by the NIH decreased. In 2014, Big Pharma paid for 6,550 trials, while NIH funded 1,048, according to a study by Stephan Ehrhardt and colleagues published in JAMA.


On s'arrête là ?


mercredi 11 décembre 2019

La grande mascarade du procès Mediator.

Calendrier de l'Avent médical 2019 : Jour 11

Jean-Michel Alexandre


Le procès Mediator est une vaste farce.

Les "vrais" coupables sont oubliés ou sont "blanchis".

Je vous propose trois visions de l'affaire mais il manquera toujours une quatrième vision qui concerne les prescripteurs. Par un tour de passe-passe extraordinaire les prescriptions de Mediator n'ont pas été faites par des médecins. Elles se sont retrouvées sur le comptoir des pharmacies écrites par la main invisible du marché. Où sont-ils ? Où se sont-ils cachés ? Où peut-on les trouver ? En tous es cas, pas au prétoire.

Mediator : Didier Tabuteau, un «Kouchner boy» grand absent du dossier


L'article de Anne Jouan (ICI) qui date de 2017 est un modèle de qualité journalistique. Il renseigne sur la République des copains et des coquins qui sévissaient au Ministère de la santé, à la DGS, à l'Agence du médicament et dans les différentes firmes concernées. Comment l'IGAS (avec à sa tête Aquilino Morelle) a blanchi Didier Tabuteau. Je vous laisse déguster.

L'audition de Arielle North (LA) montre que tout indiquait qu'il eût fallu enlever l'indication diabète de la notice Mediator en France dès avril 1997, comment une note manuscrite de cette pharmacienne a mystérieusement disparu et comment Servier a pu continuer à porter l'indication diabète. Sous l'influence du professeur JM Alexandre.



L'article de Catherine Riva (ICI) sur Irène Frachon éclaire également un aspect moins lumineux de cette dernière, tout en ne niant pas son rôle décisif.

Comment croire un seul instant que les différents protagonistes de l'affaire ne savaient rien, ne comprenaient rien, était de sombres imbéciles, et cetera ? Commet des pharmacologues de renom n'ont-ils pas compris les liens entre isoméride et Médiator, entre les anorexigènes en général et Médiator ?

Mais, plus encore, ces trois aspects connus de tous montrent que ce qui s'est passé pour Mediator se passe encore maintenant.

Vous n'y croyez pas ?