lundi 24 août 2020

Le temps du Covid : la fin des cinquante glorieuses.



Nouvelle saison covidienne.

Les médecins ont toujours vécu (depuis la nuit des temps) dans le monde difficile de la maladie, de la vieillesse, de la mort, en première ou en deuxième ligne, mais, depuis les années soixante-dix (à la louche), les médecins comme les profanes ont ressenti la transition épidémiologique (la diminution colossale de la mortalité infantile, la quasi fin de la mortalité des enfants due à des maladies infectieuses, l'allongement, jusque là ininterrompu de l'espérance de vie à la naissance, et cetera). Cette transition épidémiologique a un revers : une vie plus longue avec des maladies chroniques (l'espérance de vie en bonne santé est en train de diminuer) et l'apparition de pathologies neurodégénératives (Alzheimer pour faire court).

La transition épidémiologique s'est accompagnée d'une transition épistémologique : la mort d'un enfant n'est plus acceptable (elle ne l'a jamais été mais, jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, un enfant sur deux mourait avant l'âge de 10 ans... cela calmait) et n'est plus acceptée, mais, plus encore, la mort n'est pas acceptée. Quel que soit l'âge : "On ne devrait plus mourir". Ben si. On meurt encore.

C'étaient donc les cinquante glorieuses.

Nous travaillions déjà dans le monde de l'incertitude et voici revenu le temps de la nouvelle saison Covid où les incertitudes seront encore plus incertaines qu'auparavant.

Sans traitement.

Bientôt les rhumes et les grippes pour lesquelles il faudra sortir sa RT-PCR et/ou les tests de détection de la grippe saisonnière. Les consultations à rallonge, les à la revoyure pour lire les tests et les interpréter. Et les interrogations existentielles sur ce qu'il faut faire, les conseils à donner, les quarantaines à décider, les arrêts de travail...

Sans compter les patients chroniques inquiets, qui est à risques, qui ne l'est pas...

Bientôt le temps de la vaccination contre la grippe saisonnière dont on connaît mal l'efficacité en milieu réel, en milieu communautaire, en milieu hospitalier, en milieu institutionnalisé.

On aura donc le patient vacciné contre la grippe saisonnière avec une symptomatologie évoquant une virose respiratoire dont la RT-PCR sera négative...

Le paradoxe de tout cela vient de ce que la majorité des médecins généralistes (mes statistiques sont aussi erronées que celles de l'InCa quand l'institut parle de dépistage de cancer du sein - cf. infra) prescrivait des antibiotiques (amoxicilline) en cas de grippe saisonnière ("en cas de surinfection" qui est l'équivalent médical du profane "cela va me tomber sur les bronches") et qu'ils respectaient plus (cf. supra : les seules statistiques auxquelles je crois sont celles que j'ai falsifiées) la consigne de non prescription d'azithromycine en cas de Covid-19 supposé pour d'obscures raisons qui nous ramèneraient à la saga des biais cognitifs.

Donc, imaginons le médecin communautaire moyen, en cas de virose, qui prescrira de l'amoxicilline en cas de RT-PCR négative et de l'azithromycine en cas de RT-PCR positive. Non, vous ne rêvez pas, c'est ce qui va se passer. Quant à celui qui ne prescrira rien il se fera engueuler parce qu'il n'aura prescrit que du paracétamol... 

On essaiera de se tenir au courant.

On essaiera de répondre aux questions des patients indécis, incertains, abreuvés d'informations contradictoires, ne sachant plus comment ne pas être coupables de mal porter son masque ou comment être fiers de bien le porter, coupables de ne pas savoir bien se laver les mains avec du gel hydro alcoolique ou fiers de le faire avec l'agilité d'un neurochirurgien...

On essaiera de se tenir au courant.

On essaiera de répondre à des questions pour lesquelles il n'y a pas de réponse...

On essaiera de répondre à des questions pour lesquelles il y a plusieurs réponses possibles.

On essaiera, surtout, de dire honnêtement "Je ne sais pas" à des patients incrédules à qui on avait seriné que la médecine pouvait tout, partout, tout le temps, quelles que soient les circonstances.

On va continuer de porter des masques en continu au cabinet, de gérer le stock, de porter des blouses, de passer du désinfectant un peu partout, de transiter de l'idyllique sécurité du monde développé sans défauts à la crainte d'un monde infecté (sans traitement).

Et, bien entendu, il y aura tous les sujets qui nous trottent dans la tête depuis des années et qui ne sont toujours pas résolus. Faute d'essais de qualité. La majorité de nos pratiques.

Bon automne à tous.



samedi 1 août 2020

Ramasse-miettes

By Yves Hirschfeld

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Covid-19 : les promoteurs de traitements farfelus désirent désormais bénéficier de l'immunité immorale.

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Covid-19 : Raoult (et Buzyn) bénéficieront-ils de l'immunité cellulaire ?

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Le podcast de France Culture "Avoir raison avec Judith Butler" (ICI) est passionnant. Il ouvre des perspectives étonnantes et remet en cause nombre de certitudes dans tous les camps (il me semble). Ouvrir des perspectives ne signifie pas être d'accord avec Judith Butler...

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La télé consultation est à la médecine ce que McDo est à la restauration : un pis aller lucratif et dangereux

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La différence entre la téléconsultation et McDo est la suivante : après une téléconsultation le patient a encore besoin de médecine, après McDo le mangeur n'a plus faim.

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Charles Bukowski est infréquentable (était infréquentable) mais c'est un écrivain génial. Voir LA.

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Les gouvernements doivent-ils continuer d'imposer le confinement pour freiner la progression de la Covid-19 ? Un Yes/No qui devrait être plus souvent pratiqué en France. 
Les arguments des deux intervenants sont intéressants à soupeser. 
Edward Melnick et John Ioannidis. ICI

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Le docteur Agibus pose une question saugrenue. Et il y répond. "Faut-il se rincer la bouche après s'être brossé les dents ?" LA


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Carl Heneghan et Tom Jefferson secouent les certitudes EBM sur les stratégies anti Covid-19.
La suppression du virus n'est pas un objectif atteignable, apprenons plutôt à vivre avec, proposent-ils.
Porter un masque est respectable mais dire que c'est évidence based est faux.

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En d'autres termes : porter un masque dans les lieux clos est une mesure de prévention si l'on envisage la physiopathologie et une mesure de précaution si l'on envisage l'épidémiologie


dimanche 5 juillet 2020

Grippe saisonnière et Covid-19 : un manque d'essais contrôlés coupable.


La grippe saisonnière existe depuis... 1917.

Le corps expéditionnaire américain se rendant en Europe a reçu un vaccin anti grippal en... 1944.

Mais le vrai début de la vaccination à grande échelle a commencé après la pandémie de 1968.

C'est en 1985 que la vaccination anti grippale est recommandée et remboursée en France chez les personnes de plus de 75 ans. Puis à partir de 70 ans en 1989 et de 65 ans en 2000. Sur des critères d'efficacité non démontrés encore actuellement.

Depuis lors la politique sanitaire de la France se résume à ceci : augmenter le nombre de personnes âgées vaccinées. La messe est dite : la vaccination anti grippale est efficace (même les années où le virus circulant en majorité ne fait pas partie des souches incluses dans le vaccin durant l'hiver 2014-2015)

Malgré les déclarations tonitruantes et l'argent dépensé, en l'état actuel des choses il n'est pas démontré que le vaccin anti grippal protège efficacement les personnes âgées (voir ICI) et que la vaccination des personnels de santé protège efficacement les personnes âgées institutionnalisées (voir LA)

On vaccine quand même : cela ne peut pas faire de mal, disent les autorités de santé et les médecins qui se fient à leurs croyances. 

Quant aux autorités, aux agences et aux officines gouvernementales dont le but n'est pas d'écrire des publications scientifiques mais de pondre des machins pour aller dans le sens du complexe médico-industriel, elles ont toujours surestimé de façon indécente à la fois les effets de la vaccination et le nombre de morts dû à la grippe saisonnière pour en demander toujours plus en termes de vaccination. On se rend d'ailleurs compte, en regardant les courbes de mortalité comparées avec les années précédentes que la grippe saisonnière ne tue pas tant que cela mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire et ne pas mener des essais...



Donc, depuis 1917, aucune étude, à ma connaissance, n'a été menée de façon contrôlée 

(rappelons quand même que le premier vrai essai contrôlé en double-aveugle de la littérature mondiale a été publié en 1947 et concernait la streptomycine dans le traitement de la tuberculose... A ce propos, je rajoute ce commentaire d'un pneumologue qui se reconnaîtra et qui m'a affirmé que "si la streptomycine n'existait pas les pneumologues continueraient de pratiquer le pneumothorax artificiel pour traiter la tuberculose")

pour tenter de montrer que les mesures-barrières pouvaient être efficaces pour diminuer la morbi-mortalité de la grippe saisonnière.

Donc, depuis 1944, voire 1969, aucune étude contrôlée vaccin vs placebo n'a montré que le vaccin diminuait la morbi-mortalité de la grippe saisonnière. Mais plus encore : aucune étude n'est menée car, selon Big Vaccine, cela ne serait pas éthique puisque la croyance veut que le vaccin marche.

Et puisque le vaccin marche, pourquoi mener des essais sur les mesures-barrières ?

Il est vrai que les mesures-barrières, c'est pas sexy. Que cela ne ressort pas stricto sensu de la médecine mais de l'hygiène. Et l'hygiène, je veux dire les hygiénistes, n'a pas bonne presse. Les hygiénistes sont des empêcheurs de tourner en rond. 
Il ne faut pas confondre l'hygiène et les hygiénistes. L'hygiène, pour simplifier, c'est le tout-à-l'égout, le lavage des mains, le port de masques ou de gants en salle d'opération, l'eau courante, le ramassage des ordures, et cetera. Les hygiénistes, ce sont les gens qui prétendent à une société sans tabac, sans alcool, sans maladies vénériennes, sans drogues, et cetera et qui culpabilisent ceux qui s'y adonnent et sont prêts à tout pour y arriver...

Mais surtout, l'hygiène, les médecins ne veulent pas le reconnaître, pas plus que les industriels qui vendent des médicaments,  a sauvé plus de vie que la médecine sur le long terme (voir les travaux de McKeown LA). 

Ainsi, si dans le cas de la grippe saisonnière des essais randomisés avaient été menés concernant les masques, le type de masques, la distance de sécurité dans les lieux institutionnels de soin et dans la rue et dans les lieux de confinement, le lavage des mains, nul doute que, par prévention, en dépit du fait qu'il n'est pas clair que ces études auraient pu montrer des résultats conclusifs, nul doute que par précaution, le port du masque et les recommandations de distances de sécurité auraient pu être instituées plus tôt et auraient pu sauver des vies et désengorger les services de réanimation.

J'ai oublié qu'il n'y avait pas de masques. Mais, si des études de ce type avaient été faites pour la grippe saisonnière, tout le monde aurait eu des masques !

Ainsi, de telles études, sans compter des essais contrôlés concernant le confinement, et c'était possible, auraient pu sauver des vies dans le cas de la grippe saisonnière (depuis des années) et en auraient sauvé dans le cas de la Covid-19...

Au lieu de cela les médecins et les laboratoires se sont déchaînés sur des molécules théoriquement anti virales dont aucune, jusqu'à présent, n'a fait la preuve de son efficacité.

Des études, des études, des études...




Notes.

La lecture d'une recommandation d'experts sur la prise en charge des malades en réanimation en période de Covid-19 est stupéfiante par son manque de références bibliographiques : LA 

La lecture sur Wikipédia de l'entrée Comportements barrières est stupéfiantes : deux lignes sur les masques et le lavage des mains (ICI).

La vaccination contre la grippe des personnes asthmatiques ne montre pas plus d'effet significatif : ICI.

PS du 28/08/20 : un article véhément de Margaret McCartney sur la nécessité d'essais contrôlés pour les mesures non médicamenteuses contre la Covid : LA.



dimanche 21 juin 2020

La distanciation physique de 2 mètres est-elle fondée sur des preuves ?

Physical Distancing, Face Masks, and Eye Protection to Prevent Person-To-Person Transmission of SARS-CoV-2 and COVID-19: A Systematic Review and Meta-Analysis


Carl Heneghan et Tom Jefferson ont lu l’article de Chu DK et al publié le premier juin 2020 dans le Lancet (ICI), une revue systématique et une méta-analyse, dont les conclusions indiquent qu’une distance de 1 mètre et plus dans les lieux publics est justifiée pour éviter la transmission du virus.

Heneghan et Jefferson ont publié dans The Telegraph (LA) une mise au point concernant cette méta-analyse. Ils ont également adressé un commentaire aux auteurs et ils relatent à la fois leurs conclusions et ce qu’il est advenu de ces réflexions dans un communiqué paru sur le site du Center for Evidence-based medicine de l’université d’Oxford (ICI).

« Pour apprécier les mesures de distance rapportées dans la Figure 2 de l’article nous avons analysé les études SRAs et COVID-19 et avons découvert que nous ne pouvions reproduire les résultats rapportés pour 13 des 15 études…. Et nous en avons conclu qu’il n’existait pas de preuves scientifiques supportant la désastreuse règle des 2 mètres… Une recherche de maigre qualité a été utilisée pour justifier une politique dont les conséquences sont énormes pour tous. »

Les relecteurs externes (H et J) ont émis une «Expression of concerns » pour le Lancet.

Vous pouvez lire leurs commentaires, étude par étude : soit les données ont été « mal » extraites soit elles n’ont pu être reproduites. 

L’auteur de l’article du Lancet a répondu en joignant les commentaires des auteurs des articles incriminés.. 

Merci pour votre email. Nous avons fait le maximum pour répondre rapidement à vos demandes.

"Dear Carl and Tom,

Vous trouverez en attaché cette réponse relativement rapide. Nous avons eu plusieurs séances d'examen par les pairs à la fois dans le cadre de la soumission au journal et avec des collègues de l'OMS et nombre de ces problèmes ont été soulevés. Nous ne convenons pas qu'il existe de graves erreurs. De plus, nous pensons qu'il pourrait exister des erreurs et  des affirmations peu claires dans vos commentaires que vous pourriez vérifier -- nous expliquons cela dans la pièce jointe.


Cette démarche est tout à fait pertinente et va dans le sens d’une réponse rapide aux critiques émises de bonne foi et la rapidité des réponses est tout à fait étonnante et de bon aloi.
Cela nous paraît un progrès décisif dans le processus de contrôles scientifiques des publications.

La conclusion de Heneghan et de Jefferson est pourtant la suivante : 

« As experienced reviewers, we looked at the evidence and could not replicate the distance estimates reported in the Lancet paper. We now invite others to check the papers – most are open access – and share their assessments. we look forward to your comments
»
En tant que relecteurs expérimentés, nous avons regardé les preuves et n’avons pu reproduire les distances estimées rapportées dans l’article du Lancet. Nous invitons d’autres relecteurs à vérifier les papiers-- la plupart sont en accès libre-- et à partager leurs évaluations. Nous attendons avec impatience les commentaires. 


En conclusion (provisoire) : La décision d'une distanciation physique de plus d'un mètre (et a fortiori de 2 mètres) n'est pas fondée sur des preuves.

PS du 26 août : un article du BMJ sur la question : LA
(

jeudi 4 juin 2020

Accès aux urgences


L'accès aux urgences a longtemps été un sujet tabou et un lieu de discussion sans fin sur les raisons de cet accès libre et de ses conséquences.

Le docteur Mathias Wargon écrit beaucoup et il serait malvenu de lui reprocher de ne traiter aujourd'hui qu'un aspect du problème des urgences. Et sa contribution est la bienvenue.

Ce billet (LA) est important car il indique des pistes qui, jusqu'à présent, n'étaient évoquées que par les critiques non urgentistes des urgences.

Il est important car l'auteur aborde la question d'un point de vue ouvert sans oublier de pointer du doigt les défaillances du système et l'inadéquation fréquente des structures d'accueil.

L'accès aux urgences ou plutôt les raisons pour lesquelles les citoyens se rendent aux urgences ne sont pas toujours médicales ou, écrit MW, relèvent de la médecine ambulatoire ou de premier recours avec souvent des problèmes sociaux...

Oui.

L'accès aux urgences serait-il le reflet du fonctionnement de la société tout entière ? (1)

Oui.

MW nous indique que seulement 20 % des motifs de consultation ne seraient pas du ressort des urgences. Il se fonde sur un article récent de Naouri D et al. (ICI) Rappelons que 3 scores ont été utilisés pour juger de cette pertinence et que les résultats rapportent des pourcentages, respectivement de 23,6, 27,4 et 13,5 % La limitation de ce jugement : ce sont les urgentistes qui décident qui aurait dû venir et qui n'aurait pas dû le faire. Or, mon expérience personnelle de médecin généraliste, et nul doute que ces cas feraient partie des pourcentages sus cités, que lorsque je revois un patient au décours de son passage aux urgences, je me demande, je lui demande, ce qui lui a pris... Et les réponses : "Mais j'avais mal ! Mais je voulais savoir ce que j'avais ! Mais je voulais être rassuré..."

Naouri D et al. indiquent que la vulnérabilité sociale est importante pour le recours aux urgences. Tiens, ça tombe bien, ce sont les plus vulnérables socialement qui ont le plus de difficultés de santé...

MW n'omet pas de parler des conséquences financières pour l'hôpital de cette sur fréquentation des urgences. Mais nous serions tentés de croire, nous sommes bienveillants, qu'il s'agit plus d'un effet d'aubaine que d'une volonté délibérée.

Avant de proposer des solutions MW pointe le doigt sur un fait majeur et que peu abordent : l'accès aux urgences pour ce qui relève, selon les urgentistes, de la médecine ambulatoire est, je cite, catastrophique pour la bonne prise en charge du patient.

Oui.

Et MW n'omet pas de suggérer que la prise en charge en premier recours par un médecin de premier recours sera sans doute plus efficace de façon longitudinale.

Cela dit, les médecins généralistes qui prescrivent en leurs cabinets de médecine générale des médicaments et/ou des examens complémentaires, inutiles et/ou inappropriés dans des pathologies communes ne font souvent pas mieux que les urgentistes en transversal... Et vice versa.

Si je pouvais me permettre une incise : c'est un problème sociétal. Je ne développerai pas ici mes idées fixes sur le consumérisme médical, sur le zéro douleur, sur les indications d'examens complémentaires posées par le patient, sur le chantage juridique (si je ne le fais pas je vais avoir un procès)...  Et, du point de vue des médecins, sur le refus de l'incertitude qui conduit à l'excès de prescriptions...

Quand MW en arrive au chapitre solutions, je suis un peu plus circonspect. Car il ne parle que de l'amont. Les solutions qu'il suggère se situent toutes en dehors de son périmètre, c'est à dire la médecine de premier recours, comme si c'était aux urgences, c'est à dire les administratifs et les personnels de soin, de décider ce qui conviendrait le mieux aux libéraux... 

Il commence par proposer des solutions pour les patients insérés dans le parcours de soin mais, sauf erreur de ma part, il a écrit ailleurs que les maisons médicales de garde, cela ne marchait pas, et les autres solutions en sont au stade du berceau : téléconsultation, structures de soins non programmées avec plateau technique...
Mais, comme je l'ai écrit plus haut "mes" patients inscrits dans le parcours de soin vont aussi aux urgences en dehors des heures de bureau.

Quant à son paragraphe sur les exténués, les pauvres, les sans-papiers, les déshérités, n'est-ce pas un peu exagéré ? 

MW n'a pas envisagé l'adressage des patients aux urgences par le médecin traitant et la suite en ville. C'est un problème important car il devrait être une porte d'entrée pour une discussion loyale.

MW arrive dans la partie plus politique de son discours, politique au sens de la cité, je précise.

La mise en place d'un service d'accès aux soins (SAS).

C'est une tradition française, celle du millefeuilles : on rajoute aux structures existantes une autre structure sans supprimer les précédentes. Quant à la possibilité que des IDE et/ou des masseurs-kinésithérapeutes puissent être intégrés au processus, ce en quoi un médecin généraliste ne peut que souscrire par intérêt corporatiste (eh oui, en cette période de pénurie de l'offre, le corporatisme consiste à se défausser sur les autres, contrairement à une idée reçue) MW ne connaît pas les délais pour obtenir des séances de kinésithérapie et/ou la surcharge de travail et les horaires des infirmières libérales...

Cela dit, MW met les pieds dans le plat, il envisage enfin la possibilité d'une régulation de l'accès aux urgences, il reconnaît avoir changé d'avis, mais ne se rappelle pas combien il a agoni ceux qui le proposaient antérieurement.

Les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, lui semblent un outil adapté. Il suggère l'utilisation d'un mode de financement particulier et l'organisation de centres de santé, certes, et, à ma grande surprise, de structures positionnées à côté des urgences, solution qu'il avait fustigée à juste titre comme inefficace (voir les expériences menées à Manchester --Whittaker et al. LA -- et plus généralement en Angleterre -- Cowling TE et al ICI et LA).

Le problème de la médecine libérale de ville, c'est sa saturation.

Aucune étude ne montre que l'accès aux urgences est significativement amélioré (diminué) par le fait que les médecins généralistes réservent des plages d'urgences non programmées, ce que la plupart d'entre eux font depuis très longtemps.

Il n'y aura pas de solution miracle.

Ce billet de MW est très important car il suggère un revirement de stratégie : mais les urgentistes sont-ils convaincus de le comprendre ? En revanche, essayons d'organiser des rapports ville hôpital (et cliniques) plus sereins dans un respect mutuel (arrêtez de rire derrière mon épaule). La politique des petits pas est plus importante qu'une révolution qui ne surviendra pas d'un jour sur l'autre.

Dans tous les pays du monde se pose le problème de l'accès aux urgences.

Il y a sans doute une solution française ou plutôt des solutions adaptées à la France.

Mon expérience des urgences de spécialité, notamment en hématologie, m'a appris qu'une collaboration efficace ville hôpital est possible et bénéfique.

En me relisant je comprends qu'il y avait un million d'autres choses à dire. Ce sera pour une autre fois.


Note : 
(1) Il paraît évident de le penser. Sans parler de la misère sociale et sanitaire, il est possible de comparer selon les pays, et notamment pour les pays nordiques, le taux de consultation annuel par habitant qui, notamment au Danemark, est très faible...


jeudi 28 mai 2020

Le Ségur de la Santé en images allégoriques.

Voici les déterminants de la Santé.





Ou alors

Source : Santé publique France


Un diagramme plus ambitieux et anglo-saxon :



Légende : 38 % : comportement personnel ; 23 % : Mode de vie social ; 21 % : génétique et biologie ; 11 % : Le soin ; 7 % : l'environnement.



Voici enfin 2 déclinaisons du carré de White (source : ICI) :



Répartition des soins de santé pendant un mois.



Donc, le Ségur de la santé est organisé selon le carré de White pour 15/1000 des ressources et/ou pour les 57/1000 des ressources.

Bon Ségur de la santé pour les 985/1000 et/ou pour les 943/1000. 

dimanche 24 mai 2020

La publication des photographies des personnels de santé morts pendant la Covid-19.

Panthéon

Un syndicat médical, un journal, publient, ne cessent de publier les photographies de personnes, personnels de santé, mortes pendant la Covid-19.

Je me suis posé la question de la pertinence de cette action.

J'ai aussi demandé que s'il m'arrivait malheur on ne publie pas ma photographie. On m'a accordé (j'ai senti une certaine condescendance dans les réponses) ce privilège : comment peut-on refuser son quart d'heure warohlien post mortem ? 

Pourquoi ? Parce que j'ai travaillé pendant toute la première partie (j'espère la dernière) de la Covid-19, en ville, en médecine générale, en première ligne, en première intention, sans instructions très claires de la part des autorités de tutelle, sans matériel adéquat (les masques canards étaient périmés), je n'avais pas de sur blouses, je n'avais pas de visières, j'avais des masques chirurgicaux mais je ne pouvais pas en distribuer aux patients. J'ai bénéficié de conseils éclairés de collègues sur twitter sur la façon de se protéger avec les moyens du bord, sur la façon de rendre les locaux "propres", sur les informations et les consignes à donner aux patients. Et j'ai pataugé. J'ai fait des erreurs (d'asepsie, de conduite à tenir). A Mantes-La-Jolie aucune personne de la mairie n'a appelé les professionnels de santé. A Mantes-La-Jolie, cela fait seulement deux semaines que l'on peut envisager, pour des patients non hospitalisés, non passés par les urgences de l'hôpital, de faire pratiquer une PCR dont des millions sont pratiquées dans le monde... Mais aussi : j'ai résisté à la pression, je n'ai pas prescrit d'hydroxychloroquine et/ou d'azithromycine, de vitamine C, j'ai résisté à la pression des malades, à la pression de la famille des malades, je me suis fait traiter de charlatan, de mauvais médecin, de médecin qui allait laisser mourir ses malades... Bref, j'ai résisté contre la tentation de faire des essais sauvages en mon cabinet avec des molécules non éprouvées, avec des protocoles alagomme (et mon petit doigt me dit que dans les services de réanimation, outre le reste, ce qu'ils savent faire, ils ont cédé à la panique).

Bon. J'ai tenté d'assumer.

Est-ce que pour cela je suis un héros ?
Ai-je montré un quelconque courage ?
Est-ce que, si j'étais devenu symptomatique, voire pire, cela aurait fait de moi un super héros et... une victime ? 
Des collègues médecins de la région mantaise ont été déclarés positifs, ont été hospitalisés, ont été placés en réanimation, dois-je donner leurs noms ? Dois-je publier leurs photographies ? 

Et, à l'inverse, nombre d'infirmières et d'infirmiers libéraux du Mantois, ont caché leur positivité. Pudeur ?

Non, les médecins et les professionnels de santé ne sont pas des héros, ne sont pas des victimes. Un grand nombre des morts des professionnels de santé dues à la Covid-19 aurait pu être évité mais l'impéritie du système de santé, et pas seulement des ministres successifs, des hospitaliers et/ou des libéraux, l'impéritie d'un système sans âme, sans tête, sans corps, explique que les personnes les plus exposées aient pu succomber. 

Je réagis donc à un tweet d'un journaliste de Médiapart, Michael Hadjenberg, et je l'interroge sur la pertinence de cette publication.



Ce tweet est d'une indécence absolue, d'une pleurnicharderie lamentable, c'est un raccourci minable.

On me répond : "Lisez l'article, c'est expliqué, on a demandé l'avis aux familles..." Un autre : "Cela se fait partout".

Cette prose digne d'un journal de caniveau ne me donne pas envie de lire l'article.

Je dois être délicat.

Précisons que les personnes qui font cela ne risquent rien d'un point de vue juridique. C'est le plus important, coco (voir ICI).



Pour le reste, tout le monde (ou presque) trouve tout cela normal.

Tout le monde pense que le monde appartient aux vivants, pas aux morts.

Oserais-je parler de voyeurisme ?

D'imagologie ?

A qui profitent ces publications ?

Est-ce ?

Pour pisser de la copie ?
Pour avoir de nouveaux adhérents ?
Pour avoir de nouveaux abonnés ?
Pour honorer les victimes ?
Pour les faire revivre ?
Pour consoler les familles ?
Pour dénoncer un scandale d'Etat ?
Pour faire pression sur la justice ?
Pour faire du sentimentalisme ?

Je vais faire un détour par Milan Kundera. 

La première chose qui a frappé Kundera en arrivant en Occident, c'est de voir les photographies volées de Jacques Brel amaigri (et mourant) à la sortie de l'Hôpital. Cela lui faisait penser au régime communiste où l'intimité n'existait pas. Il s'est brièvement demandé s'il avait eu raison de partir.

Et ceci dans L'Immortalité : "L'homme peut mettre fin à sa vie. Mais il ne peut mettre fin à son immortalité."

Toujours Kundera qui a inventé un néologisme : l'homo sentimentalis. Il écrit ceci : "Le sentiment n'est plus sentiment mais imitation du sentiment, son exhibition." (je me suis aidé de ce texte LA)

Et enfin, pour conclure. c'est ce que j'ai appelé l'effet kiss cool à deux larmes : la publication de ces photographies représente la quintessence du kitsch kundérien.

J'interprète la phrase célèbre de Milan Kundera dans L'insoutenable légèreté de l'être : "Le kitsch fait naître tour à tour deux larmes d'émotion. La première larme dit : 'Comme c'est beau des photographies de professionnels de santé morts en soignant des patients." La deuxième dit : 'Comme c'est beau d'être ému avec toute l'humanité à la vue de photographies de professionnels de santé morts en soignant des patients?' Seule cette dernière larme fait que le kitsch est kitsch."



PS du jeudi 4 mai 2020 "on" demande la panthéonisation (cf. supra l'image) du premier médecin mort de la Covid en France (LA)