lundi 21 décembre 2020

Jour 21 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non validées par des preuves : la prise de la pression artérielle avec un tensiomètre manuel.

La généralisation des tensiomètres électroniques a rendu obsolète la mesure de la pression artérielle avec les sphygmomanomètres manuels tant la synchronisation oeil main est subjective.

Nous ne disons pas que la grande imprécision de la mesure avec un appareil manuel rend précises et non critiquables les trois mesures effectuées en consultation avec un tensiomètre électronique validé mesurant la pression artérielle au bras. Non.

Nous ne disons pas non plus que les trois mesures successives à une minute d'intervalle conduisent à des décisions "justes" qui seraient "objectives", opposables et"vraies". Non.

Nous disons que mesurer la pression artérielle avec un tensiomètre manuel n'est plus possible quand il s'agit de décider si un patient est ou non hypertendu (et ce n'est pas le sujet ici de discuter des valeurs d'entrée dans le monde merveilleux des hypertendus, nous ferons cela un autre jour), de décider s'il faut ou non intensifier ou, au contraire, diminuer un traitement anti hypertenseur, mais nous le disons quand même.

La pratique des automesures par le patient ou par le sujet avec un tensiomètre électronique validé mesurant la pression artérielle au bras matin et soir et pendant trois jours consécutifs entre aussi en ligne de compte pour prendre des décisions dans les deux cas cités au paragraphe précédent. 

Qu'on se le dise.

dimanche 20 décembre 2020

Jour 20 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : les dépistages organisés des cancers.

Est-ce quels dépistages organisés des cancers sauvent des vies ? La réponse est : non.

Nous avons déjà donné l'exemple du cancer du sein (ICI).

L'exemple du cancer de la prostate : le dépistage organisé par le dosage du PSA chez les hommes au delà entre 50 et 70 ans ne sauverait pas de vies (je parle au conditionnel car le dépistage organisé n'a jamais été institué).

Le dépistage organisé du cancer du colon par la pratique de la recherche de sang dans les selles ne sauve pas de vies : j'ai longuement exposé les tenants et les aboutissants de tout cela ICI.

Plus généralement

Il faut encourager les soignants à être francs sur les limites du dépistage -- les dommages sont certains, mais les bénéfices en termes de diminution de la mortalité totale ne le sont pas. Refuser le dépistage peut être un choix raisonnable et prudent pour de nombreuses personnes.

Nous appelons à de meilleurs critères de preuves, non pour satisfaire à des critères ésotériques, mais pour rendre possible une prise de position partagée raisonnable entre médecins et patients. 

Comme le dit souvent Otis Bradley (American Cancer Society) : "Nous devons être honnête à propos de ce que nous savons, de ce que nous ne savons pas, et de ce que nous croyons simplement."

Enfin, pour les sceptiques, rappelons que le dépistage se fait chez des personnes saines et que les comparaisons ne se font pas contre rien mais contre le suivi régulier des personnes et des patient.e.s 


samedi 19 décembre 2020

Jour 19 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : les bêtabloquants en première intention dans le traitement de l'hypertension.

L'utilisation d'un bêtabloquant ne se justifie pas en première intention pour traiter l'HTA d'un patient sans autre comorbidité.

La HAS le dit en 2016 (ICI)

Les interprétations des recommandations de l'ESC/ESH publiées en 2018 sont différentes selon que l'on se réfère à Cardio online (LA) ou à la Revue Médicale Suisse (ICI) mais les bêtabloquants peuvent quand même être utilisés en association (après échec des autres associations) et a fortiori s'il existe des comorbidités cardiovasculaires (maladie coronarienne, postinfarctus, insuffisance cardiaque ou fibrillation auriculaire) ou un terrain particulier (femme ayant un désir de grossesse). 

Pour le reste : non.

Nous reviendrons un jour sur le problème des seuils d'intervention pour traiter l'HTA.


vendredi 18 décembre 2020

Jour 18 des pratiques médicales répandues françaises et internationales et dont le rapport bénéfices/risques est défavorable : le diclofénac/Voltarène.

L'utilisation des formes orales de diclofénac (nom de marque Voltarène) mais aussi d'aceclofénac/Cartrex) n'a aucune justification en première intention dans le cas où il est indiqué d'utiliser un anti-inflammatoire non stéroïdien ou d'utiliser un antalgique de palier 1.

Il existe en effet un surcroît de risques cardiovasculaires avérés même si la molécule est utilisée pendant des périodes courtes (30 jours).

Il existe des possibilités parmi les AINS (ibuprofène et/ou naproxène) et bien entendu la paracétamol en cas d'utilisation dans des buts antalgiques.

L'ANSM le disait en 2018 (ICI) et La Revue Prescrire l'a rappelé en 2020 (LA).

jeudi 17 décembre 2020

Jour 17 des pratiques médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : le traitement pharmacologique de l'énurésie primaire.

Trois médicaments sont utilisés en France : la desmopressine en première intention et, en deuxième intention, les imipraminiques et, encore un peu en retrait, les anticholinergiques.

Une méta-analyse Cochrane de 2002 (comportant des essais de faible niveau de preuves) indiquait une amélioration significative du nombre de nuits sèches (-1,34 jour/semaine) et une meilleure capacité à obtenir 14 nuits sèches dans le groupe desmopressine vs le groupe placebo mais aucune différence entre les deux groupes à l'arrêt du traitement : ICI.

En 2017 une méta-analyse Minerva analysait d'ailleurs une stratégie de retrait de la desmopressine avec comme conseil de faible niveau de preuves de diminuer progressivement les doses.

L'utilisation des imipraminiques n'a pas non plus fait la preuve de son efficacité à long terme (sans oublier les problèmes posés par l'utilisation de tels produits chez l'enfant).

Les anticholinergiques purs (oxybutynine) ont fait l'objet de peu d'essais et ont de nombreux effets indésirables.

Par ailleurs l'intervention par alarme (LA) a donné les résultats intéressants mais ne garantit à long terme que pour un enfant sur deux.

Quant aux méthodes comportementales simples (ICI), on ne dispose pas de suffisamment d'essais et il faut d'emblée envisager ses conséquences négatives sur un plan familial (querelles et investissement affectif très fort).

Certains auteurs ont proposé de mêler ces différentes interventions mais la littérature ne renseigne pas sur des niveaux de preuve suffisants.

Cet article de 2005 est, me semble-t-il, très bien écrit et très prudent : ICI, beaucoup moins affirmatif qu'un article de l'AFU : LA.

mercredi 16 décembre 2020

Jour 16 des idées médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : l'utilisation de la Metformine dans le diabète non insulino-dépendant.

La metformine (Glucophage ou Stagid en France) est recommandée par les sociétés savantes comme traitement pharmacologique de première intention chez le patient diabétique de type 2 en excès pondéral (ICI).

Mais le Collège National des Généralistes Enseignants précisait ceci en 2016  (et rien n'a changé) :

Dans un article de synthèse (1) l’intérêt thérapeutique de la metformine, qui est le traitement de référence initial des patients DT2 est contesté.

Ce principe actif :

  • N’a jamais fait la preuve de son efficacité en termes de réduction de la morbimortalité cardiovasculaire et de la mortalité totale, ni dans un essai randomisé en double insu indemne de biais (UKPDS 34 (2) et son extension (3) ne répondaient pas à cet impératif), ni dans les méta-analyses (4, 5)
  • N’a jamais démontré son efficacité dans la prévention des complications microvasculaires cliniques spécifiques du DT2 2, 6).
  • Augmente la mortalité (RR = 1,60 ; IC95 = 1,02-2,52) quand il est associé à un sulfamide versus un sulfamide seul, résultat initialement attribué à l’aléa (2), mais qui a été confirmé dans 2 méta-analyses (4, 7).

Ces données doivent conduire à n’utiliser la metformine qu’en connaissance de cause, c’est à dire pour un ratio bénéfice/risque favorable sur la seule réduction de l’HbA1c (critère intermédiaire) avec une tolérance bien évaluée.


Bibliographie

  1. Boussageon R, Gueyffier F, Cornu C. Metformin as first line treatment for type 2 diabetes: are we sure? BMJ 2016;352:h6748 doi: 10.1136/bmj.h6748.
  2. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on complications in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34). Lancet 1998;352:854-65.
  3. Holman RR, Paul SK, Bethel MA, Matthews DR, Neil HAW. 10-year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359:1577-89.
  4. Boussageon R, Supper I, Bejan-Angoulvant T, et al. Reappraisal of metformin efficacy in the treatment of type 2 diabetes: a meta-analysis of randomized controlled trials. Plos Med 2012;9:e1001204.
  5. Stevens RJ, Ali R, Bankhead CR, et al. Cancer outcomes and all-cause mortality in adults allocated to metformin: systematic review and collaborative meta-analysis of randomised clinical trials. Diabetologia 2012;55:2593-603.
  6. Boussageon R, Gueyffier F, Cornu C. Effects of pharmacological treatments on micro and macrovascular complications of type 2 diabetes: what is the level of evidence? DiabetesMetab 2014;40:169-75.
  7. Lamanna C, Monami M, Marchionni N, et al. Effect of metformin on cardiovascular events and mortality: a meta-analysis of randomised clinical trials. DiabetesObesMetab 2011;13:221-8.

mardi 15 décembre 2020

Jour 15 des idées médicales répandues françaises et internationales non fondées sur les preuves : L'efficacité de la médecine pure et dure.

L'arrivée des vaccins Pfizer et Moderna et les promesses sur leur efficacité, soyons optimistes, va résoudre le problème de la pandémie Covid-19 comme par magie, pensent certains.

La majorité pense que ces vaccins n'empêcheront pas que pendant un certain temps (des mois, des années ?) les mesures-barrières devront continuer à être exigées. Le retour de l'hygiène qui semblait une vieille lune... 

Les deux vaccins symbolisent la médecine pure et dure, celle qui n'a que faire des facteurs qu'elle considère, et ses tenants, comme extra-médicaux : le territoire sombre et mou (comme les sciences dites molles) de la sociologie, c'est à dire cette discipline qui étudie les rapports entre les individus, la façon dont les individus se comportent entre eux, les règles, les hiérarchies, les inégalités, le niveau de richesse, le niveau d'éducation, le type de métier pratiqué, la race, le genre, et cetera.

On voit déjà que ce sont les pays riches qui vont d'abord bénéficier de la vaccination. Ils ont préempté les vaccins.

On ne sait pas quand toute la population pays riches sera vaccinée mais on sait quand la population des pays non riches ne le sera pas.

Mais il est vrai que c'est une victoire de la médecine qui, en très peu de temps, a mis au point des vaccins qui sont en cours de commercialisation.

Pendant ce temps, on va me dire que je n'ai pas le sens des priorités, des maladies sans vaccin ou avec des vaccins peu efficaces, des maladies liées à la pauvreté, à la promiscuité, au manque d'hygiène, continueront de faire mourir 1, 5 million de personnes par an de part le monde (la tuberculose) ou 410 00 par an (le paludisme). Il y a aussi des maladies avec vaccin et avec misère qui causent 140 000 morts par an (la rougeole). On espère que ce n'est pas un modèle in vivo pour la Covid-19...

La médecine pure et dure, sans services sociaux, sans accès universel aux systèmes de soin, sans hygiène, sans mesures sociales égalitaristes, a de beaux jours devant elle dans les pays développés. Mais c'est justement dans les pays développés que les structures médico-sociales sont les plus développées.

La médecine pure et dure est impuissante sans l'hygiène, les services sociaux et l'accès aux soins.